L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons/L’Amour et les poisons/06

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Une femme curieuse (alias )

L’ÉTHER ET LA SENSUALITÉ

L’éther a un grand défaut. Il est indiscret. Si l’on en prend, il faut que votre femme de chambre, votre concierge et tous vos amis sachent que vous avez pris de l’éther.

Mais Irène D… prétend qu’il a une grande qualité. En l’espace de trois secondes, même si l’on est fatigué, même si l’on est triste, il fait naître en vous un génie sensuel qui vous anime durant presque une heure.

— Pour prendre de l’éther avec agrément, me disait Irène, il y a plusieurs conditions indispensables. Il ne convient pas d’avoir de vêtements, car il faut que tout l’être s’imprègne d’éther, et si l’on a eu le soin de mettre ses vêtements dans la pièce voisine, on évite ainsi qu’ils ne transportent le parfum dénonciateur. Ensuite, il faut être couché et il faut être deux. Quand ces conditions sont remplies, l’éther développe une merveilleuse sensualité.

On aurait pu répondre à Irène que dans une telle situation le même effet pouvait se produire sans que l’on prenne d’éther et que c’était même ce qui arrivait en général.

Mais Irène était un être déplorablement froid par nature et c’est ce qui l’a poussée à abuser de l’éther et de la cocaïne, qui eurent sur elle une déplorable action et la vieillirent avant l’âge.

Je l’avais connue fraîche, les yeux clairs, pleine d’activité et de vie. Après l’avoir perdue de vue quelque temps, je la retrouvai, séchée, jaunie, lassée de tout, avec seulement dans les yeux un petit éclair brillant qui était la trace du désir qui veillait toujours en elle.

Car tout excès dans cet ordre est néfaste. C’est en nous-même qu’est la plus grande caresse. La plus magique sensualité est celle que notre imagination fait naître par l’évocation d’un souvenir, une pensée que l’on ajoute à la réalité. Nous ne croyons pas être maîtresse de cette puissance inconnue et cependant par notre volonté nous pouvons tarir en nous le désir ou l’éveiller à notre gré.

Mais ce qu’il y a de plus doux est de s’abandonner à ce mystère imprévu qui fait jaillir la volupté de nous comme une étincelle jaillit d’une pierre par un choc. C’est folie de fixer une certaine heure pour que la flamme brûle, de donner rendez-vous au plaisir.

La plus grande joie sensuelle est celle qui résulte de la sympathie du cœur et il n’y a pas de lèvres plus voluptueuses que celles qui ont su dire des paroles tendres avant les paroles passionnées.