L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons/L’Art de séduire les hommes/35

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Une femme curieuse (alias )

LE GOÛT DE LA TRAHISON

La plus grande faiblesse des femmes est leur facilité à trahir.

Nous avons en nous une mystérieuse impossibilité à être fidèle aux êtres qui nous sont chers ; je ne veux pas dire au point de vue de l’amour, car il existe des femmes qui, soit par absence de tempérament, soit par absence de curiosité, soit par stupidité, soit par intelligence, — selon les cas, — demeurent fidèles à leur époux.

Même quand nous aimons un homme, que nous le lui prouvons et que, physiquement, nous sommes irréprochables à son égard, nous ne pouvons nous empêcher de trahir ses secrets, de contredire sa pensée qui est la nôtre. Nous nous plaignons de lui. Il n’est pas assez doux, il n’est pas assez tendre, nous exagérons à dessein ce qu’il a pu nous faire de mal, pour mieux faire ressortir une tyrannie que nous ne subissons pas. Nous inventons sans raison des griefs, nous nous donnons comme des victimes. Et pourtant nous l’aimons.

L’amie décrie volontiers son amie. Si elle lui reconnaît des qualités de cœur, elle rit de ses toilettes sans goût, de sa naïveté, de sa crédulité à l’égard d’un mari qui la trompe avec tout le monde, elle se plaint de son avarice. Pourtant elle a de l’amitié pour son amie.

La bonne la plus fidèle dit aux autres hommes que nous portons une perruque, que notre linge est mal tenu, et si on lui a confié un jour une lettre dont l’envoi doit demeurer ignoré, elle en copie avec soin l’adresse pour être en mesure de la dire à qui voudra l’entendre le lendemain. Et pourtant c’est une bonne fidèle.

Une foule d’hommes ne tirent le mérite de leur nature que d’une solide fidélité. Beaucoup qui sont stupides se cramponnent à une idée avec un aveugle entêtement qui leur tient lieu de volonté et bénéficient du prestige que l’on acquiert en défendant toujours la même idée. D’autres sont susceptibles de défendre leurs amis jusqu’au bout et même dans leurs erreurs. Aucun d’eux, s’il aime, ne saurait trouver en lui une parole de réprobation pour celle qu’il aime.

Qu’une femme serait forte qui s’abriterait derrière quelques idées, quelques amitiés, un amour, et qui aurait le courage de les défendre sans faiblesse et sans restriction !

Mais comme il est difficile de ne pas déchirer à certaines heures ce qu’on adore à d’autres !