L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons/L’Amour et les poisons/07

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Une femme curieuse (alias )

LES SNOBS DES POISONS

Rien n’est plus odieux que cette catégorie d’hommes qui se vantent à tout propos de fumer de l’opium, qui tirent vanité de priser de la cocaïne. C’est la pire espèce de snobs.

Paul G…, par exemple, un peintre qui aurait pu avoir du talent et qui était un homme charmant, est à présent infréquentable parce qu’il est devenu un monomane des poisons.

Si on lui demande pourquoi il semble fatigué, son visage s’éclaire, il se redresse avec orgueil et il déclare qu’il a fumé toute la nuit. Il énumère sans cesse les doses énormes de morphine qu’il prend, raconte que plusieurs fois il a failli en mourir et parfois même tire de sa poche une seringue dont il se pique devant vous. Il croit avoir par là, à vos yeux, un inestimable prestige quand au contraire il vous remplit de dégoût. Chose plus terrible, il aspire aussi à vous piquer et il n’y a pas de présent qu’il ne fasse avec plus de joie que celui de la seringue de Pravaz. Il en est arrivé à piquer son chat tant cette obsession de faire partager ses sensations est grande chez lui.

Paul G… est un détestable monomane.

Il faut aussi éloigner les hommes qui espèrent vous séduire par la promesse de paradis artificiels qu’ils vous révéleront, qui, dès qu’ils font votre connaissance, se hâtent de décrire les troublantes fumeries qu’ils ont chez eux et escomptent votre ignorance et votre curiosité pour vous amener dans leurs bras.

Ceux qui promettent le paradis ne vous amènent en général guère plus loin que dans un prosaïque purgatoire. Ce sont des naïfs et des maladroits. Il faut l’être pour conduire à l’amour par des sentiers aussi détournés quand il y a des routes aussi droites et aussi belles.