L’Encyclopédie/1re édition/ASTROLABE

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ASTROLABE, s. m. (Astron.) signifioit anciennement un système ou assemblage de différens cercles de la sphere, disposés entr’eux dans l’ordre & dans la situation convenable. Voyez Cercle & Sphere.

Il y apparence que les anciens astrolabes avoient beaucoup de rapport à nos spheres armillaires d’aujourd’hui. Voyez Armillaire.

Le premier & le plus célebre de ce genre étoit celui d’Hipparque, que cet astronome avoit fait à Alexandrie, & place dans un lieu sûr & commode pour s’en servir dans différentes observations astronomiques.

Ptolomée en fit le même usage : mais comme cet instrument avoit différens inconvéniens, il prit le parti d’en changer la figure, quoiqu’elle fût parfaitement conforme à la théorie de la sphere ; & il réduisit l’astrolabe à une surface plane, à laquelle il donna le nom de planisphere. Voyez Planisphere.

Cette réduction n’est possible qu’en supposant qu’un œil, qui n’est pris que pour un point, voit tous les cercles de la sphere, & les rapporte à un plan ; alors il se fait une représentation ou projection de la sphere, applatie & pour ainsi dire écrasée sur ce plan, qu’on appelle plan de projection.

Un tableau n’est qu’un plan de projection, placé entre l’œil & l’objet, de maniere qu’il contient toutes les traces que laisseroient imprimées sur la superficie tous les rayons tirés de l’objet à l’œil : mais en fait de planispheres ou d’astrolabes, le plan de projection est placé au-delà de l’objet, qui est toûjours la sphere. Il en est de même des cadrans, qui sont aussi des projections de la sphere, faites par rapport au soleil. Il est naturel & presqu’indispensable, de prendre pour plan de projection de l’astrolabe quelqu’un des cercles de la sphere, ou au moins un plan qui lui soit parallele ; après quoi reste à fixer la position de l’œil par rapport à ce plan. Entre le nombre infini de planispheres que pouvoient donner les différens plans de projection & les différentes positions de l’œil, Ptolomée s’arrêta à celui dont le plan de projection seroit parallele à l’équateur, & où l’œil seroit placé à l’un des poles de l’équateur ou du monde. Cette projection de la sphere est possible, & on l’appelle l’astrolabe polaire ou de Ptolomée. Tous les méridiens qui passent par le point où est l’œil & sont perpendiculaires au plan de projection, deviennent des lignes droites, ce qui est commode pour la description des planispheres : mais il faut remarquer que leurs degrés qui sont égaux dans la figure circulaire, deviennent fort inégaux quand le cercle s’est changé en ligne droite ; ce que l’on peut voir facilement en tirant de l’extrémité d’un diametre par tous les arcs égaux d’un demi-cercle, des lignes droites qui aillent se terminer à une autre droite qui touchera ce demi-cercle à l’autre extrémité du même diametre ; car le demi-cercle se change par la projection en cette tangente, & elle sera divisée de maniere que ses parties seront plus grandes, à mesure qu’elles s’éloigneront davantage du point touchant. Ainsi dans l’astrolabe de Ptolomée les degrés des meridiens sont fort grands vers les bords de l’instrument, & fort petits vers le centre ; ce qui cause deux inconvéniens ; l’un, qu’on ne peut faire aucune opération exacte sur les degrés proches du centre, parce qu’ils sont trop petits pour être aisément divisés en minutes, & moins encore en secondes ; l’autre, que les figures célestes, telles que les constellations, deviennent difformes & presque méconnoissables, en tant qu’elles se rapportent aux méridiens, & que leur description dépend de ces cercles. Quant aux autres cercles de la sphere, grands ou petits, paralleles ou inclinés à l’équateur, ils demeurent cercles dans l’astrolabe de Ptolomée. Comme l’horison & tous les cercles qui en dépendent, c’est-à-dire, les paralleles & les cercles verticaux, sont différens pour chaque lieu, on décrit à part sur une planche qu’on place au-dedans de l’instrument, l’horison & tous les autres cercles qui y ont rapport, tels qu’ils doivent être pour le lieu ou pour le parallele où l’on veut se servir de l’astrolabe de Ptolomée ; & par cette raison il ne passe que pour être particulier, c’est-à-dire d’un usage borné à des lieux d’une certaine latitude ; & si l’on veut s’en servir en d’autres lieux, il faut changer la planche & y décrire un autre horison. M. Formey. Voyez Planisphere.

C’est de-là que les modernes ont donné le nom d’astrolabe à un planisphere ou à la projection stéréographique des cercles de la sphere sur le plan d’un de ses grands cercles. Voyez Projection stéréographique.

Les plans ordinaires de projection sont 1° celui de l’équinoctial ou équateur, l’œil étant supposé à l’un des poles du monde : 2° celui du méridien, l’œil étant supposé au point d’intersection de l’équateur & de l’horison : 3° enfin celui de l’horison. Stoffler, Gemma-Frisius & Clavius ont traité fort au long de l’astrolabe.

Voici la construction de l’astrolabe de Gemma-Frisius ou Frison : le plan de projection est le colure ou méridien des solstices, & l’œil est placé à l’endroit où se coupent l’équateur & le zodiaque, & qui est le pole de ce méridien ; ainsi dans cet astrolabe, l’équateur, qui devient une ligne droite, est divisé fort inégalement, & a ses parties beaucoup plus serrées vers le centre de l’instrument que vers les bords, par la même raison que dans l’astrolabe de Ptolomée, ce sont les méridiens qui sont défigurés de cette sorte ; en un mot c’est l’astrolabe de Ptolomée renversé : seulement pour ce qui regarde l’horison, il suffit de faire une certaine opération, au lieu de mettre une planche séparée, & cela a fait donner à cet astrolabe le nom d’universel. Jean de Royas a imaginé aussi un astrolabe, dont le plan de projection est un méridien, & il place l’œil sur l’axe de ce méridien à une distance infinie. L’avantage qu’il tire de cette position de l’œil, est que toutes les lignes qui en partent sont paralleles entr’elles & perpendiculaires au plan de projection ; par conséquent non-seulement l’équateur est une ligne droite, comme dans l’astrolabe de Gemma-Frison, mais tous les paralleles à l’équateur en sont aussi, puisqu’en vertu de la distance infinie de l’œil, ils sont tous dans le même cas que si leur plan passoit par l’œil : par la même raison l’horison & ses paralleles sont des lignes droites ; mais au lieu que dans les deux astrolabes les degrés des cercles devenus lignes droites sont fort petits vers le centre, & fort grands vers les bords, ici ils sont fort petits vers les bords & fort grands vers le centre, ce qui se voit facilement en tirant sur la tangente d’un quart de cercle des paralleles au diametre par toutes ses divisions égales. Les figures ne sont donc pas moins altérées que dans les deux autres ; de plus, la plûpart des cercles dégénerent ici en ellipses qui sont difficiles à décrire. Cet astrolabe est appellé universel comme celui de Gemma-Frison, & pour la même raison.

Nous venons de décrire les trois seules especes d’astrolabes qui eussent encore paru avant M. de la Hire ; leurs défauts communs étoient d’altérer tellement les figures des constellations, qu’elles n’étoient pas faciles à comparer avec le ciel, & d’avoir en quelques endroits des degrés si serrés, qu’ils ne laissoient pas d’espace aux opérations. Comme ces deux défauts ont le même principe, M. de la Hire y remédia en même tems, en trouvant une position de l’œil, d’où les divisions des cercles projettés fussent très-sensiblement égales dans toute l’étendue de l’instrument. Les deux premiers astrolabes plaçoient l’œil au pole du cercle ou du plan de projection, le troisieme à distance infinie, & ils rendoient les divisions inégales dans un ordre contraire. M. de la Hire a découvert un point moyen, d’où elles sont suffisamment égales. Il prend pour son plan de projection celui d’un méridien, & par conséquent fait un astrolabe universel, & il place l’œil sur l’axe de ce méridien prolongé de la valeur de son sinus de 45 degrés ; c’est-à-dire que si le diametre ou axe du méridien est supposé de 200 parties, il le faut prolonger de 70 à peu près. De ce point où l’œil est placé, une ligne tirée au milieu du quart de cercle passe précisément par le milieu du rayon qui lui répond ; cela est démontré géométriquement : & puisque de cette maniere les deux moitiés égales du quart de cercle répondent si juste aux deux moitiés égales du rayon, il n’est pas possible que les autres parties égales du quart de cercle répondent à des parties fort inégales du rayon.

L’expérience & la pratique ont confirmé cette pensée, & M. de la Hire a fait exécuter par cette méthode, des planispheres ou des astrolabes très-commodes & très-exacts. Mais comme il n’étoit pas absolument démontré que le point de vûe d’où les divisions de la moitié du quart de cercle & de la moitié du rayon sont égales, fut celui d’où les autres divisions sont les plus égales qu’il se puisse, M. Parent chercha en général quel étoit ce point, & s’il n’y en a pas quelqu’un d’où les divisions des autres parties soient moins inégales, quoique celles des moitiés ne soient pas égales. En se servant donc du secours de la Géométrie des infiniment petits, M. Parent détermina le point d’où un diametre étant divisé, les inégalités ou différences de toutes ses parties prises ensemble font la moindre quantité qu’il se puisse : mais il seroit encore à desirer que la démonstrations s’étendît à prouver que cette somme d’inégalités, la moindre de toutes, est distribuée entre toutes les parties dont elle résulte, le plus également qu’il se puisse ; car ce n’est précisément que cette condition qui rend les parties les plus égales entr’elles qu’elles puissent l’être ; & il seroit possible que des grandeurs, dont la somme des différences seroit moindre, seroient plus inégales, parce que cette somme totale seroit répandue plus inégalement. M. Parent trouva aussi le point où doit être placé l’œil pour voir les zones égales d’un hémisphere les plus égales qu’il se puisse ; par exemple, les zones d’un hémisphere de la terre partagé de 10 en 10 degrés. Ce point est à l’extrémité d’un diametre de 200 parties, qui est l’axe des zones prolongé de 110 1/2. Voyez l’hist. de l’Ac. des Sc. 1701, p. 122. & 1702, p. 92. M. Formey. (O)

Astrolabe ou Astrolabe de mer, signifie plus particulierement un instrument dont on se sert en mer pour prendre la hauteur du pole ou celle du soleil, d’une étoile, &c. Voyez Hauteur.

Ce mot est formé des mots Grecs ἄστρον, étoile, & λαμϐάνω, capio, je prens. Les Arabes donnent à cet instrument le nom d’astarlab, qui est formé par corruption du Grec ; cependant quelques auteurs prétendent que le mot astrolabe est Arabe d’origine : mais les savans conviennent assez généralement que les Arabes ont emprunté des Grecs le nom & l’usage de cet instrument. Nassireddin Thousi a fait un traité en langue Persane, qui est intitulé Bait Babhfil astarlab, dans lequel il explique la structure & l’usage de l’astrolabe.

L’astrolabe ordinaire se voit à la figure 2. Pl. Navig. Il consiste en un large anneau de cuivre, d’environ 15 pouces de diametre, dont le limbe entier, ou au moins une partie convenable, est divisé en degrés & en minutes ; sur ce limbe est un index mobile, qui peut tourner autour du centre & qui porte deux pinnules ; au zénith de l’instrument est un anneau par lequel on tient l’astrolabe quand on veut faire quelque observation. Pour faire usage de cet instrument, on le tourne vers le soleil, de maniere que les rayons passent par les deux pinnules F & G, & alors le tranchant de l’index marque sur le limbe divisé la hauteur qu’on cherche.

Quoique l’astrolabe ne soit presque plus d’usage aujourd’hui, cependant cet instrument est au-moins aussi bon qu’aucun de ceux dont on se sert pour prendre hauteur en mer, sur-tout entre les tropiques, où le soleil à midi est plus près du zénith. On employe l’astrolabe à beaucoup d’autres usages, sur lesquels Clavius, Henrion, &c. ont fait des volumes. (T)