L’Autre (Sand)/Acte I

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Michel Lévy frères (p. 16-44).
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ACTE PREMIER


Un salon gai, largement éclairé par trois portes-fenêtres au fond, ouvertes et donnant sur une véranda d’où l’on voit la mer entre les montagnes. — Au bord de la terrasse, un palmier et des aloès se détachant sur le fond. — À droite, premier plan, une porte conduit dans un boudoir. — À gauche, même plan, une porte conduit à la salle à manger et aux appartements de l’intérieur. — Un piano, une grande table, un grand fauteuil, des jardinières pleines de fleurs, intérieur confortable, sans éclat ni prétention.






Scène PREMIÈRE


MICHELIN, JEANNE.
MICHELIN, sur le seuil de la salle à manger.

Combien de couverts pour le dîner, mademoiselle Jeanne ?

JEANNE, qui arrange les fleurs.

Attendez, Michelin : Monsieur Marcus.

MICHELIN, écrivant les noms sur un carnet.

Le petit-neveu de madame, ça va sans dire.

JEANNE.

Monsieur Barthez et Monsieur Pons.

MICHELIN.

Le notaire et le médecin… nous disons trois.

JEANNE.

Monsieur Castel et son neveu.

MICHELIN.

Le maître de musique et le précepteur : c’est l’habitude. Après ?

JEANNE.

Voilà tout ; avec madame la comtesse et sa petite-fille : sept couverts.

MICHELIN.

Sept couverts seulement pour un jour de fête ? l’anniversaire, le vingtième anniversaire de mademoiselle Hélène ? Excepté monsieur Marcus, qui est aussi un Mérangis, ces dames n’auront pas aujourd’hui un seul nom à leur table !

JEANNE.

Il faut en prendre votre parti, monsieur Michelin ; madame de Maleval a son rhumatisme, elle ne viendra pas ; son mari et son fils sont allés, avec monsieur de Fourvières, à Marseille, pour cette affaire qui inquiète tant de personnes dans le pays.

MICHELIN.

Ah ! oui, la grande faillite ! J’ai entendu parler de ça. Ça m’est égal, je n’ai rien placé là dedans. Alors, sept couverts ! (Fausse sortie.) N’allez pas croire, mademoiselle Jeanne, que je méprise les personnes. Monsieur Barthez est un notaire respectable, il a ma confiance. Le docteur est l’ami de la famille, il me soigne très-bien. Monsieur Césaire Castel est un jeune savant qui a fait l’éducation des deux enfants de la maison, on lui doit des égards ; mais son oncle, le musicien, vous m’avouerez, mademoiselle Jeanne, qu’il manque de circonspection.

JEANNE.

Mais il est si dévoué à madame !

MICHELIN.

Et puis madame aime la musique et l’entend encore fort bien. Moi aussi, j’aime la musique. Tout ce que j’en dis… Mais voilà M. Césaire avec des livres… (À part, en s’en allant.) Encore des livres ! Avec ça qu’il ne veut pas qu’on les range ! Il sort par la salle à manger.




Scène II


JEANNE, CÉSAIRE.


CÉSAIRE, qui est entré, portant des livres, une boîte à violon, un cahier, un petit tableau encadré.

Bonjour, mademoiselle Jeanne.

JEANNE, qui l’aide à se débarrasser.

Vous venez seul ?

CÉSAIRE.

Non, voilà le violon ; mon oncle viendra pour accompagner Hélène au piano. Tenez ! voilà le pastel qu’elle m’avait chargé de faire encadrer. Ce n’est pas mal, n’est-ce pas, ce petit cadre dont les ornements rappellent un peu les hiéroglyphes ? C’est moi qui en ai donné le dessin.

JEANNE.

Moi, je trouve que ça ne va guère avec un portrait moderne.

CÉSAIRE.

Pourtant, les hiéroglyphes… ça va avec tout, je trouve !

JEANNE.

Si monsieur Marcus était là, il dirait que c’est votre toquade du moment ; l’année dernière, c’étaient les druides, vous étiez celtique de la tête aux pieds ; l’année prochaine, qu’est-ce que ce sera ?… Pourquoi me regardez-vous ?

CÉSAIRE.

Parce que vous n’avez jamais l’air si bon et si aimable que quand vous vous moquez de moi ! Vous rendez bien Hélène un peu railleuse aussi…

JEANNE.

Perdez donc l’habitude de dire Hélène ! Vous voyez toujours en elle une enfant, et la voilà bientôt majeure.

CÉSAIRE.

C’est juste, Jeanne… mademoiselle Jeanne ! vous seule avez le droit… je dirai comme vous voudrez… Je suis venu de bonne heure, parce que c’est jeudi…

JEANNE.

Mon cher ami, vous croyez distraire et amuser mademoiselle avec vos antiquités. Elle aime l’étude, mais pas jusqu’à la manie. J’ai bien peur qu’elle ne travaille plus avec vous que par complaisance pour vous. Dans tous les cas, elle ne travaillera pas aujourd’hui. Elle a été avec sa grand’mère à Antibes. Rangez vos livres.

CÉSAIRE, qui éparpille ses livres sur toute la table.

Oui, oui, c’est ce que je fais. Mais ne croyez pas que j’ennuie Hélène. Je résume pour elle avec un soin… Si j’apporte tous les livres où j’ai puisé, c’est pour qu’elle puisse vérifier. Elle n’est pas tenue de me croire sur parole… Vous vous en allez déjà ? J’avais tant de choses à vous dire, et voilà que je ne sais plus…

JEANNE.

Vous me le direz plus tard. Il faut que je m’occupe du dessert.

CÉSAIRE.

Ah ! si fait, tenez, une bonne nouvelle ! Monsieur le docteur Maxwell est arrivé d’Angleterre cette nuit.

JEANNE, inquiète.

Vous l’avez vu ? Il vient plus tôt que les autres années.

CÉSAIRE.

Je l’ai vu ce matin en passant devant sa villa. Je lui ai parlé. Il va venir aujourd’hui ; Hélène sera contente !… Vous pensez que non ?

JEANNE.

Vous ne savez pas ce que je pense, Césaire ; je ne dis rien du tout.

CÉSAIRE.

Justement ! Quand vous voyez monsieur Maxwell ou qu’on vous parle de lui, vous avez toujours l’air mystérieux que les anciens prêtaient à la déesse Isis.

JEANNE.

S’il y a un personnage mystérieux, ce n’est pas moi, c’est lui.

CÉSAIRE.

Comment un homme d’une si grande renommée pourrait-il être mystérieux ?

JEANNE.

Vous ne trouvez pas singulier qu’étant si riche, si occupé, si recherché, dit-on, dans son pays, il vienne s’enterrer, seul, tous les hivers, depuis trois ans, dans l’habitation la plus isolée et le coin le plus désert de la Provence ?

CÉSAIRE.

Je ne comprendrais pas qu’un homme de ce mérite n’aimât pas à se retremper dans la solitude. Quel plus beau pays, quelle plus douce saison pourrait-il choisir pour se reposer de ses fatigues de l’année ? Hélène ne partage pas vos méfiances, Jeanne ! Pardon ! mademoiselle Jeanne !

JEANNE.

Mais ce n’est pas moi que je vous dis d’appeler mademoiselle : c’est Hélène.

CÉSAIRE.

Ah oui ! Hélène ! très-bien, pardon ! Je dis qu’elle apprécie cet homme dévoué, charitable, séduisant… Que craignez-vous donc de lui ?

JEANNE.

Rien ; mais, quand elle le revoit, c’est une émotion pour elle, son rêve d’Écosse lui revient.

CÉSAIRE.

Parce que M. Maxwell est de ce pays-là ? Eh bien, cette liaison d’idées s’explique. Qu’importe, d’ailleurs ? Hélène se souvient si peu de sa mère !

JEANNE.

Elle ne s’en souvient pas du tout.

CÉSAIRE.

Alors, ses rêves n’ont rien de triste.

JEANNE, à part.

Ils sont affreux, au contraire ! Mais, le voici, monsieur Maxwell !




Scène III


Les Mêmes, MAXWELL.


MAXWELL.

Votre serviteur, mademoiselle Jeanne. Je me réjouis de vous retrouver toujours aussi fraîche et aussi belle.

CÉSAIRE, touché

Ah ! n’est-ce pas, que mademoiselle Jeanne… ?

JEANNE.

Eh bien, Césaire, vous allez me faire des compliments, à présent ? (Césaire est troublé. À Maxwell.) Vous avez fait un bon voyage, monsieur ?

MAXWELL.

Le voyage qui me ramène ici me paraît toujours heureux.

JEANNE.

Vous aimez beaucoup nos montagnes nues ? vous devriez préférer vos belles bruyères.

MAXWELL.

Vous ne les avez point oubliées ?

JEANNE, avec intention.

Je n’ai rien oublié de ce pays-là.

MAXWELL.

Vous n’avez pourtant fait que le traverser, il y a bien longtemps.

JEANNE.

Il y a maintenant quatorze ans… Vous m’avez dit qu’à cette époque-là, vous n’étiez pas en Écosse…

MAXWELL.

J’ai quitté mon pays fort jeune.

JEANNE.

Vous êtes, en effet, très-jeune encore.

MAXWELL, avec un sourire forcé.

Vous trouvez, mademoiselle Jeanne ?

JEANNE, bas, à Césaire.

Il élude toujours !

CÉSAIRE, bas, à Jeanne.

Il élude quoi ? (Haut.) Que cherchez-vous ?

JEANNE, haut.

Le portrait ! je le tenais tout à l’heure, et vous l’avez déjà enfoui sous vos livres. Ah ! le voilà !

JEANNE, présentant le portrait à Maxwell.

Vous savez ce que c’est ?

MAXWELL, maître de lui.

C’est l’ouvrage de mademoiselle de Mérangis ?

CÉSAIRE.

C’est la copie agrandie, ou plutôt la traduction d’une miniature que sa pauvre mère lui a envoyée en mourant, bien peu de temps après avoir confié à Jeanne cette enfant qu’elle a élevée avec tant d’amour et qui nous est si chère. N’est-ce pas, monsieur Maxwell, qu’elle fait tout ce qu’elle veut ? Regardez, regardez ! Vous êtes un fin connaisseur, vous, et elle aime à vous consulter. Regardez aussi l’encadrement ! c’est moi qui en ai donné le dessin.

JEANNE, à Maxwell.

Regardez quel triste et doux visage ! et comme il ressemble ! ne trouvez-vous pas ?

MAXWELL, un peu sévère.

Comment le saurais-je ?… (Il regarde le portrait.) Mademoiselle Hélène a vraiment du talent !

JEANNE, à part.

Comme il est maître de lui ! Est-ce que je me suis trompée ? (Fausse sortie en le regardant jusqu’à ce qu’elle le voie baiser le portrait à la dérobée.) Ah !




Scène IV


CÉSAIRE, MAXWELL.


MAXWELL.

Dites-moi, mon cher Césaire… (Césaire, qui s’est plongé dans un livre, relève la tête.) Nous n’avons pu échanger que quelques mots, ce matin ; mademoiselle Hélène ne se marie donc pas ? Est-ce que vous soupçonnez toujours le petit cousin Marcus d’être secrètement préféré ?

CÉSAIRE.

Monsieur, c’est une énigme à dérouter un sphinx que la tête d’une femme, et le cœur d’une jeune fille est un labyrinthe d’où Thésée ne fût certainement pas sorti. Mademoiselle Hélène est une personne supérieure, dont la sagesse et la compréhension m’étonnent toujours. Eh bien, il me semble parfois qu’elle éprouve les mêmes ennuis, les mêmes agitations qu’une personne ordinaire ; et, dès lors, si elle doit aimer quelqu’un, il est si naturel que Marcus, son parent, son compagnon d’enfance, celui que, tout en la laissant libre de choisir, sa grand’mère lui a toujours destiné…

MAXWELL, un peu brusque.

Vous êtes tous trop habitués à Marcus, vous ne le connaissez plus ; je l’observe, moi ! Il est froid et frivole.

CÉSAIRE.

Permettez ! frivole, non ; ce n’est là que la surface… Froid… il n’est peut-être que gauche. Il ne comprend pas d’emblée les choses difficiles. Il craint un peu la peine, il n’a jamais connu ça, lui ! Ce n’est pas un cerveau prime-sautier comme celui d’Hélène, qui, par vaillance naturelle, franchirait des abîmes… Elle rêve peut-être un paladin de l’Arioste. Vous me l’avez un peu gâtée, un peu exaltée, vous !

MAXWELL.

Moi ?

CÉSAIRE.

Dame ! vous aimez les choses sublimes et vous en parlez avec un sentiment qui fait qu’on est sous le charme ; mais les tempéraments héroïques, monsieur, sont bien rares depuis les temps fabuleux, et mademoiselle Jeanne est d’avis qu’Hélène devrait rabattre un peu de son idéal.

MAXWELL.

Et c’est parce que Jeanne le croit, que vous le croyez aussi.

CÉSAIRE, ingénument.

Dame !…

MAXWELL.

Croyez-en plutôt, mon cher Césaire, l’expérience d’un homme qui a plus vécu à lui seul, que les hôtes de cette maison tous ensemble. Il faut qu’une femme puisse aimer sérieusement son mari, ou l’estimer sans réserve, pour rester invulnérable aux dangers de la vie.

CÉSAIRE.

Pardon ! je n’accepte pas cette morale-là, moi ! l’amour du devoir suffit à tout.

MAXWELL.

Et le bonheur de la femme, vous le comptez pour rien ?

CÉSAIRE, s’animant.

Pardon ! mais je le place dans le triomphe de sa vertu ; et je dis qu’aucun membre de la société, à quelque sexe qu’il appartienne, n’a le droit d’être heureux à tout prix. C’est avec cette soif aveugle que l’on tombe d’un malheur dans un pire et d’un hymen sans joie dans un abîme sans fond, l’ivresse qu’on expie !

MAXWELL, ému.

Vous avez raison, Césaire ! Vous êtes un homme de bien, et vous donnez à Hélène d’excellents conseils… Mais ce n’est pas tout que d’armer une jeune âme ; pour ces combats sublimes, il faut lui choisir le terrain favorable.

CÉSAIRE.

Pourtant… Mais voici Hélène.




Scène V


Les Mêmes, HÉLÈNE.


HÉLÈNE, venant par la terrasse.

Quelle bonne surprise !… (Elle tend les mains à Maxwell, qui les lui baise avec émotion.) Vous arrivez juste pour mon anniversaire !

MAXWELL.

Vous croyez que c’est par hasard ?

HÉLÈNE.

Césaire, allez donc aider ma bonne maman à monter chez elle.

CÉSAIRE, lui présentant un bouquet qu’elle ne songe pas à prendre.

Oui, Hélène… oui, ma…mad… ma chère Hélène.

Césaire sort après avoir mis son bouquet sur la cheminée.
HÉLÈNE.

Moi, en apprenant que vous étiez ici, je l’ai laissée au bras de Jeanne. J’étais pressée de vous voir, de vous voir seul.

MAXWELL.

Je sais que sa santé vous inquiète.

HÉLÈNE.

Ce n’est pas qu’elle soit malade. C’est un déclin rapide comme si la vie était usée et s’en allait sans secousse ; sa vue est bien plus affaiblie que l’année dernière. Par moments, elle entend, et puis, à la suite de syncopes qui nous effrayent, elle n’entend plus, ou ne parle plus, sa mémoire s’éteint ou s’égare.

MAXWELL.

Ce n’est pourtant pas précisément l’âge de ce déclin !

HÉLÈNE.

Elle a tant souffert dans sa vie !

MAXWELL.

Oui, dès sa jeunesse ; tout le monde le sait, son mari…

HÉLÈNE.

Et son fils, toujours absent, ne l’a pas consolée ! Enfin les années lui ont compté double.

MAXWELL.

Mais vous avez tout remplacé, et, d’ailleurs, elle a une grande force morale ; j’aime mieux la croire malade qu’épuisée… Je la verrai ce soir.

HÉLÈNE.

Oh !… Vous n’allez pas dîner avec nous ?

MAXWELL.

Impossible ! j’attends mon courrier. J’aurai peut-être à répondre ; je cours chez moi, mais, après…

HÉLÈNE.

Bien sûr ?

MAXWELL, tendrement.

Vous en doutez ?

HÉLÈNE.

Que vous êtes bon ! Vous me regardez ? vous me trouvez changée ?

MAXWELL, attendri.

Oui, embellie encore !

HÉLÈNE C’est étonnant, je suis pourtant vieillie intérieurement.

MAXWELL.

Seriez-vous moins heureuse !

HÉLÈNE.

Je suis moins imprévoyante. Je commence à croire qu’on peut perdre les êtres que l’on aime, qu’on peut avoir des ennemis.

MAXWELL, attentif.

Des ennemis ? Vous pensez…

HÉLÈNE.

Je pense souvent à cette femme que mon père a épousée si vite après la mort de ma pauvre mère… Nous étions encore en deuil, ici ! Cette personne est cause qu’il m’a pour toujours, oubliée ; jamais il n’a daigné tracer mon nom dans les lettres qu’il écrit à ma grand’mère.

MAXWELL.

Une seule fois, il y a trois ans, pour l’engager à vous faire religieuse.

HÉLÈNE.

Oui, vous vous souvenez ? C’est l’époque où vous êtes venu vous établir auprès de nous, et vous nous avez dit que j’avais tellement besoin de liberté, qu’enfermée dans un couvent, je mourrais. Ma grand’mère s’est donc refusée à m’y mettre, et depuis ce moment-là, il ne lui a plus écrit, comme s’il était mécontent d’elle. Et elle a souffert pour moi, ma bonne mère ; car, je le devine bien, à présent, c’est pour ne pas me voir, c’est pour ne pas me connaître qu’il n’est jamais revenu ici. Nous savons pourtant qu’il a quitté la marine active, et ne peut plus prétexter les voyages.

MAXWELL.

Et vous vous affectez de son indifférence ? vous craignez son aversion ?

HÉLÈNE.

Un père peut-il haïr ? C’est sa femme qui l’éloigne de moi. Elle croit que c’est son droit ! Elle lui a donné d’autres enfants, des garçons dont il est fier, que j’aurais aimés, moi, si l’on m’eût permis de les connaître. Vous ne les connaissez pas ?

MAXWELL.

Non.

HÉLÈNE.

Vous n’avez pas rencontré mon père ?

MAXWELL, vivement.

Je ne le connais pas.

HÉLÈNE.

Je sais bien ; mais, durant ce dernier séjour que vous venez de faire à Londres, vous auriez pu, par hasard…

MAXWELL.

Je crois qu’il n’y vient jamais. N’est-il pas fixé à Édimbourg ? Enfin, vous appréhendez…

HÉLÈNE.

Une chose terrible ! Je crains que ma grand’mère ne meure sans l’avoir revu !

MAXWELL, attentif.

Vous n’avez pas ouï dire qu’il fût malade ?

HÉLÈNE.

Non ; mais, si je le perdais, j’aurais à pleurer cette longue douleur de ma grand’mère, dont j’aurais été la cause et qui aurait peut-être abrégé sa vie.

MAXWELL.

Nous la ferons vivre, mademoiselle Hélène ! Le bon vieux docteur Pons la voit toujours ?

HÉLÈNE.

Oh ! lui, c’est le médecin Tant-Pis, et, quand on espère si peu, on n’agit pas assez.

MAXWELL.

C’est un homme de savoir et d’expérience, mais un peu matérialiste. Il parle toujours de la nature comme si l’esprit n’en faisait point partie. Moi, je crois que l’âme gouverne, et j’attends toujours d’elle de grands efforts, surtout quand elle est grande !

HÉLÈNE.

Aussi, quand vous êtes là, près de nous, je me sens revivre. Vous n’avez jamais dû perdre les malades qui vous étaient chers ?

MAXWELL.

Hélas ! j’ai perdu une personne qui m’était plus chère que moi-même !

HÉLÈNE.

Alors, c’est qu’elle a voulu mourir ?

MAXWELL, douloureusement.

Cela arrive quelquefois, Hélène !

HÉLÈNE.

On dit que les vieillards se lassent de vivre et qu’ils s’en vont par besoin de repos ; ma bonne maman si aimante, ne veut pas nous quitter, j’en suis bien sûre !

MAXWELL.

Il ne faut pas qu’elle nous quitte ! (Lui baisant la main.) À ce soir… Peut-être me parlerez-vous de Marcus ?

HÉLÈNE.

Pourquoi ? Il n’éprouve pas le besoin qu’on s’occupe de lui !

MAXWELL, avec un mouvement de satisfaction.

Vraiment ?… Il sort. Jeanne et Césaire sont entrés et ont entendu les dernières répliques.




Scène VI


HÉLÈNE, CÉSAIRE, JEANNE.


JEANNE.

Vous voilà encore dans vos bouderies contre Marcus ! il vient d’arriver. Il est auprès de votre bonne-maman.

HÉLÈNE, un peu émue.

Ah ! il est là ?

CÉSAIRE, souriant.

Cela ne vous contrarie pas, j’imagine ?

HÉLÈNE.

Ça m’est bien égal ! (À Jeanne.) Mais, s’il vient me déranger pendant ma leçon, tu te chargeras de le faire tenir tranquille avec un livre d’images.

JEANNE.

Comme quand il avait dix ans !

HÉLÈNE.

Dans ce temps-là, il aimait les petits soldats ; à présent, il préfère les petites dames du Journal des Modes.

CÉSAIRE.

Qu’importe, s’il ne les aime qu’en peinture ?

HÉLÈNE.

Je ne sais trop de quoi vous vous mêlez, Césaire !

CÉSAIRE, surpris.

Le mot est un peu dur ! vous avez de l’ennui ? Voulez-vous jeter les yeux sur un petit abrégé, vraiment agréable, que j’ai fait pour vous ? C’est l’histoire des soixante-seize pharaons de la quatorzième dynastie, depuis l’an 3004 avant notre ère, jusqu’à…

HÉLÈNE.

Cela doit être charmant, mon cher ami, mais… vos notes sont quelquefois bizarres et je vous remercie ; je ne vous lirai pas aujourd’hui.

CÉSAIRE, bas, à Jeanne.

Qu’a-t-elle donc ? elle est malade ! Jamais elle ne m’a parlé avec cette aigreur… et mes notes ne sont point bizarres, je proteste !

JEANNE, bas, à Césaire.

Laissez-moi avec elle. Il y a quelque chose certainement. Il faut que je le sache.

CÉSAIRE, en sortant.

Bizarres ! bizarres ! comme professeur, j’ai le droit de protester et mes notes ne sont point bizarres… l’histoire égyptienne n’a rien de bizarre… Je proteste !

Il sort.




Scène VII


HÉLÈNE, JEANNE.


JEANNE.

Pourquoi maltraitez-vous ainsi votre bon Césaire, aujourd’hui ?

HÉLÈNE.

Pourquoi ? parce que je suis furieuse ! Tiens ! vois les jolies notes qu’il oublie dans ses livres.

Elle donne une lettre à Jeanne.
JEANNE.

Qu’est-ce que c’est que ça ? Une déclaration ?

HÉLÈNE.

Tu vois bien.

JEANNE.

Oui, mais c’est pour moi !

HÉLÈNE.

Tu es sûre ?

JEANNE.

Voulez-vous voir ? j’en ai d’autres dans ma poche, en style également sublime. Il est distrait, il croit les brûler et le vent les promène dans toute la maison. Vous riez ?

HÉLÈNE.

Je ris de ma colère ! Mais je suis bien contente, va ! Ce cher Césaire ! Il t’aime ! il a bien raison… Je cours l’embrasser, lui dire que les pharaons sont mes meilleurs amis et que je veux vous marier…

JEANNE.

Pas encore.

HÉLÈNE.

Tu ne l’aimes donc pas ? Tu as bien tort !

JEANNE.

Je l’aime beaucoup, mais il y a une personne que je préfère.

HÉLÈNE.

Ah ! qui donc ?

JEANNE.

Vous ! Il n’y a que votre avenir qui m’intéresse. Le mien sera toujours à mon gré si je vous vois heureuse, et si je reste près de vous. Césaire est trop dévoué pour ne pas comprendre cela et trop raisonnable pour en être jaloux.

HÉLÈNE.

Tu te trompes ou tu veux me tromper : l’amour n’est pas si peu de chose que cela ! Tu le dédaignes, toi qui l’inspires, et moi qui l’ai quelquefois rêvé, je ne le rencontrerai pas !

JEANNE.

C’est monsieur Maxwell qui vous met cette belle idée dans la tête ?

HÉLÈNE.

Oh ! celui-là, tu en es jalouse ! tu t’imagines que je suis éprise de lui !

JEANNE, vivement.

Vous vous trompez, je n’imagine point cela.

HÉLÈNE.

Tu aurais grand tort ; jamais cette idée-là ne me viendrait. On serait heureuse d’être la sœur d’un homme si pur et si affectueux, mais sa femme, non ! Il a trop aimé, il n’aimera plus.

JEANNE.

Est-ce qu’il vous parle de son passé, à vous ?

HÉLÈNE.

Jamais. Et c’est le soin qu’il prend de ne jamais se laisser pénétrer qui me fait croire à une jeunesse douloureuse, tragique peut-être ! C’est cela qui m’intéresse à lui et qui met une sorte de tendresse dans le respect qu’il m’inspire.

JEANNE.

Toujours le roman !

HÉLÈNE.

Vas-tu dire comme Marcus ! Il ne peut pas souffrir monsieur Maxwell.

JEANNE.

Il en est peut-être jaloux ?

HÉLÈNE.

Marcus jaloux ? quelle plaisanterie !

JEANNE, regardant au fond.

Le voilà qui vous cherche. Je retourne auprès de madame.

HÉLÈNE.

J’y vais avec toi !…

JEANNE.

Pourquoi ces caprices, à présent ? Enfants, vous étiez inséparables, vous vous amusiez si bien ! Et quand vous n’êtes pas fantasques, vous avez encore ensemble de ces bons rires qui réjouissent l’oreille de la bonne-maman.

HÉLÈNE.

Et qui me rendent plus triste, moi, quand il est parti. Il y a entre lui et moi beaucoup de souvenirs gais, nous n’avons pas un souvenir tendre ! (Tristement.) Allons ! je vais beaucoup rire, sois contente !

Jeanne sort.




Scène VIII


MARCUS, HÉLÈNE.


MARCUS, lui présentant un bouquet.

C’est ta vingt et unième année qui commence ! Je te la souhaite bonne et heureuse. Elle lui tend ses deux joues. Il l’embrasse froidement.

HÉLÈNE.

Merci ! voilà de belles fleurs de montagne ! (À part.) Qu’il n’a certes pas cueillies lui-même ! (Haut.) On ne t’a pas vu depuis longtemps ; tu t’es donc bien amusé à la ville ?

MARCUS.

Je ne sais pas si je me suis amusé ; je sais que je ne m’amuserai plus, ni là ni ailleurs.

HÉLÈNE.

Qu’est-ce que ça veut dire ? Tu es contrarié ?

MARCUS.

Très-contrarié, ma chère : je suis ruiné.

HÉLÈNE.

Ruiné ?

MARCUS.

À plat ! Tu sais, mes deux cent mille francs, tout mon avoir tout mon avenir ?

HÉLÈNE.

Eh bien ?

MARCUS.

Ils ont filé dans la débâcle Fargès et Compagnie, de Marseille.

HÉLÈNE.

Tu es sûr ?

MARCUS.

Très-sûr. Voici la lettre de l’ami Fourvières, qui est là-bas, inquiet aussi pour son compte… Qu’est-ce que tu dis de ça ?

HÉLÈNE, lui rendant la lettre.

Ah ! pauvre Marcus ! Est-ce que ma bonne-maman le sait ?

MARCUS.

Il fallait bien le lui dire. Je ne sais pas si elle a bien compris. Elle a vu pourtant que je lui faisais mes adieux, et elle m’a mis dans la main son gros diamant que je te rapporte. Je ne veux rien, je suis de ceux que la pitié humilie.

Il remet d’autorité la bague au doigt d’Hélène.
HÉLÈNE.

Mais qu’est-ce que tu vas devenir ?

MARCUS, lui montrant la mer au loin.

Tu vois d’ici le chemin bleu que je vais prendre. J’irai sur les océans plus ou moins pacifiques, tâcher de faire une petite fortune.

HÉLÈNE.

Est-ce que tu sauras jamais faire fortune, toi ?

MARCUS.

Je suis trop ignorant et trop paresseux, n’est-ce pas ?

HÉLÈNE.

Je ne dis pas cela, mais tu n’as pas de spécialité. Puisque tu as ici un emploi dans les bureaux de la marine, pourquoi ne pas attendre ton avancement ?

MARCUS.

Parce que je manque de souplesse et de grâce pour me faire remarquer, je ne veux pas pourrir dans un bureau. J’ai accepté ce fade exercice pour avoir l’air occupé ; ta grand’mère le désirait je n’avais rien à lui refuser. Je comptais, par la suite, quand mon capital se serait arrondi dans les affaires, acheter une petite propriété et y vivre en bon gentilhomme sans dépendre de personne. Mon humble rêve est évanoui. Barthez me dit que c’est à recommencer. Fourvières me confie à un capitaine au long cours qui promet de me faire voir du pays. Ce n’est pas précisément mon goût : la mer, ça me rend malade ; le commerce, ça vous casse la tête ; les nouvelles connaissances, il y a des pays où ça vous mange, sans même vous faire cuire ! mais, puisqu’il n’y a plus d’autre ressource, après m’être demandé, ce matin, si je ne ferais pas sauter le peu de cervelle que je possède, j’ai pris mon parti, et je viens dîner avec toi en famille pour la dernière fois.

HÉLÈNE.

Non, Marcus ! Il ne faut pas t’en aller, je ne le veux pas.

MARCUS.

Veux-tu me faire croire que tu en mourras de chagrin ?

HÉLÈNE.

Je n’en mourrai pas, mais j’en aurai beaucoup.

MARCUS.

Ah ! pourquoi ? Est-ce que j’en vaux la peine ?

HÉLÈNE.

Je n’accepte pas l’idée qu’ayant passé presque toute ma vie avec toi, je serai heureuse en te sachant malheureux. Écoute, me voilà bientôt majeure et je n’ai aucune envie de me marier, ma bonne maman consentira à ce que je partage avec toi ce qu’elle compte me donner.

MARCUS.

Tu dis des bêtises pour le plaisir d’en dire. Tu sais fort bien que je n’accepterai jamais rien de toi.

HÉLÈNE.

Alors, tu es ingrat ; tu n’as aucune amitié…

MARCUS.

Si fait ! Avec ma bonne tante, tu es ma seule affection un peu sérieuse en ce monde. Mais, à vingt ans, ma pauvre Hélène, tu es une enfant aussi sauvage que le jour où tu nous es débarquée du fond de la Calédonie ; tu ne sais pas encore qu’un garçon qui se respecte ne peut rien accepter d’une personne de ton sexe, à moins qu’elle ne soit sa mère… ou sa femme.

HÉLÈNE.

Ou sa sœur ?

MARCUS.

Tu n’es pas ma sœur, et, si tu l’étais, je voudrais encore moins te prendre ta dot et entrer dans les idées de monsieur ton père, en te condamnant au célibat. N’insiste pas, tu m’offenserais.

HÉLÈNE.

Alors… si j’étais ta femme, tu accepterais mon sort ? tu le partagerais ? Eh bien, marions-nous !

MARCUS.

C’est sérieusement que tu parles ?

HÉLÈNE.

Tu le vois bien.

MARCUS.

Mais… Monsieur Maxwell ?…

HÉLÈNE, étonnée.

Quoi, monsieur Maxwell ?

MARCUS.

Rien… Mais… est-ce que tu me crois épris de toi ?

HÉLÈNE, avec une tranquillité un peu affectée.

Pas le moins du monde.

MARCUS, de même.

Et toi, tu ne m’aimes pas… d’amour ?

HÉLÈNE, même jeu.

Pas davantage.

MARCUS.

Tu m’épouserais par générosité ?

HÉLÈNE.

Par dévouement, par amitié fraternelle.

MARCUS.

Si j’acceptais, qu’est-ce que tu penserais de moi ?

HÉLÈNE.

Je penserais que tu m’estimes et me comprends.

MARCUS.

Voyons ! tu sais que je n’ai jamais fait de sottises. Me crois-tu capable d’en faire ?

HÉLÈNE.

Je suis certaine que tu n’en feras jamais.

MARCUS.

Tu ne souffriras pas, toi si studieuse et si instruite, de mon peu de savoir, de mon manque de poésie ?

HÉLÈNE.

Si j’en souffre, personne ne le saura et je tâcherai de ne pas le savoir moi-même !

MARCUS.

Tu sais que je ne suis pas comme beaucoup de nos Provençaux, un coureur de lointaines aventures, encore moins un viveur de province ; que je ne singe pas les beaux petits messieurs de Paris ; que je trouve le vice bête, que je hais la pose, que je suis enfin un brave garçon sans reproche et sans art ? Tel que je suis, me tiendras-tu compte, je ne dis pas de mes brillantes qualités, je n’en ai pas, mais de l’absence de défauts choquants et insupportables ?

HÉLÈNE.

Je chercherai là mon bonheur.

MARCUS.

Oh ! le bonheur, ma chère, c’est un état négatif ; c’est l’absence de préoccupations.

HÉLÈNE.

Je m’habituerai à cette appréciation de la vie.

MARCUS.

Eh bien, attends un peu. Tu me jures que ce n’est pas un coup de tête, que tu n’avais pas rêvé l’idéal avec moi ?

HÉLÈNE.

Je te le jure.

MARCUS.

Alors… écoute à ton tour. Voici ma théorie, à moi. On se repent de l’enthousiasme, on se dégoûte de la passion, on en vient toujours à mépriser les idoles ; leur état, c’est d’être souffletées un jour ou l’autre. L’amitié ne laisse pas de remords, elle n’est pas l’esclave du caprice. La nôtre dure sans nuages depuis notre enfance, elle peut durer autant que nous ! Hélène, je ne t’ai jamais parlé mariage parce que je savais que ta grand’mère le désirait et que j’eusse craint de tromper l’attente de ta jeune imagination : j’aurais tremblé, j’aurais fui peut-être devant ton amour. Mais, puisque c’est la raison qui prononce, j’accepte ton amitié, ta confiance et ta main.

HÉLÈNE.

Va vite dire à bonne-maman que nous sommes décidés.

MARCUS.

Non ! nous savons qu’elle approuvera ; mais la position où je suis désormais me défend l’initiative. Tu l’as prise, c’est à toi de la conserver.

HÉLÈNE.

J’y vais.

Elle sort.
MARCUS, étonné, et comme ivre.

Eh bien, voilà une solution inattendue, par exemple ! elle a vraiment du cœur, Hélène !… L’ai-je remerciée ? Non, ce ne serait pas digne… Elle fait pour moi ce que j’aurais fait pour elle !




Scène IX


MARCUS, BARTHEZ, LE DOCTEUR PONS, puis CÉSAIRE.


LE DOCTEUR, à Barthez.

Ah ! vous voilà, notaire de mon cœur ! Bonjour !

BARTHEZ.

Salut au cher docteur Pons ! (À Marcus.) Eh bien, mon pauvre garçon… ?

LE DOCTEUR.

Bah ! bah ! il a du courage, voyez !

MARCUS.

Du courage et de l’appétit, ma foi, pour le repas des fiançailles.

BARTHEZ.

Quelles fiançailles ?

MARCUS.

J’épouse Hélène.

CÉSAIRE, qui vient d’entrer.

Vraiment ?

MARCUS, à Césaire.

Vous êtes content, mon ami ?

CÉSAIRE, avec effusion.

Oh ! oui, par exemple !

MARCUS, aux autres.

Et vous ?

BARTHEZ, sincèrement.

Enchantés ! Et, puisque Hélène n’est pas là, sachez, mes amis, qu’il faut hâter les choses.

MARCUS.

Pourquoi ?

BARTHEZ.

Demandez au docteur.

LE DOCTEUR.

Parce que votre pauvre grand’tante…

MARCUS, tristement.

Ne va pas bien ? Je comprends !

LE DOCTEUR, à Barthez.

Le testament de madame en faveur d’Hélène est bien en règle ?

BARTHEZ.

Autant que possible.

MARCUS.

Qu’importe !

LE DOCTEUR.

Il importe beaucoup ! (À Barthez.) Vous n’avez aucune inquiétude sur la validité du premier mariage de monsieur le comte ?

BARTHEZ.

Bah !

LE DOCTEUR.

Mais… vous êtes l’homme de loi Tant-Mieux, vous ! Ce beau comte de Mérangis, marin à petites prouesses de guerre et à grands succès de femmes, avait épousé un peu lestement miss Elsie Wilmore, sans attendre le consentement de ses parents, à lui, et ce consentement donné après le mariage contracté, vous n’avez jamais pu savoir si l’acte de mariage avait été bien et dûment régularisé ?

BARTHEZ.

Qu’importe cela ! Le second mariage du comte l’a assez enrichi pour que ses enfants du second lit n’aient point à envier le modeste héritage que la grand’mère destine à son Hélène. Je voudrais bien voir qu’après avoir dévoré en un tour de main son héritage paternel, ce beau marin voulût empêcher sa mère de tester comme elle l’entendra !

MARCUS.

Mais s’il refuse son consentement au mariage d’Hélène ?

BARTHEZ.

S’il le refuse, il proclame son autorité paternelle et nous le tenons ! Nous sommes à l’abri de son caprice.

HÉLÈNE, entrant.

Bonjour, monsieur Barthez ! bonjour, docteur ! Justement ma grand’maman vous attend.

Barthez et Pons sortent.




Scène X


Les Mêmes, HÉLÈNE, JEANNE.


HÉLÈNE.

Elle consent ! (À Marcus.) Viens ! elle veut te le dire et t’embrasser. (Bas, à Jeanne.) Tu es contente de moi, à la fin ? (Bas, à Césaire.) Nous ferons deux noces ! (Ils sortent tous, Jeanne et Césaire sortent les derniers.)

CÉSAIRE.

Elle a dit deux noces !

JEANNE, souriant.

Bah ! elle est un peu troublée !

Elle sort.
CÉSAIRE.

Deux noces ! Comment pourrait-elle deviner, puisque Jeanne elle-même ne se doute de rien ? Deux noces !

Il sort.