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L’Encyclopédie/1re édition/ANCRE

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ANCRE, s. f. (Marine.) est un instrument de fer ABCD (Voyez Pl. II. fig. 1.) dont on se sert pour arrêter les vaisseaux. On attache cet instrument à un cable dont l’autre extrémité est attachée au vaisseau. On jette l’ancre à la mer, où par son propre poids & par ses pointes B, D, elle s’attache au fond, & retient ainsi le vaisseau.

L’ancre est composée de plusieurs parties.

La partie Pe est appellée la verge de l’ancre ; elle est ronde dans les petites, & quarrée dans les grandes.

La partie BCD soudée au bout de la verge s’appelle la croisée ou crosse : BC, moitié de la croisée, est le bras ou la branche.

L’arganeau ou l’organeau est un anneau EA passant par le trou g du haut de la verge. C’est à cet anneau qu’on attache le cable.

Les pattes de l’ancre sont des lames de fer BIK, DGH, de forme triangulaire, qui forment l’extrémité des bras, & qui servent à mordre le fond de la mer.

Les angles des pattes I, K, G, H, sont appellés les oreilles.

Le jas ou jouet de l’ancre est un axe de bois composé de deux morceaux de bois fort épais, dont l’un est ABEF (fig. 3.) dans lesquels il faut remarquer une rainure CD qui doit embrasser la tête de l’ancre ; outre cela on remarque à la tête de l’ancre deux petites éminences appellées tenons, dont l’une est nm (fig. 1.) & l’autre est au côté opposé.

Ces tenons sont exactement renfermés dans l’intérieur du jas, & empêchent qu’il ne puisse monter ni descendre. Les deux morceaux de bois dont nous avons parlé, sont attachés à l’ancre de maniere qu’ils soient perpendiculaires à un plan passant par la verge & par les pattes ; on les fixe de plus ensemble avec des clous ; & étant ainsi joints, ils forment le jas GHIK. Le jas sert à empêcher que la croisée ne soit parallele au fond de la mer, ce qui empêcheroit l’ancre de mordre.

Il y a dans un vaisseau plusieurs ancres : la plus grosse s’appelle la maitresse ancre : celle qui la suit en grosseur se nomme la seconde : la troisieme s’appelle ancre d’affourche ; on la jette du côté opposé à la maitresse ancre, & de maniere que les deux cables fassent un angle au-dedans du vaisseau : la quatrieme ou plus petite ancre se nomme ancre de toue ou boüeuse ; on la jette à quelque distance du vaisseau ; on attache un cable par une de ses extrémités à cette ancre, & par l’autre au cabestan, & en tournant le cabestan on amene le vaisseau vers le côté où il est arrêté par l’ancre.

On se sert aussi d’une corde appellée l’orin, dont on attache une extrémité à l’ancre, & l’autre à un bout de liége flottant sur l’eau, afin que si l’ancre vient à se détacher du cable, on retrouve, par le moyen de ce liége, l’endroit où elle est.

Il y a encore d’autres ancres dont il sera fait mention à la suite de cet article.

Il y a grande apparence que les ancres sont fort anciennes : mais leur premier inventeur est inconnu, ou du moins incertain. Des passages d’Appollonius de Rhodes, & d’Etienne de Bysance, prouvent que les Anciens ont eu des ancres de pierre ; & on voit par Athénée qu’ils en ont eu même de bois. Il y a apparence que les premieres ancres de fer dont on se servit n’avoient qu’une dent ; & l’on voit par un passage de Nicolas Witsen, que dans ces derniers tems on en a fait aussi quelques-unes de cette espece.

A l’égard des ancres de fer à deux dents, il paroît par les médailles & par les passages qui nous restent, qu’elles étoient assez semblables à celles dont nous nous servons aujourd’hui. On a quelquefois fait usage d’ancres à trois dents : mais ces ancres, ainsi que celles à quatre dents, sont moins bonnes que celles à deux, parce qu’elles sont sujettes à plus d’inconvéniens. M. le Marquis Poleni en détaille les principaux dans sa piece Latine sur les ancres, imprimée à Paris en 1737, à l’Imprimerie royale, & dont nous avons tiré tout ce que nous avons dit jusqu’à présent.

Cette piece fut composée à l’occasion du prix que l’Académie Royale des Sciences de Paris avoit proposé pour cette année 1737.

L’Académie avoit demandé 1o. quelle étoit la meilleure figure des ancres. Le prix de cette partie fut adjugé à M. Jean Bernoulli le fils ; & voici l’extrait de sa piece.

Il cherche d’abord l’angle le plus favorable pour que l’ancre enfonce, c’est-à-dire, celui sous lequel la patte entre le plus profondément & avec le plus de facilité & de force, & il trouve que cet angle est égal à 45 degrés, c’est-à-dire, que le bras doit faire avec le fond de la mer un angle de 45 degrés, en supposant que le fond de la mer soit horisontal, & que le cable le soit aussi ; suppositions qui à la vérité ne sont pas à la rigueur, mais qui peuvent pourtant être prises pour assez exactes.

Il s’applique ensuite à déterminer la figure de l’ancre la plus avantageuse. Il observe d’abord que la résistance des différentes parties du fond de la mer devant être censée la même partout, elle peut être regardée comme semblable à l’action d’une infinité de puissances paralleles qui agiroient sur la croisée. Ainsi, en supposant la croisée ou sa surface concave d’une égale largeur partout, il en résulte que la figure la plus avantageuse de cette surface concave seroit celle d’une chainette, c’est-à-dire, de la courbe que prend un fil chargé de poids égaux, & attaché horisontalement par les extrémités ; car il est visible que si l’ancre étoit flexible, elle prendroit cette figure d’elle-même, & la conserveroit après l’avoir prise. C’est donc la figure la moins sujette à changer, lorsque la branche est supposée inflexible. V. Chainette.

Mais on ne doit pas faire la croisée d’une égale largeur partout ; car en ce cas, elle ne résisteroit pas également à être cassée dans toute sa longueur. Elle se casseroit plus aisément (par la proprieté du levier) vers le sommet de la croisée que vers les extrémités. Ainsi il faut qu’elle soit plus mince vers ses extrémités, que vers son milieu.

M. Jean Bernoulli imagine donc deux courbes, dont l’une termine la surface concave de l’ancre, & représente par ses ordonnées les différentes largeurs de cette surface, & une autre courbe qu’il appelle courbe des épaisseurs, & dont les ordonnées soient perpendiculaires à la surface concave ; & il trouve par le principe de l’égalité de rupture, l’équation qui doit être entre les ordonnées de la courbe des épaisseurs, & celles de la courbe des largeurs. De plus, pour que la branche soit le moins sujette qu’il est possible à se plier ou à changer de figure, il faut une autre équation entre les deux courbes dont nous venons de parler. Le problème sera donc parfaitement résolu si les deux courbes sont telles qu’elles satisfassent à la fois aux deux équations ; condition qu’on peut remplir d’une infinité de manieres. (O)

* 2o. La seconde question proposée par l’Académie avoit pour objet la meilleure maniere de forger les ancres. Cette question, comme on verra par ce qui suit, pouvoit avoir deux branches ; l’une relative à l’ancre, l’autre relative aux machines qu’on employe pour les forger.

Le prix quant à la partie relative à l’ancre, la seule apparemment que l’Académie avoit en vûe dans sa question, fut adjugé à M. Tresaguet : voici l’extrait de la principale partie de son Mémoire, qu’on peut consulter, si l’on desire un plus grand détail. On forge des barres plates & pyramidales ; on en arrange plusieurs les unes auprès des autres, ensorte qu’elles aient ensemble plus que le diametre de la piece qu’on veut forger ; & que leur longueur soit moindre, parce qu’elles s’étendent & diminuent d’épaisseur en les forgeant. On donne plus d’épaisseur aux barres les plus éloignées du centre, parce que le feu agit davantage sur elles. On lie toutes ces barres ensemble avec des liens de fer soudés, que l’on fait entrer par le petit bout du paquet, & que l’on chasse ensuite à grands coups. V. Pl. I. premier tableau, figure 1. Un forgeron qui lie, avec des liens soudés, neuf barres de fer ensemble, pour faire une verge d’ancre ; a, le paquet de barres de fer ; b, ringal ou barre de fer, prise au centre du paquet, qui sert à le tourner & manier dans la forge & sous le gros marteau ; cc, liens que le forgeron chasse à grands coups de marteau.

On porte en cet état le paquet à la forge d ; on le place au-dessus de la tuyere ; on le couvre de charbon ; on souffle d’abord modérément ; puis on fait un vent fort & continuel. De cette maniere la chaleur passe de la surface au centre ; & comme les barres sont inégales, & que les premieres sont les plus fortes, tout s’échauffe également. Pour savoir si le paquet est assez chaud, on perce la croûte de charbon qui l’enveloppe ; s’il paroît net & blanc, il est prêt à être soudé : à l’aide de la potence ig, & de sa chaîne f qui embrasse le paquet, on le fait aller sans effort sous le martinet, qui, en quatre ou cinq coups, soude toutes les barres. Le paquet est placé sur l’enclume ou tas ke. Deux forgerons, figure 2 & 3, le soûtiennent ; & le marteleur, ou (figure 4) le maître ancrier dirige la piece par le moyen du ringal, & fait appliquer les coups de marteau où ils doivent porter. Ce marteau agit dans ce tableau par le moyen de l’eau, & comme celui des grosses forges. Voyez ce détail à l’article Grosses Forges. Les figures 5 & 6 du même tableau tirent une corde qui passe sur une poulie, & qui est attachée à la patte d’une ancre ; la verge de cette ancre est fixée à un pieu n ; & ces forgerons se disposent à cintrer les bras.

La longueur d’une ancre de 6000 livres doit être à peu près de quinze piés, & sa grosseur de dix pouces. On proportionne le poids des ancres à la force de l’équipage & à la grandeur du vaisseau.

De la maniere dont une ancre est mouillée, le plus grand effort qu’elle fait est dans le plan qui passe par la verge & les deux bras. Or il est évident qu’une barre qui n’est pas quarrée, est plus difficile à casser sur le côté, que sur le plat. D’où il s’ensuit, selon M. Tresaguet, que l’ancre, pour avoir la force la plus grande, doit être plate dans ce sens. Cependant il ne sera pas mal d’abattre les angles en rond, pour rendre plus doux le frotement contre le cable & les rochers.

Lorsque la verge est forgée ; le trou par où doit passer l’organeau percé ; le ringal coupé ; le quarré, & les tenons formés ; le trou qui doit recevoir la croisée, percé ; on forge la croisée & les pattes. M. Tresaguet est encore d’avis, que pour former les pattes, on forge des barres dont on applatisse les extremités.

Quand toutes ces pieces sont forgées & assemblées, ce qui s’exécute à la forge, au martinet & au marteau, l’ancre est finie. Voyez second tableau de la même Planche, le détail de ces opérations. La figure 1, est un forgeron qui met du charbon à la forge : a, le foyer ; figure 2. est un marteleur ou maître ancrier, qui tient un levier passé dans le trou de l’organeau, & qui dirige l’ancre sous le martinet i : les figures 3. 4. 5. soûtiennent la verge de l’ancre, soulagent le marteleur, & lui obéissent : gf & cd sont deux chaînes attachées à deux potences mobiles, dont l’une cd soûtient la verge, & l’autre gf porte le bras. L’opération qui se passe ici, est celle de souder la croisée à la verge, ce qui s’appelle encoller l’ancre.

Lorsque l’ancre est encollée, on la rechauffe ; on travaille à souder la balevre ; ce qui ne peut s’exécuter sous le martinet, mais ce qui se fait à bras ; & c’est ce qu’on a représenté dans le même second tableau, où l’on voit (figure 7) un forgeron, qui, avec une barre de fer qu’il appuie contre la croisée de l’ancre encollée, qui est dirigée par un maître ancrier, 6, contient cette ancre ; tandis qu’un forgeron, 8, avec un marteau à frapper devant, répare la balevre. Ces ouvriers sont aussi soulagés par leur potence pq. On entend par balevre, les inégalités qui restent nécessairement autour de l’endroit où s’est fait l’encollage.

Mais tout le travail précédent suppose qu’on a des eaux à sa portée, & qu’on peut employer un équipage & des roues à l’eau pour mouvoir un martinet ; ce qui n’arrive pas toûjours : alors il faut y suppléer par quelque machine, & faire aller le martinet à force de bras. C’est un attelier de cette derniere espece qu’on voit dans le tableau de la Planche seconde des ancres. Les Figures 1, 2, 3, 4, 5, 6, sont six forgerons partagés en deux bandes égales, lesquels tirent des cordes roulées sur des roues larges. Le mouvement de ces roues se communique à un cric, celui du cric au martinet, & le martinet hausse & baisse de la maniere dont nous allons le démontrer en détail ; après avoir fait observer autour de l’enclume b cinq forgerons qui tiennent une ancre sous le marteau, & qui l’encollent, ou soudent la croisée à la verge. b, l’enclume ; d, cremailleres qui servent à soûtenir la piece, à la hausser ou baisser, & à en faciliter le mouvement. Ces cremailleres sont soûtenues sur les bras des potences mobiles ef. ff sont des tirans qui fortifient les bras de la potence, & les empêchent de céder sous la pesanteur des fardeaux.

Passons maintenant à la description de la machine qui meut le martinet ; la chose la plus importante de cet attelier. Pour en donner une notion claire & distincte, nous allons parcourir la figure & l’usage de chacune de ses parties en particulier ; puis nous exposerons le jeu du tout.

La figure II du bas de la Planche, est une coupe verticale de la machine : G est le martinet ; ce martinet est une masse de 7 à 800 livres, dont la tête Y est acerée ; son autre bout X passe dans l’œil d’une bascule GHNI, qui lui sert de manche : H est un boulon qui traverse cette bascule & les deux jumelles OO ; car il faut bien se ressouvenir que ceci est une coupe, & qu’on ne voit que la moitié de la machine.

Sur la partie N de la bascule est posé un ressort qu’on en voit séparé, fig. 14. g est le ressort ; h une platine sur laquelle il peut s’appliquer ; i un étressillon qui empêche le ressort de fléchir & de se rompre. On verra dans la suite l’usage de cette piece.

L’extrémité 1 fig. II. de la bascule GHNI, est percée d’un trou, & traversée d’une corde qui passe dans un trou fait à la bascule supérieure MLK, & qui est arrêtée sur cette bascule par un nœud Z. Cette corde unit les deux bascules, & acheve de rendre leur élévation ou abaissement inséparable. ML est un boulon de la bascule supérieure MLK, qui traverse les deux jumelles OO ; à l’extrémité P de la bascule supérieure est un crochet qu’on voit ; il y en a un second sur la face opposée, qu’on ne peut appercevoir dans cette figure ; mais qu’on voit fig. 9.

La figure 9 représente l’extrémité de la bascule supérieure avec toute son armure ; VV sont ses deux crochets. Dans ces crochets est placée une espece de T, qu’on voit séparément, fig. 10 ; ce T dont Y (fig. 10) est la tête, a à sa queue Z un œil, une virole, ou une douille. Ce qu’on voit (fig. 9) inséré dans cette douille, en X, est une dent de cric ; cette dent de cric est arrêtée dans la douille du T, par une clavette qui la traverse & la douille aussi, comme on voit fig. 12. b est la dent, c est la clavette ; d’où il s’ensuit (fig. 9.) que la dent ne peut baisser, sans tirer avec elle le T, qui sera nécessairement suivi de l’extrémité T de la bascule supérieure.

On voit (fig. 11) le cric placé entre les deux jumelles, qui lui servent de coulisse ; ce cric est garni de dents QQ. RS est une coupe du tambour qui porte la lanterne, qui fait mouvoir le cric QQ. R partie de la lanterne garnie de fuseaux ; S partie de la lanterne sans fuseaux.

La figure 13. est une vûe du tambour, de la lanterne, & du cric, qu’il faut bien examiner si l’on veut avoir une idée nette du jeu de la machine : dd est un essieu de fer du tambour & de la lanterne : f le tambour ; g les fuseaux de la lanterne ; e le cric. On voit comment les fuseaux de la lanterne, dans le mouvement du tambour qui l’emporte avec lui, commencent & cessent d’engrener dans les dents du cric.

On voit (fig. 15.) la machine entiere : qqqq sont les traverses des côtés qui soûtiennent les paillers sur lesquels les tourillons de l’arbre du tambour se meuvent : rrrr sont des pieces qui forment le chassis de la machine ; leur assemblage n’a rien d’extraordinaire : mm sont de grandes roues larges mobiles, & qui ne portent point à terre ; des cordes font sur ces roues autant de tours qu’on veut : nn est la pareille de mm : k la grande bascule : l la petite bascule ou la supérieure : u le martinet : o courbe assemblée sur la traverse q, de maniere que son extrémité puisse s’appliquer & s’écarter d’une entaille faite au croisillon de la roue m, & par conséquent arrêter ou laisser cette roue libre ainsi que sa pareille : p est une pince qui sert à amener dedans ou à chasser la courbe o de l’entaille du croisillon.

Cela posé & bien entendu, il est évident que si des cordes font sur les roues mn autant de tours qu’il est nécessaire pour une chaude, & que ces cordes soient tirées par des hommes, comme on voit au haut de la Planche, de maniere que le point m (figure 25) d’en haut descende du côté des hommes ; il est, dis-je, évident que le tambour, & la lanterne qui lui est adhérente, tourneront dans le même sens, & que les fuseaux de la lanterne rencontrant les dents du cric, feront descendre le cric. Mais le cric ne peut descendre que sa dent supérieure, fixée par une clavette dans la douille du T, ne tire ce T en enbas, & avec ce T, la bascule supérieure, dont le bout P (fig. 2) descendra : mais le bout P de la bascule supérieure ne peut descendre sans appuyer sur le ressort MN, qui résistant à cet effort en vertu de l’étressillon I (fig 14) sur-tout lorsqu’il sera tout-à-fait couché sur la platine H, fera baisser le bout I (fig. 11) de la bascule inférieure. Le bout I de cette bascule ne peut baisser en tournant sur le boulon H, que son extrémité G ne s’éleve ; l’extrémité G ne s’élevera qu’autant que l’extrémité I baissera : mais l’extrémité I cessera de baisser, quand la lanterne aura tourné de toute sa partie garnie de fuseaux. Lorsque le dernier fuseau de la lanterne s’échappera du cric, alors rien ne poussant ni ne retenant en bas les extrémités PI des bascules supérieure & inférieure, l’extrémité élevée X de l’inférieure, entrainée par son propre poids & par celui du marteau, tombera d’une vîtesse encore accélérée par celle du ressort MN (fig. 11), relevera en tombant l’extrémité P de la bascule supérieure, & la machine se retrouvera dans son premier état. Mais les ouvriers continuant de tirer, elle n’y demeurera que jusqu’à ce que la lanterne ayant tourné de la quantité de sa partie vuide de fuseaux, celle qui en est garnie se présentant de rechef au cric, agira sur ses dents, le fera descendre, &c. & recommencer en conséquence autant de fois le même mouvement que nous venons d’expliquer.

La courbe o, fig. 15. en s’appliquant au croisillon de la roue m, l’empêche de tourner, & le marteau peut être tenu élevé.

Mais comme les fardeaux qu’on a à remuer sont très-considérables, on fait usage des potences mobiles ; & pour les hausser & baisser, on applique à ces potences des cremailleres. Voyez fig. 16. une de ces cremailleres, dont le méchanisme est si simple qu’il ne demande aucune explication.

La fig. 17. montre des moufles garnies de cordages, dont on se sert quand les fardeaux sont trop lourds pour les cremailleres.

3°. La troisieme question proposée par l’Académie, étoit la meilleure maniere d’éprouver les Ancres : elle ne fut satisfaite d’aucune des pieces qu’on lui envoya ; & elle partagea la troisieme partie du prix entre M. Daniel Bernoulli, & M. le Marquis Poleni, dont les pieces contenoient d’ailleurs d’excellentes choses. Nous ne dirons donc rien non plus sur cette troisieme partie ; & nous renvoyons ceux qui voudront s’instruire plus à fond sur cette matiere, au volume qui contient ces différentes pieces, imprimé, comme nous l’avons déjà dit, en 1737, à l’Imprimerie royale.

Ancre à demeure, c’est une grosse ancre qui demeure toûjours dans un port, ou dans une rade pour servir à toüer les vaisseaux.

Ancre à la veille, c’est celle qui est prête à être mouillée.

Ancre du large, c’est ainsi qu’on appelle une ancre qui est mouillée vers la mer, lorsqu’il y en a une autre qui est mouillée vers la terre.

Ancre de terre, c’est celle qui est mouillée près de la terre, & opposée à celle qui est mouillée au large.

Ancre de flot, & ancre de jussant ou jusant, c’est lorsqu’on parle de deux ancres mouillées de telle sorte, que l’une étant opposée à l’autre, elles tiennent le vaisseau contre la force du flux & du reflux de la mer.

Brider l’ancre, c’est envelopper les pattes de l’ancre avec deux planches, lorsqu’étant obligé de mouiller dans un mauvais fond, on veut empêcher que le fer de la patte ne creuse trop & n’élargisse le sable, & que le vaisseau ne chasse. Voyez Soulier.

Lever l’ancre, c’est la retirer & la mettre dans le vaisseau pour faire route. « Le vent étant favorable, nous levâmes l’ancre, & appareillâmes pour continuer notre route ».

Lever l’ancre par les cheveux, c’est la tirer du fond avec l’orin qui est frappé à la tête de l’ancre.

Va lever l’ancre avec la chaloupe, c’est un commandement d’aller prendre l’ancre par la chaloupe, qui la hale par son orin, & la rapporte à bord.

Gouverner sur l’ancre, c’est virer le vaisseau quand on leve l’ancre, & porter le cap sur la boüée, afin que le cable vienne plus droiturier aux écubiers & au cabestan.

Joüer sur son ancre, filer sur les ancres. V. Filer.

Courir sur son ancre, chasser sur les ancres, c’est lorsque le vaisseau entraîne ses ancres, & s’éloigne du lieu où il a mouillé ; ce qui arrive quand le gros vent ou les coups de mer ont fait quitter prise à l’ancre, à cause de la force avec laquelle le navire l’a tirée : quelques-uns disent improprement filer sur son ancre. On dit aussi simplement chasser : le vaisseau chasse. Voyez Arer ou Chasser.

Faire venir l’ancre à pic, ou à pique, virer à pic, c’est remettre le cable dans un vaisseau qui se prépare à partir, en sorte qu’il n’en reste que ce qu’il faut pour aller perpendiculairement du navire jusqu’à l’ancre, & qu’en virant encore un demi tour de cable, elle soit enlevée tout-à-fait hors du fond.

L’ancre a quité, l’ancre est dérapée, c’est-à-dire que l’ancre qui étoit au fond de l’eau pour arrêter le navire, ne tient plus à la terre.

L’ancre paroit-elle ? c’est une demande qu’on fait lorsqu’on retire une ancre du fond, pour savoir si elle est à la superficie de l’eau.

Caponner l’ancre. Voyez Capon.

Bosser l’ancre & la mettre en place. V. Bosser.

L’ancre est au bossoir ; cela se dit lorsque son grand anneau de fer touche le bossoir.

Estre à l’ancre : lorsqu’une flotte mouille dans un port, ou que l’on mouille dans une rade où il y a déjà beaucoup de vaisseaux, le pilote, & ceux qui ont le commandement, doivent prendre garde à bien mouiller, & que chaque vaisseau soit à une distance raisonnable des autres, ni trop près ou trop loin de terre.

Si le vent commence à forcer, il est à propos que tous les vaisseaux filent du cable également, afin que l’un n’aille pas aborder ou tomber sur l’autre.

L’on est mouillé à une distance raisonnable des autres vaisseaux, lorsqu’il y a assez d’espace entre deux, pour ne pas s’aborder en filant tous les cables. Il est bon aussi de butter les vergues, afin que le vent ébranle moins les vaisseaux, & qu’en cas qu’ils vinssent à s’aborder, soit en chassant ou autrement, les vergues des uns ne puissent s’embarrasser dans les vergues & les manœuvres des autres. La distance la plus raisonnable qui doit être entre deux vaisseaux mouillés, est de deux ou trois cables, c’est-à-dire, deux ou trois cens toises. (Z)

Ancre, en Serrurerie, c’est une barre de fer qui a la forme d’une S, ou d’un Y, ou d’un T, ou toute autre figure coudée & en bâton rompu, qu’on fait passer dans l’œil d’un tirant, pour empêcher les écartemens des murs, la poussée des voûtes, ou entretenir les tuyaux des cheminées qui s’élevent beaucoup. Voyez Pl. 12. de Serrurerie : A A est une ancre dans l’œil du tirant HG, chantourné pour que l’œil soit perpendiculaire à l’ancre. Même Plan. la fig. e e est encore une ancre : elle pourroit être ou droite, ou coudée d’une autre façon ; c’est à l’usage qu’on en veut faire à décider de sa forme : mais quelle qu’elle soit du reste, l’ancre est toûjours destinée à passer dans l’œil d’un tirant. Voyez Tirant.

* Ancre, ou Encre, (Géog. mod.) petite ville de France en Picardie, sur une petite riviere de même nom. Long. 20. 15. lat. 49. 59.