L’Encyclopédie/1re édition/APPEL

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 547-548).
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APPEL, en terme de Droit, est un acte judiciaire par lequel une cause jugée par un tribunal inférieur est portée à un supérieur ; ou le recours à un juge superieur pour réparer les griefs qui résultent d’une sentence qu’un juge inférieur a prononcée. V Juge & Cour.

Les appels se portent du tribunal qui a rendu le jugement dont est appel, à celui d’où il ressortit nûment & sans moyen : par exemple, d’un bailliage à un présidial, d’un présidial au parlement, lequel juge souverainement & sans appel : mais il n’est pas permis d’appeller, omisso medio, c’est-à-dire d’un premier juge à un juge supérieur d’un tiers tribunal intermédiaire. Il faut parcourir en montant tous les degrés de jurisdictions supérieurs les uns aux autres.

Il faut excepter de cette regle générale les appels en matiere criminelle, lesquels se portent rectà au parlement, omisso medio. Il faut dire la même chose, même en matiere civile, des appels de déni de renvoi & d’incompétence. Voyez Déni.

On a quelquefois appellé d’un tribunal ecclésiastique à un séculier ou à une cour laïque. Le premier exemple que l’on en a, est celui de Paul de Samosate, lequel étant condamné & déposé par le second concile d’Antioche, refusa de livrer la maison épiscopale à Domnus, qui avoit été élû son successeur, & appella à l’empereur.

La même chose se pratique journellement dans les cas où il y a lieu à l’appel comme d’abus. Voyez au mot Abus.

L’appel a la force de suspendre, toutes les fois qu’il a pour objet de prévenir un mal qu’on ne pourroit réparer s’il étoit une fois fait.

Mais quand l’appel n’a pour objet qu’un jugement préparatoire, de reglement ou d’instruction, il ne suspend pas l’exécution du jugement, lequel est exécutoire provisoirement & nonobstant l’appel.

L’appel périt par le laps de trois ans, c’est-à-dire lorsqu’on a été trois ans depuis le jour qu’il avoit été interjetté & signifié, sans le poursuivre ; l’appellant n’est pas même reçû à interjetter un second appel de la même sentence, laquelle acquiert par la péremption force de chose jugée, & vaut arrêt. Voyez Péremption.

L’appellant qui succombe en son appel, est condamné, outre les dépens, en l’amende de 6 livres dans les présidiaux ; & de 12 dans les cours supérieures.

Appel comme d’abus. Voyez Abus.

Appel simple par opposition à l’appel comme d’abus, est celui qui est porté d’une cour ecclésiastique inférieure à une supérieure ; au lieu que l’appel comme d’abus est porté d’une cour ecclésiastique dans un parlement.

Les appels dans les tribunaux ecclésiastiques sont portés comme dans les cours laïques, du moins en France, par gradation & sans omission de moyen, d’un tribunal à celui qui lui est immédiatement supérieur, comme du tribunal épiscopal à celui de l’archevêque, de celui de l’archevêque à celui du patriarche ou du primat, & de celui-ci au pape. Mais en France lorsque l’appel est porté à Rome, le pape est obligé, en vertu du concordat, tit. de causis, de nommer des commissaires en France pour juger de l’appel. De même si l’appel d’un official François est dévolu à un archevêché situé hors de France, les parties conviendront de juges résidans dans le royaume, sinon il leur en sera nommé d’office par le parlement, ainsi qu’il a été reglé par le concordat, ibid.

Le siége vacant, le chapitre connoît des appels dévolus à l’évêque.

On peut appeller du chapitre où a assisté l’évêque comme chanoine, à l’évêque même : secùs s’il y a assisté comme président & en sa qualité de prélat. On ne sauroit appeller de l’official à l’évêque.

Lorsqu’une fois il y a eu trois sentences conformes dans la même cause, il n’y a plus lieu à l’appel, & la décision passe en force de chose jugée.

L’appel est ordinairement dévolutif & suspensif : mais il n’est que dévolutif lorsqu’il s’agit d’une sentence de correction, conforme aux statuts synodaux & aux canons des conciles, laquelle s’exécute provisoirement nonobstant l’appel, ne detur occasio licentiùs delinquendi. V. Dévolutif & Suspensif. (H)

On distingue en général deux sortes d’appel, l’appel simple & l’appel qualifié ; savoir, appel comme de juge incompétent, appel comme de déni de renvoi, appel comme de déni de justice, & appel comme d’abus. Il n’y a en France que l’appel simple qui soit entierement de la jurisdiction ecclésiastique ; & on prétend qu’elle ne peut prononcer que par bien ou mal jugé. Les appels qualifiés se relevent contre ceux qui jugent, & au nom du Roi comme protecteur des canons & de la justice. L’appel comme d’abus est une plainte contre le juge ecclesiastique, lorsqu’on prétend qu’il a excédé son pouvoir & entrepris en quelque maniere que ce soit contre la jurisdiction séculiere, ou en général contre les libertés de l’Eglise gallicane. Cette procédure est particuliere à la France.

On appelle quelquefois des jugemens des papes au futur concile, & nous avons dans notre histoire différens exemples de ces appels. Le dernier exemple qu’on en ait, est l’appel interjetté au futur concile de la bulle Unigenitus, par les évêques de Mirepoix, de Senez, de Montpellier, & de Boulogne, auquel accéderent le cardinal de Noailles, & l’Université de Paris, qui l’a retracté en 1739 sous le rectorat de M. l’abbé de Ventadour, aujourd’hui cardinal de Soubise & évêque de Strasbourg. (G)

Appel, s. f. (Escrime.) est une attaque qui se fait d’un simple battement du pié droit dans la même place. Voyez Attaque.

Appel, s. f. en terme de Chasse, est une maniere de sonner du cor pour animer les chiens.