L’Encyclopédie/1re édition/BONNET
BONNET, s. m. (Hist. mod.) sorte d’habillement de peau ou d’étoffe, qui sert à couvrir la tête.
L’époque de l’usage des bonnets & des chapeaux en France se rapporte à l’an 1449 ; ce fut à l’entrée de Charles VII. à Roüen, qu’on commença à en voir : on s’étoit jusqu’alors servi de chaperons ou de capuchons. M. le Gendre en fait remonter l’origine plus haut ; on commença, dit-il, sous Charles V. à rabattre sur les épaules les angles des chaperons, & à se couvrir la tête de bonnets, qu’on appella mortiers, lorsqu’ils étoient de velours, & simplement bonnets, s’ils étoient faits de laine. Le mortier étoit galonné ; le bonnet au contraire n’avoit pour ornement que deux especes de cornes fort peu élevées, dont l’une servoit à le mettre sur la tête, & l’autre à se découvrir. Il n’y avoit que le roi, les princes, & les chevaliers qui portassent le mortier. Voyez Mortier.
Le bonnet étoit non-seulement l’habillement de tête du peuple, mais encore du clergé & des gradués, au moins fut-il substitué parmi les docteurs-bacheliers, &c. au chaperon qu’on portoit auparavant comme un camail ou capuce, & qu’on laissa depuis flotter sur les épaules. Pasquier dit qu’il faisoit anciennement partie du chaperon que portoient les gens de robe, dont les bords ayant été retranchés, ou comme superflus ou comme embarrassans, il n’en resta plus qu’une espece de calotte propre à couvrir la tête, qu’on accompagna de deux cornes pour l’ôter & la remettre plus commodément, auxquelles on en ajoûta ensuite deux autres ; ce qui forma le bonnet quarré, dont il attribue l’invention à un nommé Patouillet ; ils n’étoient alors surmontés tout au plus que d’un bouton au milieu, les houpes de soie dont on les a couronnés étant une mode beaucoup plus moderne, & qui n’est pas même encore généralement répandue en Italie. Le même auteur ajoûte que la cérémonie de donner le bonnet de maître-ès-arts ou de docteur dans les universités, avoit pour but de montrer que ceux qu’on en décoroit avoient acquis toute liberté, & n’étoient plus soumis à la férule des maîtres ; à l’imitation des Romains qui donnoient un bonnet à leurs esclaves lorsqu’ils les affranchissoient ; d’où est venu le proverbe vocare servum ad pileum, parce que sur les médailles, le bonnet est le symbole de la liberté, dont on y représente le génie, tenant de la main droite un bonnet par la pointe.
Les Chinois ne se servent point comme nous de chapeaux, mais de bonnets d’une forme particuliere, qu’ils n’ôtent jamais en saluant quelqu’un, rien n’étant, selon eux, plus contraire à la politesse que de se découvrir la tête. Ce bonnet est différent selon les diverses saisons de l’année : celui qu’on porte en été a la forme d’un cone renversé ; il est fait d’une espece de natte très-fine & très-estimée dans le pays, & doublé de satin ; on y ajoûte au haut un gros floccon de soie rouge qui tombe tout autour, se répand & flotte de tous côtés, ou une houpe de crin d’un rouge vif & éclatant, qui résiste mieux à la pluie que la soie, & fait le même effet. Le bonnet d’hyver est d’une sorte de peluche, fourré & bordé de zibeline, ou de peau de renard avec les mêmes agrémens que ceux des bonnets d’été ; ces bonnets sont propres, parans, du prix de huit ou dix écus, mais du reste si peu profonds, qu’ils laissent toûjours les oreilles découvertes.
Le bonnet quarré est un ornement, & pour certaines personnes la marque d’une dignité, comme pour les membres des universités, les étudians en philosophie, en droit, en medecine, les docteurs, & en général pour tous les ecclésiastiques séculiers, & pour quelques réguliers. Il y a plusieurs universités où l’on distingue les docteurs par la forme particuliere du bonnet qu’on leur donne en leur conférant le doctorat ; assez communément cette cérémonie s’appelle prendre le bonnet. Il falloit que les bonnets quarrés fussent en usage parmi le clergé d’Angleterre, long-tems avant que celui de France s’en servît ; puisque Wiclef appelle les chanoines bifurcati, à cause de leurs bonnets ; & que Pasquier observe que de son tems, les bonnets que portoient les gens d’église, étoient ronds & de couleur jaune. Cependant ce que nous avons ci-dessus rapporté d’après lui, prouve que ce fut aussi de son tems que leur forme commença à changer en France.
Le bonnet d’une certaine couleur a été & est encore en quelques pays une marque d’infamie. Le bonnet jaune est la marque des Juifs en Italie ; à Luques, ils le portent orangé ; ailleurs on les a obligés de mettre à leurs chapeaux des cordons ou des rubans de cette couleur. En France les banqueroutiers étoient obligés de porter toûjours un bonnet verd. Voyez plus bas Bonnet.
Dans les pays d’inquisition, les accusés condamnés au supplice sont coiffés le jour de l’exécution, d’un bonnet de carton en forme de mitre ou de pain de sucre, chargé de flammes & de figures de diables : on nomme ces bonnets, carochas. Voyez Carocha & Inquisition.
La couronne des barons n’est qu’un bonnet orné de perles sur ses bords ; & celles de quelques princes de l’empire, qu’un bonnet rouge, dont les rebords, ou selon l’ancien terme, les rebras sont d’hermine. Voyez Couronne.
Dans l’université de Paris, la cérémonie de la prise du bonnet, soit de docteur, soit de maître-es-arts, après les examens, theses ou autres exercices préliminaires, se fait ainsi : le chancelier de l’université donne la bénédiction apostolique, & impose son bonnet sur la tête du récipiendaire, qui reçoit l’un & l’autre à genoux. Voyez Docteur, Maistre-ès-Arts. (G)
Bonnet verd, (Jurisprud.) étoit une marque d’infamie à laquelle on assujettissoit ceux qui avoient fait cession en justice, de peur que le bénéfice de cession n’invitât les débiteurs de mauvaise foi à frauder leurs créanciers : on n’en exceptoit pas même ceux qui prouvoient qu’ils avoient été réduits à cette misérable ressource par des pertes réelles & des malheurs imprévûs ; & si le cessionnaire étoit trouvé sans son bonnet verd, il pouvoit être constitué prisonnier : mais à présent on n’oblige plus les cessionnaires à porter le bonnet verd. Il ne nous en reste que l’expression, porter le bonnet-verd, qui signifie qu’un homme a fait banqueroute, & qui a passé en proverbe. (H)
Bonnet à Prêtre, (en terme de Fortification) est une tenaille double construite vis-à-vis un bastion ou une demi-lune, dont le front forme deux tenailles simples, c’est-à-dire un angle saillant & deux angles rentrans. Voyez Tenaille-double & Angle mort. (Q)
Bonnet de prêtre ou Bonnet à prêtre, evonymus, (Jardinage.) espece de citrouille, qui demande la même culture, & que l’on rame comme le fusain, qu’on appelle aussi bonnet de prêtre, parce que son fruit en a la figure. Voyez Fusain. (K)
Evonymus vulgaris granis rubentibus C. B. P. 428. On n’en sauroit faire usage intérieurement sans danger ; son fruit est d’une qualité nuisible. Théophraste assûre qu’elle fait du mal aux bestiaux ; Matthiole & Ruelle confirment ce sentiment, & rapportent que les brebis & les chevres, quelqu’avides qu’elles soient des bourgeons des plantes, ne touchent jamais à celle-là. Trois ou quatre de ses baies purgent par haut & par bas. Les paysans se servent de la poudre du fruit pour tuer les poux, & lavent leurs cheveux avec la decoction de ses graines.
Ce fruit employé extérieurement est émollient & résolutif : il tue les vers, & guérit la teigne & la gratelle. Dale. (N)
Bonnet, s. m. dans les Arts, on donne en général ce nom à tout ce qui est destiné à couvrir la partie supérieure & sphérique d’une machine, d’un instrument, &c.
Cette métaphore est prise de la partie de notre habillement appellée bonnet.
Bonnet, en terme d’Orfevre en grosserie, se dit de la partie supérieure d’un encensoir, commençant au bouton, & finissant aux consoles où passent les chaînes : il forme un dome un peu écrasé.
Bonnet de turquie, c’est, parmi les Patissiers, un ouvrage en forme de bonnet ou turban à la Turque, fait d’une pâte à biscuit, ou autre.
Bonnets, en termes de Bottier, sont les genouillieres échancrées des bottes de Courier, ainsi nommées de leur forme qui approche beaucoup de celle d’un bonnet.