L’Encyclopédie/1re édition/SANG

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SANG, s. m. (Anat. & Physiol.) est le nom que l’on donne à la liqueur renfermée dans les arteres qui battent, & dans les veines correspondantes à ces arteres. Voyez Artere & Veine.

Le sang paroît à la premiere inspection, homogene, rouge & susceptible de coagulation dans toutes les parties du corps ; mais différentes expériences nous ont appris qu’il a différens caracteres.

L’hydrostatique nous fait découvrir qu’il y a dans le sang quelque chose de volatil, qui s’exhale continuellement du sang en forme de vapeur, & dont l’odeur tient le milieu entre la mauvaise odeur de l’urine, & celle de la sueur. Cette vapeur contenue dans ses propres vaisseaux, paroît aqueuse, & comme chargée d’une couleur qui tire sur l’alkali.

Le sang de l’homme le plus sain se coagule en une masse tremblante, facile à rompre : il s’épaissit davantage si on l’expose à une chaleur moindre que celle de l’eau bouillante, & même de 150 degrés. On l’a vu se réunir en forme de gelée dans les veines pendant la vie, & dans ceux qui mouroient de fievres violentes. La partie rouge du sang constitue la partie principale de ce coagulement, auquel cette couleur rouge est propre, & qui la communique à toutes les autres parties du sang. Cette même partie du sang, qui peut se réunir en une masse confuse lorsqu’elle est en repos, exposée à un petit froid, à une chaleur de 150 degrés, & mêlée avec l’esprit de vin, avec les acides minéraux, est cependant molle, à-moins qu’elle ne soit endurcie par une trituration pareille à celle qu’elle supporte pendant la vie, ou par quelques secousses semblables. Elle est pesante, & presque plus d’un onzieme qu’un pareil volume d’eau ; elle est toute inflammable lorsqu’elle est dépouillée de son phlegme : la partie rouge fait la moitié & plus de la masse du sang dans les tempéramens sanguins, & le séreux un tiers de la masse ; dans la fievre il se réduit à la quatrieme ou la cinquieme partie.

Ce qui se présente ensuite, c’est la partie blanchâtre & jaunâtre du sang ; & quoiqu’elle paroisse aussi homogene, elle ne l’est cependant pas. Elle est en général plus pesante d’un trente-huitieme qu’un égal volume d’eau ; & plus légere d’un douzieme que le coagulum. Elle se coagule si on l’expose à une chaleur de 150 degrés, qu’on la mêle avec les acides & l’esprit de vin, & qu’on l’agite, ses caillots sont plus durs que ceux de la partie rouge du sang. Ils sont si glutineux, qu’on ne peut les résoudre, en membrane, & enfin en un corps aussi solide que de la corne. C’est cette humeur qui produit la couënne que l’on remarque dans le sang des pleurétiques, les polipes & les membranes artificielles. On découvre dans ce séreux, outre la partie albumineuse qui peut se coaguler, une eau simple qui en constitue la plus grande portion, & quelque chose de muqueux qui file, & qui néanmoins ne se coagule pas comme la partie albumineuse, par le feu, ni par les acides.

Il n’est que la pourriture & la force de l’air échauffé à 96 degrés, qui puissent occasionner une dissolution fétide dans toute la masse du sang, & sur-tout dans le serum ; car la partie séreuse en est la plus susceptible : la partie rouge l’est moins. A la longue, la partie rouge & la lymphe se changent enfin en une exhalaison fétide & volatile, & déposent un sédiment au fond du vase dans lequel elles se sont corrompues.

Le sang une fois dissous par la pourriture ne peut plus se coaguler ; & lorsqu’une fois il a été coagulé par l’esprit de vin, il ne peut plus se dissoudre.

Outre toutes ces parties que l’on découvre avec facilité dans le sang, il est encore chargé d’une assez grande quantité de sel marin, que l’on distingue par sa saveur légèrement salée, & quelquefois avec le microscope. La nutrition, de même que l’analyse chimique, font voir qu’il est aussi chargé de terre, mêlée avec les parties les plus fluides, & sur-tout avec l’huile. Enfin il y a dans le sang un air non élastique qui est en assez grande quantité, & on s’en assure par la pourriture du sang & du serum, & en pompant l’air qui l’environne. Il ne s’ensuit pas de-là que les globules soient des bulles aériennes, puisqu’elles sont spécifiquement plus pesantes que le serum.

La Chimie nous a fourni différens moyens pour découvrir la nature du sang. Si on expose le sang que l’on a tiré d’un homme sain à un petit feu, il s’en évapore une grande quantité d’eau qui faisoit plus des de toute la masse ; elle est presque insipide, & cependant empreinte d’une huile fétide qui se fait sentir de plus en plus, à mesure que la distillation approche plus de sa fin. En exposant le reste à un feu plus fort, il fournit des liqueurs alkalines de différentes especes, dont la premiere est fétide, âcre, rousse & formée d’un sel volatil dissous dans de l’eau, fait environ la douzieme partie de tout le sang.

Il s’éleve avant, & pendant que l’huile s’en détache, un sel volatil sec, qui s’attache par flocons rameux aux parois du ballon : il est en petite quantité, & ne fait pas moins de la cinquantieme partie du sang.

L’autre liqueur qui s’éleve plus lentement est plus pesante, & d’abord jaunâtre, puis noire, ensuite aussi tenace que de la poix, âcre & inflammable ; c’est l’huile du sang humain, elle est en petite quantité, & en fait environ la cinquantieme partie.

Il reste au fond le charbon du sang, tout poreux, inflammable, qui détonne lorsqu’on l’enflamme & se réduit en cendres. L’on retire de cette cendre, après la lessive, un sel mêlé de sel marin & d’un alkali fixe, & un peu de terre ; le sel fixe fait à-peine la quatre-vingtieme partie du sang, dont presque la quatrieme est alkaline. On tire au moyen d’un feu violent, de cet alkali quelque chose d’acide, qui tire en partie sur celui de l’esprit du sang, & qui a en même tems quelque rapport avec les alimens tirés des végétaux, dont le caractere n’est pas encore totalement détruit ; c’est ce qui fait qu’on le trouve dans les animaux qui vivent des végétaux, de même que dans l’homme. La terre qui est la cent cinquantieme partie environ, est chargée de quelques particules que l’aiman attire. Le serum distillé donne les mêmes principes que tout le sang ; il fournit cependant moins d’huile & beaucoup plus d’eau.

Cette analyse fait voir qu’il y a dans le sang des liquides plus pesans & plus tenaces les uns que les autres ; qu’il y en a d’aqueux, d’inflammables, & qu’une très-grande partie du sang tend plus à la pourriture & à la nature alkaline : car tant que le sang n’est pas altéré, & qu’il est à-couvert de la pourriture & d’une trop grande chaleur, il ne s’alkalise, ni ne s’aigrit, il est au contraire doux & peu salé ; il est cependant âcre dans certaines maladies, & très-disposé à la pourriture. Par exemple, dans le scorbut dans lequel il ronge les vaisseaux qui le renferment ; dans l’hydropisie où l’eau devient presque alkaline. On trouve dans celui des insectes une chaux alkaline, qui fait effervescence avec les acides.

Les acides violens & l’esprit de vin coagulent le sang. Les acides doux, les sels alkalis, même fixes, & sur-tout les volatils, les acides végétaux & le nitre, le dissolvent ; il ne fait effervescence avec aucun sel. Le mouvement violent, une trop grande chaleur extérieure, fait tomber le sang en pourriture.

Si l’on examine le sang nouvellement tiré dans un tuyau de verre, ou dans les veines des animaux vivans, à-travers le microscope, on y distingue des globules rouges, mols, de figure variable, & qui constituent ce qu’on appelle proprement le cruor, ou la partie du sang renfermée dans les arteres & les veines sanguines.

Ces globules nagent dans un fluide moins dense, dans lequel on distingue avec le microscope, des globules jaunes, plus petits que les rouges, qui ont été auparavant de cette couleur ; & qui par la chaleur & le frottement se changent en de plus petits semblables. De grands hommes après bien des expériences, ont évalué le diametre d’un globule rouge de sang, à pouce.

On observe, après un examen le plus recherché à-travers le microscope, dans l’eau pâle qui reste & dans laquelle les premiers globules nageoient, des globules aussi transparens que l’eau, & quelques petites pointes de sel.

C’est de ces expériences, comparées les unes avec les autres, que l’on a tiré toutes ces connoissances que l’on a sur le sang. On sait donc que le sang est composé de globules qui se réunissent en une masse confuse lorsque la vapeur qui les tenoit en dissolution s’en exhale, & parce qu’alors leur force d’attraction est plus grande. La partie rouge du sang desséchée & qui s’enflamme, nous fait voir la nature inflammable de ces globules si on la jette dans le feu ; c’est ce que prouve aussi le pyrophore qu’on tire du sang humain, & il est très-vraissemblable que l’huile poisseuse que l’on retire du sang par un feu violent, vient encore de-là.

Le serum jaunâtre qui paroît aussi composé de globules nageant dans l’eau, est tel que nous l’avons décrit ci-dessus. Il se trouve dans une espece de liquamen aqueux & plus fin, dont on ne peut distinguer les particules de l’eau des autres principes, mais en plus petite quantité, dont il est composé ; principes que le feu fait dégénérer en sels alkalis. Les distillations de la salive, du mucus, de l’humeur de l’insensible transpiration, en fournissent autant de preuves.

On ne peut déterminer au juste la quantité du sang ; il est constant que le poids des humeurs surpasse de beaucoup celui des parties solides ; mais plusieurs de ces humeurs ne circulent point, telles sont la graisse & le suc glutineux qui unit les différentes parties. Si on en peut juger par les grandes hémorrhagies qui n’ont cependant pas fait perdre la vie, par les expériences faites sur les animaux, desquels on a tiré tout le sang, par la capacité des arteres & des veines, les humeurs qui circulent peuvent s’évaluer au moins à 50 livres, dont la cinquieme partie constitue ce qu’on appelle le vrai sang ; les arteres en contiennent environ la cinquieme partie, & les veines les quatre autres.

La proportion de ces élémens n’est pas toujours telle que nous l’avons dit jusqu’à présént : l’exercice, l’âge viril augmente le sang renfermé dans les vaisseaux sanguins, sa rougeur, sa force, sa densité, la cohésion de ses parties, la dureté du serum coagulé, son poids & ses principes alkalis ; au contraire, si on est jeune, oisif, qu’on ne boive que de l’eau, & qu’on ne vive que de végétaux, toutes ces causes diminuent le volume du sang des vaisseaux sanguins, rendent les parties aqueuses plus abondantes, & augmentent à proportion le serum & le mucus qu’il contient ; la vieillesse en augmente la partie rouge, & diminue la partie gélatineuse.

La partie rouge du sang paroît sur-tout propre à produire la chaleur, puisque la chaleur est toujours proportionnée à cette partie : elle l’arrête dans les vaisseaux du premier genre, parce que la grosseur de ses globules l’empêche de passer outre ; & comme ils reçoivent du cœur un mouvement commun à toutes les autres parties, elles ont plus de vîtesse qu’elles, à raison de leur plus grande densité ; de-là ils impriment par cette raison le mouvement aux liqueurs des genres inférieurs ; c’est là pourquoi la partie rouge de sang étant trop diminuée par de fréquentes saignées, le sang séjourne dans les plus petits vaisseaux ; on devient gros, hidropique, & ainsi le renouvellement de la masse du sang paroît dépendre de la présence de la quantité convenable de cette partie rouge ; en effet, les hémorrhagies font dégénérer le sang, qui de sa nature est rouge & épais, en une humeur pâle & séreuse.

Le serum, principalement celui qui se coagule, est sur-tout destiné à la nutrition des parties, à la dissolution des alimens, à arroser la surface externe & interne des cavités du corps humain, à entretenir la souplesse dans les solides, au mouvement des nerfs, à la vue, &c. M. Haller, Physiol.

Les globules rouges du sang ne different de ceux qu’on trouve dans le chyle, qu’en ce qu’ils sont composés de plusieurs ; leur couleur ne dépend que de cet assemblage, car quand on les sépare, ils reprennent leur blancheur ; de-là vient que tout ce qui paroît rouge dans un sang qu’on expose à l’air, se convertit enfin en sérosité ; car les petits globules qui se séparent les uns des autres recouvrent leur blancheur. La même chose arrive dans le sang lorsqu’il est renfermé dans le corps ; car lorsqu’il a roulé un certain tems dans ses vaisseaux, il change de nature ; ses globules sont fouettés continuellement par les vaisseaux, qui étant aidés de l’action de la chaleur qui survient, divisent les parties du sang, & les réduisent enfin en une sérosité, laquelle se filtre par les couloirs des visceres, ou s’exhale par les pores des poumons & de la peau.

La cause de cette rougeur a fait former bien des systèmes ; celle qui a été reçue le plus généralement est le mélange du nitre de l’air avec le sang dans les poumons ; quelques expériences chimiques paroissent confirmer cette idée. Mais 1°. avec des sels alkalis on donne de la rougeur au lait : quelle raison aura-t-on donc d’attribuer la couleur du sang au nitre plûtôt qu’à des sels alkalis ? l’on peut dire avec autant de vraissemblance qu’un sel lixiviel sorti de la terre ou mêlé avec les alimens, produit la couleur rouge, quand il vient à s’alkaliser par la chaleur du corps : d’ailleurs ne pourra-t-on pas trouver dans l’air quelque miniere de sel alkali, de même qu’on y trouve du nitre ? 2°. on ne sauroit prouver qu’il y ait du nitre dans l’air ; du-moins n’est-il pas concevable qu’il se trouve dans ce fluide une si grande quantité de ce sel.

Je ne parlerai pas ici de ceux qui ont autrefois attribué au foie la rougeur de sang ; on sait que Bartholin l’a dépouillé de cette faculté ; mais je crois qu’on peut lui rendre en partie les fonctions qu’on lui a refusées : il n’est pas prouvé que le chyle ne passe pas des veines mésentériques dans le foie ; au contraire, nous savons que cela arrive dans les oiseaux : des expériences mêmes semblent prouver que la même chose se trouve dans l’homme.

Mais comment est-ce que les globules unis peuvent prendre la couleur rouge par cette union précisément ? On a dit que les couleurs consistoient dans les modifications de la lumiere ; mais par des expériences réitérées, on s’est convaincu que les couleurs étoient particulieres à certains rayons de lumiere.

Les globules dans les gros vaisseaux teignent en rouge toutes les liqueurs qui s’y trouvent ; il ne faut pas pour cela qu’ils soient en une quantité extraordinaire ; on voit qu’il ne faut que peu de vin rouge pour teindre un grand verre d’eau.

La petite quantité des globules rouges fait que les extrémités capillaires des arteres ne sont pas colorées ; car comme ces globules ne peuvent passer que l’un après l’autre dans les filieres, il s’ensuit que pour un globule rouge il y aura une grande quantité d’eau & de limphe, & par là la couleur rouge doit se trouver absorbée ; de plus, ces petits globules se trouvant comprimés, leur figure doit changer, ainsi la couleur doit souffrir quelque changement ; aussi a-t-on remarqué que les globules en passant par les extrémités artérielles, s’applatissent & prennent une couleur jaunâtre ; on apperçoit de petits globules blancs & diaphanes, qui ne sont autre chose que les parties huileuses de la limphe, qui n’ont encore ni assez de mouvement, ni assez de pression pour changer de couleur.

La rougeur du sang est-elle absolument nécessaire ? On trouve des insectes qui n’ont dans leurs vaisseaux qu’une liqueur blanchâtre & diaphane ; avec ce fluide ils vivent, ils font tous les mouvemens dont leurs petits muscles sont capables.

Le sang n’a pas la même couleur dans tous ses vaisseaux : si l’on ouvre un chien d’abord après qu’il a mangé, on verra qu’il se trouve dans les arteres pulmonaires une matiere blanchâtre mêlée avec le sang ; mais dans les veines le sang est plus rouge ; cela s’ensuit évidemment de ce que nous avons dit. La rougeur du sang dépend de la cohésion des globules du chyle ; ces globules, par la pression qu’ils ont soufferte, ont été unis dans les arteres capillaires ; il est donc nécessaire que le sang soit plus rouge dans la veine pulmonaire que dans l’artere.

Il y a encore une autre différence de couleur dans le sang qui se trouve en divers vaisseaux ; le sang artériel est fort rouge, mais le sang veineux est noirâtre ; cela s’ensuit de même de ce que nous avons établi. La rougeur du sang dépend du mouvement qui se trouvant moins fort dans les veines, doit aussi produire moins d’effet ; mais il y a une raison qui prouve mieux que cette différence doit arriver : c’est que le sang artériel est rempli de lymphe, au lieu que le sang veineux en est privé ; par conséquent les globules rouges se trouvent en plus grande quantité à proportion dans les veines, & le sang doit y paroître d’une rougeur plus foncée & approchante du noir.

Quand on tire du sang des veines & des arteres du même animal, on y remarque une différence : le sang des arteres a à-peu-près la même couleur dans sa surface & dans le fond ; mais le sang veineux est fort noirâtre au fond ; je suppose au reste que l’on mette ce sang dans un vaisseau un peu profond : la différence de couleur ne vient que de ce que le sang artériel est beaucoup plus raréfié & plus mêlé que le sang veineux ; le mouvement qui se trouve dans les arteres & qui manque dans les veines, doit nécessairement produire cet effet.

Outre la partie rouge dont nous venons de parler, y a-t-il dans le sang des parties fibreuses ? Il s’est trouvé des anatomistes qui avec raison, ont nié l’existence de ces parties ; mais il s’est trouvé des physiciens qui leur ont fait divers réponses pour prouver qu’il y avoit dans le sang de ces sortes de parties. Voyez M. Senac, ess. de Physiq.

Toutes ces matieres qui composent le sang sont agitées de deux mouvemens ; l’un est le mouvement de circulation dont nous avons parlé, & l’autre le mouvement intestin, c’est-à-dire le mouvement des parties sanguines en tout sens. Voyez Circulation.

Le mouvement intestin n’est point prouvé comme le mouvement circulaire, au contraire il souffre beaucoup de difficulté ; on ne nie pas que les parties qui composent le sang n’aient des mouvemens différens dans leurs vaisseaux ; leurs diverses réflexions, l’élasticité de l’air, l’action des vaisseaux ; tout cela doit imprimer divers mouvemens aux diverses parties qui composent le sang ; mais ce qu’on nie, c’est que le mouvement intestin soit essentiel à sa fluidité, c’est-à-dire que le sang ne soit fluide que parce que ses parties sont diversement agitées : une matiere peut être très-fluide quoique toutes ses parties soient dans un repos parfait ; il suffit seulement que ces parties puissent céder à la moindre impulsion ; or cela arrivera nécessairement dès qu’elles ne seront pas unies. Je crois qu’il n’y a personne qui puisse soutenir que la désunion ou la non-adhérence des parties de la matiere, ne puisse exister sans mouvement ; ce sentiment ne souffre pas tant de difficulté que l’autre, on s’épargne par-là la peine de chercher une cause de cette agitation, qu’on a cru trouver dans la matiere subtile, mais que rien ne sauroit prouver ; on ne peut concevoir dans ce fluide un mouvement continuel qui porte ces parties de tous côtés, la raison en est évidente ; car si l’on veut établir un mouvement en tous sens, il faut qu’on dise qu’il n’y a pas d’endroits vers lequel quelque partie de ce fluide ne se meuve ; or si cela est, il n’y aura point de partie en mouvement qui n’en trouve quelqu’une qui aura autant de force qu’elle dans son chemin ; elle ne pourra donc pas se mouvoir, ni par conséquent aucune des autres. Enfin nous nions qu’il y ait dans le sang un principe qui par lui-même donne la fluidité, laquelle ne dépend absolument que du mouvement des vaisseaux ; car les grumeaux qu’on voit dans les vaisseaux de la grenouille qui a été exposée à un froid vif, ne peuvent pas se dissoudre par la chaleur qu’on leur communique en approchant la grenouille du feu ; mais dès que le mouvement du cœur augmente, les grumeaux se divisent dans un instant. Les mouvemens de circulation & de fluidité ne sont pas les seuls qu’on a attribués au sang ; on lui a encore voulu donner un mouvement de fermentation : le sang, dit-on, a des principes acides & alkalis qui, heurtant continuellement les uns contre les autres, doivent nécessairement produire le mouvement que l’on nomme fermentation, comme cela arrive aux liqueurs qui ont ces principes ; mais comme ces principes sont mêlés de parties sulphureuses qui les séparent, il s’ensuit que la fermentation ne doit se faire que peu-à-peu ; au premier instant quelques parties sulphureuses sortiront de l’entre-deux de quelques acides & de quelques alkalis ; au second instant la même chose arrivera à d’autres parties ; ainsi la fermentation se fera successivement : on apporte encore plusieurs autres raisons pour prouver qu’il y a dans le sang un tel mouvement fermentatif. 1°. Dit-on, le chyle se change en sang ; or dans le sang les parties sont changées, & la proportion des principes qui le composent n’est pas la même que dans les parties du chyle ; tout cela, selon plusieurs, ne peut se faire sans fermentation. 2°. Le sang se change en diverses humeurs, & dans ce changement il y a un changement de substance qui ne peut se faire sans fermentation. 3°. Dans le foin & l’avoine, on ne trouve pas de sel urineux ; cependant les animaux qui se nourrissent de ces matieres donnent beaucoup de ce sel par l’analyse ; or ce sel ne sauroit se former sans la fermentation non-plus que le sel salé ; toutes ces raisons sont soutenues de l’analyse de toutes les liqueurs du corps humain, que l’on peut voir à leurs articles particuliers, Salive, Suc pancréatique, Semence, Urine, Urine &c.

Quelque chose que l’on dise, on ne sauroit établir de fermentation dans le sang ; les matieres qui le composent sont fort huileuses : or on sait par la Chimie que l’huile empêche les fermentations ; les acides du vinaigre qui ont dissout le plomb, & qui sont mêlés avec beaucoup d’huile, comme l’analyse nous l’apprend, ne bouillonnent point avec les alkalis : il y a plusieurs autres exemples que je ne rapporterai pas. 2°. Jamais il n’y a eu de fermentation sans repos ; or comment trouver ce repos dans le sang qui est porté partout le corps avec une grande rapidité.

3°. Mais, objectera-t-on, comment se peut former du sel salé du sang, s’il n’y a pas de fermentation ? A cela je réponds que les acides du vinaigre qui a dissout le plomb, formeront le sel salé avec des alkalis ; cependant on n’y remarque pas de fermentation : d’ailleurs la pression du cœur & des vaisseaux, & la chaleur du sang, feront entrer les acides dans les alkalis, & cela suffira pour former un sel salé, &c.

Toutes ces raisons étant supposées, on peut prouver qu’il n’est pas besoin de fermentation pour former & entretenir la chaleur dans le corps humain. 1°. Les parties solides du corps humain sont très propres à s’échauffer par les frottemens : on l’expérimente à chaque moment par l’action des mains ou de quelque autre partie. 2°. Dès que le cœur viendra à agir par ses mouvemens alternatifs, il poussera les parois artérielles, qui par leurs vibrations fréquentes s’échaufferont peu-à-peu. 3°. Les vibrations des arteres ayant fort échauffé les autres parties solides, il arrivera que cette chaleur se communiquera aux fluides, ainsi les solides seront la seule cause de la chaleur dans le corps humain. 4°. Les parties fluides qui sont dans les vaisseaux, sont très-propres à s’échauffer, puisqu’elles sont fort huileuses ; ainsi elles pourront s’échauffer beaucoup. 5°. Par ce que nous venons de dire, on se débarrasse facilement de la difficulté qu’on fait d’ordinaire contre ce sentiment ; savoir comment il se peut faire que les fluides s’échauffent beaucoup dans notre corps sans fermentation, puisque l’eau qu’on bat ne s’échauffe jamais. On en trouve aisément la raison dans ce que nous venons de dire ; s’il n’y avoit que de l’eau dans le corps, la chaleur seroit suffoquée, mais il y a d’autres matieres : d’ailleurs si les parois des vaisseaux étoient bien fortes, & que l’eau n’empêchât pas l’esprit animal de couler dans les nerfs, la chaleur pourroit se faire sentir. On n’a qu’à imbiber d’eau des pieces de bois qui s’échauffent facilement, on verra que si on les frotte long-tems l’une contre l’autre, elles s’échaufferont : or cela ne peut se faire qu’il ne survienne quelque chaleur dans l’eau contenue dans les pores ; de plus, s’il y avoit un principe d’élasticité dans l’eau comme dans le sang, la chaleur surviendroit de même par les mouvemens de ce fluide, comme par le mouvement du sang. 6°. Il y a une expérience qui prouve que la cause primitive de la circulation & de la chaleur, est l’action des vaisseaux. Qu’on prenne une grenouille, qu’on l’ouvre & qu’on l’expose au froid, on verra que le sang qui est dans le mésentere se coagulera & se réduira en grumeaux. Si l’on présente ces vaisseaux au feu, les grumeaux subsistent toujours, l’action des parties ignées ne les résout point ; mais dès qu’on présente le cœur de la grenouille au feu, & qu’il commence à battre, dès lors tous les grumeaux disparoissent, & la circulation se revivifie, comme nous avons déja dit. De-là il s’ensuit évidemment que ce n’est pas la chaleur qui donne la fluidité au sang, que ce n’est que l’action des parties solides qui le divisent ; que sa chaleur est un effet du mouvement des vaisseaux, & qu’elle n’est pas même absolument nécessaire, puisqu’elle n’est qu’une suite du ressort des fibres. S’il arrivoit que ces fibres pussent avoir assez de force pour diviser le sang, mais qu’elles n’en eussent pas assez pour s’échauffer, le sang ne seroit nullement chaud, quoiqu’il fût fluide. 7°. On peut voir par tout cela que le sang qui sera trop agité par les parties solides, s’échauffera davantage, tendra à s’alkalifier, deviendra plus âcre. 8°. On peut expliquer pourquoi la chaleur devient plus forte quand la circulation trouve quelque obstacle : les arteres se trouvant plus dilatées, agissent avec plus de force ; ainsi la chaleur doit se faire sentir plus fortement. Voyez M. Senac, essais phys.

On peut concilier tout ce que nous venons de dire du sang, avec les différentes especes de tempéramens que les anciens ont établies. Si le sang abonde en globules rouges ou du premier genre, cet état sera celui que les anciens appelloient tempérament sanguin ; & on rendra raison par-là des symptomes particuliers à ce tempérament. Si les globules rouges sont en petite quantité dans le sang, & que celui-ci soit fluide & séreux, ce sera ce qu’ils appelloient tempérament phlegmatique. S’il arrive, par quelque cause que ce soit, que le sang se trouve surchargé de parties grossieres, épaisses, & difficiles à mettre en mouvement, parties que les anciens ont regardées comme les principaux ingrédiens de l’atrabile, ce sera pour lors cette constitution qu’ils ont appellée mélancolique, temperamentum melancolicum. Nos alimens en général sont d’une matiere acide, ou participent de cette qualité ; mais par les altérations qu’ils ont à souffrir dans notre corps, ils passent bientôt dans un état neutre : la structure du corps des animaux est telle, que la circulation par sa force en atténuant de plus en plus les parties du sang, corrige leur acidité, & les animalise pour ainsi dire ; elle les rend volatils & en état de passer par la voie de la transpiration : c’est cette même force qui les dispose enfin à devenir alkalins ; si rien ne s’oppose à cette transformation, l’haleine devient forte & le sang se corrompt. On voit que la bile avant que de se séparer du reste de la masse du sang, a subi une longue circulation : c’est une des liqueurs animales les plus parfaites, & qui s’éloignent le plus de la nature des acides ; elle est abondante & bien conditionnée dans ceux en qui les liqueurs circulent avec force, & en qui toutes les fonctions s’exécutent bien. C’est cette constitution portée à un degré trop fort, qui mérite à juste titre d’être appellée avec les anciens, tempérament cholérique, ou chaud & bilieux ; la constitution directement contraire à celle-là, dans laquelle la circulation se fait d’une maniere foible & irréguliere, & où le mouvement n’est point assez fort pour changer la qualité de nos alimens, paroit convenir avec la cachexie des anciens, que l’on peut en quelque façon regarder comme une sorte de tempérament, & comme une disposition différente de l’état naturel & régulier. Elle n’est pas, à proprement parler, une maladie particuliere, telle que le seroit une disposition du corps propre à donner lieu à un grand nombre d’incommodités ; cette constitution se trouve communément confondue avec le tempérament phlegmatique, de même le tempérament sanguin & bilieux se trouvent souvent réunis dans un même sujet. On trouve encore dans le corps humain d’autres dispositions générales & différentes de l’état moyen ; & ces différentes dispositions peuvent être désignées par les noms du tempérament sulphureux. salin, chaud, froid, &c. selon la maniere dont on considere les diverses parties qui entrent dans la composition du sang, leur combinaison, & les différentes opérations du corps. Voyez Cœur.

Quant à la dépuration du sang, & à la maniere dont les différentes liqueurs sont séparées, voyez Secrétions.

Pour ce qui est de la transfusion du sang d’un animal dans les veines d’un autre, voyez Transfusion.

Nous avons dans les Transactions philosophiques. plusieurs exemples extraordinaires d’hémorrhagies volontaires ; il est fait mention sur-tout d’un enfant qui rendit le sang par le nez, les oreilles & le derriere de la tête pendant trois jours. Depuis ce tems jusqu’au sixieme, il rendit le sang par les sueurs de la tête : au sixieme jour il le rendit par la tête, les épaules & le milieu du corps pendant trois jours. Il continua à saigner des orteils, des jointures des bras, & des doigts de chaque main, & de l’extrémité des doigts, ce qui dura jusqu’à sa mort. Dans l’ouverture que l’on en fit, on trouva dans les endroits d’où le sang sortoit de petits trous semblables à une piquûre d’aiguille. Voyez Hémorrhagie.

Pour la maniere d’étancher le sang, voyez Styptique.

Pierre de sang, voyez Sanguine & Hématites.

Mains sanglantes (avoir les) c’est une des quatre sortes de délits que l’on peut commettre sur les pays de chasse du roi d’Angleterre. Si on trouve un homme ayant les mains ou une autre partie sanglante, il est condamné comme ayant tué une bête fauve, quand même on ne l’auroit point trouvé chassant. Voyez Forêt.

Pluie de sang, voyez Pluie.

Flux de sang, voyez Flux & Dyssenterie.

Urine de sang, c’est une maladie dans laquelle l’urine sort mêlée avec du sang, en quantité plus ou moins grande. Voyez Urine.

Le sang qui sort ainsi vient des reins, quelquefois aussi de la vessie ou des ureteres. Cette maladie est causée quelquefois par une émotion violente, ou par une chûte en arriere qui cause la rupture de quelques-uns des vaisseaux urinaires : quelquefois aussi elle se trouve à la suite des suppressions subites des hémorrhoïdes ou des regles. La pierre sur-tout dans les reins, occasionne aussi de fréquens paroxismes de cette maladie ; & les cantharides prises intérieurement, ou même appliquées extérieurement sans acides, produisent le même effet. L’urine de sang est un trés-mauvais symptome dans la petite vérole & les fievres malignes, quoique dans quelques occasions elle ait paru servir de crise, & être un indice de la fin de la maladie.

Sang de bouc, (Pharmacie.) la préparation consiste à le faire sécher pour le garder & le réduire en poudre quand on voudra.

On fera nourrir à la maison un chevreau avec la pimprenelle, le persil, la mauve, la saxifrage ; on lui ouvrira les arteres, & on ramassera le sang qui en découlera ; on le laissera rasseoir ; on en séparera la sérosité, & ensuite on le fera sécher au soleil, ou à une chaleur douce de feu.

Ses vertus sont d’être sudorifique, alexipharmaque ; on l’ordonne dans la pleurésie, à la dose d’un scrupule. Voyez Bouc. C’est ainsi que l’on prépare le sang humain.

Sang, (Critiq. sacrée.) ce mot, dans l’Ecriture, marque la vie ; de-là ces expressions figurées, teindre son pié, ses habits de sang, pour dire faire un grand carnage de ses ennemis ; porter sur quelqu’un le sang d’un autre, c’est charger quelqu’un du meurtre d’un autre. Sang se prend aussi pour parenté, alliance. Je vous livrerai à ceux de votre sang qui vous poursuivront, Ezech. xxxv. 6. Ce mot désigne encore la nature corrompue par le péché, Matth. xvj. 17. Il signifie quelquefois le jus du raisin. Judas lavera son manteau dans le vin, in sanguine uvæ, Genese. ixix. 11. C’est une expression figurée pour peindre la fertilité des vignobles de la tribu de Juda. Malheur à celui qui bâtit une ville dans le sang, Habac. ij. 12. c’est-à-dire par l’oppression des malheureux. O Dieu, délivrez-moi des sangs, dit David, ps. l. 16. c’est-à-dire des peines que je mérite par le sang que j’ai répandu. Ce devroit être la priere de tous les rois qui ont aimé la guerre. (D. J.)

Sang, pureté de, (Hist. d’Espag.) en Espagne on fait preuve de pureté de sang, comme on fait preuve en France de noblesse pour être chevalier de Malte, ou du Saint-Esprit, &c. Tous les officiers de l’inquisition, ceux du conseil suprème & des autres tribunaux doivent prouver leur pureté de sang, c’est-à-dire qu’il n’y a jamais eu dans leur famille ni juifs, ni maures, ni hérétiques. Les chevaliers des ordres militaires, & quelques chanoines sont pareillement obligés de joindre cette preuve aux autres, qu’on exige d’eux. On les dispense de la pureté de sang au propre, la figurative en tient lieu. (D. J.)

Sang de Jesus-Christ, ordre du, (Ordre milit.) nom donné à un ordre militaire institué à Mantoue en 1608, par Vincent de Gonzagues, quatrieme du nom, duc de Mantoue. On peut lire, sur cet ordre, Donnemundi, dans son histoire de Mantoue, le Mire, Faryn, Justiniani & le pere Helyot. Je dirai seulement que l’habit des chevaliers de cet ordre, à commencer par leur collier jusqu’à leurs bas de soie cramoisi, est assez bisarrement imaginé ; mais c’est à-peu-près la même chose de presque tous les autres ordres militaires de l’Europe. (D. J.)

Sang, conseil de, (Hist. mod.) est un tribunal qui fut établi en 1567, dans les Pays-Bas, par le duc d’Albe, pour la condamnation ou justification de ceux qui étoient soupçonnés de s’opposer aux volontés du roi d’Espagne Philippe II. Ce conseil étoit composé de douze personnes. c

Sang-dragon, s. m. (Hist. des drog. exot.) sorte de résine connue de Dioscoride, sous le nom de κιννάβαρις, & des Arabes, sous celui de alachnem ; on l’appelle sanguis draconis dans les boutiques. C’est une substance résineuse, seche, friable, inflammable,