L’Encyclopédie/1re édition/ANOMALIE

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ANOMALIE, s. f. terme de Grammaire ; c’est le nom abstrait formé d’anomal. Anomalie signifie irrégularité dans la conjugaison des verbes, comme fero, fers, fert, & en françois aller, &c. (F)

Anomalie, anomalia, s. f. (Astronom.) L’anomalie est en Astronomie la distance angulaire du lieu réel ou moyen d’une planete à l’aphélie ou à l’apogée ; c’est-à-dire, c’est l’angle que forme avec la ligne de l’apogée une autre ligne, à l’extrémité de laquelle la planete est réellement, ou est supposée être. Voyez Planete, Aphélie, & Apogée.

Ce mot anomalie, qui est purement grec, signifie proprement irrégularité ; aussi sert-il à désigner le mouvement des planetes, qui comme l’on sait n’est est pas uniforme. L’anomalie est, pour ainsi dire, la loi des irrégularités de ce mouvement. Kepler distingue trois anomalies ; la moyenne, l’excentrique, & la vraie.

L’anomalie simple ou moyenne, est, dans l’Astronomie ancienne, la distance du lieu moyen d’une planete à l’apogée. Voyez Lieu.

Dans l’Astronomie nouvelle, c’est le tems employé par une planete pour passer de son aphélie A, au point ou lieu I de son orbite, Plan. d’Astronom. fig. 1. Or l’aire elliptique ASI étant proportionnelle au tems employé par la planete à parcourir l’arc AI, cette aire peut représenter l’anomalie moyenne ; de même que l’aire SKA ; formée par la ligne SK, & la droite LK qui passe par le lieu de la planete, qui est perpendiculaire à la ligne des apsides, & qui est prolongée jusqu’à ce qu’elle coupe le cercle DA ; car cette derniere aire est toûjours proportionnelle à l’aire SIA, comme Grégori l’a démontré, liv. III. elem. d’Astron. Physiq. Math. & Transact. phil. n°. 447. p. 218.

L’anomalie excentrique ou du centre, est, dans l’Astronomie nouvelle, l’arc du cercle excentrique AK, fig. 1. compris entre l’aphélie A, & une droite KL qui passe par le centre I de la planete, & qui est perpendiculaire à la ligne des apsides AP. On donne aussi le nom d’anomalie excentrique à l’angle ASK. Voyez Excentrique.

L’anomalie vraie, ou, comme disent les auteurs Latins, anomalia æquata, l’anomalie égalée, est l’angle au centre ou au soleil ASI, sous lequel on voit la distance AI d’une planete à l’aphélie ; c’est-à-dire, l’angle du sommet de l’aire proportionnelle au tems employé par la planete à passer de l’aphélie A à son lieu I. Cet angle est différent de l’anomalie moyenne, n’étant pas proportionnel au secteur ASI.

L’anomalie moyenne, aussi bien que l’anomalie vraie de la planete, se comptent l’une & l’autre depuis l’aphélie : mais si on veut compter depuis le commencement du signe du bélier, alors ce nom d’anomalie se change en celui de mouvement de la planete en longitude, lequel est aussi de deux sortes ; savoir, 1°. le moyen mouvement tel qu’il paroîtroit véritablement, si l’œil étant au centre d’une orbite circulaire, voyoit décrire à la planete cette même orbite d’un mouvement toûjours égal & uniforme : 2°. le mouvement vrai, qui est celui que l’on observe dans la planete, l’œil étant placé au foyer de son orbite elliptique : il est successivement accéléré ou retardé, selon les différentes distances de la planete au soleil.

L’anomalie vraie étant donnée, il est facile de trouver l’anomalie moyenne ; car l’angle au soleil ASI étant donné, c’est un problème assez simple que de déterminer par le calcul la valeur du secteur ASI, qui représente l’anomalie moyenne.

Mais il y a plus de difficulté à trouver l’anomalie vraie, l’anomalie moyenne étant donnée ; c’est-à-dire, à déterminer la valeur de l’angle ASI, quand on connoît le secteur ASI ; ou, ce qui revient au même, à trouver l’angle ASI que parcourt la planete dans un tems donné, depuis l’instant où elle a passé par l’aphélie.

Les méthodes géométriques de Wallis & de Newton, qui ont résolu ce problème par la cycloïde allongée, ne sont pas commodes pour les calculs : il en est de même de celle par les séries ; elle est trop pénible. L’approximation a donc été dans ce cas l’unique ressource des Astronomes. Ward, dans son Astronomie géométrique, prend l’angle ALI, au foyer où le soleil n’est point, pour l’anomalie moyenne ; ce qui en effet en approche beaucoup, lorsque l’orbite de la planete n’est pas fort excentrique : dans ce cas on résout sans peine le problème : mais on ne peut se servir de cette méthode que pour des orbites très-peu excentriques.

Cependant Newton a trouvé un moyen d’appliquer à des orbites assez excentriques l’hypothese de Ward ; & il assure que sa correction faite, & le problème résolu à sa maniere, l’erreur sera à peine d’une seconde.

Voici cette méthode, qui est expliquée à la fin de la section vj. du I. livre des Principes, & qui a été commentée par les Peres le Seur & Jacquier.

Soient AO, OB, OD, (fig. 66. pl. Astr.) les demi-axes de l’ellipse, L son parametre, & D la différence entre la moitié du petit axe OD, & la moitié L du parametre : on cherchera d’abord un angle Y, dont le sinus soit au rayon, comme le rectangle de D par AO + OD, est au quarré de AB ; ensuite on cherchera un angle Z, dont le sinus soit au rayon comme deux fois le rectangle de D & de la distance des foyers SH, est à trois fois le quarré de AO : après cela on prendra un angle T, proportionnel au tems que la planete a employé à décrire l’arc BP ; un angle V qui soit à l’angle Y, comme le sinus de deux fois l’angle T est au rayon ; & un angle X, qui soit à l’angle Y comme le cube du sinus de l’angle T est au cube du rayon. On prendra l’angle BHP égal à T + X + V, si l’angle T est moindre qu’un droit ; ou à T + X - V, si l’angle T est plus grand qu’un droit, & moindre que deux droits ; & ayant mené SP qui passe par le foyer S & par le point P où l’ellipse est coupée par la ligne HP, on aura l’aire BSP, à très-peu-près proportionnelle au tems.

Mais une des plus élégantes méthodes qui aient été données pour résoudre ce problème, est celle que M. Herman a exposée dans le premier volume des Mémoires de l’Académie de Petersbourg, page 146.

Il remarque d’abord avec tous les Géometres & les Astronomes, que la difficulté se réduit à trouver dans le cercle AND (Pl. Astron. fig. 67.) l’angle AEB, qui répond au secteur donné AEB : or faisant le secteur CAM égal au secteur AEB, & joignant ME, puis tirant CN parallele à EM, & joignant ensuite EN, il trouve que l’angle AEN est à très-peu près l’anomalie vraie, & que dans l’orbite de la terre l’erreur ne va pas à quatre quintes. Il donne ensuite un moyen de corriger l’erreur, en prenant l’angle BEN égal à une certaine quantité qu’il détermine ; ce qui donne le lieu B, ou l’angle BEA, qui représente encore plus exactement l’anomalie vraie. (O)