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L’Encyclopédie/1re édition/AMBLE

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 321-322).
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AMBLE, s. m. c’est, en langue de Manege, un pas du cheval, dans lequel il a toujours à la fois deux jambes levées. Voyez Pas.

Ce pas est un train rompu, un cheval qui va l’amble, mouvant toujours à la fois les deux jambes de devant ou les deux de derriere : l’amble est l’allure naturelle des poulains ; & ils s’en défont dès qu’ils sont assez forts pour troter. On ne connoît point cette allure dans les Manéges, où les Ecuyers ne veulent que le pas, le trot & le galop. La raison qu’ils en donnent est qu’on peut mettre au galop un cheval qui trote, sans l’arrêter, mais qu’on ne peut pas le mettre de même de l’amble au galop sans l’arrêter ; ce qui prend du tems & interrompt la justesse & la cadence du manége. Voyez Trot, Galop, &c.

Il y a différentes manieres pour dresser un jeune cheval à l’amble. Quelques-uns le fatiguent à marcher pas à pas dans des terres nouvellement labourées, ce qui l’accoûtume naturellement à la démarche de l’amble : mais cette méthode a ses inconvéniens ; car on peut, en fatiguant ainsi un jeune cheval, l’affoiblir ou l’estropier.

D’autres, pour le former à ce pas, l’arrêtent tout court, tandis qu’il galope, & par cette surprise lui font prendre un train mitoyen entre le trot & le galop ; de sorte que perdant ces deux allures, il faut nécessairement qu’il retombe à l’amble : mais on risque par-là de lui gâter la bouche, ou de lui donner une encartelure, ou un nerf-férure.

D’autres l’y dressent en lui chargeant les piés de fers extrèmement lourds : mais cela peut leur faire heurter & blesser les jambes de devant avec les piés de derriere. D’autres leur attachent au paturon des poids de plomb : mais outre que cette méthode peut causer les mêmes accidens que la précédente, elle peut aussi causer au cheval des foulures incurables, ou lui écraser la couronne, &c.

D’autres chargent le dos du cheval de terre, de plomb, ou d’autres matieres pesantes : mais il est à craindre qu’on ne lui rompe les vertebres en le surchargeant.

D’autres tâchent de le réduire à l’amble, à la main avant de le monter, en lui opposant une muraille ou une barriere, & lui tenant la bride serrée, & le frappant avec une verge lorsqu’il bronche, sur les jambes de derriere & sous le ventre : mais par-là on peut mettre un cheval en fureur, sans lui faire entendre ce que l’on veut de lui, ou le faire cabrer, ou lui faire écarter les jambes, ou lui faire prendre quelqu’autre mauvais tic, dont on aura de la peine à le deshabituer.

D’autres, pour le même effet, lui mettent aux deux piés de derriere des fers plats & longs qui débordent le sabot en devant, autant qu’il faut pour que le cheval ; s’il prend le trot, se heurte le derriere des jambes de devant avec le bout des fers : mais il y a à craindre qu’il ne se blesse les nerfs, & n’en devienne estropié pour toûjours.

Quelques-uns, pour réduire un cheval à l’amble, lui mettent des lisieres autour des jambes en forme de jarretiere, & l’envoyent au verd en cet état pendant deux ou trois semaines, au bout desquelles on les lui ôte. C’est ainsi que les Espagnols s’y prennent : mais on n’approuve pas cette méthode ; car quoiqu’à la vérité il ne puisse pas en cet état trotter sans douleur, ses membres n’en souffriront pas moins ; & si l’on parvient à le mettre à l’amble, son allure sera lente & aura mauvaise grace, parce qu’il aura le train de derriere trop rampant. La maniere de mettre un cheval à l’amble par le moyen du tramail paroît la plus naturelle & la plus sûre.

Mais beaucoup de ceux qui s’en tiennent à cette méthode tombent encore dans différentes fautes : quelquefois ils font le tramail trop long, & alors il ne sert qu’à faire heurter les piés du cheval confusément les uns contre les autres ; ou ils le font trop court, & alors il ne sert qu’à lui faire tournoyer & lever les piés de derriere si subitement, qu’il s’en fait une habitude dont on ne vient guere à bout de le défaire par la suite. Quelquefois aussi le tramail est mal placé, & est mis, de crainte qu’il ne tombe, au-dessus du genou & du sabot : en ce cas, l’animal ne peut pas pousser contre, & la jambe de devant ne peut pas forcer celle de derriere à suivre : ou si pour éviter cet inconvénient on fait le tramail court & droit, il comprimera le gros nerf de la jambe de derriere & la partie charnue des cuisses de devant, en sorte que le cheval ne pourra plus aller qu’il ne bronche pardevant, & ne fléchisse du train de derriere.

Quant à la forme du tramail, quelques-uns le font de cuir ; à quoi il y a cet inconvénient, qu’il s’allongera ou rompra ; ce qui pourra empêcher le succès de l’opération. Pour un bon tramail, il faut que les côtés soient si fermes, qu’ils ne puissent pas prêter de l’épaisseur d’un cheveu ; la housse mollette, & si bien arrêtée qu’elle ne puisse pas se déranger ; la bande de derriere plate, & descendant assez bas.

En le dressant à la main, on lui mettra seulement en commençant un demi-tramail, pour le dresser d’abord d’un côté ; ensuite on en fera autant à l’autre côté ; & lorsqu’il ira l’amble à la main avec facilité & avec aisance, sans trébucher ni broncher, ce qui se fait d’ordinaire en deux ou trois heures, on lui mettra le tramail entier. Voyez Tramail.