L’Amour aux Colonies/XXXIII

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CHAPITRE IV

Perversions de l’amour dans la race Canaque.



Perversion des Popinées. — La malheureuse Popinée n’est pas une pervertie dans le sens strict du mot ; elle subit les approches de l’homme, mais ne connaît rien des épices de Vénus. Elle ignore complètement l’art de l’agenouillée, art dans lequel la Congaï est si experte. Elle n’est pas non plus Sodomite. Il est vrai que toute règle comporte des exceptions, mais je n’en ai trouvé que fort peu. Je ne puis dire si la Néo-Calédonienne éprouve, pour le culte de la Vénus à rebours, l’aversion de la Négresse du Sénégal, le nombre de Popinées qu’il m’a été donné d’interroger (avec beaucoup de difficultés) étant insuffisant pour me permettre de tirer une règle générale des quelques observations que j’ai pu faire.

Pédérastie des pubères Canaques. — Le Canaque devient pubère vers l’âge de treize à quatorze ans. Il ne peut devenir guerrier qu’à un certain âge, vers la vingtième année généralement, après une série d’épreuves qui le consacrent homme fait. Le Chef alors lui donne sa part d’une Popinée. Jusque-là, la femme est pour lui le fruit défendu. Les filles appartiennent au Chef, comme on l’a vu, et le couroux du Chef est une chose terrible. Cependant, par ci par là, le pubère accroche quelque fillette et lui effeuille sa rose.

Quant aux femmes en possession d’une escouade de maris, il ne fait guère bon s’y frotter, car on s’expose à recevoir un coup de casse-tête ; et puis, une femme surveillée par tant de maris à la fois n’est pas toujours facile à aborder. Cependant, le sens génital a des droits impérieux, de quinze à vingt ans ; aussi les jeunes pubères Canaques, élevés et instruits ensemble, suivent l’exemple des Grecs du bataillon sacré de Thèbes, et, faute de femmes, se consolent entre eux. Le peintre Cabrion, des Mystères de Paris, dirait « qu’ils font commerce d’amitié et autres. » Il arrive alors ce qui est fatal dans des agglomérations humaines à qui le sens moral manque, et le sens moral du Canaque n’est pas celui du civilisé.

D’ailleurs, il faut l’avouer à la honte de notre civilisation : malgré la surveillance la plus attentive, la pédérastie trouve un asile discret dans nos grands établissements scolaires. Si l’on fouillait dans le passé des malheureux que la pédérastie a fini par conduire en police correctionnelle, on trouverait fort probablement une enfance vicieuse et dépravée. Pour ma part, j’ai connu quelques-uns de mes amis de collège atteints de ce vice. Je n’ai pas voulu, par un sentiment de réserve, parler des débordements de l’un d’eux, officier au service de la Marine, qui s’était laissé donner en Cochinchine une réputation déplorable, à cause de son goût trop peu dissimulé pour les garçons. Je dois le dire, il avait déjà ce vice comme élève pensionnaire au collège de T…, et l’âge viril n’avait fait que redoubler la perversion de son enfance.

Caractère symptomatique de la pédérastie du Canaque. — Le caractère symptomatique de la pédérastie du Canaque est donné par cette règle : il se sert d’un homme faute d’une femme, et, quand il a une femme, abandonne ce vice. Ce n’est donc pas une passion morbide comme chez le vieux civilisé de l’Extrême-Orient, qui cultive l’amour de l’homme concurremment avec celui de la femme, et passe de l’actif au passif, avec la plus grande facilité. Chez le Canaque, c’est tout simplement un échange de bons procédés, et ces procédés sont simples et naturels, si l’on peut appliquer de telles expressions à un acte contre nature. Je veux dire que le coït anal se pratique bestialement, sans aucun de ces raffinements de volupté dans lesquels les Chinois et surtout les Annamites sont si experts. Je m’arrête sur ce sujet scabreux.

À quel âge les pubères Canaques commencent-ils à se livrer à cette perversion ? D’après quelques confidences, la chose se passerait comme dans nos établissements civilisés. Je dis nos, il faudrait mettre plutôt les, car la pédérastie est universelle en Europe, et elle a pris pied partout. Impubères, les jeunes Canaques se masturbent entre eux ; devenus pubères, après l’opération de la demi-circoncision, ils prennent alors seulement l’habitude du coït anal, à l’âge où la verge n’a pas encore tout son développement. Tous les jeunes pédérastes pubères que j’ai pu visiter portaient l’empreinte des doubles signes actifs et passifs.

Cruautés et mutilations érotiques commises par le Canaque lors de l’insurrection. — J’ai expliqué avec quelques détails, la férocité innée du Canaque. Il ne torture jamais son ennemi vivant, mais il s’acharne sur les cadavres, et les mutile érotiquement après avoir assouvi, sur les corps encore pantelants, sa luxure brutale. J’ai dit le goût que le Canaque éprouve pour la femme blanche. Ne pouvant la posséder en vie, il l’a tuée pendant l’insurrection, et son cadavre lui a servi de jouet érotique.

Viol des femmes Blanches décapitées. — Il est avéré par des témoignages nombreux que les malheureuses femmes et filles de colon, tuées pendant l’insurrection ont été décapitées, puis violées. Plusieurs ont été mangées : sinon le corps entier, du moins, les membres et les seins. Les corps que l’on a pu retrouver portaient les marques évidentes de mutilations érotiques d’une fantaisie extravagante.

Quand la guerre est déclarée et que les hostilités commencent, il est ordonné aux guerriers de s’éloigner des femmes. Le coït leur est défendu ; mais violer des femmes blanches décapitées, ce n’est pas enfreindre la défense. Le lecteur croira peut-être que j’exagère ; je demande la permission de lui mettre sous les yeux quelques citations à l’appui de ce que j’ai avancé. Voyons d’abord le récit des massacres de la Foa et de la Fonwari, par le commandant Rivière :

« Les assassinats et les incendies par les Canaques continuent dans la brousse. Les chariots en font preuve. L’un est chargé de blessés, l’autre de seize morts. La plupart des blessés sont évanouis, les autres gémissent ou délirent. Les blessures, presques toutes au crâne ou à la nuque, sont de profondes entailles de coups de hache ou de becs d’oiseau. Tous ces gens-là ont été frappés par derrière, au moment où ils ne s’y attendaient pas, par des Canaques qu’ils connaissaient. Avec les morts les sauvages se sont exaltés et divertis à des raffinements de cruauté ou de luxure. Des membres manquent, séparés du tronc par la hache. Ailleurs, il y a des ablations par le couteau ou même par les dents, ou des obstructions monstrueuses ou dérisoires par des tampons de bois. »

Malgré la réserve voulue de l’auteur, le lecteur comprendra la nature des ablations et des obstructions.

L’Arabe Béchir. — J’ai connu, peu de temps après la fin de l’insurrection, un des transportés Arabes ayant fait le métier d’éclaireur contre les Canaques. Cet Arabe, nommé Béchir, dont la conduite fut héroïque, avait été témoin oculaire des massacres de Bouloupari. Il avait demandé, comme unique récompense, d’être renvoyé en Algérie et passait son temps à écrire des placets où il racontait naïvement sa belle conduite. D’un de ces placets j’extrais les lignes suivantes, qui sont d’ailleurs également reproduites dans les Lettres d’un Marin :

« J’arrivai à Bouloupari. D’abord je me dirigeai vers la Gendarmerie ; il y avait quatre chevaux attachés à l’écurie. Près d’une voiture à fourrage, deux condamnés gisaient, baignés dans leur sang. J’allai ensuite au kiosque, où les gendarmes prennent d’habitude leur repas. À dix mètres du kiosque, le cuisinier, à plat ventre, frappé d’un coup de hache à la nuque, tenait dans ses mains crispés un plat brisé en deux. Quatre gendarmes avaient trouvé la mort au moment où ils sortaient du kiosque, sans doute pour courir aux armes. Au télégraphe, près de l’employé étendu sur la route, la face tournée vers le ciel, veillait allongé son petit chien noir. Derrière le télégraphe, la maison Kleich ; le mari, la tête fendue, la femme nue, meurtrie, avec une bouteille cassée introduite dans le ventre.

» Toujours à cheval, car je craignais d’être pris vivant, j’entrai dans le camp des transportés, assommés pêle-mêle, au moment de la sieste : deux d’entre eux avaient encore le râle de l’agonie. À la case des surveillants, l’incendie m’empêcha de compter les victimes. Chez les Mostini, tous morts : Mlle Mostini violentée, déchirée, le bas ventre ouvert jusqu’au nombril. Sa jeune sœur avait été frappée au moment où elle se réfugiait sous ce cadavre. Elle avait subi la même mutilation que sa sœur. »

L’interprète Canaque Louis. — Le Canaque Louis, interprète à bord d’un navire, et qui parlait fort bien Français, joua un rôle important dans les massacres de la Poya. Il s’y trouvait comme employé pour le compte d’un négociant Européen. Tombé amoureux de Mme V***, une blonde superbe, femme d’un colon de race Anglaise, et ne pouvant obtenir qu’elle couronnât sa flamme, il se décida à profiter du massacre des Blancs, pour satisfaire sa passion et se rendit chez Mme V***, dont il savait le mari absent, avec cinq autres Canaques. Ceux-ci commencèrent par massacrer les enfants. Mme V*** saisit alors un fusil de chasse à deux coups chargé, et tua deux des assassins. Alors l’interprète Louis lui fendit le crâne. M. V*** qui survint à cheval sur ces entrefaites, croyant qu’il ne pourrait lutter seul contre les meurtriers de sa famille, n’eut pas le courage de la venger et s’enfuit au grand galop. Le Canaque Louis satisfit alors sa passion lubrique sur le cadavre palpitant de la pauvre femme, puis les Canaques dépecèrent la victime, comme un animal de boucherie, la firent rôtir au four Canaque, et Louis mangea pour sa part le cœur et un bras. Ces faits étaient de notoriété publique à Oubatche, où Louis fut fusillé ; ils m’ont été racontés par un colon qui assista à l’exécution de l’interprète.