L’Amour absolu/V
V
L’Étude de Me Joseb
Me Joseb…
Nous disons Me Joseb parce que dans le pays on l’appelait « M. le noutâre ».
Ceci pourrait nous dispenser de décrire sa maison, d’apprendre le panonceau extérieur et de matelasser la porte de sacristie du palier.
Mais Me Joseb était notaire à la mode de Bretagne.
Notaire y signifie généralement toute personne qui écrit.
Quand Leconte de Lisle vient à Paris, les faubourgs de Rennes conclurent qu’il avait heureusement terminé son instruction prénotariale :
— Nous irons le voir là-bas. Ousqu’est son étude ?
Par extension, notaire est la qualité naturelle de quiconque ne travaille pas manuellement, ou dont les mains s’ingénient à des ouvrages d’une futilité compliquée.
Or, Me Joseb écrivait et lisait à peine, mais il était riche à remise et écurie, et s’enfermait dans un cabinet d’oiseaux empaillés pour les mystères du découpage à la petite scie.
Il avait donc le droit, le devoir presque de n’avoir plus de cheveux sur son crâne ogival, et les lèvres rasées ; et, comme les volets d’un précieux triptyque (plus clairement, à son gré : la têtiére latérale d’un fauteuil à oreillettes), d’épanouir des favoris d’ivoire correctement égratiné.
Me Joseb était donc bien dit :
— Me Joseb.