L’Amour absolu/IV

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Mercure de France (p. 26-27).

IV

Aotrou Doue

Comme ils le trouvèrent dans le doué, sorte de lavoir, au pays gallot, ils lui enforgèrent un nom de famille.

Et comme ils l’avaient patronymé de l’eau de son baptême, ils le baptisèrent, en langue plus antique, du jour de sa trouvaille, qui était Noël.

Nédélec (Noël, Emmanuel) Doue.

Ils, le notaire et sa femme.

Joseph le notaire et Marie sa femme.

Joseb et Varia, selon le dialecte de leur résidence, Lampaul en Bretagne.

Le notaire s’appelle-t-il Joseph parce que sa femme se prénomme Marie ? ou elle Marie parce qu’elle a épousé Me Joseb ?

Ceci n’a aucune importance.

Ils ne peuvent pas s’appeler autrement.

Ils n’appelaient ainsi de toute éternité, puisque leur parrainage déclare le petit enfant qu’ils viennent d’adopter Nédélec Doue.

Les gamins de Lampaul, devant le porche du baptême, en respect de cet homme riche et citadin, le notaire, qui crée un Monsieur par une signature, comme le peuple fait des enfants, autrement ; et qui leur sème des dragées, ce qu’ils voient de plus clair dans la génération, se désignent déjà le Fils selon le Registre :

Aotrou Doue.

C’est la première invocation de toutes les litanies.

Les gamins de Lampaul n’en pensent pas si long.

Ils disent, sans plus :

Monsieur Dieu.

Et la litanie continue, prophétesse, dans les mains jointes du livre fermé où elle est écrite :

— Ayez pitié de nous ! Aotrou Doue, o pet truez ouzomp !