L’Encyclopédie/1re édition/ARTERE

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 719-720).

ARTERE, s. f. ἀρτηρία, dérivé des mots Grecs, ἀὴρ, air, & τηρέω, je conserve ; en Anatomie, c’est un canal membraneux, élastique, qui a la figure d’un cone allongé, intérieurement lisse & poli, sans valvules, si ce n’est dans le cœur, qui décroît à mesure qu’il se divise en un plus grand nombre de rameaux, & qui est destiné à recevoir le sang du cœur pour le distribuer dans le poumon & dans toutes les parties du corps. Voyez Cœur, Poumon, &c. On donna d’abord ce nom à ce que nous appellons la trachée artere, aspera, &c.

Les arteres dont il est question, s’appelloient veines saillantes ou internes, veines qui battent, par opposition aux veines externes non saillantes. Elles eurent principalement cette dénomination, parce que suivant la théorie d’Erasistrate, on pensoit que les tuyaux qui partent du cœur, n’étoient pleins que d’air, qui en entrant dans leurs cavités, les dilatoit, & les faisoit se contracter lorsqu’il en sortoit. Voilà la cause de la diastole & de la systole, suivant les anciens.

L’artere par excellence, ἀρτηρία ἀρτηριώδης, est l’aorte. Voyez Aorte.

Toutes les arteres du corps sont des branches de deux gros troncs, dont l’un vient du ventricule droit du cœur, & porte tout le sang du poumon, d’où on le nomme artere pulmonaire ; l’autre part du ventricule gauche du cœur, & distribue le sang dans toutes les parties du corps : on l’appelle aorte. V. Pulmonaire.

Les Auteurs sont fort partagés sur la structure des arteres : les uns ont multiplié les membranes, d’autres en ont diminué le nombre ; il y en a qui en admettent jusqu’à six, savoir la nerveuse, la cellulaire, la vasculeuse, la glanduleuse, la musculeuse, & la tendineuse. Voyez Nerveux, Cellulaire, &c.

Le docteur Haller dont nous embrassons la doctrine, n’en admet que deux, l’interne & la charnue ; la cellulaire n’est que leur accessoire, & il ne regarde pas l’extérieure comme constante.

Les arteres ont la figure de cones allongés, & vont en décroissant à mesure qu’elles se divisent en un plus grand nombre de rameaux ; & lorsqu’elles parcourent quelque espace sans en jetter, elles paroissent cylindriques. Tous ces vaisseaux étant remplis, dans quelqu’endroit qu’on les conçoive coupés par un plan perpendiculaire à l’axe de leur direction, l’ouverture qu’ils présenteront sera toûjours circulaire ; ces vaisseaux coniques ont leur base commune dans les deux ventricules du cœur, puisqu’ils sont tous produits par l’aorte & par l’artere pulmonaire, & leur sommet aboutit à l’origine des veines ou à la partie de l’artere qui est ou paroît cylindrique.

La membrane externe des arteres n’est pas une membrane propre à toutes, & qui s’observe dans tous leurs trajets : par exemple, quelques-unes sont recouvertes par la plevre dans la poitrine, par le péritoine dans le bas-ventre ; d’autres, comme les arteres du cou, sont environnées extérieurement d’un tissu cellulaire plus épais ; le péricarde embrasse de tous côtés l’aorte, mais il se termine bientôt en changeant de texture dans la membrane cellulaire ; la dure-mere fournit une gaîne à la carotide au passage de cette artere dans le crane. La premiere membrane de toutes les arteres est donc la membrane cellulaire, qui est plus lâche dans sa superficie externe, colorée d’une infinité de petites artérioles & de veines, & traversée de nerfs assez sensibles.

La macération fait voir que ce qu’on appelle la membrane tendineuse de l’artere, ne differe en aucune façon de la cellulaire, puisque les couches intérieures mêmes de cette tunique deviennent cellulaires.

La partie de l’artere la plus intérieure & la plus proche de sa cavité, paroît composée en général de fibres circulaires. Ces fibres dans les grands vaisseaux, sont composées de plusieurs couches assez sensibles par leur couleur rougeâtre & leur solidité ; plus les vaisseaux deviennent petits, & plus elles sont difficiles à découvrir. Sous cette membrane on en remarque une autre cellulaire fort difficile à démontrer, dans laquelle se répandent les concrétions plâtreuses lorsque l’artere s’ossifie.

La membrane la plus interne de l’artere est unie & polie par le courant du sang ; elle forme une couche continue dans toute l’étendue de ses cavités ; elle revêt par-tout les fibres charnues, qui d’elles-mêmes ne sont pas assez continues pour former un plan uni, & empêche que le sang ne s’insinue dans les espaces qu’elles laissent entr’elles ; elle est même par-tout sans valvules.

Il est facile de concevoir par ce que nous venons de dire, pourquoi certains Auteurs ont attribué cinq membranes aux arteres, pendant que d’autres n’en ont reconnu que trois.

Toutes les arteres battent. En effet, quoiqu’on sente avec le doigt le mouvement de systole & de diastole dans les grandes arteres, & qu’il n’en soit pas de même dans les plus petites, on sent néanmoins de fortes pulsations dans les plus petites, lorsque le mouvement du sang est un peu augmenté, comme cela arrive dans l’inflammation. Les arteres ont assez de force : mais le tissu épais & dur de la membrane cellulaire externe, refusant de se prêter à la force qui les distend, elles se rompent facilement & presque plus facilement que les membranes de la veine ; c’est-là une des causes de l’anevrysme. D’ailleurs les membranes des grosses arteres sont, proportion gardée, plus foibles que celles des petites, & par cette raison le sang produit un plus grand effet sur les grandes que sur les petites ; c’est-là pourquoi les anevrysmes sont plus ordinaires aux environs du cœur.

La nature a mis par-tout les arteres à couvert, parce que leur blessure ne pouvoit être sans danger dans les plus petites, & sans la perte de la vie dans les plus grandes. Les plus petites artérioles se distribuent en grand nombre à la peau, & les plus grands troncs sont recouverts par la peau & par les muscles, & rampent sur les os. Il part de chaque tronc artériel des rameaux qui se divisent & se subdivisent en d’autres plus petits, dont on a peine à découvrir la fin ; les orifices des deux rameaux produits par un tronc pris ensemble, sont toûjours plus grands que celui du tronc, dans la raison de 2 à 1, à peu-près ou un peu moins. Tous les troncs s’élargissent au-dessus de leur division. Les angles sous lesquels les rameaux sortent de leurs troncs, sont presque toûjours aigus, demi-droits ou approchant ; angle sous lequel il est démontré dans les méchaniques, que les fluides doivent être poussés le plus loin. Nous avons cependant des exemples dans lesquels les rameaux partent de leurs troncs sous des angles droits ou approchant, comme on le remarque dans les arteres lombaires & dans les intercostales. Nous avons aussi des rameaux rétrogrades dans les arteres coronaires du cœur, & dans les arteres spinales, produites par les vertébrales.

Les arteres communiquent toutes fréquemment les unes avec les autres, de sorte qu’il n’y a aucune partie du corps dans laquelle les troncs artériels voisins ne communiquent par des rameaux intermédiaires. Les extrémités des arteres sont cylindriques ou très approchantes de cette figure, & se terminent de différentes façons, soit en se continuant jusque dans la plus petite veine, soit dans les visceres où elles forment des pinceaux, des arbrisseaux, des zig-zags, des franges, & différentes figures, suivant la différente fonction de ces parties ; soit dans des conduits excréteurs, semblables aux veines ; soit dans des vaisseaux d’un genre plus petit, qui sont quelquefois continus aux arteres, & qui sont de véritables troncs par rapport aux rameaux qu’ils produisent (telles sont les arteres lymphatiques) ; soit dans un canal exhalant : c’est ainsi qu’elles finissent très-fréquemment par tout le corps.

Les veines ressemblent aux arteres en plusieurs points : mais elles different en bien des choses. Voyez Veine.

La nature élastique des arteres fait voir qu’elles se contractent effectivement, & que cette contraction sert à faire avancer le sang. Voyez Sang & Circulation. Voyez dans nos Planches d’Anatomie, la distribution des arteres ; & à l’article Anatomie, l’explication des figures relatives à cette distribution. (L)