L’Encyclopédie/1re édition/CHARDON

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CHARDON, carduus, s. m. (Hist. nat.) genre de plante dont la fleur est un bouquet à fleurons découpés, portés chacun par un embryon, & soûtenus par le calice hérissé d’écailles & de piquans. Les embryons deviennent dans la suite des semences garnies d’aigrettes. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Chardon-benit, (Hist. nat.) plante qui doit être rapportée au genre appellé cnicus. V. Cnicus. (I)

Chardon-benit, (Matiere médicale & Pharmacie.) De toutes les plantes que la Médecine moderne employe, il n’en est pas une qui ait été tant exaltée que le chardon-benit ; il n’est presque pas un auteur célebre qui ne lui ait attribué un grand nombre de propriétés medicinales, depuis qu’on a parlé pour la premiere fois de ses vertus, il y a environ 300 ans, selon une tradition rapportée par Pontedera, qui paroît fort persuadé que les anciens n’avoient pas connu l’usage medicinal de cette plante, puisqu’ils n’avoient pas vanté son utilité dans un grand nombre de maladies, eux qui donnoient si facilement des éloges pompeux à tant de remedes inutiles.

En rapprochant toutes les propriétés que différens auteurs attribuent au chardon-benit, on trouve qu’il est à la lettre un remede polycreste, une medecine universelle ; en effet on l’a loué comme vomitif, purgatif, diurétique, sudorifique, expectorant, emménagogue, alexitaire, cordial, stomachique, hépatique, antiapoplétique, antiépileptique, antipleurétique, fébrifuge, vermifuge, & même vulnéraire, employé tant extérieurement qu’intérieurement.

C’est le suc, la décoction, & l’extrait de ses feuilles qu’on a principalement employé : sa semence a passé pour avoir des vertus à-peu-près analogues à celles des feuilles ; & enfin quelques auteurs les ont attribuées aussi, ces vertus, à son eau distillée, à son sel essentiel, & même à son sel lixiviel.

On peut raisonnablement conjecturer que cette grande célebrité du chardon-benit, dont nous venons de parler, ne lui a pas été acquise sans quelque fondement ; son amertume, par exemple, annonce assez bien une vertu fébrifuge, stomachique, apéritive, peut-être même légerement emménagogue. La quantité de sel essentiel (apparemment nitreux) qu’elle contient, & qu’on en retire par le procédé ordinaire, (Voyez Sel essentiel) peut la faire regarder encore comme un bon diurétique, & comme propre dans les maladies inflammatoires de la poitrine ; ce sont aussi ces vertus que confirme l’usage de son extrait, qui est presque la seule préparation utile employée parmi nous. L’expérience n’est pas si favorable à l’usage de son eau distillée que l’on prépare encore communément dans nos boutiques, & que quelques Medecins ordonnent comme cordiale & sudorifique.

L’eau distillée du chardon-benit des Parisiens, cnicus attractilis, que la plûpart des Apoticaires de Paris préparent à la place de celle-ci, lui est infiniment préférable sans doute, puisque cette derniere plante contient une assez grande quantité de parties mobiles & actives qui s’élevent dans la distillation avec son eau, & qui lui donnent des vertus qu’on chercheroit envain dans l’eau distillée du chardon-benit ordinaire, qui est absolument insipide & sans odeur.

Les feuilles de chardon-benit entrent dans la composition de l’orviétan, dans celle de l’eau de lait alexitaire, dans l’huile de scorpion composée ; les sommités de cette plante sont un des ingrédiens du decoctum amarum de la Pharmacopée de Paris ; sa semence entre dans la poudre arthritique purgative de la même Pharmacopée, dans l’opiate de Salomon, dans la confection hyacinthe ; son extrait entre dans la thériaque céleste, dans les pillules balsamiques de Stahl, & dans celles de Becher. (b)

Chardon à Bonnetier, dipsacus, genre de plante dont les fleurs naissent dans des têtes, semblables en quelque maniere à des rayons de miel. Les têtes sont composées de plusieurs feuilles pliées ordinairement en gouttiere, posées par écailles & attachées à un pivot. Il sort des aisselles de ces feuilles des fleurons découpés & engagés par le bas dans la couronne des embryons, qui deviennent dans la suite des semences ordinairement cannelées. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

* Ce chardon est d’une grande utilité aux manufacturiers d’étoffes en laine. Voyez sur-tout l’article Drapier. Il est défendu, par les réglemens gen. & part. d’en sortir du royaume.

Chardon étoilé, ou Chausse-trape, (Hist. nat. bot.) plante qui doit être rapportée au genre appellé simplement chardon. Voyez Chardon. (I)

Chardon-rolland, s. m. (Hist. nat. bot.) panicaut, eryngium, genre de plante à fleurs, en roses disposées en ombelle, & composées de plusieurs pétales rangées en rond, recourbées pour l’ordinaire vers le centre de la fleur, & soûtenues par le calice, qui devient un fruit composé de deux semences garnies de feuilles ; dans quelques especes, plates, & ovales dans d’autres ; quelquefois elles quittent leur enveloppe, & elles ressemblent à des grains de froment. Ajoûtez au caractere de ce genre, qu’il y a une couronne de feuilles placées à la base du bouquet de fleurs. Tournefort, inst. rei herb. V. Plante. (I)

Chardon-rolland. (Matiere médicale & Pharmacie.) La racine de chardon-rolland, qui est une des cinq racines apéritives mineures, est la partie de cette plante employée en Medecine ; elle est apéritive & diurétique, incisive, tonique, & emménagogue ; elle passe aussi pour légerement aphrodisiaque. On l’employe fraîche dans les bouillons, les aposemes, & les tisannes apéritives.

La préparation de cette racine consiste à la nettoyer, & à la monder de sa corde, ou de la partie ligneuse qui se trouve dans son milieu, & à en faire ensuite un condit ou une conserve. C’est sous l’une de ces deux formes qu’on la garde dans les boutiques, parce qu’étant sechée elle se gâte très-facilement, & perd ainsi toute sa vertu. Voyez Condit & Dessication.

Cette racine entre dans le syrop de guimauve composé, le decoctum rubrum de la Pharmacopée de Paris ; dans les electuaires de satyrium de plusieurs auteurs, & dans presque toutes les préparations officinales propres à réveiller l’appétit vénérien, qui se trouvent décrites dans les différens dispensaires. (b)

Chardon, (Architecture & Serrurerie.) Ce sont des pointes de fer en forme de dards, qu’on met sur le haut d’une grille, ou sur le chaperon d’un mur, pour empêcher de le franchir. (P)

Chardon ou Notre-Dame de Chardon, (Hist. mod.) ordre militaire institué en 1369 par Louis II. dit le Bon, troisieme duc de Bourbon. Il étoit composé de vingt-six chevaliers sans reproche, renommés en noblesse & en valeur, dont le prince & ses successeurs devoient être chefs, pour la défense du pays. Mais il n’est parlé de cet ordre qui s’est anéanti, que dans quelques-unes de nos histoires. C’est sur quoi on doit voir Favin dans son théatre d’honneur & de chevalerie, aussi-bien que la Colombiere dans un grand ouvrage sous le même titre. (a)

Chardon ou Saint-André du Chardon, ordre de chevalerie en Ecosse, qui à ces mots pour devise : Nemo me impunè lacesset, personne ne m’attaquera impunément. On l’attribue à un roi d’Ecosse nommé Anchaius, qui vivoit sur la fin du huitieme siecle. Mais l’origine de ces sortes d’ordres est apocryphe, dès qu’on la fait remonter à ces anciens tems. Il vaut bien mieux la rapporter au regne de Jacques I. roi d’Ecosse, qui commença l’an 1423. Mais si on en fait honneur à Jacques IV. en suivant l’opinion de quelques auteurs, elle sera de la fin du quinzieme siecle ; car Jacques IV. ne commença son regne qu’en 1488. L’infortuné Jacques VII. d’Ecosse, ou II. d’Angleterre, le voulut remettre en vigueur ; mais son éclat dura peu, & il subsiste foiblement. Ce qu’il en reste de plus considérable, est la dévotion des Ecossois Catholiques qui sont en petit nombre, pour l’apôtre saint André, qui est peu fêté par les prétendus Réformés, dont la religion est la dominante d’Ecosse, qui de royaume est devenue province d’Angleterre en 1707. (a)