L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/Sur la foire de Venise
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume Apollinaire, Bibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour, (p. 58-59).
SUR LA FOIRE DE VENISE
Fichez-moi le camp, salopes, qu’est-ce que ce chahut ?
Toute la soirée se promener à l’Ascension,
Vêtues de robes négligées
Pour faire tressauter l’oiseau trois milles au loin ?
Étrangers, ouvrez l’œil attentivement,
Et ne vous laissez pas tromper par l’apparence ;
Sinon, chair de vache, de prime abord,
Vous paraîtra culotte de jeune veau.
Chez la Marion, la Hollandaise, la Trombettina,
Gardez-vous d’aller : ce n’est pas bonne marchandise ;
Non plus chez la Margherita, la Meneghina,
La Zane, la Schizza, l’Allemande la Cappona ;
En somme, toutes ces filles de belle mine
Sont pleines de vérole, au cul et à la moniche.
SUR LE MÊME SUJET
Qui veut goûter d’un noble passe-temps
Aille se promener le soir sur la Piazza :
Là se voit le grand monde changé en bordel,
Et le luxe et la luxure faire carnaval.
Là sont hommes et femmes tous en tas ;
Tels sont debout, tels sont assis, tels se promènent,
Tel boit son café, tel hume son sorbet,
Tel voudrait mettre son nez à toutes les femmes.
Tel veut savoir qui est celle-ci, et tel celle-là,
Qui est son cavalier et qui est son amant ;
Tel s’inquiète si elle est niaise ou accorte.
Mais il manque quelque chose à ces délices,
Et le spectacle serait beaucoup plus beau,
S’il était possible de les enfiler toutes.