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L’Amour absolu/VII

La bibliothèque libre.
Mercure de France (p. 35-39).
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VII

La

Ce personnage est masculin dans le grec Θάνατος, quelques interpètes latins le rendent par Orms, autre divinité infernale. J’ai cru qu’il valait mieux lui donner sa signification naturelle, quoique le nom français de Mort soit féminin. Cela ne change point le jeu ni la qualité du personnage.
Le P. Brumoy, Théâtre des Grecs

Quand il eut quatre ans, madame Joseb le conduisit tous les matins, elle-même, à la classe des Minimes du lycée de la ville.

Par une côte escarpée, praticable qu’à force de spirales, un ruisseau pavé noyau de la vis, et qu’on appelait le Roquet.

Puis, par une petite ruelle tortueuse aussi, où il s’enorgueillissait de la sûreté nouveau-née de sa marche à suivre la bordure du trottoir, lui semblant, à longer le ruisseau, côtoyer un gouffre.

Et, la porte ferrée franchie, dans le jardin fleuri qu’on disait la cour, sa solitude s’affirmait du baiser de départ de sa mère.

Vers Emmanuel, par la cour, convergeaient les autres Minimes.

Peut-être souvenir des jupes de sa mère, haleine prise pour prononcer des noms compliqués, peut-être parce qu’en effet ces petits étaient tous en robes plissées de filles, il les appelait tous, en rapportant, grossies, les aventures de la classe au couple notarial : La.

La Mecquerbac, la Zinner, la Xavier.

Et il se vautrait, pour réciter sa leçon, sur le giron de la maîtresse, car c’était une dame qui professait les Minimes.

Madame Venelle.

Il ne sut jamais si c’était son nom exactement souvenu ou la personnification de la petite ruelle quotidienne dont sa classe était l’aboutissement.

Il savait lire et écrire des assiettes, de ses hiéroglyphes (comme tous les enfants barbouillent, il dessinait des bonshommes dont étaient figurées simultanément la face et le derrière de la tête) ou de toute éternité, et ne comprit jamais pourquoi on l’envoyait subir l’enseignement de cet estuaire.

Il interpréta qu’il devait considérer comme une montrueuse de choses curieuses.

De fait, pour la commodité d’interpellation aux élèves distants ou distraits, elle s’armait d’un long brin de noisetier.

Quelque chose comme la baguette des fées.

Quand elle ne se servait ps de ce téléphone (car elle préférait corriger en tapant à bruit d’os sur les doigts avec le manche blanc de son coupe-papier, tremblant à périodes isochrones à la vibration de sa lame), elle le rejetait derrière sa chaire parmi les cahiers déchirés, coin qu’elle appelait (Emmanuel reconstruit plus tard le terme) le capharnaüm.

Il entendit, à cette première date, coffre à diorne, ce qui lui parut toujours plus clair, plus précis et plus somptueux.

Il connut vite le diornis et l’épiornis, par des gravures.

Il ne garda d’autre habitude de cette année scolaire que la manie, imitative, des coupe-papier de bois, qu’il qualifiait plus abstraitement couteaux.

Il se les faisait découper par le notaire et les ornait et perfectionnait lui-même, sans doute à l’image de la scie créatrice, vorace et vivante, admirée sur son perchoir d’acajou, de dents égoïnes et de la cambrure d’un évidement au dos, vers la pointe du mot coutelas.

Il défaillit toute une après-midi d’une douleur joyeuse, à plat-ventre devant les verges en faisceau d’une image terrifique du Père Fouettard.

Et il guetta une bonne partie d’une soirée, le bois de supplice brandi, de dessous un canapé où on le croyait endormi, son camarade Xavier, dont les parents fréquentaient chez le notaire.

Et le souvenir définitif de la classe des Minimes se schématisa en Xavier, les traits oubliés pour la substitution linéamentaire de l’X qui blanchoie, aux portails des enterrements, sous les têtes humaines des tentures :

La Mecquerbac, la Zinner, la…

La Mort.