L’Encyclopédie/1re édition/DOCTEUR

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DOCTEUR, s. m. (Hist. anc. & mod.) titre honorifique qu’on donne particulierement à ceux qui sont profondément versés dans la Théologie, la Jurisprudence, & le Droit.

Docteur de la Loi, (Hist. anc.) étoit parmi les Juifs un titre d’honneur ou de dignité.

Il est certain que les Juifs eurent des docteurs long-tems avant Jesus-Christ. Leur investiture, si on peut parler ainsi, se faisoit en leur mettant dans les mains une clé & les tables de la loi. C’est pour cela, selon quelques auteurs, que J. C. leur dit, Luc, xj. 52. Malheur à vous, docteurs de la loi, parce que vous avez emporté la clé de science, que vous n’êtes point entrés vous-mêmes, & que vous avez empêché d’entrer ceux qui le vouloient.

Les docteurs Juifs sont appellés autrement rabbins. Voyez Rabbin. Chambers.

Docteur de l’Eglise, (Hist. mod.) est un nom qu’on a donné à quelques-uns des peres, dont la doctrine & les opinions ont été le plus généralement suivies & autorisées par l’Église.

On compte ordinairement quatre docteurs de l’église greque, & quatre de l’église latine. Les premiers sont saint Athanase, saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, & saint Chrysostôme ; les autres sont saint Augustin, saint Jérôme, saint Grégoire le Grand, & saint Ambroise.

Dans le breviaire romain il y a un office particulier pour les docteurs. Il ne differe de celui des confesseurs, que par l’antienne de Magnificat, & les leçons.

Docteur (Histoire moderne.) est une personne qui a passé tous les degrés d’une faculté, & qui a droit d’enseigner ou de pratiquer la science ou l’art dont cette faculté fait profession. Voyez Degré.

Le titre de docteur fut créé vers le milieu du douzieme siecle, pour être substitué à celui de maître, qui étoit devenu trop commun & trop familier. On a cependant conservé le titre de maître dans les communautés religieuses à ceux qui sont docteurs en Théologie.

L’établissement du doctorat est ordinairement attribué à Irnerius. On croit que ce titre passa de la faculté de Droit dans celle de Théologie. Voyez ci-après l’article Docteur en Droit.

Le premier exemple que nous en ayons, est dans l’université de Paris, où Pierre Lombard & Gilbert de la Porée furent créés docteurs en Théologie, sacra Theologiæ doctores.

D’autres prétendent au contraire que le titre de docteur n’a commencé à être en usage qu’après la publication des sentences de Pierre Lombard, & soûtient que ceux qui ont expliqué les premiers ce livre dans les écoles, sont aussi les premiers qu’on ait appellés docteurs.

Il y en a qui font remonter cette époque beaucoup plus haut, & veulent que Bede ait été le premier docteur de Cambridge, & que Jean de Beverley, mort en 721, ait été le premier docteur d’Oxford. Mais Spelman soûtient que le mot docteur n’a point été en usage en Angleterre, pour marquer un titre ou un degré, jusqu’au regne du roi Jean vers l’an 1207.

Docteur en général, (Hist. mod.) est aussi un nom qu’on joint quelquefois avec différentes épithetes, qui expriment le principal mérite qu’ont eu ceux que l’on reconnoît pour maîtres dans les écoles, mais cependant avec une qualification particuliere qui les distingue.

Ainsi Alexandre de Hales est appellé le docteur irréfragable & la fontaine de vie, comme dit Possevin. S. Thomas d’Aquin est nommé le docteur angélique ; saint Bonaventure, le docteur séraphique ; Jean Duns ou Scot, le docteur subtil ; Raimond Lulle, le docteur illuminé ; Roger Bacon, le docteur admirable ; Guillaume Ocham, le docteur singulier ; Jean Gerson & le cardinal Cusa, les docteurs chrétiens ; Denis le Chartreux, le docteur extatique. Il en est de même d’une infinité d’autres, dont les écrivains ecclésiastiques font mention.

Docteur, ΔΙΔΑΣΚΑΛΟΣ, est encore le nom d’un officier particulier de l’église greque, qui est chargé d’expliquer les écritures.

Celui qui explique les évangiles, est nommé docteur des évangiles ; celui qui explique les épîtres de saint Paul, est appellé docteur de l’Apôtre ; celui qui explique les pseaumes, s’appelle docteur du pseautier. On les comprend tous sous ce titre de διδασκαλὸς, qui répond à ce que nous appellons théologal. Les évêques grecs, en conférant ces sortes d’offices, imposent les mains comme dans les ordinations. Trév. & Chambers.

Docteur en Théologie, (Hist. ecclés.) titre qu’on donne à un ecclésiastique qui a pris le degré de docteur dans une faculté de Théologie, en quelque université. Voyez Degrés.

Le tems d’étude nécessaire pour parvenir à ce degré, la cérémonie de l’inauguration ou prise de bonnet, ne sont pas tout-à-fait les mêmes dans toutes les universités du royaume. Voici ce qui s’observe à ces deux égards dans la faculté de Théologie de Paris.

Le tems d’études nécessaire est de sept années ; deux de Philosophie, après lesquelles on reçoit communément le bonnet de maître-ès-arts ; trois de Théologie, qui conduisent au degré de bachelier en Théologie ; & deux de licence, pendant lesquelles les bacheliers sont dans un exercice continuel de theses & d’argumentations sur l’Ecriture, la Théologie scholastique, & l’Histoire ecclésiastique.

Lorsque les bacheliers ont reçu du chancelier de l’université la bénédiction de licence, ceux d’entre eux qui veulent prendre le bonnet de docteur, vont demander jour au chancelier, qui le leur assigne. Il faut être prêtre pour prendre le bonnet. Le licentié pour lors a deux actes à faire ; l’un le jour même de la prise de bonnet, l’autre la veille. Dans celui-ci il y a deux theses : la premiere soûtenue par un jeune candidat, qu’on appelle aulicaire. Voyez Aulique. Deux bacheliers du second ordre disputent contre lui ; le licentié est auprès de lui ; & le grand-maître d’études qui a ouvert l’acte en disputant contre le candidat, préside à cette these qu’on nomme expectative, & qui dure environ trois heures. Le second acte qui suit immédiatement, se nomme vespérie, actus vesperiarum, parce qu’il se fait toûjours le soir. Deux docteurs qu’on appelle l’un magister regens, & l’autre magister terminorum interpres, y disputent contre le licentié, chacun pendant une demi-heure, sur un point de l’Ecriture-sainte, ou de la morale. L’acte est terminé par un discours que fait le grand-maître d’études, & qui roule ordinairement sur l’éloge du savoir & des vertus du licentié. Voyez Expectative & Vespérie.

Le lendemain matin sur les dix heures, le licentié revêtu de la fourrure de docteur, précédé des massiers de l’université (& dans les maisons de Sorbonne & de Navarre, du cortege des bacheliers en licence, revêtus de leurs fourrures), & accompagné de son grand-maître d’études, se rend à la salle de l’archevêché ; il se place dans un fauteuil, le chancelier ou le sous-chancelier à sa droite, & le grand-maître d’études à sa gauche. La cérémonie commence par un discours que prononce ou lit le chancelier, ou le sous-chancelier. Le récipiendaire y répond par un autre discours ; après lequel le chancelier lui fait préter les sermens accoûtumés, & lui met son bonnet sur la tête. Il le reçoit à genoux, se releve, reprend sa place, & préside à une these qu’on nomme aulique, parce qu’on la soûtient dans la salle (aulâ) de l’archevêché. Le nouveau docteur y dispute pendant environ une heure contre son aulicaire ; ensuite il va dans l’église de Notre-Dame, à l’autel des martyrs, jurer sur les SS. Evangiles qu’il répandra son sang, s’il est nécessaire, pour la défense de la religion. Enfin son cortege le reconduit à sa maison.

Au primâ mensis suivant, c’est-à-dire à la plus prochaine assemblée de la faculté, il paroît, prete les sermens accoûtumés, & dès-lors il est inscrit au nombre des docteurs. Mais il ne joüit pas encore pour cela de tous les priviléges, droits, émolumens, &c. attachés au doctorat ; il ne peut ni assister aux assemblées, ni présider aux theses, ni exercer les fonctions d’examinateur, censeur, &c. qu’au bout de six ans : alors il soûtient une derniere these qu’on nomme resumpte, & il entre en pleine joüissance de tous les droits du doctorat. Voyez Resumpte.

Les fonctions des docteurs en Théologie dans l’intérieur de la faculté, sont d’examiner les candidats, de présider aux theses, d’y assister avec droit de suffrage en qualité de censeurs, qu’on nomme par semaine & en certain nombre ; de diriger les études des jeunes théologiens, de veiller sur les mœurs des bacheliers en licence, d’assister aux assemblées ordinaires ou extraordinaires de la faculté, d’y opiner suivant leurs lumieres & leur conscience sur la censure des livres, & les autres affaires qu’on y agite, &c.

Leurs fonctions par rapport à la religion & à la société, sont de travailler dans le saint ministere à instruire les peuples, d’aider les évêques dans le gouvernement de leurs diocèses, d’enseigner la Théologie, de consacrer leurs veilles à l’étude de l’Ecriture, des Peres, & du Droit canon ; de décider des cas de conscience, de défendre la foi contre les hérétiques, & d’être par leurs mœurs l’exemple des fideles, comme par leurs lumieres ils en sont les guides dans les voies du salut.

Les frais de la prise de bonnet de docteur montent à environ cent écus pour les réguliers, au double pour les séculiers-ubiquistes, & à près de cent pistoles pour les docteurs des maisons de Sorbonne & de Navarre. Voyez Ubiquiste, Navarre, Sorbonne, Théologie. (G)

Docteur en Droit, (Jurisprud.) est celui qui après avoir obtenu les degrés de baccalauréat & de licence dans la faculté de Droit, y a ensuite obtenu le titre & le degré de docteur. Pour y parvenir, il est obligé de soûtenir un acte public qu’on appelle la these de doctorat. Cet acte n’est point probatoire : on n’y donne point de suffrages ; de sorte que ce n’est proprement qu’une these d’apparat qui précede la réception ; le président de l’acte pourroit néanmoins, s’il ne trouvoit pas le récipiendaire assez instruit, remettre, de l’avis de la faculté, la séance à un autre tems. Il faut au moins un an d’intervalle entre le degré de licence & la these de doctorat.

Il y avoit autrefois trois sortes de docteurs en Droit : savoir des docteurs en droit civil, des docteurs en droit canon, & des docteurs in utroque jure, c’est-à-dire en Droit civil & canon. Mais depuis la révocation de l’édit de Nantes, on n’est plus admis à prendre des grades en droit civil seulement, quoiqu’on puisse en prendre en droit canon seulement ; il y a pourtant une exception en faveur des étrangers faisant profession de la religion protestante, qui sont admis à prendre des degrés dans le seul droit civil ; ce qui paroît résulter d’une déclaration du Roi du 14 Mai 1724 : au moyen dequoi les regnicoles ne peuvent être que docteurs in utroque jure, ou bien seulement en droit canon, supposé qu’ils soient ecclésiastiques, & qu’ils ne prennent leurs degrés qu’en droit canonique. Leur grade & leur titre dépend des inscriptions qu’ils ont prises, & des actes qu’ils ont soûtenus.

Ils reçoivent tous par les mains du professeur qui a présidé à l’acte de doctorat, d’abord la robe d’écarlate, telle que les docteurs la portoient anciennement, avec le chaperon herminé aussi suivant l’ancienne forme, ensuite la ceinture ; puis le président leur remet entre les mains le livre, ce que l’on appelle traditio libri, c’est-à-dire le corps de Droit civil & canonique, qu’on leur présente d’abord fermé & ensuite ouvert ; il leur donne après cela le bonnet de docteur, leur met au doigt un anneau, embrasse le récipiendaire, & déclare publiquement sa nouvelle qualité. Toute cette cérémonie est précédée d’un discours du président, lequel, en donnant au récipiendaire la robe de docteur, & les autres marques d’honneur, explique à mesure quel en est l’objet.

Le nouveau docteur, après avoir été embrassé par le président, va à son tour embrasser tous les autres membres de la faculté, & à l’assemblée suivante il prête le serment de docteur ; jusques-là on ne le qualifie encore que de licentié, quoique ses lettres de docteur qu’on lui délivre le même jour, portent la date du jour de son acte.

Le titre de docteur est commun aux docteurs en Droit, avec ceux qui ont le même degré dans d’autres facultés, comme les docteurs en Théologie, les docteurs en Medecine.

Blondel a avancé qu’on ne parloit point de docteurs avant l’an 1138 ; mais Marcel Ancyran sur la decrétale, super specula de magistris, cite un canon du concile de Sarragosse tenu l’an 390, qui défend de prendre sans permission la qualité de docteur, ce qui prouve qu’il y avoit déjà des docteurs en Espagne.

Il paroît même qu’il y en avoit encore plus anciennement chez les Romains ; il en est fait mention dans Tacite & dans Pline : on donnoit volontiers le titre de docteur aux philosophes, doctores sapientiæ.

Il y avoit aussi dès-lors des docteurs en Droit, on plûtôt, comme on disoit autrefois des docteurs ès lois, doctores legum. Ils sont ainsi appellés au code de professoribus & medicis ; suivant la loi 6 de ce titre, qui est de l’empereur Constantin, ils étoient exempts, eux, leurs femmes, & leurs enfans, de toutes charges publiques.

La loi 7 du même titre veut que les maîtres des études & les docteurs soient distingués, premierement par leurs mœurs, & ensuite par leur capacité, moribus primùm, deinde facundiâ.

On voit par cette même loi qu’anciennement ils n’étoient point examinés sur leur capacité avant d’être reçus ; mais il fut ordonné qu’à l’avenir ils subiroient un examen, & ne seroient reçus que sur le suffrage de leur ordre : quisquis docere vult, non repente nec temere prosiliat ad hoc munus, sed judicio ordinis probatus, decretum curialium mereatur, optimorum conspirante consensu.

Mais comme il n’y avoit chez les Romains, ni universités, ni facultés de gens de lettres, l’on ne connoissoit point aussi parmi eux de degrés proprement dits dans le sens que ce terme se prend aujourd’hui parmi nous ; de sorte que le titre de docteur ès lois signifioit seulement alors un homme, qui étant versé dans la science du Droit, avoit la permission de l’enseigner publiquement : ce qui revient néanmoins assez au pouvoir que l’on donne aujourd’hui aux docteurs en Droit, & même aux licentiés. Il y avoit pourtant dès le tems de Justinien trois écoles publiques de Droit : l’une à Rome, l’une à Constantinople, & une à Beryte, qui approchoient beaucoup de nos facultés de Droit ; les étudians y acquéroient successivement différens titres, desquels deux, savoir ceux de λύτεις & de προλύτεις, qui signifient sclutores, ressembloient beaucoup à nos degrés de bachelier & de licentié. Ceux qui enseignoient étoient appellés, comme on l’a dit, doctores legum ou antecessores ; mais encore une fois ce titre de docteur ès lois n’étoit point un degré proprement dit ; on peut plûtôt le comparer au titre de docteur-régent, que portent aujourd’hui les professeurs en Droit.

Quelques-uns placent l’origine du doctorat en France en 460 : ce qui est de certain, c’est qu’en 835 il y avoit des docteurs ès lois appellés doctores legum, de même que chez les Romains, dont les François avoient sans doute emprunté cet usage. Il se trouva de ces docteurs à Orléans en 835, pour juger le différend du prieuré de S. Benoît sur Loire, & de l’abbaye de S. Denis. Rech. sur le dr. franc. p. 154.

Il y a lieu de croire que le titre de docteur ès lois suivit en France le sort du droit romain, lequel déchut beaucoup de son autorité sous la seconde race, à cause des capitulaires.

C’est dans la faculté de droit que le degré de docteur prit naissance dans l’école de Boulogne, vers l’an 1130. On tient que ce fut Irnerius qui porta l’empereur Lothaire dont il étoit chancelier, à introduire dans les académies la création des docteurs, & qui en dressa la formule ; d’où vint que dès ce tems-là on promut solemnellement au doctorat Bulgarus, Hugolin, Martin, Pileus, & quelques autres qui commencerent à interpréter les lois romaines. Ces cérémonies commencerent à Boulogne, & se répandirent de-là dans les autres universités, & passerent de la faculté de Droit en celle de Théologie. Voyez Bayle, à l’article d’Irnerius.

Cet usage fut aussi adopté peu de tems après dans l’université de Paris, où l’on voit qu’il y avoit des docteurs en droit dès le tems de Philippe-Auguste, de S. Louis, & de Philippe-le-Bel : on les appelloit doctores in utroque jure, & rarement doctores in legibus ; on les appelloit aussi doctores in decretis ou doctores decretorum, docteurs en decret, ce qui signifioit ordinairement docteur en droit canon, sur-tout depuis que l’étude du droit civil eut été défendue, d’abord par Alexandre III. aux religieux profès, & ensuite par Honorius III. en 1220, à toutes sortes de personnes indistinctement. Cette défense ne fut pourtant point d’abord observée : on en trouve une preuve dans le serment prêté le lundi veille de la S. Jean-Baptiste 1251, par les maîtres de l’université de Paris, à la reine Blanche mere de S. Louis, où il est parlé des bacheliers lisans les decrétales & les lois dans l’université de Paris, dont on exigea même un serment particulier. Voyez Chopin, lib. III. de dom. tit. xxvij. n. 3. Dupuy, tr. de la major. des rois ; & aux addit. & t. III. de l’hist. de l’université, p. 240.

Mais le séjour que les papes firent à Avignon depuis l’an 1305 jusqu’en 1378, engagea beaucoup de personnes à étudier le droit canon préférablement au droit civil : on enseignoit néanmoins celui-ci dans quelques universités. A l’égard de celle de Paris, on ne l’y enseignoit pas, du moins ordinairement : il y eut beaucoup de variations à ce sujet ; & comme dans ces siecles d’ignorance les religieux & les ecclésiastiques étoient presque les seuls qui eussent quelque teinture des lettres, il ne faut pas s’étonner s’il y avoit alors beaucoup plus de docteurs en droit canon, qu’en droit civil.

Il est certain qu’en 1576 les docteurs-régens de la faculté de Paris n’étoient qualifiés que de docteurs-régens en droit canon, & que Cujas obtint une permission particuliere d’y enseigner le droit civil, comme il faisoit auparavant en l’université de Bourges.

L’ordonnance de Blois en 1579, défendit encore plus expressément qu’auparavant de graduer en droit civil à Paris ; & l’étude de ce droit n’y fut rétablie ouvertement que cent ans après, par la déclaration du Roi du mois d’Avril 1679.

De tout ce qui vient d’être dit, l’on doit conclure que depuis la défense d’Honorius III. jusqu’en 1679, il y eut peu de docteurs in utroque jure, & sur-tout à Paris ; la plûpart n’étoient docteurs qu’en droit canon : c’est pourquoi on les appelloit ordinairement doctores in decretis. On entendoit cependant aussi quelquefois par le terme de decret, tout le droit en général, tant civil que canonique.

Il y avoit aussi des docteurs ès lois dans l’université de Toulouse, dès 1335 ; ils furent commis par Philippe de Valois, avec d’autres personnes, pour l’exécution d’un arrêt du parlement de Toulouse. Les lettres du roi les nomment doctores legum.

Ceux de l’université de Montpellier obtinrent au mois de Janvier 1350, des lettres du roi Jean, dans lesquelles ils sont qualifiés d’université, collége, & de docteurs en droit civil & canon, ad supplicationem universitatis, collegii, doctorum & scholarium utriusque juris Montispessulani. Le roi les prend sous sa protection & sauve-garde, eux, leurs suppôts, & leurs biens ; il attribue la connoissance de leurs causes au juge du petit-scel de Montpellier, & ordonne que les bedeaux du collége appellés banquerii, & qui servent pro quolibet doctore actu regente in utroque jure, ne pourront faire commerce de marchandises communes, tandis qu’ils rempliront cette fonction, à moins que ce ne fût de livres servant à l’étude du Droit.

Dans quelques universités, comme à Orléans, ceux qui professent le droit romain prennent le titre de docteurs-régens ; comme cela se pratique aussi dans les facultés de Medecine.

A Paris, ceux qui professent publiquement le Droit, sont appellés communément professeurs en Droit : on les appelle cependant aussi quelquefois dans les actes publics, docteurs-régens, & en latin, doctores actu regentes, ou antecessores ; ce qui fait voir que docteur-régent & professeur sont synonymes. Il n’est cependant pas nécessaire d’être docteur en droit pour devenir professeur ; mais l’installation des professeurs, qui est une cérémonie semblable à celle du doctorat, leur confere le titre de docteur-régent.

Il y a dans la plûpart des facultés de Droit, outre les professeurs, des docteurs aggrégés, dont le premier établissement fut fait à Paris en vertu d’un decret de la faculté de Droit de l’an 1656, homologué au parlement : on les appelloit alors tous docteurs honoraires, aggrégés à la faculté. Ils étoient d’abord vingt-deux, & ensuite furent au nombre de vingt-quatre. Comme la plûpart de ces docteurs honoraires remplissoient aussi d’autres fonctions dans la magistrature & dans le barreau, & qu’ils négligeoient de venir à la faculté ; par un arrêt du conseil du 23 Mars 1680, il fut ordonné, sans toucher aux docteurs honoraires, que dans chaque faculté il y auroit un nombre de docteurs aggrégés, qui seroit au moins le double de celui des professeurs. Par un autre arrêt du conseil du 16 Novembre suivant, le roi nomma douzedocteurs pour être aggrégés de la faculté de Paris, dont trois furent tirés du nombre des docteurs honoraires, sans rien innover aux droits utiles & prérogatives des professeurs, ni aux rangs & fonctions attribués aux vingt-quatre docteurs honoraires de ladite faculté par les arrêts & réglemens ; ce qui fut confirmé par la déclaration du 6 Août 1682 : & par la déclaration du 19 Janvier 1700, le nombre des docteurs honoraires fut réduit à douze pour l’avenir.

Ces docteurs honoraires aggrégés, qu’on appelle communément aggrégés d’honneur, sont nommés sans concours par la faculté, à mesure qu’il y a quelque place vacante ; il doit y avoir deux ecclésiastiques, huit magistrats, & deux avocats au parlement, plaidans ou consultans au moins depuis vingt ans. La faculté élit tous les deux ans parmi ces docteurs honoraires un doyen d’honneur, lequel dans les assemblées & actes de la faculté, a la voix conclusive ou prépondérante. La fonction de ces docteurs honoraires est d’assister aux assemblées, cérémonies, concours, élections, & à tous actes de la faculté, avec droit de suffrage ; mais ils viennent rarement, si ce n’est aux discours qui se font à la rentrée & autres cérémonies publiques.

Le decret de 1656 porte aussi que les évêques & les conseillers-clercs au parlement, qui sont docteurs en droit de la faculté de Paris, ont le même droit que les docteurs honoraires.

Pour ce qui est des douze autres docteurs aggrégés qu’on appelle aussi quelquefois simplement aggrégés, pour obtenir une de ces places, il faut être docteur in utroque jure ; & dans une des universités du royaume, il falloit autrefois, suivant l’arrêt du conseil du 23 Mars 1680, & la déclaration du 6 Août 1682, être âgé de trente ans accomplis, & avoir les deux tiers des voix de la faculté. Depuis, suivant la déclaration du 19 Janvier 1700, il faut avoir assisté assiduement pendant un an aux theses qui se soûtiennent, & y avoir disputé dans l’ordre prescrit par le président ; ce que l’on appelle faire son stage. La même déclaration ordonne, que quand il y aura une place d’aggrégé vacante, on ouvrira un concours à tous les docteurs en droit qui se présenteront, pourvû qu’ils ayent les qualités requises ; & qu’après les épreuves convenables, la place sera donnée à celui qui sera jugé le plus capable à la pluralité des voix. La déclaration du 7 Janvier 1703 a réduit à vingt-cinq ans accomplis l’âge nécessaire pour concourir à ces places.

La fonction de ces docteurs aggrégés consiste à assister aux assemblées & cérémonies publiques de la faculté, & aux theses & examens, où ils peuvent interroger & argumenter. Ils ont droit de suffrage dans toutes ces assemblées & actes de la faculté, avec cette restriction néanmoins, que comme les docteurs aggrégés sont en plus grand nombre que les professeurs, ils n’ont voix qu’en nombre égal à celui des professeurs qui sont présens, suivant les déclarations de 1680, 1682, & 1700, que l’on a déjà cité.

Ils président aussi à leur tour alternativement avec les professeurs, aux theses de baccalauréat, & non aux theses de licence, sinon lorsqu’ils en sont requis par le professeur qui est en tour.

Ils exercent aussi en particulier les jeunes candidats qui sont sur les bancs.

Les fonctions & droits de ces docteurs aggrégés ont été reglés tant par l’arrêt du conseil de 1680, que par plusieurs autres déclarations du Roi, que l’on peut consulter, notamment celles de 1680, 1682, & 1700, & par celle du 7 Janvier 1703.

Il y a aussi dans les autres universités un certain nombre de docteurs aggrégés, qui est communément au moins du double de celui des professeurs, suivant l’arrêt du conseil du 23 Mars 1680. Il y a eu plusieurs réglemens particuliers pour les docteurs aggrégés de ces universités, entre autres la déclaration du 30 Janvier 1704, pour les docteurs aggrégés de l’université d’Aix ; & celle du 18 Août 1707, pour la faculté d’Orléans.

Les docteurs en droit ou autre faculté, qui ont obtenu des bénéfices en cour de Rome, in formâ dignum, c’est-à-dire en forme commissoire, sont sujets à l’examen de l’ordinaire, telle que puisse être leur capacité. Cela est conforme au concile de Trente, sess. xxjv. can. 12. à l’article 75. de l’ordonnance de Moulins ; à l’article 12. de celle de Blois ; à l’édit de Melun, art. 14. & à celui de 1695, art. 2. lesquels n’exceptent personne de l’examen : ce qui a été sagement établi, parce qu’on peut avoir obtenu des degrés par surprise. Il ne suffit pas d’ailleurs qu’un docteur soit savant, il faut qu’il soit de bonnes mœurs & de bonne doctrine.

Ceux qui ont obtenu en cour de Rome des provisions en forme gracieuse, sont de même sujets à l’examen lorsqu’il s’agit d’une cure, vicariat perpétuel, ou autre bénéfice ayant charge d’ames. Voy. l’edit de 1695, art. 3.

Les docteurs en droit joüissent de plusieurs priviléges.

Par exemple, en fait de bénéfice, lorsque plusieurs gradués concourent, le docteur en droit est préféré au licentié ; & en cas de concurrence entre plusieurs docteurs en différentes facultés, le docteur en Théologie est préféré au docteur en droit, le docteur en droit canon est préféré au docteur en droit civil, le docteur en droit civil au docteur en Medecine : mais les professeurs en Théologie des maisons de Sorbonne & de Navarre, les professeurs en droit canonique & civil, & même tous régens septenaires, sont préférés aux docteurs en droit ou autre faculté.

Deux docteurs en droit ayant été reçûs avocats le même jour, la préséance fut adjugée au plus ancien docteur, encore qu’il fût inscrit le dernier dans la matricule ; & l’on ordonna qu’à l’avenir en pareil cas, le plus ancien docteur seroit inscrit le premier dans la matricule : cela fut ainsi jugé au parlement de Toulouse, le 24 Novembre 1671.

Les docteurs en droit portent la robe rouge. Cette prérogative leur est commune avec les licentiés, du moins dans certaines universités, comme à Toulouse, où les licentiés en droit sont dans l’usage de porter ainsi la robe rouge, comme font aussi à Paris les licentiés en Medecine ; mais cette robe des licentiés & simples docteurs en droit, est en quelque chose différente pour la forme de celle des professeurs. Les docteurs aggrégés portent ordinairement le chaperon rouge herminé ; & lorsqu’ils président aux theses, ils portent la même robe que les professeurs.

Un docteur en droit, mineur, est restituable pour cause de minorité, lorsqu’il se trouve lésé, de même que tout autre mineur ; parce que la foiblesse de l’âge ne peut être suppléée par la science du Droit.

Sur les priviléges des docteurs en général, on peut voir les traités faits par Pierre Lesnandier, par Æmilius Ferretus, & Everard Bronchorst. Voyez aussi Franc. Marc. com. I. quest. 81. 360. 636. 650. 688 & 689. & tom. II. quest. 303. & 543. Jean Thaumas, au mot Docteur.

Les docteurs en droit étant du corps de l’université, ont été long-tems sans pouvoir se marier, non plus que les principaux régens & autres membres de l’université ; on regardoit alors ces places comme affectées à l’Eglise : ce qui fut exactement observé dans toutes les facultés, jusqu’à la réforme qui fut faite de l’université de Paris par le cardinal d’Etouteville, légat en France, lequel permit par privilége spécial aux docteurs en Medecine, de pouvoir être mariés. Les docteurs en decret présenterent leur requête à l’université le 9 Décembre 1534, pour obtenir le même privilége ; mais ils en furent déboutés, sauf à eux de se pourvoir en la cour de parlement, pour en être par elle ordonné ce que bon lui sembleroit. Ce qui pouvoit donner lieu à cette difficulté, est que ces docteurs n’étoient alors gradués qu’en droit canon seulement : depuis, le parlement permit le mariage à ces docteurs en decret ; & le premier de cet ordre que l’on vit marié fut la Riviere, vers l’an 1552, qui fut depuis pourvû de l’état de lieutenant-général de Chatelleraud. Voyez les recherches de Pasquier, liv. III. ch. xxjx.

Docteur Aggrégé. Voyez ci-dev. Docteur en Droit. (A)
Docteur en Decret ou in Decretis.
Docteur en Droit canon.
Docteur en Droit civil.
Docteur honoraire aggregé.
Docteur ès Lois.
Docteur-Régent.
Docteur in utroque Jure.

Docteur en Medecine ; c’est le titre qu’on donne à ceux qui ont le droit d’enseigner toutes les parties de la Medecine, & de la pratiquer pour le bien de la société. Ce droit ne s’acquiert qu’en donnant des preuves authentiques de sa capacité devant des juges avoüés par le public. Ces juges ne peuvent être que des Medecins. C’est à eux seuls qu’il appartient d’apprétier le mérite & le savoir de ceux qui se destinent à l’exercice d’un art si important & si difficile. De-là vient qu’ils forment entre eux une faculté, l’une de celles qui composent ce qu’on nomme l’université. Voyez Université. Mais quoique la faculté de Droit précede celle de Medecine, il n’y a entre les docteurs de ces deux facultés d’autre prééminence, que celle de l’ancienneté de leurs grades. Les Medecins ont toûjours joüi de toutes les prérogatives & immunités attachées aux Arts nobles & libéraux ; ils peuvent, ainsi que les autres gradués, impétrer des bénéfices ecclésiastiques. Le degré de docteur leur donne le droit de faire exécuter leurs ordonnances par tous ceux à qui ils ont confié l’administration des différens moyens qu’ils employent pour conserver ou pour rétablir la santé. Le Chirurgien est chargé de l’application extérieure, & l’Apothicaire, de la préparation des remedes ; mais c’est au Medecin à les diriger & à présider à leurs travaux ; c’est à lui à découvrir la source du mal, & à en indiquer le remede : il y a donc entre eux une subordination légitime, une subordination fondée sur la nature des choses, & sur l’objet même de leur étude ; & c’est par-là qu’ils concourent au bien général des citoyens. S’il n’y a aucun art qui exige des connoissances plus étendues, & qui soit si important par son objet, que celui de la Medecine, on ne doit pas être étonné du grand nombre d’épreuves qu’on fait subir à ceux qui veulent acquérir le titre de docteur dans cette faculté ; moins encore doit-on être surpris qu’on attribue à ces docteurs le droit exclusif de professer & d’exercer la Medecine : ce n’est que par des précautions si sages, qu’on peut garantir le peuple de la séduction de tant de personnes occupées sans cesse à imaginer différens moyens d’abuser de sa crédulité, & de s’enrichir aux dépens de la santé & de la vie même des malades qui ont le malheur de tomber entre leurs mains. Voyez, à l’article Charlatan, l’histoire des principaux empyriques qui ont trompé la cour & la ville.

Nous pourrions renvoyer à l’édit du Roi du mois de Mars 1707, portant réglement sur l’étude & l’exercice de la Medecine, ceux qui seroient curieux de voir toute la suite des examens & des épreuves publics, établis pour constater la capacité des candidats qui se destinent à la profession de cet art ; ils y verroient l’attention que le monarque a apportée pour renouveller les défenses rigoureuses, par lesquelles il a interdit l’exercice de la Medecine à tous ceux qui n’ont ni le mérite, ni le caractere de Medecin, & pour ranimer la vigilance des facultés, & maintenir cette profession si nécessaire dans tout son lustre.

Il y a quelques facultés, telles que celles de Paris & de Montpellier, qui exigent de ceux qui veulent y prendre des degrés, bien plus d’actes probatoires qu’il n’en est ordonné par cet édit, & sa majesté n’a rien changé à leurs usages à cet égard ; elle déclare même qu’ayant fait examiner les statuts de la faculté de Medecine de Paris, il a été reconnu qu’on n’y pouvoit rien ajoûter pour le bon ordre & l’utilité publique ; & en conséquence elle veut qu’ils soient observés à l’avenir, comme ils l’ont été par le passé. Nous allons indiquer ici la suite des theses, des examens, & autres actes, qui préparent à recevoir le bonnet de docteur dans cette faculté, la plus rigoureuse sans contredit de toutes celles du royaume.

Cette école de Paris a été établie dans la rue de la Bucherie dès l’an 1472 ; mais elle est beaucoup plus ancienne. Elle se trouve actuellement composée de huit professeurs, que la faculté choisit tous les ans parmi ses membres, & qui enseignent dans leurs cours publics la Physiologie, la Pathologie, la Chimie & la Pharmacie, la Botanique, la Chirurgie latine, l’Anatomie, la Chirurgie françoise en faveur des jeunes Chirurgiens, & l’art des accouchemens pour l’instruction des sages-femmes.

Ceux qui veulent parvenir au degré de docteur dans cette faculté, doivent d’abord assister pendant quatre ans aux leçons des cinq premiers professeurs nommés ci-dessus, qu’on nomme les professeurs des écoles, & prendre en même tems tous les six mois une inscription chez le doyen. Après ces quatre ans, si l’étudiant a atteint l’âge de vingt-trois ans au moins, il peut se présenter pour faire sa licence, pourvû qu’il soit muni de ses certificats d’étude en Medecine, & de ses lettres de maître ès Arts ; & il ne peut en être dispensé que dans le cas où il seroit déjà docteur de quelque faculté de ce royaume. Ce cours de licence qui dure deux ans & demi, ne s’ouvre que tous les deux ans au mois de Mars, & le public en est averti par des affiches.

Les candidats commencent par subir quatre examens pendant quatre jours dans la salle d’assemblée des docteurs-régens de la faculté, qui y sont seuls admis. Le premier de ces examens est sur la Physiologie, ou sur la nature de l’homme considéré dans l’état de santé ; le second sur l’Hygiene, ou sur tout ce qui a rapport à la conservation de la santé ; le troisieme sur la Pathologie, ou sur l’origine & la cause des maladies ; le quatrieme jour enfin on commente un aphorisme d’Hippocrate tiré au sort, & on répond aux objections dont les examinateurs le trouvent susceptible. Tout cela fini, les candidats qui en ont été jugés dignes, sont reçus & proclamés bacheliers. Ils assistent alors aux consultations qui se font tous les samedis dans cette faculté en faveur des pauvres, & écrivent les ordonnances.

Vers le mois de Juin suivant, les bacheliers se préparent à un examen sur la matiere médicale, c’est-à-dire sur les substances tirées du regne végétal, minéral & animal, qui sont en usage en Medecine. Cet examen dure quatre jours, pendant lesquels ils répondent aux diverses questions de chacun des docteurs, sur l’Histoire naturelle, les propriétés & la maniere d’agir de ces substances exposées aux yeux dans un ordre convenable.

Après la S. Martin commencent les theses quodlibétaires ; on les nomme ainsi parce que tous les bacheliers qui sont obligés d’assister à chacune de ces theses, y répondent sur le champ à une question quelconque proposée par les docteurs argumentans. Cette these est une dissertation courte & précise sur un point de Physiologie, au choix du président ou du bachelier qui la soûtient, & elle est de la composition de l’un des deux.

Au mois de Janvier ou de Février se fait l’examen d’Anatomie, qui dure une semaine entiere. Les bacheliers y démontrent sur le cadavre toutes les parties de l’Anatomie ; ils en expliquent la structure & les usages, Ils soûtiennent ensuite, vers le tems du carême, leur these cardinale, ainsi appellée pour avoir été établie par le cardinal d’Estouteville, lorsqu’en 1452 il fut envoyé par le pape pour travailler à la réformation des universités. Cette these cardinale doit rouler sur une question d’Hygiene, & les bacheliers sont les seuls qui y proposent des argumens à celui d’entr’eux qui la soûtient. Après la fête de S. Martin de cette seconde année, les bacheliers soûtiennent une autre these quodlibétaire sur la Pathologie ; & au mois de Décembre ou de Janvier suivant, ils subissent un examen sur toutes les opérations de Chirurgie, qu’ils exécutent de leurs propres mains sur des cadavres pendant six jours consécutifs. Vers le mois de Février ils soûtiennent leur quatrieme these, qui est aussi une quodlibétaire, comme les précédentes, & qui concerne une question Medico-chirurgicale.

Au mois de Juillet ou d’Août les bacheliers se présentent pour leur dernier examen, qui roule sur la pratique de la Medecine, comme étant l’objet de tous leurs travaux. Pendant cet examen, qui dure quatre jours, ils sont interrogés par chacun des docteurs sur quelque maladie en particulier, dont ils exposent les causes, les signes, le prognostic & le traitement. Si après tous ces actes probatoires les bacheliers ont été jugés dignes d’être admis, ils sont présentés publiquement par le doyen de la faculté au chancelier de l’université, dont ils reçoivent ensuite la bénédiction de licence, suivant la forme usitée dans l’université de Paris. Les docteurs assignent alors à chacun de ces nouveaux licentiés le rang qui leur convient, suivant leur degré de mérite ; & c’est dans cet ordre que leur nom se trouve placé sur la liste des docteurs, lorsqu’ils ont pris ce dernier degré. L’acte du doctorat n’est plus que la cérémonie avec laquelle le président donne le bonnet au licentié, & le nouveau docteur fait ensuite un discours de remerciment qui termine son triomphe. La veille de ce jour solemnel il se fait un acte qu’on nomme la vespérie, dans lequel le licentié qui doit être couronné le lendemain, discute une question de Medecine qui lui est proposée par un des docteurs, & le président prononce ensuite un discours dont l’objet est de faire connoître au licentié toute l’importance des fonctions de l’art qu’il va professer, & de lui exposer toutes les qualités qu’il doit avoir pour se rendre utile à ses concitoyens, & mériter leur estime & leur confiance.

Tels sont les degrés par lesquels on est élevé à la dignité de docteur en Medecine ; & pour acquérir les droits de régence, il suffit d’avoir présidé à une these : c’est ce dernier acte qui donne le titre de docteur-régent, & ce n’est qu’en cette qualité qu’on a voix délibérative aux assemblées de la Faculté, & qu’on peut y exercer toutes sortes d’actes magistraux.

Il semble que pour peu qu’on réfléchisse sur toute cette suite de travaux, qui sont autant de motifs propres à appuyer la confiance du public par rapport aux medecins, on ne pourra s’empêcher d’être étonné qu’il soit encore si souvent la dupe de tant d’empyriques aussi imposteurs qu’ignorans ; mais la négligence où l’on vit sur sa santé, qu’on s’accorde cependant à regarder comme le bien le plus précieux, paroît être une inconséquence si générale, que par-tout on la livre au premier venu, qu’on la sacrifie sans ménagement, & qu’on se consume en excès : en un mot, par-tout on trouve des charlatans ; & quoiqu’il y en ait beaucoup à Paris, il y en a encore davantage à Londres, la ville de l’Europe où l’on se pique de penser le plus solidement. La plûpart des hommes sont amoureux de la nouveauté, même en matiere de Medecine ; ils préferent souvent les remedes qu’ils connoissent le moins ; & ils admirent bien plus ceux qui annoncent une méthode singuliere & déréglée, que ceux qui se conduisent en hommes sages, & suivent le cours ordinaire des choses. Cet article est de M. Lavirotte, docteur en Medecine.