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L’Air et la Vitesse/04

La bibliothèque libre.
Librairie aéronautique (p. 21-23).

IV
L’AIR NE DOIT PAS ÊTRE UN BUT, MAIS SEULEMENT UN MOYEN
L’erreur de la formule intégrale du vol. — Les restrictions d’utilisation de l’aviation. — L’air n’est qu’un moyen : le moyen d’aller très vite.


Ainsi, que l’on examine la question sous tous les angles, que l’on se place à tous les points de vue, toujours la même conclusion s’impose à l’esprit : la vitesse. C’est la vitesse qui est l’essence même de l’aviation sûre. Cette suggestion n’est, d’ailleurs, pas nouvelle, et les partisans de la vitesse sont, de jour en jour, plus nombreux. Il faut voir dans l’aéroplane un projectile à propulsion et sustentation continues, suivant une certaine trajectoire, une certaine route que le pilote peut rectifier, mais qui ne s’accommode pas des zig-zag, des virages brusques et de toutes les belles prouesses auxquelles les virtuoses de l’air se sont accoutumés.

Il faut bien déchanter de l’oiseau ; il faut renoncer à la formule intégrale du vol, il faut accepter une foule de sujétions, de restrictions, qui diminuent considérablement le côté prestigieux, mais aucunement le côté utilitaire, ainsi que nous essaierons par la suite de le démontrer.

Il faut imaginer que l’aéroplane circule sur un rail fictif, rail invisible, mais presque aussi bien défini, aussi immuable que le rail de chemin de fer. La voie aérienne s’impose, avec le départ et l’arrivée à la gare.

Déjà, la pratique de l’aéronautique a dégagé d’une façon très nette certains principes d’utilisation. Il est admis que le départ et l’arrivée s’effectuent, sauf accident ou missions guerrières très spéciales, en des lieux dénommés champs d’aviation. Mais il convient de bien distinguer les différents buts que l’on se propose d’atteindre. On peut dire que, actuellement, l’aviation comporte plusieurs branches, au moins trois :

plusieursL’aviation militaire ;
plusieursL’aviation civile sportive ;
plusieursL’aviation civile commerciale (l’épithète n’est peut-être pas très précise, mais nous n’en voyons pas d’autre qui traduise exactement notre pensée.)


La guerre a développé l’aviation d’une façon prodigieuse ; elle a trouvé là une arme extrêmement précieuse qui rend d’immenses services, sans qu’on puisse prévoir une limite autre que celle imposée par la production. Quels que soient les dangers de l’aviation en elle-même, ces dangers s’ajoutent purement et simplement aux dangers de la guerre, dans une proportion qu’il n’est pas l’heure de préciser : tous ceux qui sont directement intéressés à la question connaissent cette proportion et c’est l’essentiel.

Il faut bien convenir que les temps héroïques de l’aviation civile ne sont pas accomplis. Nul doute que l’on arrive un jour plus ou moins éloigné à obtenir une sécurité excellente ; mais l’obtention de cette sécurité est liée à l’acceptation d’une foule de restrictions dont ne peut s’accommoder le sport qui subsistera probablement mais paraît devoir rester l’Aventure.

Nous tenterons ultérieurement de faire ressortir ces restrictions comme des conditions suffisantes qui ne diminueront en rien la valeur utilitaire de l’aviation commerciale et que l’on peut poser, dès maintenant, comme des conditions nécessaires.

On a considéré jusqu’ici le problème de l’aviation en se fixant un but : voler. Inversons les données : fixons-nous comme but un mode de transport extrêmement rapide. Nous ne trouvons qu’une route libre : la voie aérienne.

Nous ne voyons qu’un moyen : l’Air.

Avant de préciser cette proposition, examinons tout d’abord les conditions auxquelles doit satisfaire la propulsion à très grande vitesse.