L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons/L’Art de séduire les hommes/37

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Une femme curieuse (alias )

LE BONHEUR ET LA VOLUPTÉ

Il n’y a de vrai bonheur que dans l’amour.

À travers les déceptions, les rancunes, les rêves, c’est vers lui que nous tendons éperdument les bras.

Les hommes nous trompent, nous humilient, nous font souffrir, nous le savons et pourtant nous croyons leurs yeux qui mentent, nous courbons la tête sous leurs mots blessants, nous pleurons de leur abandon.

Nous avons beau nous cuirasser contre la vie, jurer que nous n’aimerons plus, nous aspirons à poser tendrement notre tête au creux d’une ferme épaule.

À peine sommes-nous éveillées à la lumière de nos quinze ans que déjà, dans nos yeux de jeunes fille, brûle le reflet de la petite flamme qui doit nous consumer. Nous appelons de tous nos vœux celui qui nous comprendra et qui nous aimera, le cher double avec lequel nous formerons le groupe parfait.

Mais quand nous croyons avoir rencontré ce double, nous femmes, quand nous le choisissons, il ne nous est pas permis de nous tromper. Et si nous commettons une erreur, nous devons passer notre vie sans tendresse et sans volupté.

Non, il n’est pas possible que les lèvres brûlantes, les bras qui veulent étreindre, la peau au grain pur demeurent vainement auprès d’un compagnon qui ne donne pas le bonheur.

La beauté est créée pour se réaliser. Nous avons le droit de chercher notre époux ou notre amant parmi les hommes, le droit de le reconnaître, de l’élire et de le charmer.

Ce qu’il y a de merveilleux dans les vierges, ce n’est pas la noblesse de leur chasteté, mais la promesse d’amour qu’elles révèlent.

Ce qu’il y a de merveilleux dans les femmes amoureuses, ce n’est pas la grandeur de la fidélité, mais le rayonnement d’amour qu’elles dégagent.

Ô grâce du corps, forme qui émerge le matin des draps et que le premier soleil teint d’un rose exquis, urne charnelle dont l’anse est un cou fragile et qui repose sur de minces chevilles, cause et effet de la volupté, nul ne doit vous priver de cette volupté !

Chair frémissante, reins creusés, bouche meurtrie par les baisers, cernure des yeux, mouvements des seins gonflés de soupirs, il n’y a pas de péchés en vous, vous méritez autant d’admiration que l’âme dont vous êtes l’expression.

Il n’est pas vrai que tu sois maudit, svelte élan du corps qui s’offre aux caresses ! forme féminine avide d’amour, tu ne dois pas être cachée, tes mouvements les plus voluptueux ne sont pas défendus !

Ils sont insensés ceux qui se cachent le visage devant toi, ils sont criminels ceux qui veulent jeter un voile sur ta beauté.

C’est la honte des temps, ô formes amoureuses, que vous soyez obligées de vous glisser furtivement dans les entresols, que vous cachiez vos baisers derrière les stores des voitures, que vous soyez entourées de la malédiction des gens honnêtes.

Ruisselante chevelure de la jeune fille, quand pourras-tu, sans scandale, couler sur la fenêtre de la chambre ? Sans vous baisser hypocritement, quand pourrez-vous, beaux yeux clairs, désirer l’amour ?