L’Encyclopédie/1re édition/SEL et SELS

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SEL & SELS, (Chimie & Médecine.) on comprend sous le nom de sel trois especes de substances ; les acides, les alkalis, & les sels neutres ; en réunissant les proprietés communes à ces trois classes, on trouve que les sels sont des corps solubles dans l’eau, incombustibles par eux-mêmes, & savoureux ; il faut bien se défendre d’appeller sel tout ce qui se crystallise, sans quoi nous confondrions plusieurs corps très-différens entre eux.

Les sels sont répandus dans les trois regnes de la nature, l’opinion commune des chimistes est même que l’air porte avec lui l’acide vitriolique ; il est au moins bien sûr qu’il peut se charger d’un très-grand nombre de sels ; ceux qu’il peut dissoudre sont appellés volatils, ceux au-contraire qu’il ne peut enlever, sont nommés fixes ; tous les acides, les alkalis volatils, & quelques sels neutres, spécialement ceux qui sont formés par l’union du sel ammoniac avec les différens métaux, sont volatils ; mais le plus grand nombre est fixe.

Indépendamment des sels que la nature fournit, il en est une foule que l’art seul peut produire, & il imite la nature dans la formation de presque tous les sels neutres.

Les sels sont, comme nous l’avons vu, acides, alkalins, ou neutres ; leur nature & leurs propriétés different par-là essentiellement ; chaque espece fournira une classe particuliere. Après avoir examiné les proprietés communes à tous les sels, nous parcourrons successivement celles qui le sont aux classes, aux ordres, & aux genres.

Classe I. Les acides. Les acides étant vraissemblablement la base de tous les autres sels, méritoient d’être traités les premiers ; l’opinion la plus reçue est que les alkalis ne sont que des acides combinés avec d’autres principes ; ce sentiment a pour lui la raison & l’expérience. La raison dit que la nature choisit toujours les voies les plus simples, & que l’affinité des acides & des alkalis, l’avidité avec laquelle ils s’unissent, est l’effet de l’analogie ; l’expérience fait voir dans le regne végétal, quand il passe par tous les degrés de la maturité & de la fermentation, les acides se perdre, se changer en alkalis, & redevenir ensuite acides.

Leurs proprietés communes sont d’être les menstrues d’un grand nombres de corps, & en s’unissant avec la plûpart, de former des sels neutres ; leur saveur est si forte, que pour peu qu’ils soient concentrés, ils sont corrosifs ; ils sont tous solubles dans l’air, c’est-à-dire volatils, plus ou moins suivant la quantité de phlogistique qui entre dans leur combinaison ; ainsi l’acide vitriolique que nous soupçonnons en contenir le moins, est le plus difficile à s’élever dans la distillation ; il faut que le feu soit poussé au dernier degré, pour que l’huile glaciale s’éleve ; ils sont solubles dans l’eau, plus ou moins dans la proportion opposée à la précédente : ainsi l’acide vitriolique que nous avons dit contenir le moins de phlogistique, s’unit avec une facilité étonnante à l’eau ; & tandis que les autres, exposés à l’air, perdent une partie de leur poids, il augmente le sien aux dépens de sa force, en se mêlant avec l’eau ; la rapidité avec laquelle il s’unit, s’il est concentré, cause un sifflement, un bouillonnement, excite la chaleur, en un mot produit une espece d’effervescence ; les acides s’unissent avec les huiles grasses & essentielles, ils forment avec elles des savons peu connus. S’ils sont concentrés en les mêlant, par une certaine manipulation avec ces huiles, sur-tout si elles sont essentielles pesantes, l’effervescence est si vive que la flamme naît du milieu. Unis aux esprits vineux, ils forment des nouveaux mixtes, connus depuis peu, qui n’existent nulle part dans la nature, qui ont des proprietés singulieres qu’on nomme æthers ; ils produisent une effervescence, étant mêlés avec les alkalis, ils dissolvent tous les métaux : mais quoiqu’il n’y ait aucun métal qui ne puisse être dissous par un acide, aucun d’eux n’a la proprieté de les dissoudre tous. Ils dissolvent aussi les terres, les calculs des animaux ; avec les alkalis, les métaux & les terres, ils forment des sels neutres. On observera à ce sujet, que différens degrés de concentration sont nécessaires pour les différentes dissolutions ; il en est des acides, considerés comme menstrues, de même que de l’esprit de vin, qui dissout, étant foible, quelques gommes-résines, qu’il n’eût point pu dissoudre s’il eût été rectifié. Il seroit à souhaiter que ce fait certain fût embelli par un grand nombre d’expériences, qui pourroient donner lieu à une regle générale ; ils rougissent le sirop violat & le papier bleu, il n’est aucun bleu végetal à l’abri de leur impression ; ils décomposent le lait des animaux, & celui qu’on tire des semences huileuses végétales, pour en faire des émulsions.

L’affinité des acides est plus grande avec le phlogistique, qu’avec tout autre corps ; avec les alkalis fixes, qu’avec les volatils ; avec ceux-ci, qu’avec les terres absorbantes ; & enfin avec ces dernieres, plus qu’avec les substances métalliques. Ces affinités établies par M. Geoffroi, sont sujettes à quelques exceptions à la regle générale ; quelques terres absorbantes, & des métaux mêmes, pouvant décomposer le sel ammoniac, & le fer ayant la vertu de décomposer l’alun.

Les trois acides minéraux font des soufres ; voyez les art. part. l’acide microcosmique en fait un, le phosphore de Kunkel. Voyez Microcosmique, Acide & Phosphore.

Non-seulement les acides ne peuvent point se crystalliser, mais encore on ne peut les réduire en une masse solide, comme on le fait des alkalis fixes ; le seul acide vitriolique, moins volatil que les autres, peut, & encore ce n’est qu’avec beaucoup de travail, prendre une forme épaisse, ce qui est l’effet de leur grande affinité avec l’eau ; ils se saisissent de toutes les vapeurs aqueuses, & se mêlant avec elles, ils conservent leur fluidité ; nous défendons ce sentiment contre M. Marcgraf, qui prétend que l’acide animal se crystallise, parce que nous ne regardons point cet acide, comme un acide pur, mais comme un sel neutre microcosmique ; le tems & les expériences dévoileront ce problème.

Ces acides qui s’unissent avec tant d’ardeur & si étroitement à l’eau, qu’on ne peut jamais les en priver qu’à un certain degré, perdent la plus grande partie de cette affinité, lorsqu’ils sont unis aux alkalis fixes, quoique ceux-ci tombent en défaillance à l’air, c’est-à-dire se chargent de son humidité au point de devenir fluides ; il arrive ainsi que ces deux corps perdent l’un par l’autre une proprieté qui leur étoit commune.

On les retire de l’eau, de l’air, des trois regnes de la nature, & des sels neutres factices ; le regne minéral, l’eau & l’air, fournissent en grande quantité l’acide vitriolique, le marin & le nitreux ; l’opinion reçue est que ce dernier vient des végétaux qui reçoivent en croissant l’acide vitriolique de la terre, & le dénaturent pour former le nitreux, qu’ils rendent à la terre en se pourrissant ; le regne végétal fournit les quatre genres d’acides ; le vitriolique se trouve dans les citrons, & semblables fruits ; le nitreux dans un grand nombre de plantes, sur-tout dans les chicoracées & les borraginées, ou asperifoliæ de Raj. l’acide marin est évident dans les plantes maritimes ; & l’acide végétal dans toutes les parties des plantes qui ont subi une fermentation acide, peut-être même dans un grand nombre avant leur maturité ; ce qui nous conduit à une reflexion importante : c’est qu’on ne connoit point précisément la nature de l’acide des raisins avant leur maturité, du verjus, on ne sait point si c’est comme nous le soupçonnons un acide vitriolique, qui par la maturité du fruit, forme le sel essentiel, pour devenir ensuite successivement par la fermentation acide du vinaigre ; ou s’il est avant, comme après la maturité & la fermentation, la même espece d’acide, la découverte de sa nature seroit de la plus grande importance pour conduire à une théorie lumineuse de la fermentation inconnue jusqu’à present, & pour démontrer la transmutation des acides ; ce ne seroit point un travail long, fatiguant, ni compliqué. Former avec le verjus & les alkalis des sels neutres, les faire crystalliser, les reduire à leur ordre, feroit la plus grande partie de l’ouvrage : enfin le regne animal fournit dans les fourmis, suivant Juncker, dans tous les insectes à aiguillon, & suivant Pott, dans presque toutes les parties des animaux, un acide peu connu.

Les acides ont des proprietés médicinales qui leur sont communes ; étant concentrés, ils gangrenent & cautérisent les chairs & les os sur lesquels on les applique, ils procurent l’exfoliation de ces derniers, ce qui les rend des poisons pris intérieurement ; mais fondus dans une grande quantité d’eau, ils sont rafraîchissans, répercussifs, ils ont la vertu de ralentir le mouvement du sang, d’éteindre la soif, humecter les fluides, relâcher même tous les solides ; ils conviennent donc dans les cas où il faut moderer la fievre, & les efforts trop grands de la nature : aussi les médecins les emploient dans l’altération, lorsque la langue est seche, le pouls fort, lorsque quelque partie du corps, sans être affoiblie, est enflammée, ou bien entrainée dans des mouvemens convulsifs ; on les mêle dans les fievres malignes avec les cordiaux ; ils augmentent la transpiration, donnés dans les cas précédens, quand elle est supprimée par le défaut de secrétion que causent la contraction des solides, & le mouvement trop rapide du sang ; ils l’éteindroient au-contraire, & même avec la vie, s’ils étoient donnés dans les cas de foiblesse ; ils sont des diurétiques relâchans, indiqués dans les cas d’inflammation des reins, ou de la vessie, telle que la procurent souvent les mouches cantharides prises intérieurement, ou même appliquées extérieurement en trop grande quantité ; ils doivent être mis en usage comme legers astringens, & comme tempérans, dans les différentes hémorragies, si on excepte l’hæmophthisie, parce que éxcitant la toux, arrêtant la transpiration des bronches, la secrétion des crachats, ils pourroient augmenter l’engorgement ; c’est par ces raisons qu’ils sont contre-indiqués dans les inflammations de poitrine, & si on s’en sert, ce ne doit être que par les raisons les plus fortes, pour courir au mal le plus pressant : leur vertu d’arrêter la transpiration, & de ralentir le mouvement du sang, se manifeste à tout le monde, par l’usage qu’on en fait dans les grandes chaleurs ; ils arrêtent outre cela la digestion, & pris en trop grande quantité ou sans besoin, ils causent des rhumes, ou les aggravent ; dans les fievres bilieuses, caractérisées par la couleur des urines, des selles, de la langue, & par l’altération, ils sont du plus grand secours, eux seuls peuvent guérir, mêlés avec quelques évacuans, & nous les préférons de beaucoup dans ces cas à la saignée, parce qu’ils n’affoiblissent pas comme elle, que leur usage est plus long & moins accablant pour le moment ; tous les bilieux s’en servent utilement ; ils sont encore d’un usage fréquent contre les vers, on les mêle dans ce dessein avec les remedes doux, pour en rendre la boisson plus agréable, & la vertu anthelmintique plus sûre.

Leur usage économique, & celui qu’ils ont dans les arts, reviennent à tout moment ; mais si nous voulions entrer dans ces détails, ce seroit un ouvrage trop immense que nous entreprendrions.

Nous divisons les acides en deux ordres, le premier comprend les quatre acides simples, le second ne renferme jusqu’à present, que l’eau régale, acide composé.

Ordre I. Les acides simples. Les acides, que nous appellons simples, ne sont le produit d’aucun mélange apparent ; il en est quatre genres, le vitriolique, le nitreux, le marin, & le végétal, dans le détail desquels nous allons entrer.

Genre I. L’acide vitriolique. Voyez sous l’article Vitriol, acide vitriolique.

Genre II. L’acide nitreux. Voyez Acide nitreux, sous le mot Nitre.

Genre III. L’acide marin. Voyez Acide marin, sous le mot Sel marin.

Genre IV. L’acide végétal. Voyez Végétal, acide.

Ordre II. Les acides composés. Nous nommons ainsi les acides qui ne sont point composés de parties tout-à-fait semblables, mais qui sont le résultat du mêlange de plusieurs acides. Il est possible d’en former plusieurs especes, quoique nous doutions que tous les acides pussent assez bien se mêler, pour devenir des menstrues nouveaux, nous n’en trouvons qu’un connu, c’est l’eau régale. L’acide sulphureux ne nous a point paru différer assez de l’acide vitriolique, pour qu’il en fût fait mention séparément. Voyez Régale (eau).

Classe II. Les alkalis. Les alkalis ont des propriétés bien différentes des substances que nous venons de quitter, quoique leur nature approche fort l’une de l’autre ; au sentiment des chimistes modernes, qui pensent que les acides entrent pour beaucoup dans la composition des alkalis.

On divise ceux-ci en fixes & en volatils ; les fixes sont ceux qui exposés au feu le plus violent, se fondent sans se dissoudre dans l’air, tandis que les volatils s’évaporent, quelque foible qu’en soit la température. Il ne paroît cependant pas qu’ils different beaucoup entre eux ; un peu de phlogistique nous paroît en faire toute la différence. Trouver le moyen de le donner à l’alkali fixe, c’est trouver celui de le rendre volatil. Il est hors de doute que par la fermentation putride, la nature opere ce changement évident dans la putréfaction de l’urine. L’art en composant le foie de soufre, volatilise également les alkalis fixes ; puisque ces deux substances chacune séparément sans odeur, étant unies, en donnent une fort desagréable & tout-à-fait volatile, qu’il seroit possible & avantageux de rassembler dans un chapiteau.

Les principales propriétés des alkalis sont de faire une vive effervescence en se mêlant avec les acides, de composer avec eux des sels neutres, de décomposer les autres sels, de verdir le sirop violat & toutes les couleurs bleues des végétaux ; ils ont une saveur âcre & piquante ; les anciens chimistes prenoient pour un combat & une antipathie l’effervescence qui résulte du mélange des acides & des alkalis. Actuellement l’opinion contraire a prévalu, & cette effervescence est reconnue pour un effet de la ressemblance, de l’accord qui semble être entre deux substances qui s’unissent avec vivacité : c’est ce qu’on nomme affinité ou rapport. Voyez Rapport, Chimie.

Nous rappellerons que les alkalis ont plus d’affinité avec l’acide vitriolique qu’avec le nitreux, le marin, & le végétal ; avec ceux-ci qu’avec le soufre & les huiles : mêlés à cette derniere espece de substance, ils forment les savons les plus aisés à faire, les plus connus, & les seuls en usage.

Les alkalis sont, comme nous l’avons dit, fixes, ou volatils ; on ne connoît pas plusieurs genres de volatils, mais il y en a trois de fixes, dont les propriétés sont comme nous le verrons différentes. Le premier est l’alkali terreux, le natrum ; le second est l’alkali marin, la soude ; le troisieme est l’alkali du tartre : en sorte que chaque regne de la nature a son alkali propre. Le regne animal adopte le volatil ; le natrum appartient au minéral ; la soude à l’aqueux, & l’alkali du tartre est le végétal ; nous les examinerons séparément.

Quant à leurs propriétés médicinales, nous dirons en peu de mots qu’ils sont apéritifs, diurétiques ; que les uns & les autres, mais sur-tout les volatils, accelerent le mouvement du sang ; qu’ils sont, suivant les expériences de M. Pringle, de puissans antiseptiques, étant appliqués sur les chairs mortes ; & cependant des escharotiques sur les chairs vivantes.

Ordre I. Les alkalis fixes. Les trois especes d’alkalis fixes ne different entre elles que par le plus ou moins de principe terreux qui entre dans leur composition.

Outre les qualités communes à tous les alkalis, les fixes en ont de particulieres. Nous avons déja fait mention de plusieurs ; nous ajouterons que ces alkalis unis à une terre, ou une pierre quelconque, vitrifiable, argilleuse, calcaire ou gypseuse, forment des verres. La seule différence est dans la proportion : si celle de l’alkali est trop grande, le verre est plus transparent, mais bien plus facile à être altéré par les injures de l’air, les acides, &c. au point même que la proportion étant encore augmentée, il tombera à l’air humide en défaillance. Les cailloux fondus avec trois parties d’alkali fixe ou davantage, forment le liquor silicum, véritable dissolution des pierres les plus dures de la nature.

Ils ont plus d’affinité avec les acides que n’en ont les alkalis volatils ; aussi décomposent-ils tous les sels qui sont formés de ces deux corps ; leur grande affinité avec l’eau, & leur presque indissolubilité dans les esprits, font qu’ils peuvent aisément séparer de l’eau-de-vie & de l’esprit-de-vin, le phlegme qui n’est pas absolument nécessaire à leur combinaison ; & c’est un des moyens les plus simples de purifier l’esprit-de vin. Cependant si on jette l’alkali fixe, tartareux, brûlant dans cet esprit, il le teindra d’abord ; c’est ce qu’on appelle esprit-de-vin tartarisé. En répétant plusieurs fois cette opération, Boerhaave prétend que peu-à-peu on parviendroit à décomposer tout l’esprit-de vin.

Les alkalis fixes poussés au feu s’y fondent, & restent fixes ; ils acquierent par-là un degré de causticité de plus ; ils deviennent plus durs & legerement transparens. Fondus avec le soufre ils composent le foie de soufre, espece de savon très-remarquable par la dissolution qu’il fait de tous les métaux, & spécialement de l’or, de toutes les pierres & terres ; dissolution qui s’unit très-bien avec l’eau, & dont l’odeur putride prouve la volatilisation des alkalis fixes. Ces sels appliqués à nud, & seuls sur l’or, l’argent, & le mercure, ne les touchent point ; mais s’ils sont traités pendant long-tems avec les autres métaux ; si on n’y mêle pas du phlogistique en assez grande quantité, ils les changent en chaux : cette observation est d’un très-grand usage dans la Docimasie, où les alkalis fixes entrent dans les flux pour faciliter la fusion.

Quant à leurs vertus médicinales, ils sont extérieurement de bons répercussifs fondus dans l’eau ; autrement des caustiques qui ont la plus grande part aux effets de la pierre à cautere. Intérieurement ils sont diurétiques, antiacides, anti-émétiques ; ils corrigent les purgatifs : on voit par-là dans quels cas ils conviennent.

Genre I. L’alkali fixe minéral, ou naturel. Ce sel est le natrum ou nitrum des anciens, spécialement de Pline. On le trouve suivant son rapport & celui de plusieurs voyageurs, mêlé avec de la terre dans tout le levant ; il est aisé de le séparer de cette terre par une lessive évaporée jusques à siccité. On le trouve dans tous les pays du monde fondu dans certaines eaux minérales, auxquelles on a donné absurdement le nom d’acidules, à cause de leur goût piquant : telles sont les eaux de Vals, Spa, Aix-la-Chapelle, & tant d’autres. Ce sel se desseche quelquefois sur les rochers où les eaux minérales ont passé, & se sont évaporées. Il est alors aisé à ramasser ; mais ce ne seroit jamais qu’en petite quantité : nous en avons vu à Vals former un coup d’œil agréable ; son goût fait la base de celui de ces eaux. Ce sel differe de l’alkali tartareux par un plus grand degré de fixité, & moins d’affinité avec l’eau, puisqu’il ne tombe pas en défaillance comme lui ; il contient donc plus de terre. C’est par cette quantité de terre qu’il differe encore, quoique très-peu, de l’alkali marin, avec lequel plusieurs chimistes le confondent. Sa différence nous paroît bien établie par celle qui est entre le sel d’epson, & celui de Glauber, quoique nous convenions sans peine, qu’il y a dans tout cela une obscurité qui seroit aisément dissipée, si on composoit des sels neutres avec cet alkali & les acides.

Nous pensons, quoique nous ne sachions pas que l’expérience ait été faite, que cet alkali, moins alkali (s’il est permis de le dire) que le marin & le tartareux, a moins d’affinité qu’eux avec les acides, & qu’ils pourroient par conséquent décomposer les sels neutres qu’il formeroit.

Ses vertus médicinales sont les mêmes que celles des alkalis en général, avec la différence qu’elles sont plus douces.

Genre II. L’alkali fixe marin. Le second alkali fixe, celui qui tient un milieu entre les deux autres, est l’alkali fixe qui sert de base au sel marin & au sel gemme ; c’est lui qu’on retire par l’incinération de plusieurs plantes maritimes, mais sur-tout du kali ou soude : c’est lui que tous les chimistes modernes confondent avec le précédent, le natrum. On voit aisément que ce sel a donné son nom aux autres alkalis, al n’étant qu’un article arabe qui confirme dans cette étymologie. Il a donc été le premier découvert, si on excepte le natrum ; il contient plus de terre que le tartareux, & moins que le minéral. On le reconnoît aisément, parce qu’il ne tombe point en défaillance à l’air ; qu’il s’y seche même, & en ce qu’il se crystallise comme les sels neutres, qualité qui lui est propre.

On tire ce sel de la soude, en en amassant des grands morceaux qu’on fait sécher & brûler : on peut le retirer aisément des sels neutres qu’il forme, en le précipitant par l’alkali tartareux, qui a plus d’affinité que lui avec les acides.

C’est de ce sel qu’on prépare avec la chaux & l’huile d’olive le savon ordinaire ; c’est avec lui & le sable qu’on fait le verre le plus durable ; on feroit même le plus beau, si les Verriers se donnoient la peine de séparer par une lessive les parties hétérogenes qui sont mêlées avec lui dans les cendres.

Il est peu d’usage en médecine ; ses vertus sont celles des alkalis fixes en général.

Genre III. L’alkali fixe tartareux. Le plus fort de tous les alkalis fixes, celui qui contient le moins de terre, celui qui se dissout le plus aisément dans l’eau, le seul qui tombe en défaillance à l’air, pour peu qu’il soit humide ; celui qui précipite tous les autres, s’ils sont unis avec des acides, qu’on est bien éloigné de pouvoir crystalliser, c’est l’alkali que fournissent les cendres des plantes qui ne sont pas maritimes, le tartre & le nitre. C’est lui que nous trouvons dans les cendres dont on se sert communément pour faire des lessives, pourvu qu’on brûle des végétaux qui n’ont point trempé long-tems dans l’eau ; comme le bois flotté, dont les cendres semblables à celles qui ont été lessivées, ne sont bonnes à aucun usage dans les arts. Cet alkali forme dans les lessives avec les huiles & les graisses du linge sale, une liqueur savoneuse qui aide le blanchissage. J’observerai en passant que les végétaux qui fournissent l’acide le plus foible, donnent l’alkali le plus fort.

Je ne vois pas que ce sel existe nulle part dans la nature à nud, non plus que l’alkali précédent. C’est l’art qui le tire des corps où il existoit combiné de façon que ses effets étoient tous différens. La maniere de le tirer, le végétal dont on le tire, sa pureté, l’état sec ou liquide dans lequel il est lui ont fait prendre des noms différens. On l’appelle potasse lorsqu’il coule dans un creux fait en terre, des monceaux de bois qu’on brûle au-dessus ; on le nomme sel préparé, à la maniere de Tackenius, lorsqu’on fait brûler la plante dans une marmite de fer rougie au feu & couverte ; il est le sel lixiviel d’absynthe, des cendres de genêt, &c. lorsque c’est de ces plantes qu’on le tire ; sel alkali de tartre, lorsque c’est la terre ou la lie de vin qui le fournissent ; cendres clavellées, quand ce dernier sel est mêlé avec beaucoup de terre inutile, dont on ne l’a point lessivé ; c’est du nitre fixé, lorsqu’il est le résultat de la détonation du nitre par le charbon ; & flux noir, quand c’est par le tartre crud qu’il détonne ; tombé en déliquium, c’est l’huile de tartre en défaillance, si la terre a fourni l’alkali ; c’est le prétendu alkaest de glauber, s’il vient du nitre.

Nous entrerions dans des détails immenses si nous suivions toutes ces différentes préparations ; il nous suffira de les avoir indiquées, & de dire, quelles qu’elles soient, c’est toujours le même alkali, la même substance qui donne la vertu aux uns & aux autres sels ; qu’ils ne different entr’eux que par le plus ou le moins de pureté ; que le plus pur se fait par la détonation du nitre, que cependant il a encore besoin d’être lessivé ; que les sels lixiviels des différentes plantes, en conservant une partie de leur huile & de leur sel essentiel, participent de leur vertu, si l’incinération n’est pas complette, & il est rare qu’elle le soit ; que la méthode de Tackenius leur conserve encore plus la vertu de la plante ; que la potasse & la soude sont communément fort impures, de même que les cendres clavellées, & qu’enfin on ne doit tenter les expériences qu’avec ces sels bien préparés & très-purs.

Ce que nous avons dit des alkalis fixes en général doit spécialement s’entendre de celui-ci, comme du plus fort que nous ayons ; ainsi il forme les meilleurs savons, étant traité avec les huiles ; il se combine très bien avec les essentielles ; avec celle de térébenthine il compose le savon de starkey ; il purifie, comme nous l’avons vu, l’esprit de vin, & même peut le décomposer. Poussé à un feu violent avec les métaux imparfaits, les demi-métaux. les terres, les pierres & toutes les chaux, il les dissout pour former avec eux les verres les plus transparens, mais les moins durables, sur-tout si la proportion d’alkali est trop grande ; versé sur une dissolution de métaux dans les acides, il les précipite ; & si on en met surabondamment, il en tient plusieurs en dissolution, ce qui nous confirme dans l’idée de la possibilité des sels neutres formés par l’union des alkalis fixes avec les métaux ; il se fait jour à-travers les creusets & les pots, ce qui indique sa combinaison avec les terres dont ils ont été fabriqués.

Pour un grand nombre d’expériences, il vaut mieux l’avoir en défaillance que sec ; étant déja dissous dans la moindre quantité d’eau possible, il agit plus promptement lorsqu’on veut précipiter, dissoudre. Au reste, M. Gellert assure qu’il acquiert une gravité spécifique quatre fois plus grande en tombant en deliquium.

Ce sel est d’un usage économique très-étendu, puisqu’il entre dans toutes les lessives ; il est à tout moment nécessaire dans les teintures pour précipiter sur les laines, fils ou soies mordues déja par un acide, la partie colorante : il y en a pour cet usage deux manufactures considérables à Lyon ; il ranime les couleurs violettes des végétaux que l’air a ternies ; il est un excellent fumier, pourvu qu’il ne soit mêlé avec la terre qu’en très-petite quantité.

Les Médecins l’emploient dans un grand nombre de maladies ; tiré de différentes plantes par diverses méthodes, il a les vertus des autres alkalis fixes, mais plus fortes ; & il y joint, suivant la préparation, la vertu des végétaux dont on l’a tiré.

Ordre II. L’alkali volatil. Le second ordre des alkalis ne comprend qu’un genre d’alkali volatil, qui a paru jusqu’à présent être le même de quelque part qu’il vienne.

Nous avons dit plus haut, que peut-être les alkalis volatils n’étoient autre chose que les fixes séparés d’une portion de leur terre, avec lesquels le phlogistique s’est combiné. Nous avons été conduits dans cette idée par la transmutation des alkalis fixes en volatils, lorsqu’on y ajoute du phlogistique, ou lorsque par un mouvement intestin la combinaison des principes en fermentation devient différente.

On trouve cet alkali en très-grande abondance dans les animaux, dont toutes les parties soumises à la distillation le fournissent, sans que la putréfaction ait précédé. Il n’est que quelques insectes qui doivent être exceptés de cette regle. Mais quoique nous l’ayons appellé l’alkali animal, on le trouve encore dans plusieurs plantes à nud. Telles sont celles de la tétradynamie de Linnæus, la plûpart des cruciformes de Tournefort, les arum, & plusieurs autres de la Gynandrie, le chenopodium fœtidum, & quelques autres éparses dans les différentes classes ; on le trouve encore dans certaines eaux minérales, on le reconnoît à une odeur d’œufs pourris ; telles sont celles de Lauchtadt & Gieshubel en Allemagne. L’art produit l’alkali volatil en faisant putréfier les plantes & les animaux, en faisant du foie de soufre ; il l’extrait par la distillation de tous les corps précedens, de même que de la suie & de tous les sels ammoniacaux ; s’il le tire sous une forme solide, il se nomme sel alkali volatil ; si c’est sous un liquide, on l’appelle esprit volatil ; pour le tirer des substances qui le contiennent à nud, la seule distillation suffit ; mais lorsqu’il est combiné avec quelque acide, il est nécessaire que la décomposition précede. C’est communément du sel ammoniac d’Egypte qu’on le retire pour les expériences chimiques & les usages médicinaux. On obtient la décomposition de trois manieres, avec l’alkali fixe du tartre, la chaux commune & les chaux de plomb. Par la premiere méthode l’alkali volatil est concret ; par les deux autres il est liquide, & on a besoin d’ajouter un peu d’eau pour aider la distillation.

L’alkali volatil a moins d’affinité avec les acides que n’en ont les alkalis fixes, la chaux & le plomb ; ce qui fait que ces trois substances le décomposent ; il en a moins avec l’acide végétal qu’avec le marin, le nitreux & le vitriolique. C’est la raison pour laquelle ce dernier acide décompose tous les sels ammoniacaux formés par les autres acides. L’alkali volatil dissout tous les métaux & les terres calcaires par différens procédés.

Il forme des savons avec les huiles grasses & essentielles, & même avec l’esprit de vin, si l’un & l’autre sont aussi déphlegmés qu’il est possible, deux liqueurs très-déliées, très transparentes forment en se mêlant un coagulum, une masse pâteuse, blanchâtre, connue sous le nom de soupe de Vanhelmont. Si en distillant par l’alkali fixe le volatil, on ajoute un huitieme ou un seizieme d’huile essentielle quelconque, on aura un sel volatil aromatique qui prendra son nom de la plante qui aura fourni l’huile essentielle. Si c’est par la chaux qu’on le distille, après avoir mêlé de l’huile de succin, on aura l’eau de luce. On donne le nom d’esprits volatils huileux aromatiques aux autres produits liquides de semblable distillation.

La Médecine fait un très-grand usage des alkalis volatils sur-tout aromatisés ; ils sont cordiaux, céphaliques, antihystériques, calmans, anodins, narcotiques. On les prend intérieurement, ou on en respire l’odeur. Au rapport de Boherrhaave, ils peuvent causer la gangrene appliqués extérieurement. Un sûr moyen, selon lui, d’en former un point, consiste à prendre un grain de sel alkali volatil, l’appliquer sur la peau, & le couvrir d’un emplâtre, dans peu l’escharre gangreneuse sera formée tout-au-tour de ce grain de sel.

Dans les teintures il sert à préparer les couleurs bleues & violettes ; l’orseil & le bleu ordinaire, lui doivent toute leur préparation.

Classe III. Les sels neutres. Les sels neutres, salés, moyens, androgynes, hermaphrodites ou enixes (car les Chimistes leur ont donné tous ces noms), sont des corps solubles dans l’eau, la plûpart savoureux, formant des crystaux, ou une masse épaisse, voyez les articles Neutre, sel, & Moyen, sel ; ils sont formés par l’union des acides ou des alkalis entre eux, ou avec des pierres, des terres & des métaux. La partie la plus fixe au feu s’appelle la base.

Ils different entre eux, 1°. par les substances dont on les tire qui sont minérales, végétales ou animales ; 2°. ils sont naturels ou factices ; 3°. les naturels existent purs dans la nature, ou bien ils sont mêlés avec d’autres substances dont il faut les extraire par des calcinations, l’exposition à l’air, des décoctions, des lessives & des précipitations ; 4°. les factices different par la maniere de les préparer ; les uns veulent être sublimés, les autres crystallisés à la faveur de l’évaporation & du refroidissement de la liqueur qui les tient en dissolution, d’autres précipités par le moyen de l’esprit-de-vin, quelques-uns arrachés à leurs menstrues propres pour être dissous par un autre ; d’autres enfin demandent une préparation, une précipitation antérieure de la base dissoute dans un autre menstrue, ce que M. Henkel nomme appropriation dans le traité qui porte ce titre ; 5°. les sels neutres different encore par leur crystallisation ; la plus grande partie forme des crystaux d’une figure qui leur est propre, qui sert à en établir la différence, & qui varie suivant que l’évaporation est rapide, moyenne, ou insensible ; voyez sur cet art. le mém. de M. Rouelle parmi ceux de l’académie des Sciences ; une bonne partie aussi ne donne point de crystaux connus jusqu’à présent, & n’en constitue pas moins un sel neutre ; 6°. il est des sels moyens entierement neutres, d’autres le sont avec surabondance d’acide ou d’alkali ; 7°. les uns sont volatils, les autres fixes au feu ; 8°. les uns se dissolvent aisément dans l’eau froide, d’autres exigent de sa part un très-grand degré de chaleur ; il en est qui sont si solubles dans l’eau, qu’ils tombent en défaillance à l’air humide, d’autres y perdent au contraire leur humidité, & tombent en efflorescence ; 9°. plus l’eau est chaude, plus la quantité de sel qu’elle peut tenir en dissolution est grande ; mais les proportions varient suivant les sels ; 10°. l’eau entre dans la composition de tous les sels neutres, mais dans des proportions bien différentes ; on peut en général avancer que leur facilité de se dissoudre dans l’eau est proportionnée à la quantité qu’ils contiennent ; 11°. ils different par leur gravité spécifique ; 12°. par leur dureté ; 13°. lorsqu’ils font partie des végétaux, & qu’ils y existent tels qu’on les extrait, ce sont des sels essentiels ; 14°. ils sont simples, c’est-à-dire formés par l’union de deux substances seulement, ou composés de trois ; 15°. ils different essentiellement entre eux par la nature de leur base & par celle de l’acide, ou de l’alkali qui les constitue proprement sels neutres. C’est par ces deux dernieres différences que nous établirons les ordres, les genres & les especes.

Ordre I. Sels neutres simples. Nous appellons sels neutres simples, ceux qui, comme nous l’avons dit, n’exigent que l’union de deux substances pour leur composition ; ces substances sont acides, alkalines, terreuses ou métalliques. La nature de l’acide formera les premiers genres, celle de l’alkali les suivans.

Genre I. Vitriols. Nous donnons le nom de vitriol à tous les sels dont l’acide vitriolique est le principe. Les especes, comme il paroît par la table, sont tirées des quatre alkalis, des quatre terres, des sept métaux & de six demi-métaux. A côté des terres calcaires j’ai mis leurs chaux, qui donnent souvent des sels d’une nature différente. Parmi les métaux, j’ai placé la platine, quoique les sels qu’elle peut produire ne soient pas encore connus.

L’or & la terre vitrescible sont les seules substances indissolubles dans l’acide vitriolique par les procédés ordinaires ; cependant comme la plus grande partie des chimistes suppose que le sel sédatif du borax est l’acide vitriolique uni à une terre vitrescible, nous lui avons donné cette place. Pour essayer de dissoudre la terre vitrescible, ne pourroit-on pas en faire d’abord un verre avec surabondance d’alkali, ou un liquor silicum ? on y verseroit alors une assez grande quantité d’acide vitriolique, nitreux, marin ou végétal, pour espérer de tenir l’alkali & la pierre en dissolution ? c’est à l’expérience à résoudre ce problème.

Genre II. Nitres. L’or & la terre vitrescible sont encore les seules substances indissolubles dans l’acide nitreux ; mais on voit par la table le grand nombre de sels qui n’ont point été nommés, & qui ne sont pas connus.

Nous ferons sur ce genre les observations suivantes : 1°. Tous les sels formés par l’union de l’acide nitreux détonnent : 2°. cet acide dissout les terres calcaires, & forme avec elles un magma deliquescent qui a besoin d’une forte évaporation pour se crystalliser ; uni à la chaux, le magma qu’il forme est au contraire très-volatil : il dissout le cuivre, & éleve dans l’opération beaucoup de vapeurs rouges qui ne sont dûes qu’au fer que l’acide entraîne avec lui, comme l’a prouvé M. Hellot : il faut encore une évaporation forte pour faire crystalliser le sel qui en résulte. Le fer est précisément dans le même cas ; mais on remarque avec soin que l’acide foible en dissout une plus grande quantité. L’étain n’est dissous qu’en partie par l’acide nitreux, la dissolution n’en est point claire ; il est converti en une chaux d’un jaune bleu, qui devient entierement blanche étant lavée dans de l’eau, qui n’est ensuite soluble que dans l’eau régale. La dissolution de l’étain, dans ce dernier acide, est d’un grand usage dans les teintures dont elle releve beaucoup l’éclat, sur-tout de l’écarlate. Le mercure se dissout mieux dans l’acide concentré, en grande quantité & échauffé. Ce sont-là les preuves les plus grandes de leur peu d’affinité. L’acide nitreux dissout lentement l’arsenic, l’antimoine, le bismuth & le cobalt ; il dissout au contraire avec vivacité le zinc. La dissolution de l’antimoine n’est jamais claire ; il s’en précipite un antimoine diaphorétique. Tous les sels que les demi-métaux & l’alkali minéral peuvent produire sont inconnus. Voyez Acide nitreux, sous le mot Nitre.

Genre III. Sels marins. L’acide marin uni à l’alkali minéral forme un sel qui ne differe pas du sel marin. La terre crétacée s’y dissout, mais ce sel ne peut se crystalliser. Sa saveur est astringente, son odeur bitumineuse : mis au feu, il se boursouffle sans décrépiter ; l’acide se dissipe, & une chaux reste. En mêlant dans sa dissolution des alkalis, il ne fait point d’effervescence ; mais il s’en précipite une terre blanche. Cet acide traité avec la chaux, forme le sel appellé huile de chaux, qui tombe aisément en défaillance, se fond au feu comme de la cire, & facilite la fusion des substances refractaires. Ce sel est un peu astringent, septique & diurétique. On le mêle avec le suc de solanum pour les dartres vives. La terre gypseuse n’est dissoute qu’en petite partie & sans effervescence ; la plus grande se précipite, la dissolution n’est qu’imparfaite. La terre vitrescible & l’or sont indissolubles dans l’esprit de sel.

L’argent & le plomb, ces deux métaux analogues, ne sont dissous qu’imparfaitement au-bout d’un certain tems, & en bien petite quantité, si on applique l’acide marin à nud ; il tombe même du dernier une poudre blanche au fond de la dissolution. Mais l’art fertile en ressource présente la cémentation & la précipitation, voies différentes, qu’on pourroit tenter pour d’autres substances. Ces métaux dissous dans l’acide nitreux sont précipités par le marin en une matiere molle, quoique consistante, qui s’appelle lune ou plomb corné. Le plomb dissous dans l’acide végetal est précipité de la même maniere. Ce plomb corné se dissout en grande partie dans l’eau bouillante. Par l’évaporation on obtient des petits crystaux doux, astringens & volatils. Un autre moyen d’avoir le sel qui résulte de l’union de l’acide marin & du plomb, consiste à décomposer le sel ammoniac par ce métal. Alors l’acide s’y unit, & forme avec lui des crystaux figurés comme des plumes. Cette singuliere façon de dissoudre persuade que tel menstrue qui ne passe pas pour être le dissolvant d’un tel corps, le deviendroit si on s’y prenoit différemment, & que peut-être tous les acides peuvent dissoudre tous les métaux & toutes les terres.

Voici encore un autre exemple de la singularité qui s’observe dans les dissolutions. L’acide marin ne dissout point, ou que très-peu de mercure si on l’applique à nud. En préparant ce demi-minéral, ou en le faisant sublimer en même tems que l’acide marin se distille, ils s’uniront en vapeurs, & formeront un sel, qui sera avec surabondance d’acide. Ensorte que pour le débarrasser de cette surabondance, il faudra le faire sublimer plusieurs fois avec du nouveau mercure pour former la panacée mercurielle, que nous regardons comme le véritable sel neutre du mercure & de l’acide marin. C’est-là le seul moyen de l’avoir entierement neutre & très-pur ; par la précipitation qu’on en fait de l’acide nitreux, il ne l’est jamais.

Les acides en ne dissolvant qu’une partie de certains métaux sur lesquels on les applique à nud, prouvent qu’ils ne les dissolvent qu’à raison de leur phlogistique, qu’ils les décomposent ; & en effet, s’ils n’en contiennent pas une assez grande quantité pour aider la dissolution de tout le principe terreux qui entre dans leur composition ; cette terre se précipite dépourvue de phlogistique sous forme de chaux.

M. Pott se trompe, lorsqu’il dit que le magma déliquescent formé par cet acide & le cuivre, dont la couleur est verd de pré, n’est point crystallisable. Il en dit autant de celui qui est formé par le fer, dont la couleur est jaune verdâtre.

L’acide marin & l’étain forment un sel parfaitement neutre, très-crystallisable. Aussi ce dernier est aisément dissous : & lorsque l’acide est concentré, le mélange devient volatil par la surabondance d’acide. Cette dissolution mélée avec le mercure est la liqueur fumante de Libavius, qui peut servir à volatiliser les autres métaux.

Cet acide compose avec l’antimoine un magma déliquescent volatil, connu sous le nom de beurre d’antimoine. Il faut au-moins deux parties d’acide très concentré, sur une de régule ; ce qui prouve leur peu d’affinité. Elle est en effet si foible, que l’eau précipite le régule en chaux, sous la forme d’une poudre blanche, qui est l’algaroth ou mercure de vie, à laquelle il reste cependant, quelque soin qu’on prenne, une petite portion d’acide.

L’arsenic est à-peu-près dans le même cas ; le beurre qui résulte d’une dissolution lente, malgré l’ébullition, est un magma déliquescent, volatil, peu connu.

Le zinc en est dissous, la dissolution est claire, mais le sel est inconnu. En distillant cette dissolution, on retire l’acide sans addition. Il dissout aussi le bismuth, & cependant si on le verse sur une dissolution de bismuth dans l’acide nitreux, il le précipite. Le cobalt est également dissous, mais en petite quantité. La dissolution est à peine colorée : cependant en s’évaporant elle noircit. Quant au sel qui en résulte, il est encore inconnu. Voyez Acide marin sous le mot Sel marin.

Genre IV. sels végétaux. L’acide végetal, le plus volatil de tous, ne passe pas pour dissoudre un grand nombre de terres, ni de métaux. On doit cependant observer qu’on seroit aisément induit en erreur, si on oublioit qu’on a fait très-peu d’expériences avec le vinaigre radical, quelque attention qu’il méritât ; & qu’il n’est pas rare de voir un acide qui a besoin d’être très-concentré pour opérer certaines dissolutions. Nous ajouterons que celui-ci dissout presque tous les métaux, lorsqu’ils ont été précipités de leurs dissolvans propres.

La crême de tartre est un sel neutre formé par l’alkali & l’acide végetaux, mais avec surabondance de ce dernier, & une portion d’huile & de terre, qui la rendent difficile à fondre dans l’eau. Ce sel est un menstrue qui réussit souvent lorsque l’acide végetal pur est arrêté. Nous renvoyons aux sels neutres composés ceux qu’elle peut former.

Cet acide uni à l’alkali volatil compose le sel ammoniac liquide, le plus volatil, & le moins crystallisable de tous les sels neutres. En dissolvant le fer, il en résulte un magma déliquescent, dont la saveur est douçâtre astringente. Par le peu que nous disons de ce genre, on doit connoître combien peu de découvertes y ont été faites.

Genre V. sels royaux. Nous donnons ce nom à tous les sels que forme l’eau régale avec les alkalis, les terres ou les métaux. Le plomb & l’étain sont plus aisément dissous par cet acide composé, que par l’esprit de sel. Malgré cela la dissolution est trouble. Pour pouvoir y dissoudre le mercure, il faut, suivant M. Pott, le précipiter de l’acide nitreux, & verser dessus ce précipité l’eau régale ; les tenir ensuite en digestion. Le cobalt est dissous promptement avec effervescence, la dissolution est orangée ; en se séchant elle verdit.

Genres VI. VII. VIII. sels neutres formés par l’union des alkalis fixes avec les terres & les métaux. En formant ainsi trois genres de sels, que peuvent, selon nous, former les alkalis fixes, nous ne nous donnons point une idée sans fondement. Lorsqu’on précipite l’or dissous dans l’eau régale pour en faire l’or fulminant, si on verse trop d’alkali fixe, ce dernier après avoir sature l’acide, se charge de l’or qu’il retient en dissolution sans le précipiter. Ne pourroit-on point séparer cet or uni à l’alkali fixe pour en obtenir un sel ? Si on y réussissoit, on auroit le même succès avec plusieurs métaux ; quoique nous avouïons l’avoir essayé inutilement sur le mercure. Quelque soin que nous eussions pris de verser une grande quantité d’huile de tartre par défaillance sur une dissolution de mercure dans l’esprit de nitre, il resta un précipité à-demi-flottant, qu’on eût pu ramasser avec le filtre de papier, ce qui peut-être seroit un moyen plus doux que tous les connus, de faire prendre le mercure intérieurement.

Le cuivre se dissout dans trois fois son poids d’huile de tartre par défaillance, & forme une liqueur verte, dont il nous paroît très-possible de crystalliser le sel. Les alkalis fixes en s’unissant avec l’arsenic forment des sels neutres, qui se crystallisent en prismes quadrangulaires, dont les extrémités se terminent par des pyramides à quatre faces.

On nous objecteroit vainement que l’alkali fixe vitrifie, décompose les métaux ; l’objection tomberoit par cette seule raison, que le feu enleve le phlogistique du métal.

Genre IX. sels neutres formés par l’union de l’alkali volatil avec les terres & les métaux. Nous avons formé un sel d’un très-beau verd avec l’alkali volatil & le cuivre ; ce sel s’éleva en lames ou feuillets contre les parois du gobelet de verre, dans lequel il se crystallisoit à l’air libre par une évaporation insensible ; il descendit ensuite en-dehors & se répandit, ensorte que l’intérieur & l’extérieur du verre en étoient incrustés. Ce sel est absolument ignoré. Cependant on connoissoit la dissolution de cuivre dans l’alkali volatil. Boerhaave lui attribue des vertus diurétiques extraordinaires, prises depuis trois jusqu’à vingt-quatre gouttes dans un verre d’hydromel. Cette teinture présente un phénomene singulier, c’est que sans le contact de l’air, le cuivre est dissous sans donner de couleur. Si on débouche le flacon, bientôt la liqueur deviendra d’un bleu violet admirable. Le fer & l’alkali volatil fournissent un sel semblable en plusieurs points, à celui qui est formé par le cuivre.

L’alkali volatil en précipitant l’or de l’eau régale, fait comme le fixe, il le dissout de nouveau, s’il est surabondant. Il se conduit de même avec le mercure.

Ordre II. sels neutres composés. Trois substances, une acide, l’autre alkaline, & la troisieme métallique ou terreuse, réunies en un tout chimiquement homogene, forment les sels que nous appellons composés. Leur nombre peut, sans contredit, être très grand, quoiqu’à la suite on tomberoit dans des détails qui ne seroient que des variétés, toujours cependant intéressantes. Nous en avons réduit le nombre à neuf, pour qu’on ne nous accuse pas de donner des chimeres pour des possibilités.

Genre I. sels tartareux. Nous avons vu que la crême de tartre étoit un sel neutre formé par l’alkali & l’acide végetaux, avec surabondance de ce dernier ; qu’elle étoit un menstrue qui avoit quelquefois la préférence sur de plus simples : c’est ici que les sels qu’elle forme doivent trouver leur place. Elle dissout en effet le fer & le crystallise avec lui, pour former le tartre martial soluble. Elle compose avec l’étain & le plomb les tartres que nous nommerons jovial & saturnien ; avec l’antimoine elle fait un médicament de plus grand usage, le tartre stibié. Le tartre uni au cuivre, aux alkalis fixes & volatils, & aux terres absorbantes, forme également des sels neutres crystallisables.

Genre II. sels ammoniacaux. Le sel ammoniac ordinaire composé de l’alkali, & d’un des acides les plus volatils, ne pouvoit manquer de l’être beaucoup lui-même ; & comme par son acide ou son alkali, il a de l’affinité avec les différentes terres ou métaux, nous croyons qu’il n’en est aucun que ce sel ammoniac ou les quatre autres ne puissent sublimer ou dissoudre. Il y a une partie de l’alkali volatil qui se dégage dans le tems de l’union & de la sublimation. Cet alkali se manifeste par l’odeur qui lui est propre, & qu’on ne manque jamais d’appercevoir dans le commencement de la sublimation.

On ne connoît que deux sels formés par le sel ammoniac ordinaire, & un métal ou une terre ; parmi le grand nombre de possibles. Le premier est l’ens veneris, produit de la sublimation du cuivre par le sel ammoniac, qu’on peut aussi obtenir par le procédé de Boerhaave, en faisant dissoudre le cuivre dans une lessive de sel ammoniac. Le second est les fleurs martiales, fruit de la sublimation de fer par le même sel. Le premier est un médicament très-dangereux, vanté cependant contre l’épilepsie par Boyle son inventeur : mais le second est un des meilleurs apéritifs qu’on ait en médecine.

Genres III. IV. V. VI. autres sels ammoniacaux. On pourroit essayer une multitude de sels composés avec le sel secret de Glauber, & les terres ou les métaux : ils sont tous inconnus si on excepte le sel de Weissman, qui se prépare en faisant précipiter & rédissoudre le vitriol bleu dissous dans l’eau, par l’alkali volatil versé en surabondance, & le faisant crystalliser par le moyen de l’esprit-de-vin. Il faut aussi excepter l’or volatilisé par le sel secret de Glauber. Les sels ammoniacaux nitreux, que nous nommons sels brûlans, sont encore plus ignorés ; cependant ayant versé l’alkali volatil avec surabondance sur une dissolution de mercure dans l’acide nitreux, nous avons vu une pellicule se former sur la surface de la liqueur, & par l’évaporation insensible des crystaux en aiguilles rester au fond du vase ; qui étoient surement le produit de la combinaison de l’acide nitreux, de l’alkali volatil, & du mercure. C’est encore à notre avis un nouveau moyen innocent de faire prendre intérieurement ce demi-métal. Tous les sels ammoniacaux acéteux sont à découvrir. Quant à ceux que nous appellons royaux, on pourroit nous reprocher de fonder une possibilité sur une autre, mais celle qui sert de base étant de la plus grande évidence, nous nous y sommes crus autorisés. Le sel ammoniac qui doit résulter inévitablement de l’union de l’alkali volatil & de l’eau régale nous paroît devoir sublimer l’or. Ce sont là des choses qu’on croit voir arriver lorsqu’on les propose.

Genres VII. VIII. IX. sels fixes. Le borax est composé du sel sédatif & de l’alkali marin. Le sel sédatif l’est, suivant l’opinion la plus reçue, de l’acide vitriolique & d’une terre vitrescible. Ces trois substances forment un sel neutre composé, sur lequel on a beaucoup travaillé, qui est d’un grand usage dans la docimastique & l’orfévrerie, qui facilite la fusion des métaux. Il fait la premiere espece du premier genre, les autres especes sont inconnues & peut-être impossibles. Les deux genres suivans sont encore remplis par des êtres inconnus. Si on mêle l’alkali minéral au sel sédatif, on aura un nouveau borax, si c’est l’alkali tartareux ; la même chose arrivera inévitablement suivant nous. Cependant nous ne voyons pas qu’on ait essayé de les faire, non plus qu’une multitude d’autres que nous croyons voir dans le lointain d’une perspective agréable.

Nous finirons cet article en donnant une table des sels, d’après le système naturel déja exposé.


TABLE DES SELS.


Classe I. Acides.
Ordre I. Acides simples.
Genre 1. Acide vitriolique. Voyez Vitriol.
2. Acide nitreux. Voyez Nitre.
3. Acide marin. Voyez Sel marin.
4. Acide végétal. Voyez Végétal, acide.
Ordre II. Acides composés.
Genre 1. Eau régale. Voyez Régale, eau.
Acide animal.
Acide microcosmique. Voyez Microcosmique, acide & phosphore.
Et peut-être plusieurs autres qui sont inconnus.
Classe II. Alkalis.
Ordre I. Alkalis fixes.
Genre 1. Alkali fixe minéral ou naturel, ou terreux, natrum.
2. Alkali fixe marin, sel de soude. Voyez ci-dessus sous l’article général Sel.
3. Alkali fixe tartareux, nitre fixé, sel de tartre, alkaest de Glauber, huile de tartre par défaillance, sels alkalis lixiviels des plantes. Voyez ci-dessus sous l’article général Sel. Voyez aussi Nitre & Tartre.


Ordre II.

Alkali volatil. Voyez ci-dessus Sel.

Classe III.
Sels neutres, salés, moyens, androgynes, hermaphrodites, énixes.
Ordre I. Sels neutres simples.
Genre 1. Vitriols sels neutres formés par l’union de l’acide vitriolique, avec
Espece.
  1. L’alkali minéral, sel d’epson & de seidlitz. Voyez l’article particulier Sel d’Epson & de Seidlitz.
  2. L’alkali marin, sel admirable de Glauber. Voyez l’article particulier Sel de Glauber.
  3. L’alkali tartareux, tartre vitriolé, sel de duobus, sel polychreste de Glaser, arcanum duplicatum, nitrum sulphuratum, panacée holsatique. Voyez l’article particulier Tartre vitriolé.
  4. L’alkali volatil, sel ammoniacal secret de Glauber, ou vitriolique. Voyez Sel ammoniacal.
  5. La terre calcaire sélénite. Voyez Sélénite.
  6. La chaux.
  7. La terre gypseuse, sel gypseux de M. Rouelle.
  8. La terre argilleuse, alun. Gellert. Voyez Alun.
  9. La terre vitrescible, sel sédatif.
  10. L’or.
  11. La platine.
  12. L’argent, vitriol d’argent. Ce nom étant donné mal-à-propos au sel formé par l’union de l’acide nitreux & de l’argent. Voyez Argent & Lune.
  13. Le cuivre, vitriol bleu ou de Chypre. Voyez Vitriol.
  14. Le fer, vitriol verd ou romain, sel fixe de vitriol, sel de colcothar. Voyez Vitriol.
  15. L’étain ; il est dissout en partie. Voyez Etain.
  16. Le plomb, crystaux de plomb. Waller. A nud il n’est dissout qu’en partie. Voyez Plomb.
  17. Le mercure, turbith minéral. A nud il n’est dissout qu’en partie. Voyez Mercure.
  18. L’antimoine, vitriol d’antimoine. Il est dissout en partie.
  19. Le zinc, vitriol blanc, gilla vitrioli. Voyez Vitriol, voyez Zinc.
  20. Le bismuth ; il est dissout en partie.
  21. Le cobalt ; il est dissout.
  22. L’arsenic ; il est dissout en partie.


Genre 2. Nitres, sels neutres formés par l’union de l’acide nitreux avec
Espece.
  1. L’alkali minéral.
  2. L’alkali marin, nitre quadrangulaire ou cubique. Voyez Nitre.
  3. L’alkali tartareux, nitre, salpêtre, salpêtre de houssage. Voyez Nitre.
  4. Alkali volatil, nitre brûlant, nitre fulminant, sel ammoniacal nitreux. Voyez Nitre.
  5. La terre calcaire magma, non crystallisable, si ce n’est par une forte évaporation.
  6. La chaux, très-volatil.
  7. La terre gypseuse.
  8. La terre argilleuse.
  1. La terre vitrifiable.
  2. L’or.
  3. La platine.
  4. L’argent, crystaux de lune, pierre infernale. Voyez Argent & Lune, voyez Pierre infernale.
  5. Le cuivre, magma déliquescent, septique, crystallisable par l’évaporation rapide.
  6. Le fer, idem.
  7. L’étain ; il n’est dissout qu’en partie. V. Etain.
  8. Le plomb, nitre de saturne qui se crystallise. Voyez Plomb.
  9. Le mercure, crystaux de mercure. Voyez Mercure.
  10. L’antimoine ; la dissolution est trouble.
  11. Le zinc ; il est dissout avec vivacité. Voy. Zinc.
  12. Le bismuth, nitre de bismuth. Rouelle. Voyez Bismuth.
  13. Le cobalt est dissout. Voyez Cobalt.
  14. L’arsenic est dissout lentement.


Genre 3. Sels marins, sels neutres formés par l’union de l’acide marin avec
Espece.
  1. L’alkali minéral.
  2. L’alkali marin, sel marin, sel gemme, sel marin régénéré. Voyez Sel marin.
  3. Alkali tartareux, sel fébrifuge ou digestif de Sylvius. Voyez Sel marin & Sel fébrifuge de Sylvius.
  4. Alkali volatil, sel ammoniac ordinaire ou d’Egypte. Voyez Sel ammoniac.
  5. La terre calcaire, ne peut se crystalliser. Pott.
  6. La chaux, sel ammoniac fixe. Voyez Acide marin sous l’article Sel marin. Voyez Sel ammoniac, voyez Chaux, Chimie.
  7. La terre gypseuse, dissolution trouble imparfaite.
  8. La terre argilleuse.
  9. La terre vitrescible.
  10. L’or.
  11. La platine.
  12. L’argent, lune cornée. A nud la dissolution est imparfaite. Voyez Lune & Argent.
  13. Le cuivre, magma déliquescent, non crystallisable. Pott.
  14. Le fer, idem.
  15. L’étain, est dissout aisément par l’acide concentré.
  16. Le plomb, plomb corné. A nud la dissolution est difficile, trouble, imparfaite. Voyez Plomb.
  17. Le mercure sublimé corrosif, sublimé doux, panacée mercurielle.
  18. L’antimoine, beurre d’antimoine, magma volatil déliquescent. Voyez Antimoine.
  19. Le zinc, dissolution claire, sel inconnu.
  20. Le bismuth ; il est dissout.
  21. Le cobalt ; il est dissout en petite quantité. Voyez Cobalt.
  22. L’arsenic, beurre d’arsenic, magma volatil déliquescent.


Genre 4. Sels végétaux, sels neutres formés par l’union de l’acide végétal avec
Espece.
  1. L’alkali minéral.
  2. L’alkali marin, espece peu examinée de terre foliée.
  3. L’alkali tartareux, terre foliée de tartre (voyez Terre foliée), tartre régénéré, &c.
  4. Alkali volatil, sel ammoniac liquide, arcanum tartari, sont des noms de la terre foliée.
  5. La terre calcaire, se crystallise. Rouelle.
  6. La chaux, teinture de chaux d’Helvetius.
  7. La terre gypseuse.
  8. La terre argilleuse.
  9. La terre vitrifiable.
  10. L’or.
    1. La platine.
    2. L’argent, est dissout, précipité de l’acide nitreux.
    3. Le cuivre, crystaux de vénus, verd distillé, verdet. Voyez Verdet.
    4. Le fer, espece de teinture martiale.
    5. L’étain.
    6. Le plomb, sel ou sucre de saturne. V. Plomb.
    7. Le mercure, est dissout en partie foiblement & imparfaitement ; il est volatilisé en partie.
    8. L’antimoine.
    9. Le zinc, magma salin jaunâtre, la dissolution est prompte.
    10. Le bismuth, sucre de bismuth. Geoffroy.
    11. Le cobalt.
    12. L’arsenic.


    Genre 5. Sels royaux, sels neutres formés par l’union de l’eau régale avec
    Espece.
      1. L’alkali minéral, Il faudroit trouver une manipulation particuliere, qui en hâtant la crystallisation, empêchât la décomposition de l’eau régale, que nous craignons de voir arriver par les alkalis.
    2. L’alkali marin,
    3. L’alkali tartareux,
    4. L’alkali volatil.
    1. La terre calcaire.
    2. La chaux.
    3. La terre gypseuse.
    4. La terre argilleuse.
    5. La terre vitrifiable.
    6. L’or, se crystallise par l’évaporation insensible.
    7. La platine.
    8. L’argent.
    9. Le cuivre.
    10. Le fer.
    11. L’étain.
    12. Le plomb, est mieux dissout que dans l’esprit-de-sel ; cependant la dissolution est trouble.
    13. Le mercure ; on ne le dissout que précipité de l’acide nitreux.
    14. L’antimoine.
    15. Le zinc.
    16. Le bismuth.
    17. Le cobalt ; la dissolution est prompte avec effervescence, orangée ; elle verdit en se séchant.
    18. L’arsenic.


    Genre 6. Sels neutres formés par l’union de l’alkali fixe minéral, avec les différentes terres & métaux, tous absolument inconnus.


    Genre 7. Sels neutres formés par l’union de l’alkali fixe minéral avec
    Espece.
    1. L’arsenic se crystallise en prismes quadrangulaires.

    Le cuivre est dissout, mais le sel qu’il peut produire est ignoré, ainsi que tous les autres de cette espece.


    Genre 8. Sels neutres formés par l’union de l’alkali fixe tartareux avec
    Espece.
    1. L’arsenic se crystallise.

    L’or, l’argent, le fer, le cuivre, &c. sont dissous par différens procédés ; cependant les sels sont inconnus.


    Genre 9. Sels neutres formés par l’union de l’alkali volatil avec
    Espece.
    1. Le cuivre, il se crystallise.

    L’or, l’argent, &c. sont dissous ; les sels sont à découvrir.


    Ordre II. Sels neutres composés.


    Genre 1. Sels tartareux ; sels neutres formés par l’union de la crême de tartre avec
    Espece.
      1. L’alkali fixe minéral, Le sel polychreste de seignette ou de la Rochelle. Voyez Sel de Seignette.
    2. L’alkali fixe marin,
    1. L’alkali fixe tartareux, sel végétal, tartre soluble, tartre tartarisé.
    2. L’alkali volatil ; il se crystallise. Rouelle.
    3. Terre calcaire, sel très-approchant du sel végétal.
    4. La chaux.
    5. La terre gypseuse.
    6. La terre argilleuse.
    7. La terre vitrifiable.
    8. L’or.
    9. La platine.
    10. L’argent.
    11. Le cuivre, tartre cuivreux.
    12. Le fer, tartre chalybé.
    13. L’étain, tartre jovial.
    14. Le plomb, tartre saturnien.
    15. Le mercure.
    16. L’antimoine, tartre stibié.
    17. Le zinc.
    18. Le bismuth.
    19. Le cobalt.
    20. L’arsenic.


    Genre 2. Sels ammoniacaux. Sels neutres formés par l’union du sel ammoniac ordinaire avec
    Espece.
    1. Le cuivre, ens veneris. Voyez l’article Ens veneris.
    2. Le fer, ens martis, fleurs d’hæmatites, fleurs de sel ammoniac martiales. Voyez Mars & Martiaux.

    Les autres sont à découvrir.


    Genre 3. Sels secrets. Sels neutres formés par l’union du sel secret de Glauber avec
    Espece.
    1. Le cuivre, sel de Weissman.

    Les autres sont inconnus.


    Genre 4. Sels brûlans. Sels neutres formés par l’union du nitre brûlant avec
    Espece.
    1. Le mercure se crystallise en aiguilles.

    Le reste est ignoré.


    Genre 5. Sels ammoniacaux acéteux. Sels neutres formés par l’union du sel ammoniac liquide avec les différentes terres & métaux, tous inconnus.


    Genre 6. Sels ammoniacaux royaux. Sels neutres formés par l’union du sel ammoniac royal avec les différentes terres & métaux, tous inconnus, peut-être impossibles.


    Genre 7. Sels fixes neutres marins. Sels neutres formés par l’union de l’alkali marin avec
    Espece.
    1. Le sel sédatif, borax.


    Genre 8. Sels fixes neutres terreux. Sels neutres formés par l’union de l’alkali minéral avec
    Espece.
    1. Le sel sédatif, borax terreux inconnu.


    Genre 9. Sels fixes neutres tartareux. Sels neutres formés par l’union de l’alkali tartareux avec
    Espece.
    1. Le tartre chalybé, tartre martial soluble.
    2. Le sel sédatif, borax tartareux.

    Sel ammoniac, (Chimie & Arts.) sal ammoniacum, hammoniacum, armoniacum, armeniacum, sal acetosum, sal cyrenaïcum, &c. c’est un sel neutre d’une odeur pénétrante & urineuse, d’un goût froid & amer, qui se volatilise au feu ; il est formé par la combinaison de l’acide du sel marin & de l’alkali volatil.

    Le nom de sel ammoniac vient, suivant quelques auteurs, du mot grec ἀμμός, sable, parce qu’on dit que ce sel se trouve dans les sables de la Lybie & de la Cyrénaïque, dans le voisinage du fameux temple de Jupiter Ammon.

    Rien de plus obscur que ce que les anciens naturalistes ont dit sur ce sel ; Pline, Dioscoride, & depuis eux Agricola, en ont donné des descriptions très-peu exactes ; ils semblent l’avoir confondu, soit avec le natron, soit avec le sel fossile. La plûpart des modernes ne nous ont pas donné plus de lumieres sur cette matiere : ils n’ont fait que nous transmettre des erreurs qu’ils avoient copiées les uns des autres. Quelques-uns ont prétendu que le sel ammoniac se formoit dans les sables de la Lybie, de l’urine des chameaux cuite & digérée par l’ardeur du soleil. M. Rouelle ne regarde point cette origine comme aussi chimérique que quelques auteurs le pensent, vû que, selon lui, l’alkali volatil qui se forme de la putréfaction de l’urine, peut se combiner avec le sel marin, qui est très-abondant dans ces contrées. Quelques voyageurs ont encore accrédité des erreurs au sujet du sel ammoniac ; c’est ainsi que le pere Sicard, jésuite, qui a fait un voyage en Egypte en 1716, nous dit que ce sel se fait avec de la suie provenue de bouze de vache brûlée, du sel marin & l’urine des bestiaux. Voyez les nouveaux mémoires des missions de la compagnie de Jesus. M. Gellert, dans sa chimie métallurgique, dit que le sel ammoniac se fait avec du sel marin, de l’urine & de la suie luisante. Actuellement on est parfaitement instruit de la maniere dont ce sel se prépare. En 1719, M. le Maire, consul de France au Caire, adressa à l’académie des Sciences de Paris, une lettre qui est imprimée dans les mémoires de cette académie, année 1720, où il nous apprend que le sel ammoniac se prépare avec la suie seule. Cette relation de M. le Maire a été confirmée par une seconde lettre du p. Sicard publiée en 1723, enfin par M. Granger, qui a présenté à ce sujet à l’académie des Sciences de Paris, un mémoire dont M. Duhamel a donné l’extrait dans le volume de 1735 ; enfin M. Hasselquist, savant suédois, a envoyé en 1751, à l’académie de Stocklolm tous les détails que l’on pouvoit desirer sur cette matiere, qu’il avoit vu travailler de ses propres yeux en Egypte ; suivant sa relation (que nous rapporterons par préférence, parce que les mémoires de l’académie de Stokolm sont très-peu connus en France ; au lieu que ceux de l’académie de Paris sont entre le mains de tout le monde), le sel ammoniac se tire simplement de la suie provenue de la fiente de toute sorte de quadrupedes, tels que les chameaux, les bœufs, les ânes, les chevaux, les brebis, les chevres, &c. Les plantes les plus ordinaires dont ces animaux se nourrissent en Egypte, sont la criste marine, salicornia ; l’arroche ou patte d’oie, chenopodium ; le kali de Naples, mesembryanthemum ; la luzerne, medicago, toutes plantes qui sont très chargées de sel marin. On emploie aussi avec succès les excrémens humains, qui passent pour fournir une grande quantité de sel ammoniac. La rareté du bois fait que les habitans de l’Egypte se servent de la fiente d’animaux pour chauffage ; pour cet effet ils ramassent cette fiente avec le plus grand soin ; lorsqu’elle est trop liquide, ils lui donnent de la consistance, en y mêlant de la paille hachée ; ils l’appliquent ensuite contre des murailles exposées au soleil, & la laissent sécher assez pour pouvoir brûler. C’est avec la suie qui résulte de ce chauffage que l’on fait le sel ammoniac. Les atteliers où ce sel se prépare, se trouvent surtout dans la partie de l’Egypte appellée le Delta, & l’on rencontre dans tout le pays un grand nombre d’ânes qui sont chargés de sacs remplis de cette suie que les habitans vont vendre aux manufactures ; on y reçoit indistinctement la suie provenue de la fiente de toute sorte d’animaux ; cependant on donne la préférence à celle qui a été produite par les excrémens humains que l’on regarde comme la meilleure.

    Le travail par lequel on obtient le sec ammoniac, est très-simple. On construit pour cela des fourneaux de briques ; ils sont d’une forme oblongue ; leur partie supérieure est couverte par une voûte sur laquelle on peut placer cinq rangées de grosses bouteilles ou de matras ronds ; chaque rangée est de dix matras, ainsi chaque fourneau en a cinquante. Chacun de ces matras se place dans un trou rond qui est à la partie supérieure de la voûte du fourneau. Ces matras sont de verre ; ils ont par en-haut un col d’un pouce de long & de deux pouces de diametre ; on les enduit avec du limon que dépose le Nil, & avec de la paille ; on y met de la fuie, en observant de laisser un espace de quelques pouces vuide ; après ; quoi on place chaque matras dans son trou. Alors ou allume du feu dans le fourneau ; on se sert pour cela de la fiente séchée des animaux ; on donne d’abord un feu très-doux, & on commence par ne chauffer le fourneau qu’avec quelques bouchons de paille, de peur de briser les matras ; on augmente ensuite le feu par degrés, & on le rend très-fort pendant trois fois vingt-quatre heures. Quand la chaleur est dans sa plus grande force, on voit sortir une fumée blanche & une flamme d’un bleu violet par le col des matras, & l’on sent une odeur aigrelette qui n’a rien de desagréable. Au commencement de l’opération on passe de tems en tems une verge de fer par le col du matras, afin qu’il ne se bouche point : ce qui feroit briser les vaisseaux. Vingt-six livres de bonne suie donnent environ six livres de sel ammoniac. Ce sel s’attache peu-à-peu, & forme une masse en forme de gâteau à la partie supérieure du matras, que l’on brise pour en détacher cette masse, qui est convexe par dessus & plate par-dessous. Elle est noirâtre à l’extérieur, & blanchâtre à l’intérieur ; c’est dans cet état que l’on envoie d’Egypte le sel ammoniac dans toutes les parties de l’Europe & de l’Asie. On le transporte à Smyrne, à Venise, à Marseille. On en exporte tous les ans environ 600 canthari gerovini, qui contiennent chacun 110 rotoli, dont chacun fait 114 dragmes : ce qui répond à environ 850 quintaux. Voyez les mémoires de l’académie royale de Suede, année 1751.

    On a dit au commencement de cet article que le sel ammoniac étoit formé par la combinaison de l’acide du sel marin & de l’alkali volatil. Ces deux substances sont contenues dans la suie dont on se sert dans cette opération ; en effet cette suie est produite par la combustion du fumier d’animaux qui se sont nourris de plantes très-chargées de sel marin ; cela n’est point surprenant ; car M. Hasselquist remarque qu’il n’est guere de pays au monde dont le terrein renferme une plus grande quantité de sel marin ; il arrive de-là que la plûpart des plantes que les animaux mangent, sont chargées de ce sel, dont une grande portion passe dans leurs déjections. Quant à l’alkali volatil, on sait que ce sel est propre aux animaux. Lors donc qu’on expose la fiente à l’action du feu, l’acide du sel marin s’éleve aussi bien que l’alkali volatil : ces deux sels se combinent & forment une masse solide que l’on nomme sel ammoniac. On voit de-là qu’on peut tire : ce sel de toutes les substances qui contiennent du sel marin & de l’alkali volatil ; telles sont surtout l’urine humaine putréfiée. M. Model, savant chimiste de Saint-Pétersbourg, a fait insérer en 1739, dans le commercium litterarium norimbergense, un mémoire dans lequel il nous apprend qu’un homme malade de la fievre chaude eut dans le tems de la crise une sueur très-ammoniacale. L’auteur de ce mémoire eut occasion de réitérer une semblable observation sur lui-même ; à la suite d’une fievre violente il eut des sueurs très-fortes, & s’étant lavé les mains dans de l’eau chaude où l’on avoit mis de la potasse, il fut frappé d’une odeur si vive, qu’il tomba à la renverse dans son lit ; il réitéra depuis la même expérience pendant plusieurs jours que durerent encore les sueurs ou émanations ammoniacales. Ces faits sont tirés d’une dissertation allemande de M. Model sur le sel ammoniac naturel.

    Un grand nombre de plantes sont chargées de sel marin, & contiennent aussi de l’alkali volatil, telles sont la moutarde, le chou, &c. On peut encore obtenir du sel ammoniac de presque toutes les terres argilleuses & de substances minérales qui sont chargées de sel marin. En un mot toutes les fois que l’on combinera de l’alkali volatil avec l’acide du sel marin, on obtiendra ce sel.

    Le sel ammoniac qui vient d’être décrit, est un produit de l’art ; mais on en trouve outre cela qui a été formé par la nature seule, & sans le concours des hommes. Les environs des volcans & des endroits qui sont sujets aux embrasemens souterreins, contiennent presque toujours une grande quantité de sel ammoniac que la chaleur du terrein pousse & sublime à la surface. Nous avons des preuves convaincantes de cette vérité à Pouzzole, au royaume de Naples, aux environs de l’Etna & du Vésuve, &c. & partout où l’on trouve ce sel, il y a lieu de soupçonner qu’il y a, ou du moins qu’il y a eu autrefois des embrasemens de la terre. Ces feux ont dégagé l’acide du sel marin de sa base, & il s’est combiné avec l’alkali volatil des bitumes & des substances animales & végétales qui se trouvent souvent dans l’intérieur de la terre. Ce sel ammoniac n’est point toujours fort pur ; il est mêlé de terres, de pierres, de soufre & d’autres matieres vomies par les volcans. On en trouve une très-grande quantité en Tartarie dans le pays des Calmoucks, d’où les caravannes le transportent en Sibérie ; on dit que ce sel se trouve attaché à des rochers, qu’il est mêlé de terres, & que quelquefois on en rencontre des masses qui sont jointes avec du soufre natif. On trouve aussi une très-grande quantité de ce sel ammoniac naturel près d’Orenbourg dans la Sibérie.

    Le sel ammoniac, tant celui qui est formé par la nature, que celui qui se fait artificiellement en Egypte, n’est point parfaitement pur ; le dernier est souvent mêlé de matieres grasses dont il faut le dégager ; cette putréfaction se fait en le sublimant de nouveau dans des vaisseaux à qui l’on donne assez de chaleur pour les faire rougir ; alors il s’éleve en petites particules semblables à de la farine : c’est ce que l’on nomme fleurs de sel ammoniac. Mais on parviendra à le purifier encore plus aisément & plus sûrement, en le faisant dissoudre dans de l’eau, & en le faisant crystalliser ; par ce moyen l’on aura le sel ammoniac sous la forme de crystaux grouppés, comme les épines autour d’un bâton, & qui ressembleront à des barbes de plumes ou à des feuilles de fougere & de persil. Une propriété singuliere de ces crystaux, lorsqu’ils ont été formés par une évaporation lente & à grande eau, c’est qu’ils sont flexibles comme du plomb ; c’est le seul sel à qui on connoisse cette propriété.

    On décompose le sel ammoniac de la maniere suivante : on mêle une partie de sel ammoniac en poudre avec deux parties de sel alkali fixe ; on joint un peu d’eau à ce mêlange que l’on met dans un vaisseau de terre peu élevé, sur lequel on adapte un chapiteau de verre ; on lute exactement les jointures ; on y adapte un récipient à long col. On commence par donner un feu doux pour faire passer le flegme à la distillation ; après quoi on augmentera le feu. Il s’attachera au chapiteau un sel alkali volatil sous une forme concrete, & l’on aura dans le récipient, de l’esprit de sel ammoniac chargé d’eau qui sera d’une odeur très-pénétrante ; & il restera dans la cucurbite un sel neutre formé par l’acide du sel marin qui a quitté l’alkali volatil avec qui il étoit uni pour se combiner avec l’alkali fixe. Ce sel s’appelle sel fébrifuge de Sylvius.

    On peut encore décomposer le sel ammoniac en le mêlant avec de la chaux éteinte à l’air & bien pulvérisée ; on les met promptement dans une cucurbite de terre. Si la chaux n’est point parfaitement éteinte, on y joint un peu d’eau. On adapte un chapiteau de verre & un matras à long col pour récipient. On donne un feu très-doux. On obtient par ce moyen une liqueur beaucoup plus pénétrante que l’esprit du sel ammoniac de l’opération précédente, & il reste dans la cucurbite un sel neutre que l’on nomme sel ammoniac fixe. Si l’on joint de l’huile essentielle de succin à la liqueur alkaline & volatile tirée du sel ammoniac par l’intermede de la chaux, on obtient ce qu’on appelle eau de luce. Voyez Luce eau de.

    Ce qu’on appelle le sel d’Angleterre, se fait en mêlant quatre parties de craie avec une partie de sel ammoniac ; on expose ce mélange à grand feu, & l’on obtient un sel blanc concret, d’une odeur pénétrante, mais qui perd bientôt sa force, si l’on ouvre fréquemment le flacon qui le contient.

    Le sel ammoniac secret de Glauber n’est autre chose qu’un sel neutre formé par l’union de l’acide vitriolique & de l’alkali volatil.

    Le sel ammoniac est d’un grand usage dans la chimie ; il est propre à sublimer les métaux ; & les alchimistes lui ont attribué un grand nombre de vertus qui paroîtront équivoques à ceux qui n’ont point foi à leurs travaux. Ils lui ont donné une infinité de noms différens & bizarres, comme sel admirable, sel solaire, sel mercuriel : aigle céleste, clé des métaux, dragon volant, pilon des sages, sel hermétique, roi des sels, lapis aquilinus, aqua duorum fratrum cum sorore, &c.

    On se sert de ce sel pour faire de l’eau régale. On l’emploie pour étamer les vaisseaux de fer, de cuivre & de laiton. Il est d’un grand usage dans plusieurs arts & métiers.

    En mêlant une très-petite quantité de sel ammoniac avec le tabac, il lui donne du montant & de la force, & le rend beaucoup plus pénétrant. (—)

    Sel essentiel, (Chimie.) le sel essentiel, est celui qui étant contenu dans un végétal, forme avec lui une partie de son aggrégation.

    Les sels essentiels different entr’eux par la plante dont on les extrait, par la maniere dont on les retire, par leur nature & leurs propriétés. Il en est de volatils dont l’odeur est dûe à un alkali, tels sont ceux de quelques plantes à fleur cruciforme, & des fœtides. Le principe volatil de quelques autres est acide ; mais pour l’ordinaire le sel acide retenu par les huiles & les mucilages, ne se volatilise pas à la température ordinaire de l’air, au point de se faire sentir à l’odorat ; il a presque toujours besoin de la distillation. On confond sans raison quelquefois tous ces sels volatils, avec l’esprit recteur, & l’huile essentielle.

    Le plus grand nombre de ces sels est fixe au feu, & vraiment neutre, quoique de différente nature. Les plantes maritimes, les légumineuses de Tournefort, les graminées, les fucus, les algues contiennent du sel marin ; toutes les plantes aromatiques, astringentes & ameres, du tartre vitriolé ; les aspéri-foliées de Rajus ou borraginées, la pariétaire, le pourpier, le chardon bénit, le cerfeuil, le concombre sauvage, un nitre abondant ; la canne à sucre & quelques autres plantes fournissent un sel peu défini, qui est fort analogue à celui du moût & du miel. Dans tous les végétaux ces sels neutres sont communément avec surabondance d’acide apparent comme dans l’oseille, ou caché comme dans la plûpart, il ne se montre que lorsqu’il est dépouillé de toutes les matieres étrangeres ; la crême de tartre séparée du vin est dans ce cas. M. Boulduc a prouvé dans les mémoires de l’acad. des Scienc. ann. 1734, que la bourrache contient du nitre, du sel marin, & du tartre vitriolé ce qui rassemble les trois acides minéraux dans une même plante. L’évaporation lente d’une décoction d’abord simple, ensuite dépurée par la chaux & les cendres de bois neuf, est le moyen à la faveur duquel il a obtenu les crystaux distincts de ces différens sels.

    La présence ou la formation des sels dans les plantes, sont dûes. 1°. A ceux que la terre contient ; semblables en cela aux animaux, les plantes en tirant leurs sucs de la terre, lui enlevent ces sels, dont plusieurs en sont un excellent fumier, ce qui nous persuade qu’une même plante crue dans des terreins chargés de sels différens, ne doit pas contenir les mêmes. 2°. A la structure des organes de la plante qui admet dans sa seve, certains sels & en rejette d’autres. 3°. A la maturité qui fait passer l’acide du verjus & des fruits en un sel doux, neutre, sucré, huileux. 4°. A la fermentation qui change ce sucre en crême de tartre, en acide pur comme vinaigre, ou en alkali volatil produit de la putréfaction. Ces deux derniers en se dissipant dans l’air, s’y combinent de différentes manieres, & reviennent fumer de nouveau la terre, entraînés par les pluies, la rosée, ou précipités par un froid vif.

    Tel nous paroît être le cercle qu’observe la nature, qui la rend sans cesse féconde ; telle nous paroît être la transmutation des acides & des alkalis, que les chimistes recherchent avec tant d’empressement & de raison : transmutation qu’ils trouveront mieux par une digestion lente, par la fermentation, que par toute autre voie.

    Ces principes posés, voyons comment on obtient le plus aisément les sels qui se sont acquis exclusivement dans la chimie médicinale, l’épithete d’essentiels, qui conviendroit pour le moins autant à plusieurs sels tirés des minéraux & des animaux.

    Cueillez dans le printems ou au commencement de l’été, la plante aqueuse & succulente dont vous voulez extraire le sel ; tirez-en le suc en la pilant dans un mortier de marbre, & l’exprimant sous le pressoir ; coulez ce suc par la chausse, évaporez-le doucement jusqu’à consistence d’extrait, sans le laisser brûler ; dissolvez cet extrait, & étendez-le dans suffisante quantité d’eau, de maniere que le total soit bien fluide. Dans cet état garnissez un filtre d’une couche épaisse de chaux délayée, ou de toute terre absorbante ; filtrez ensuite votre dissolution plusieurs fois, jusqu’à ce qu’elle devienne limpide, ayant soin de changer de tems en tems la terre du filtre ; par ce moyen on obtient assez promptement un suc végétal, séparé de tout le mucilage qui nuit & s’oppose à la crystallisation. Ce suc traité comme les dissolutions des sels neutres, donne ses crystaux comme eux, plutôt ou plûtard, suivant la nature du sel. Ces sels ne sont plus acides, comme doivent être presque tous les sels essentiels, parce qu’ils ont trouvé dans ces terres absorbantes, ce qui leur manquoit pour les neutraliser parfaitement. Si on veut éviter cet inconvénient, on filtrera la dissolution de l’extrait sur des terres indissolubles par les acides comme les argilles, les sables, &c. C’est par cette méthode que l’on purifie & blanchit le tartre sans lui ôter son acidité.

    Ce premier procédé convient aux plantes aqueuses & succulentes, aux fruits, & aux semences abondantes en liqueurs & en sucs : mais lorsqu’elles sont seches & peu succulentes, comme sont les plantes aromatiques, les légumes, &c. il faut les chauffer à une chaleur douce & humide par la vapeur de l’eau bouillante que ces plantes pilées reçoivent sur un tamis de crin, les piler en les humectant d’eau commune, ou même en faire une décoction, que l’on traite ensuite à la maniere énoncée ci-dessus. Quelques auteurs proposent la fermentation, comme un moyen de décomposer l’huile & le mucilage ; mais ils n’observent pas que le sel essentiel est lui-même décomposé par cette opération, comme nous croyons l’avoir démontré en comparant le sel essentiel du moût, qui est un sucre, avec celui du vin, qui est du tartre.

    Nous choisissons les plantes dans le printems, parce que dans cette saison, elles sont plus aqueuses, & moins huileuses. La chaleur, la sécheresse & la maturité n’ont point encore alteré ce sel, elles n’ont point enlevé cette portion d’eau qui facilite l’évaporation, qui étend le mucilage.

    Les prétendus sels essentiels de M. le comte de la Garaye, ne sont autre chose que des extraits préparés avec aussi peu de feu ou de chaleur qu’il est possible, par l’infusion à froid & la trituration faites au moyen d’un moussoir tourné rapidement. Ces infusions sont évaporées sur des assietes à un feu très doux ; les extraits qui en résultent, contiennent comme tous les autres le sel essentiel de la plante qui n’est pas volatil, ils sont chargés d’une plus grande quantité d’huile non alterée ; mais l’avantage qui résulte de cette opération, ne compense pas la dépense & le travail qu’elle exige. D’ailleurs comme nous venons de le dire, ces prétendus sels, doivent être renvoyés aux extraits.

    Sel fixe. Voyez Alkali fixe, dans l’article général Sel, Chimie & Médecine.

    Sel Gemme ou Sel Fossile, (Hist. nat. Minéralogie.) c’est un sel qui est de la même nature que le sel marin, mais qui se trouve dans le sein de la terre. On le nomme en latin sal gemmæ, ou gemmeum, parce qu’il a quelquefois la transparence & la blancheur d’un crystal ou d’une pierre précieuse ; sal rupeum, parce qu’il se trouve par masses semblables à des roches ; sal petrosum, parce qu’il y a des pierres qui en sont quelquefois imprégnées : on l’appelle aussi sal fossile, sal montanum, parce qu’il se tire du sein de la terre, & pour le distinguer de celui qui s’obtient par l’évaporation de l’eau de la mer, & des lacs salés. Le sel gemme ne differe du sel marin ordinaire, que parce qu’il a plus de peine à se dissoudre dans l’eau que ce dernier, ce qui vient des parties terrestres & des pierres avec qui il est combiné.

    Le sel gemme se trouve en beaucoup d’endroits du monde. On en rencontre en Catalogne, en Calabre, en Hongrie, en Transilvanie, en Tyrol, en Moscovie, & même dans la Chine, &c. Mais les mines les plus fameuses & les plus abondantes que nous connoissions, sont celles qui se trouvent en Pologne, dans le voisinage de Cracovie, près de deux endroits, nommés Wieliczka & Bochnia ; nous allons en donner la description d’après M. Schober, qui a long-tems eu la direction de ces mines, & qui a inséré dans le magasin de Hambourg deux mémoires fort curieux à leur sujet.

    Wieliczka, est une petite ville de Pologne, située au pié des monts Crapacks, à environ deux lieues de Cracovie ; elle est bâtie dans une plaine bornée au nord & au midi, par des montagnes d’une hauteur médiocre ; le terrein où elle se trouve peut être environ de 159 à 200 piés plus élevé que le niveau des eaux de la Vistule, qui n’en est pas fort éloignée ; la ville de Bochnia est environnée de montagnes & de collines, & placée dans un lieu plus élevé que le précédent. Le terrein est glaiseux dans les environs de ces deux villes ; à la distance d’une demi-lieue, on ne trouve que très-peu de pierres, sinon près de Bochnia, où l’on voit quelques couches d’albâtre qui se montrent à la surface de la terre ; plus loin cette pierre devient moins rare, & au midi de Wieliczka on en trouve une assez grande quantité, qui ne paroît point former de banc suivi, mais qui semble avoir été dérangée de sa place. Vers le nord, on trouve des amas de pierres arrondis, & de gallets ou cailloux, qui paroissent n’avoir pu y être transportés que de fort loin ; on y voit aussi du grais, qui est la pierre la plus commune des environs ; on a remarqué quelquefois dans ce grais, des masses assez grosses de charbon de terre : au couchant on rencontre différentes couches. Le terrein y est sablonneux ; au-dessous du sable, dont l’épaisseur varie, on trouve une pierre composée d’un amas de petits cailloux & de coquilles, liés ensemble par du quartz, qui en fait des couches très-solides ; cette pierre composée forme un lit, qui a depuis un jusqu’à trois piés d’épaisseur : au-dessous, est une nouvelle couche de sable qui n’est point par-tout également épaisse, mais qui contient aussi des coquilles de mer, dont plusieurs sont dans un état de destruction, tandis que d’autres n’ont éprouvé aucune altération. On donne ensuite sur un banc d’un grais quartzeux & bleuâtre, qui a de 6 à 8 pouces d’épaisseur, & qui est d’une dureté extraordinaire. Ce banc est suivi d’une nouvelle couche de sable, dont on n’a point encore pu sonder la profondeur. A environ une lieue de Wieliczka, on rencontre une grande quantité de soufre natif ; près de-là est aussi une source d’eau minérale d’une odeur très-fétide. Le soufre est répandu en petites masses, de la grosseur d’un pois, dans une pierre d’un gris cendré, semblable à de la pierre ponce, & remplie de trous comme elle. Toutes ces circonstances prouvent que le terrein qui renferme ces fameuses mines de sel, a éprouvé des révolutions très-considérables, tant de la part des eaux, que de celle des feux souterreins.

    Les mines de Wieliczka sont très-étendues ; tout le terrein sur lequel cette ville est bâtie, est creusé par-dessous, & même les galeries souterreines vont beaucoup au-delà des bornes de la ville ; 450 ouvriers sont employés à l’exploitation de ces mines. D’orient en occident, elles ont environ 600 lachters ou verges, c’est-à-dire 6000 piés de longueur ; du nord au midi, elles ont 200 verges, ou 2000 piés ; leur plus grande profondeur est de 80 lachters, ou 800 piés. On y trouve encore à cette profondeur des couches immenses de sel gemme, qui vont d’orient en occident, & dont on ignore l’étendue. Voici les différentes couches dont la terre est composée en cet endroit. 1°. La terre franche. 2°. De la glaise. 3°. Un sable très-fin mêlé d’eau, que l’on nomme zyc. 4°. Une argille noire très-compacte ; enfin on trouve la couche qui renferme le sel gemme. Ces mines ont dix puits ou ouvertures quarrées, tant pour y descendre, que pour épuiser les eaux, & pour faire monter le sel gemme que l’on a détaché sous terre. On descend dans l’un de ces puits par un escalier qui a 470 marches ; tous sont revêtus de charpente, pour empêcher l’éboulement des terres. Quand on est parvenu à cette profondeur, on rencontre une infinité de chemins ou de galeries qui se croisent, & qui forment un labyrinte, où les personnes les plus habituées courent risque de s’égarer. Ces galeries sont étayées par des charpentes ; en de certains endroits on laisse des masses de roches pour soutenir les terres qui sont en dessus. L’on a pratiqué dans quelques souterreins des niches, des chapelles & des statues, taillées dans le sel même. Quand on est arrivé dans ces galeries, on n’est encore qu’au premier étage, on descend plus bas par de nouveaux puits ; dans un de ces puits, nommé janina, on a fait un escalier qui a dix piés de large, & dont la pente est si douce, que les chevaux y peuvent monter & descendre sans peine.

    Au premier étage de ces mines, le sel gemme se trouve par blocs d’une grandeur prodigieuse ; mais au second étage, il se trouve par couches suivies, & dans une quantité inépuisable. On se sert de pioches, de ciseaux & de maillets pour détacher le sel ; on détache souvent des masses de sel en prismes quarrés, de 7 à 8 piés de longueur, & de deux piés & demi d’épaisseur ; on nomme ces parallélepipedes battawanes ; on est quelquefois parvenu à en détacher qui avoient 32, & même 48 piés de longueur. Les ouvriers s’acquittent de leur travail avec assez de facilité ; par le son que rendent les masses, ils connoissent le moment où elles vont se détacher ; & alors ils pourvoient à leur sureté. Ces blocs se roulent sur des cylindres de bois, jusqu’aux puits qui descendent dans les galeries, d’où ils sont élevés par des machines à moulettes très-fortes, & tournées par douze chevaux. Quand aux petits morceaux, on les met dans des tonneaux.

    On a fait des excavations si prodigieuses dans le fond de ces mines, pour en retirer le sel gemme, qu’on y voit des cavités assez amples pour contenir une très-grande église, & pour y ranger plusieurs milliers d’hommes ; ces sortes d’endroits servent de magasins pour les tonneaux, & d’écuries pour les chevaux, qui restent toujours dans ces mines, & qui y sont au nombre de quatre-vingt.

    On trouve quelquefois des creux qui sont remplis d’eaux si chargées de sel, que lorsqu’on vient à les faire sortir, les roches environnantes restent comme tapissées de crystaux, qui présentent le coup d’œil le plus agréable.

    Un phenomene très-remarquable pour les naturalistes, c’est que les masses salines qui se trouvent dans ces mines, renferment souvent des gallets ou des cailloux arrondis, semblables à ceux que roulent la mer & les rivieres ; on y rencontre des coquilles & d’autres corps marins ; & souvent on trouve au milieu des couches de sel gemme, des masses énormes d’une roche composée de couches ou de bandes de différentes especes de pierres. De plus, on voit souvent dans ce sel, aussi bien que dans la substance qui l’environne, des morceaux de bois, semblables à de fortes branches d’arbres, brisées & morcelées ; ce bois est noir comme du charbon ; ses fractures sont remplies de sel, qui sert pour ainsi dire à recoller les différens morceaux ; ce bois est d’une odeur très-désagréable & très-incommode pour les ouvriers, sur-tout, lorsque le renouvellement de l’air ne se fait point convenablement. Ce bois s’appelle dans ces mines wagti-solni, c’est-à-dire charbon de sel.

    Un autre inconvénient de ces mines, c’est qu’elles sont sujettes à des exhalaisons minérales ou moufettes très-dangereuses ; elles sortent avec sifflement par les fentes des rochers, s’allument subitement aux lampes des ouvriers, font des explosions semblables à celles du tonnerre, & produisent des effets aussi funestes. Ces vapeurs inflammables, s’amassent sur-tout dans les souterreins, lorsque les jours de fêtes ont empêché qu’on n’y travaillât, alors il est très-dangereux de descendre dans les puits avec de la lumiere, parce que la vapeur venant à s’enflammer tout d’un coup, fait un ravage épouvantable. Même sans s’allumer, ces vapeurs sont capables d’étouffer les ouvriers qui s’y exposent imprudemment ; elles sont plus fréquentes dans les mines de sel de Bochnia, que dans celles de Wieliczka.

    On retire de ces mines du sel gemme de différentes qualités, & à qui on donne des noms différens. La premiere espece se nomme zielona, ce qui signifie sel verd ; ce sel n’est qu’un amas de crystaux cubiques, forme qui est propre au sel marin ; les côtés de ces crystaux ont quelquefois deux à trois pouces, ils sont fort impurs & entremêlés des parties terrestres & de glaise. Le prix du quintal du sel, appellé zielona, est de florins de Pologne, (environ 45 sols) en blocs, & de 22 florins (treize livres quinze sols) le tonneau. Le sel que l’on nomme szybikowa, est plus pur que le premier, il n’en differe, que parce qu’il n’est point en crystaux ; le tonneau se vend 24 florins, & le quintal en bloc pour 4 florins de Pologne.

    La seconde espece se nomme makowka ; elle n’est point en crystaux, & ressemble assez à du grais ; c’est un amas confus de petits grains de sel, dont on ne peut point distinguer les figures.

    La troisieme espece se nomme jarka ; elle se trouve mêlée avec les deux especes précédentes, qu’elle traverse comme des veines ; ce sont des petits grains de sel blanc, peu liés les uns autres ; & qui sont causes que les blocs de sel se brisent dans les endroits où ils sont traversés par cette sorte de sel. Le jarka fait aussi des couches suivies.

    On donne pareillement différens noms aux substances, qui servent de gangue ou d’enveloppe au sel. La premiere se nomme halda ; c’est une argille d’un gris foncé, fort humide, entremêlé de grains de sel, dont quelques-uns sont en crystaux. La seconde s’appelle midlarka, c’est une argille noirâtre, grasse au toucher comme du savon ; on y trouve fréquemment des coquilles dans leur état naturel, dont la cavité s’est remplie de sel. La troisieme espece de substance se nomme zuber ; c’est un mélange de sable, de terre, d’albâtre & de sel ; c’est dans cette substance que l’on trouve le vrai sel gemme, en grands crystaux blancs & transparens comme du verre, lorsqu’on le casse, il se divise toujours par cubes à angles droits, les Polonois le nomment oczkowatae. C’est aussi dans ce sel que l’on voit des cailloux arrondis, des masses de roches composées de différentes couches, & des morceaux de bois ; on y trouve aussi des fragmens d’une roche de la nature du marbre.

    Les mines de sel de Bochnia ne sont point à beaucoup près si étendues que celles de Wieliczka. Elles ont été découvertes vers l’an 1251, sous le regne de Boleslas le chaste ; les galeries vont de l’orient au couchant, & ont 1000 lachters ou verges de dix piés de longueur, la largeur de la mine est de 75 lachters du nord au midi. Il y a ordinairement 250 ouvriers qui y travaillent. Les couches de terre qui s’y trouvent, sont à peu-près les mêmes qu’à Wieliczka. Au-dessous de la terre franche, on rencontre de la glaise, ensuite un sable très-fin mêlé d’eau, & enfin une argille noirâtre & compacte, qui couvre le lit de sel, qui n’est point par blocs ou masses, mais par couches suivies, dont l’épaisseur n’est point partout la même. Tout le sel, qu’on en retire se met en tonneaux.

    Ces deux mines de sel gemme, sont si abondantes, que l’on croit qu’elles suffiroient pour en fournir à l’Europe entiere. On compte que tous les ans on en retire à peu-près 600000 quintaux, & il n’y a point apparence qu’elles s’épuisent de plusieurs siecles.

    Quelques physiciens croient que la mer est redevable de la salure de ses eaux à des grandes masses ou roches de sel gemme qui se trouvent à leur fond, & qu’elles mettent en dissolution ; c’est entr’autres le sentiment du comte de Marsigli ; il ne paroît guere probable, vu que la mer auroit du dissoudre depuis long-tems toutes ces masses salines, s’il en eût existé. M. Schober est d’un sentiment contraire, il regarde le mines de sel de Pologne, comme des monumens qui prouvent d’une maniere indubitable, que la mer a autrefois occupé le terrein, où ces mines se trouvent actuellement ; elle en a été chassée par quelque révolution arrivée à notre globe, on peut le présumer par les coquilles & les corps marins que l’on trouve ensevelis dans ces mines ; le bouleversement a du être très-considérable, puisque des masses énormes de roches, des cailloux arrondis, des arbres, &c. ont été enfouis en même tems sous terre ; d’ailleurs le soufre que l’on rencontre aux environs de ces mines, prouve qu’il a du y avoir autrefois des volcans & des feux souterreins dans cet endroit. Les eaux salées se sont évaporées peu-à-peu, elles ont déposé leur sel, & ont formé des couches immenses.

    Quelques personnes ont cru que le sel gemme se reproduisoit dans les endroits d’où il a été tiré, c’est une erreur ; il est vrai que les eaux souterreines qui se sont chargées de sel, vont quelquefois le porter en d’autres endroits où elles le déposent à l’aide de l’évaporation ; ce qui ne peut point être appellé une reproduction, mais une transposition.

    On trouve encore des mines de sel gemme en plusieurs endroits de l’Europe. Il y en a de fort abondantes dans la Transilvanie & dans la haute Hongrie, près d’Epéries ; elles produisent un revenu très-considérable à la maison d’Autriche. Ces mines ont 180 lachter ou verges c’est-à-dire, 1800 piés de profondeur. Le sel gemme s’y trouve par couches suivies ; ce n’est point une roche, mais de la terre qui les accompagne. On dit qu’il s’y est trouvé des masses ou des blocs de sel qui pesoient jusqu’à cent milliers ; on les divise en morceaux quarrés comme des pierres de taille, pour pouvoir commodément les sortir de la mine, après quoi on les écrase sous des meules ; ce sel est gris de sa nature, mais il paroît tout blanc, lorsqu’il a été pulvérisé. Il s’y trouve des morceaux de sel blancs & transparens comme du crystal ; d’autres sont colorés en jaune & en bleu, au point qu’on en fait des bijoux & des ornemens, qui imitent ceux qu’on fait avec les pierres précieuses. On assure que ces mines de Hongrie ne le cedent en rien à celle de Pologne.

    Il y a en Tyrol, à deux lieues d’une ville, nommée Hall, des mines de sel très-abondantes, qui sont exploitées depuis plusieurs siecles. Ce sel est de différentes couleurs, il y en a de blanc, de jaune, de rouge & de bleue ; on le fait dissoudre dans des auges ou dans des réservoirs pratiqués en terre, d’où l’eau chargée de sel, est conduite par des canaux de bois jusqu’à la ville ; là on la fait bouillir pour purifier le sel, qui se vend au profit de la maison d’Autriche ; on prétend que tous frais faits, il donne un produit de plus de deux cent mille florins, c’est-à-dire, cinq cent mille livres par an. Le sel qui se trouve à Hallein, dans l’archevêché de Saltsbourg, est de la même nature que celui du Tyrol, & doit être raffiné de la mêmé maniere.

    On trouve aussi du sel gemme de différentes couleurs en Catalogne, dans le voisinage de Cardone ; il y en a de blanc, de gris de fer, de rouge, de bleu, de verd, d’orangé ; quelques morceaux ainsi colorés sont transparens, d’autres sont entierement opaques. Ces sels font des couches les unes au-dessus des autres. On en détache des masses de la même maniere que les pierres dans les carrieres. Il y a lieu de présumer que ces différentes couleurs de sel gemme, viennent de parties métalliques & minérales, qui en rendroient l’usage très-suspect, si l’on n’avoit soin de le purifier avant que de s’en servir. (—)

    Sels lixiviels, (Chimie & Médecine.) les sels lixiviels sont ceux qu’on retire par la lessive des cendres des plantes.

    Pour avoir ces sels, nous connoissons deux méthodes. La premiere & la plus suivie consiste à prendre la plante dont on veut tirer le sel, récente, mais séchée (le meilleur tems pour la cueillir est un peu avant sa maturité), à la brûler en la remuant sur un foyer propre, à en lessiver les cendres avec de l’eau pure qu’on filtrera & qu’on fera évaporer dans un vaisseau de pierre, de verre, de terre vernissée, ou mieux encore de métal parfait, jusqu’à siccité par une ébullition moyenne, poussant le feu sur la fin, calcinant le sel dans un creuset en le remuant sans le laisser fondre, on ne laissera ce sel exposé à l’air que le moins qu’il sera possible, & on le conservera dans des flacons bouchés exactement pour l’empêcher de tomber en défaillance, & même de se combiner avec l’acide universel ; mais les sels lixiviels qui sont reconnus sels neutres, & non alkalis, n’ont pas besoin de cette derniere précaution.

    Les cendres qui n’ont souffert qu’une lessive contiennent encore une grande quantité de sel qu’on enleve entierement par une lotion réïtérée. Pour rendre ce même sel plus blanc, on doit le dissoudre dans l’eau, le filtrer, le faire évaporer & calciner une seconde fois. On le formera en tablettes, si on le fait fondre dans un creuset, & qu’on le verse sur une table de marbre. Les plantes qui fournissent ce sel le plus abondamment sont ameres, âpres, telles que le chêne, le houblon, l’absynthe ; ou âcres, comme les laiteuses ; ou nourrissantes, comme les légumineuses ; ou sauvages, comme les épineuses. On doit toujours préférer ces dernieres à celles qui sont cultivées, ainsi que les feuilles & les branches au tronc. Ce procédé rendra environ un vingtieme du poids de la plante séchée, si elle réunit les qualités précédentes. Cette proportion seroit beaucoup moindre si la plante avoit séché sur pié, si elle étoit trop vieille, altérée, si elle avoit été, comme le veulent quelques chimistes, infusée avant la combustion dans l’esprit-de-vin ou l’eau. Neumann a éprouvé qu’il ne restoit alors qu’un centieme du sel qu’il attendoit. On rejettera la pratique de ceux qui, pour l’empêcher de tomber aussi aisément en défaillance, le calcinent avec un peu de soufre, & font par-là de l’alkali fixe une espece de tartre vitriolé.

    La seconde méthode est dûe à Tackenius ; elle consiste à prendre telle quantité de plante fraîche que l’on veut, à la mettre dans une marmite de fer couverte de la même matiere avec soin, & en l’exposant à un feu vif, la convertir en charbon. Alors on pousse le feu avec plus de vivacité, on ôte le couvercle, le charbon s’embrase, se convertit en cendres pendant qu’on a soin de la remuer souvent & d’empêcher la flamme d’y pénétrer. On soutient le feu sous les cendres pendant une heure ou deux, enfin on lessive & on évapore, comme dans le procédé précédent.

    Quelle est la nature de ces sels ? existoient-ils dans le végétal, ou sont-ils le produit du feu ? sont-ils tous semblables ? comment le feu les a-t-il dépouillés des autres principes ? quelles sont leurs vertus médicinales ? la méthode de Tackenius est-elle préférable ? Telles sont les questions qui ont partagé les Chimistes ; tâchons de les résoudre.

    On ne peut regarder en général les sels lixiviels comme des alkalis fixes parfaits : les seules plantes nitreuses sont capables d’en fournir, leur acide se détruisant dans la combustion par la déflagration. Ils sont quelquefois absolument neutres, tel est le sel du tamarisc que M. Montel a démontré être un parfait sel admirable de Glauber. Le plus souvent ils sont mêlés d’alkalis fixes & de sels neutres. C’est ainsi que la potasse contient un tartre vitriolé, voyez Cardileucius, Grosse & Boulduc, le dernier dans les Mémoires de l’académie des Sciences 1734, que la soude renferme un sel marin, du sel de Glauber, & du tartre vitriolé. On sent aisément que l’alkali fixe des sels lixiviels est de deux sortes, marin ou tartareux. Il est toujours le même que la base du sel essentiel du végétal d’où on l’a tiré. Lorsque l’incinération a été lente, comme dans le procédé de Tackenius, le sel essentiel en est d’autant moins décomposé, & se trouve uni à une portion du phlogistique de la plante, qu’on a de la peine à dépouiller entierement par des calcinations & des lessives répétées.

    C’est à ce sel neutre essentiel, produit de l’union d’un alkali fixe & d’un acide, qu’on doit le sel lixiviel. Voyez Sel essentiel. Ce qu’il est facile de démontrer par ces deux seules expériences. Les plantes qui contiennent une plus grande quantité du premier sel, en fournissent une proportionnée de second ; celles qui ont trempé quelque tems dans l’eau étant privées du suc de la terre, comme le bois flotté, ou qui ont été exposées à la pluie, perdent en même tems l’un & l’autre sel. L’alkali fixe existoit donc dans le végétal brûlé, le feu n’a fait que le dégager de l’acide, du phlegme, & de l’huile avec lesquels il étoit combiné. Il l’a laissé uni à une terre, dont on le sépare par la lessive : mais comment l’acide uni plus intimément aux alkalis fixes qu’aux huiles & à l’eau, a-t-il pu les abandonner pour se volatiliser avec les derniers ? L’action du feu peut seule décider ce problème ; elle vient à l’appui de deux unions qui se balancent, & elle entraîne l’acide volatil par sa nature : cet effet sera d’autant plus prompt & plus décidé que la flamme sera plus vive & le feu plus ardent ; car si le feu est lent, si on commence par réduire en charbon la plante avant de la brûler lentement, suivant la méthode de Tackenius, le sel neutre essentiel ne sera point entierement décomposé, comme nous l’avons vu, il sera plus gras, plus onctueux, moins blanc, moins déliquescent, & ce sel lixiviel en sera d’autant moins alkalin : il deviendra plus doux, & participera davantage des vertus de la plante dont on l’aura tiré ; ce qui nous feroit pancher pour donner la préférence à ces derniers dans l’usage médicinal, ce que nous soumettons cependant à l’expérience des médecins jusqu’ici mal faite & peu décisive.

    Les vertus médicinales des sels lixiviels en général sont d’être anti-émétiques, anti-acides, fébrifuges, stomachiques, apéritifs, diurétiques & emmenagogues ; pris intérieurement d’être résolutifs, fondans, employés comme topiques : ils sont même caustiques, lorsqu’on n’a pas le soin de les étendre dans des opiates, des eaux, des cataplasmes, &c. ce qui fait qu’on ne doit jamais les employer seuls intérieurement, ni extérieurement, à-moins qu’on ne veuille cautériser. Leur dose doit être très-petite, ils se donnent par grains.

    Sel marin, (Chimie.) le sel marin ou sel commun, que quelques auteurs désignent encore par le nom de sel des cuisines, sel culinare, est un sel naturel neutre, formé par l’union d’un acide spécial (voyez à la suite de cet article ), & d’un sel alkali fixe d’une espece particuliere & parfaitement analogue, ou plutôt exactement identique avec le natron ou alkali fixe minéral, avec le sel fixe de soude, avec la base du borax, avec celle du vrai sel de Glauber naturel, &c. Voyez Natron & Soude.

    J’ai défini le sel marin qui est regardé comme le plus parfait, celui qui est le plus abondant dans la nature, le plus connu : car il y a un sel naturel connu des chimistes, entre autres noms sous celui de sel marin à base terreuse, & qui differe du précédent, comme cette dénomination l’annonce déja, en ce qu’il a une terre pour base. Les différentes especes de terre qui peuvent constituer cette base, donneroient aussi plusieurs autres especes de sels marins ; mais ce n’est que du premier que nous allons nous occuper d’abord.

    Les sources ou magasins naturels du sel marin sont 1°. la mer, les étangs, les fontaines, les puits salans ; on doit rapporter à cette origine celui qui couvre des terreins bas, ou qui a pénétré la terre dans plusieurs pays ; car c’est là manifestement un produit de l’évaporation de quelques eaux salées. 2°. Les mines ou carrieres de sel gemme ou concret, voyez Sel gemme, Hist. nat. 3°. Les terres & matieres analogues, d’où on retire aussi le salpêtre par une simple lixiviation. 4°. Un très-grand nombre de plantes. M. Pott observe avec raison que ce ne sont pas seulement les plantes qui naissent au bord de la mer, comme les kalis, mais plusieurs autres dont les extraits & les sels essentiels donnent des indices manifestes de sel marin ; mais cette assertion n’est ni assez positive, ni assez générale, il est sûr, d’après nos propres expériences, qu’un très-grand nombre de plantes contiennent du sel marin parfait, & qu’elles en contiennent abondamment : on en trouve une très-grande quantité dans plusieurs potasses. Voyez Potasse. 5°. Les animaux, car les humeurs, & surtout l’urine de ceux même qui ne mangent point de sel, en contiennent manifestement & assez copieusement. 6°. Enfin l’eau de neige & de pluie.

    Il est très-vraissemblable qu’il n’y a dans la nature qu’une source vraie & primitive, qu’une fabrique de ce sel, s’il est permis de s’exprimer ainsi ; que le sel marin passe des végétaux aux animaux qui s’en nourrissent ; des végétaux, des animaux & de leurs excrémens décomposés par la putréfaction aux terres ; des mines de sel gemme à la mer, ou au contraire de la mer aux entrailles de la terre, de la surface de la terre & des mers dans l’atmosphere, &c. mais nous ne toucherons point à cette question, qui est jusqu’à présent peu décidée quant au principal chef, savoir la détermination de la source vraie & primordiale du sel marin, & quant à plusieurs des objets secondaires dont nous venons de faire mention.

    Mais ce qui est très-décidé, (& qui est une forte induction en faveur de l’opinion que nous venons de proposer, puisqu’elle porte sur un argument pris de la nature même interne ou chimique de l’objet examiné), c’est que le sel marin retiré des diverses sources que nous venons d’indiquer, n’est qu’un seul & même être chimique. Ainsi une certaine division vulgaire que la routine a consacré dans les petits traités de physique & d’histoire naturelle, du sel dont il s’agit en sel marin, sel de fontaine, & sel gemme ou fossile, marinum, fossile & fontanum ; cette division, dis-je, est absolument nulle & superflue. Aussi, comme le lecteur peut s’en être déja apperçu, les Chimistes ne gardent-ils pas chacun de ces noms pour ces prétendues especes particulieres, mais ils donnent indifféremment le nom de sel marin, qui est devenu générique dans le langage chimique ; & à celui qui provient de la mer & à celui que fournissent les plantes, &c.

    La vraie nature du sel marin a été long-tems méconnue des chimistes. Ils ont ignoré la nature de sa base jusqu’en 1736. M. du Hamel démontra alors dans un mémoire imprimé dans le volume de l’académie royale des Sciences pour cette année, que cette base étoit un sel alkali fixe, semblable au natron & au sel alkali fixe de soude. M. Pott qui avoit déja défendu l’ancienne opinion, savoir que la base du sel marin étoit une terre, l’a soutenue encore dans une dissertation sur la base du sel marin, uniquement destinée à combattre la découverte de M. du Hamel dans sa Lithogéognosie, voyez p. 190 de la traduction françoise, & enfin dans les corrections & éclaircissemens donnés par l’auteur pour la premiere partie de cette traduction, & imprimés à la fin de cette premiere partie. Voyez Lithogéognosie, vol. I. p. 427. Mais ce n’est plus à présent un problème chimique, que la nature vraiment saline de la base du sel marin ; c’est au contraire une des connoissances chimiques le plus rigoureusement démontrées. On trouvera le précis de cette démonstration discutée contradictoirement aux objections de M. Pott, dans une note ajoutée au passage de la Lithogéognosie déja cité. Voyez Lithogéognosie, vol. I. p. 190. M. Pott n’a appuyé sa persévérance dans le sentiment opposé que sur un mal entendu & sur une erreur de fait : le mal entendu a consisté en ce qu’en réfutant le sentiment de M. du Hamel, M. Pott a toujours combattu l’alkali de tartre, tandis que M. du Hamel admettoit un corps très-différent, savoir l’alkali de soude ; & l’erreur en ce que M. Pott a soutenu jusqu’à la fin, que la terre qui sert de base à l’eau-mere du sel marin, étant combinée avec les acides minéraux, produisoit les mêmes sels neutres que lorsqu’on combinoit avec les mêmes acides, la base du vrai sel marin, du sel marin proprement dit. Or cette prétention est directement détruite par les faits. M. Pott avance, par exemple, dans ses corrections & éclaircissemens pour la Lithogéognosie, que la terre de l’eau-mere du sel marin, unie à l’acide vitriolique, donne un sel admirable parfaitement semblable à celui qu’on prépare avec le sel marin. La proposition contraire est exactement vraie : ces deux sels different aussi directement & essentiellement qu’ils puissent différer quant au fait dont il s’agit, c’est-à-dire que celui qui a la terre pour base, est précipité par l’alkali fixe de tartre, & même par la base du sel marin, & que celui qui a la base du sel marin pour base, n’est point précipité par ces alkalis ; & il est exactement dans le cas du sel végétal à base terreuse, dont l’exemple avoit été oppose à M. Pott, & dont il exige qu’on lui démontre la parité ; car de même que, selon les propres paroles de M. Pott, la terre qui a servi de base à ce sel végétal peut en être derechef séparée sous la même forme de terre, de même la terre de l’eau-mere du sel marin qui a servi de base au faux-sel de Glauber, peut en être de-rechef précipitée sous la même forme de terre… Mais il y a encore une raison plus directe ; cette derniere terre, que j’appellerai pourtant volontiers marine, parce que je la crois de la même nature que celle qui est un des principes de l’alkali fixe marin, ce qui ne suffit pas en bonne doctrine chimique, voyez Principes & Végétale, analyse, pour la regarder comme la base du sel marin, cette derniere terre, dis-je, combinée avec l’acide marin ne fait point du sel marin. Toutes les subtilités du système de Stahl sur l’essence des alkalis fixes, sur la quasi-salinité des terres alkalines, sur leur aptitude à s’associer l’acide nécessaire pour se revétir de la nature du vrai sel, ressource que M. Pott a très-doctement employée : toutes ces subtilités, dis-je, ne sauroient tenir contre des faits si positifs ; car il s’agit ici d’une précision logique : la base d’un sel est le corps qui le constitue immédiatement par son union à un acide, ou le corps que l’on sépare immédiatement de cet acide, & non pas l’un des principes de ce corps.

    L’autre principe du sel marin, savoir son acide est un être chimique plus anciennement connu. Voyez la partie historique de l’article Chimie. Nous exposerons les propriétés de cette substance dans un article particulier placé à la suite de celui-ci. Nous avons déja renvoyé aux articles Natron & Soude, sel de, pour y chercher la connoissance ultérieure de la base du sel marin. Nous allons dans cet article ne plus le considérer que in concreto, exposer les propriétés du sel marin entier.

    Sa saveur est assez connue ; c’est celle qu’on appelle salée par excellence.

    Une partie de sel marin se dissout parfaitement dans un peu plus de deux parties & demie d’eau. Ce sel est du petit nombre de ceux qui ne se dissolvent pas en plus grande quantité dans l’eau bouillante, que dans l’eau froide voisine de la congellation ; c’est-à-dire qu’une lessive de sel marin bien saturée & froide, n’en dissout point une plus grande quantité, si on la fait bouillir sur du nouveau sel ; & que réciproquement une lessive de sel marin saturée & bouillante, n’en laisse point échapper par le refroidissement. C’est une suite de cette propriété que le sel marin crystalise dans l’eau qu’on fait évaporer en bouillant, pendant l’ébullition même ; & c’est sur cette propriété qu’est fondée la manœuvre par laquelle on le sépare dans les fabriques de salpêtre. Voyez Nitre.

    La forme des crystaux primitifs du sel marin est cubique ; ces cubes primitifs se disposent quelquefois de maniere à former des cubes plus considérables, tantôt parfaits, tantôt tronqués ; quelquefois exactement pleins, d’autres fois vuides ou creux dans quelqu’un de leurs côtés. Ce sont encore dans les évaporations bien ménagées des pyramides creuses & renversées, & plus ou moins aiguës, plus ou moins évasées. Voyez Crystalisation, & le mém. de M. Rouelle, acad. royale des Scienc. ann. 1744.

    Le sel marin s’humecte sensiblement à l’air ; mais c’est principalement, si même ce n’est point absolument, à raison d’un peu d’eau mere qui leur reste presque toujours mêlée, & que je crois infecter son eau de crystalisation.

    Le sel marin verdit un peu le sirop de violettes. Il est encore vraissemblable que c’est à raison de cette eau mere. Voyez Violettes, Teinture de.

    Le sel marin décrepite au feu. Voyez Décrepitation.

    Le sel marin jetté sur des charbons presque éteints, les ranime, en renouvelle l’embrasement, & produit même de la flamme, selon une observation de Stahl, qui en tire un merveilleux parti pour prouver l’influence de l’eau dans l’affaire de l’inflammation, dans la production de la flamme. Voyez Flamme. M. Pott, qui a rapporté fort au long dans sa Dissertation sur le sel commun, les essais de divers chimistes, & les siens sur le sel marin, traité avec les charbons, tant dans les vaisseaux fermés qu’à l’air libre, & qui a obtenu quelques légeres émanations & apparences d’une matiere phosphorique, semble insinuer que la production d’une pareille matiere peut bien contribuer au phénomene dont nous venons de parler. Cela peut être absolument, mais cela ne paroît point nécessaire ; l’eau dégagée & mise en vapeur par la décrépitation, en paroît une cause très suffisante.

    Au reste, il faut se rappeller encore ici que le phosphore par excellence, le phosphore de Kunkel ou de Boyle, n’est point dû, au moins évidemment, à la combinaison de l’acide marin & du phlogistique, mais à celle du phlogistique & de l’acide microcosmique, dont l’analogie & la différence avec l’acide marin ne sont point encore constatées.

    Le sel marin entre en fusion à un assez foible degré de chaleur ; il ne paroît pourtant pas qu’on puisse rapporter à la liquidité aqueuse celle qu’il contracte par l’action du feu. Voyez Liquidité, Chimie. Car 1°. Le degré de chaleur requis pour cette fluidification, est bien supérieur, quoique foible, à celui qui fait couler les sels très-aqueux, comme le sel de Glauber, le nitre, &c. 2°. La décrépitation qui précede la fusion, a dissipé l’eau nécessaire pour faire subir à un sel la liquidité aqueuse.

    Il existe dans l’art une ancienne opinion sur la convertibilité du sel marin en nitre. Cette opinion a pris un nouveau crédit dans ces derniers tems ; on a même, dit-on, tenté cette transmutation par l’autorité du ministere, & sous la direction des plus habiles chimistes. Le succès de ces tentatives, si elles ont été réellement exécutées, n’a pas été publié ; & il a couru d’ailleurs quelques descriptions de procédés qui ne promettent rien aux vrais connoisseurs. V. Salpêtre.

    On connoît assez la qualité antiseptique du sel marin, & l’usage qu’on en fait en conséquence pour assaisonner les viandes, & les préserver de la putréfaction. Il est à remarquer cependant qu’il doit être employé à haute dose ; car si on applique aux matieres animales putrescibles, une petite quantité de sel marin, non seulement il ne les préserve pas de la corruption, mais au contraire il en accélere la corruption. Beker avoit déjà fait mention de ce fait singulier, que les expériences de M. Pringle confirment ; & qu’on auroit dû déduire il y a long-tems des observations domestiques les plus connues, si les savans savoient assez observer autour de soi. En effet, rien n’est si connu que cette observation, savoir qu’un bouillon non salé se conserve mieux & plus longtems, que celui auquel on a ajouté la dose ordinaire de sel ; qu’on peut garder pendant assez long-tems un ragoût à-demi fait, pourvû qu’on n’y ait pas mis le sel avant d’en interrompre la cuite.

    C’est comme assaisonnant qu’on l’emploie aussi en Pharmacie, pour conserver certaines substances végétales, comme roses, &c. selon un usage établi dans les boutiques d’Allemagne. Voyez Conservation, Pharmacie. D’ailleurs plusieurs chimistes, depuis Paracelse jusqu’à Fr. Hoffman, ont recommandé de digérer dans une eau chargée de sel plusieurs substances végétales, dont on se proposoit de retirer par la distillation, des huiles essentielles. Il est assez généralement convenu qu’on obtient par cette méthode, des huiles essentielles plus limpides ; mais 1°. le fait même quoique avoué, mais sans examen contradictoire, n’est pas incontestable ; 2°. le sel marin a-t-il opéré matériellement, dans cette espece de dépuration ou rectification, ou n’a-t-il que suspendu, ou au contraire favorisé un certain mouvement de fermentation, auquel elle peut être dûe uniquement ? c’est ce qui n’est point décidé.

    Le sel marin est une des matieres salines qui opere le plus efficacement le refroidissement des liqueurs dans lesquelles on le dissout. Voyez Refroidissement artificiel.

    Le sel marin est employé comme fondant dans le traitement de plusieurs substances minérales ; il entre dans la composition de plusieurs flux. Voyez Flux.

    Il est employé aussi dans les cemens : Voyez Cementation & Cement.

    Il entre dans la composition de certaines préparations d’antimoine assez inutiles, & qui sont connues sous le nom de régules médicamenteux. Voyez sous le mot Antimoine.

    M. Pott recommande de le faire entrer dans les mélanges de terres, dont on veut faire les vaisseaux qui acquierent, dans la cuite, une espece de vitrification, & qui deviennent propres par-là, à la distillation des acides minéraux. Cette addition peut être très-bonne ; & l’on doit en croire d’autant plus volontiers ce célebre chimiste, qu’il a plus qu’aucun autre, travaillé sur ce sujet, sur lequel il a publié des découvertes très-précieuses. Cependant nous avons en France d’excellens vaisseaux, des vaisseaux éminemment propres à contenir & à distiller les esprits les plus corrosifs, & dans la composition desquels n’entre point le sel marin. N’importe, le mélange indiqué par M. Pott fournit une richesse de plus.

    On a sur le degré d’adhésion de l’acide marin à sa base, les observations suivantes.

    Premierement, ceux qui ont travaillé avec plus de soin à rendre l’eau de mer potable par la distillation, tels que Boyle & M. Hales, ont observé qu’il s’élevoit avec l’eau, un peu d’acide dans un certain tems de cette distillation. Voyez Mer, eau de.

    De l’eau commune cohobée plusieurs fois sur du sel marin, contracte une légere acidité.

    Plusieurs eaux thermales salées, rougissent foiblement la teinture de tournesol ; leur chaleur naturelle équivaut à la digestion qui opere le dégagement d’un peu d’acide dans les expériences précédentes.

    Le sel marin concret, étant exposé à un feu violent & à l’air libre, c’est-à-dire à la calcination, se volatilise, ou du moins se dissipe, soit sous sa forme immuée de sel marin, soit sous celle de produits inobservés jusqu’à présent ; mais il s’alkalise aussi en partie, c’est-à-dire qu’il laisse échapper une partie de son acide. Neuman réduisit, par une calcination réitérée treize fois, une livre de sel marin à trois gros de terre & un gros de sel. Cette expérience prouve plus, il est vrai, la volatilisation que l’alkalisation ; mais le dégagement d’un peu d’acide marin par la calcination, est d’ailleurs prouvée par des expériences constantes.

    Le sel marin distillé sans intermede à un feu très violent, donne un peu de son acide ; mais si peu que M. Pott lui-même, qui a défendu sur ce point les prétentions de Beguin, de Schroder, de Henckel, rejettées par tous les autres chimistes, M. Pott, dis-je, avoue qu’il n’en fournit que ce qu’il faut pour maintenir l’assertion absolue, que le sel marin donne de l’acide par la distillation sans intermede.

    Mais pour obtenir abondamment l’acide du sel marin, on distille ce sel avec divers intermedes. On emploie à cette distillation des intermedes faux, & des intermedes vrais. Voyez Intermede, Chimie.

    Je range sous la premiere classe les différentes especes de terres & sables ; car comme je l’ai discuté assez au long à l’article Nitre, qu’il faut consulter sur ceci, c’est une opinion insoutenable que celle qui fait dépendre la propriété qu’ont ces terres dans cette distillation, de prétendues matieres vitrioliques dont on les croit mêlées. D’ailleurs les sables plus purs, les cailloux, les talcs, les briques pilées, toutes substances dans lesquelles on ne sauroit supposer des matieres vitrioliques, fournissent des intermedes efficaces pour cette distillation. L’intermede le plus usité est celui des terres argilleuses, de l’argille commune ou du bol. M. Pott dit que les moins colorées de ces terres sont les plus foibles. Il est hors de doute qu’il faut d’ailleurs choisir celles qui sont le moins mêlées de terre calcaire ; car les terres de cette nature sont, par leur propriété d’absorber les acides, incapables de servir d’intermede pour leur dégagement ; & quoique des auteurs proposent de distiller le sel marin par l’intermede des coraux, de la craie, de la chaux, &c. on peut avancer hardiment avec M. Pott, qu’on n’obtient point d’acide par un pareil procédé.

    On emploie communément sept ou huit parties de bol ou d’argile, pour une de sel marin ; cette quantité est insufisante. Lemery qui en emploie six, & qui distille à un feu très-long & très-violent, observe qu’il reste dans son résidu du sel marin entier. Stahl demande dix parties d’ochre, de bol ou d’argille, pour une de sel ; je crois qu’il vaut encore mieux en employer douze & même davantage.

    L’on fait décrépiter, ou seulement bien sécher le sel, lorsqu’on se propose d’obtenir un acide concentré. Cela est indifférent pour la sureté de l’opération ; mais il peut être essentiel de le faire décrépiter, lorsqu’on se propose d’obtenir un acide aussi concentré qu’il est possible.

    La méthode de Lemery de réduire le sel & l’argille, au moyen d’une certaine quantité d’eau, en une pâte dont on forme de petites boules, qu’on seche ensuite avec soin, est bonne ; la multiplication des surfaces qui en résulte, doit favoriser l’action du feu.

    Comme l’acide marin est très-expansible, & d’autant plus qu’il est plus concentré, il est commode de disposer les matieres à distiller de maniere qu’elles ne donent qu’un acide concentré au point qu’on le desire. Ainsi quand on a besoin d’un esprit de sel ordinaire & phlegmatique, tel qu’il suffit pour les usages les plus ordinaires, on ne doit dessécher ni l’argille, ni le sel ; on peut même employer les boules de Lemery très-imparfaitement sechées ; ou bien, ce qui revient à-peu-près au même (car cette humidité étrangere passe presque toute dans le récipient avant l’acide), on met un peu d’eau pure dans le ballon.

    La très-grande expansibilité de cet acide exige encore qu’on emploie un récipient très-vaste. On a coutume de se servir des plus gros ballons, ou du ballon double. Voyez Distillation & Récipient. Je crois très-utile, & même éminemment utile dans le cas dont il s’agit, de laisser continuellement le petit trou du ballon ouvert.

    Les intermedes vrais qui peuvent opérer le dégagement de l’acide marin dans la distillation, sont les divers acides qui ont plus de rapport avec la base du sel marin que son acide propre. Or l’acide vitriolique, l’acide nitreux & l’acide microcosmique, sont dans ce cas. On peut employer ces acides, soit purs, soit unis à des bases avec lesquelles ils aient moins d’affinité qu’avec celle du sel marin. L’alun & les vitriols sont les sels neutres vitrioliques qui sont les plus propres à cette décomposition. Mais leur emploi est accompagné d’un très grand inconvénient, c’est que leurs bases sont solubles par l’acide marin, qui s’y unit en effet à mesure qu’il abandonne sa propre base ; & qu’il faut par conséquent opérer cette nouvelle désunion pour obtenir l’acide marin. Aussi cette méthode qui exige un feu violent & très-long, est-elle presque absolument hors d’usage, excepté pour quelques prétentions particulieres, & jusqu’à présent mal constatées.

    Le meilleur de ces intermedes vrais, est sans contredit, l’acide vitriolique nud. Pour exécuter par cet intermede cette distillation connue dans l’art sous le nom de maniere de Glauber, du nom de son inventeur, on place dans une cornue de grais ou de verre deux parties de sel marin, qui ne doivent remplir ce vaisseau qu’environ au tiers, sur lesquelles on verse peu-à-peu une partie d’huile de vitriol : il s’éleve dès la premiere effusion de l’acide vitriolique, de l’acide marin réduit en vapeurs, que l’on perd nécessairement ; & cette perte dure pendant tout le tems du mélange. Dès que ce mêlange est fait, on place lestement la cornue dans un fourneau de reverbere, ou sur un bain de sable, & on y adapte sur le champ un récipient : on lutte les jointures, & on laisse le petit trou ouvert ; on attend que l’éruption spontanée des vapeurs soit cessée ; & alors seulement on fait sous la cornue un petit feu, qu’on augmente peu-à-peu, & qu’il ne faut pousser qu’à un degré assez léger pendant tout le cours de l’opération, qui est finie en six ou sept heures au plus. On peut pour éviter la perte des premieres vapeurs, employer une cornue tubulée. Voyez Cornue.

    Le produit de cette opération est une liqueur d’un jaune verdâtre, très-fumante, & un acide marin très-concentré. Si on veut avoir par le même procedé un acide plus phlegmatique, on n’a qu’à ajouter de l’eau au mélange, le faire par-là. Selon la proportion de Glauber, prendre pour deux parties de sel, une partie d’huile de vitriol & trois parties d’eau.

    L’acide nitreux est un intermede très-peu commode pour la distillation du sel marin ; car comme cet acide est trop volatil, il s’éleve avec celui du sel marin, & forme une eau regale.

    L’acide marin retiré, soit par l’intermede des terres bolaires colorées, soit par celui de l’huile de vitriol, a besoin d’être rectifié pour être pour. Celui qui est retiré par l’intermede du bol, étant rectifié sans addition, jusqu’à siccité, laisse une quantité assez considérable de terre martiale qui s’étoit volatilisée avec lui, & dont il est absolument nécessaire de le séparer quand on le destine aux travaux exacts. Celui qu’on obtient par les intermedes vrais, & même en général tout acide marin qu’on veut avoir aussi pur qu’il est possible, doit être rectifié, c’est-à-dire redistillé sur du nouveau sel marin. On conçoit aisement que dans cette opération, ces acides étrangers exerçant la propriété qu’ils ont de chasser le sel marin de sa base & d’y adhérer à sa place, sont remplacées dans la liqueur acide qu’ils rendoient impure & qu’ils abandonnoient par du nouvel acide marin qui passe, au lieu d’eux, dans cette liqueur qui devient par-là pure, homogene, & même sans rien perdre de sa quantité.

    Le produit fixe ou résidu de la distillation du sel marin par les terres a été assez peu examiné : si les deux principes du sel marin étoient séparés dans cette opération, par une diacrise pure, ce produit fixe devroit être la base saline du sel marin : or il paroît jusqu’à présent que ce n’est pas cela. Le produit fixe de la distillation du sel marin par les sels vitrioliques, est du sel de Glauber, voyez Sel de Glauber. Le produit fixe de cette distillation par les sels nitreux est du nitre quadrangulaire, voyez Nitre ; & enfin le produit de sa distillation par l’acide microcosmique n’est pas encore bien connu.

    Acide marin. Van-Helmont soupçonne assez gratuitement que cet acide est l’acide primitif, & la vraie base de tous les autres. Becher & ses sectateurs prétendent avec plus de vraissemblance, que cet acide est spécifié par la terre mercurielle, voyez Mercuriel,  ; au moins cette assertion est-elle très-naturellement liée au dogme fondamental de Becher, qui regarde ce principe comme la vraie cause matérielle de la volatilité. En effet, une des propriétés des plus remarquables de l’acide marin, propriété qu’il possede à l’exclusion des autres acides ; c’est que la plûpart des composés à la formation desquels il concourt, comme principe, sont volatils, ce qui est sur-tout très-remarquable & très spécial sur les substances métalliques qu’il volatilise toutes, sans en excepter l’or, comme il est démontré par les expériences de M. Brandt, dont nous allons faire mention, après avoir rapporté les propriétés les plus extérieures de l’acide marin.

    Cet acide est d’une couleur jaune, plus ou moins délayée, selon qu’il est plus ou moins concentré ; celui qui est très-phlegmatique, mais qui est pourtant propre encore aux usages ordinaires, à la dissolution des matieres terreuses, alkalines, à la préparation d’une eau regale, capable de bien dissoudre l’or, &c. celui-là, dis-je, est limpide & sans couleur, de même que l’acide nitreux foible.

    L’acide marin, pour peu qu’il soit concentré est très-fumant, & les vapeurs qu’il envoie sont blanches ; ces vapeurs sont d’autant plus épaisses, & d’autant plus expansibles, que cet acide est plus concentré.

    Il paroît le moins pesant des trois acides mineraux ; du-moins n’est-on point parvenu jusqu’à présent à concentrer de l’acide marin en masse, jusqu’au point de le rendre aussi pesant que l’acide vitriolique, ou l’acide nitreux très-concentré ; on n’a pas tenté non plus de déterminer son poids dans son état de plus grande concentration, c’est-à-dire dans diverses combinaisons, où il entre vraissemblablement en un état de très-grande pureté ou concentration.

    Il est ce que la plûpart des Chimistes, même les plus célebres appellent, &c. par un usage très-vicieux, le plus foible des acides minéraux ; ce qui signifie seulement que les deux autres acides le chassent, lorsqu’on les applique à des sels neutres formés par l’union de celui-ci & des substances alkalines, soit salines, soit terreuses. Et cette expression qui seroit toujours impropre, vague, peu scientifique, quand même elle pourroit avoir un sens au moins figuré, selon lequel elle convînt à une assertion généralement vraie ; cette expression, dis-je, est à plus forte raison inadmissible, puisque cet acide le plus foible des trois acides minéraux relativement aux alkalis, est dans le même sens le plus fort des trois relativement aux métaux blancs, & plus fort que l’acide nitreux relativement à toutes les substances métalliques.

    L’acide marin est celui des acides minéraux qui a le plus de rapport avec les métaux blancs : savoir, l’argent, l’étain & le plomb, & il a plus de rapport avec toutes les substances métalliques que l’acide nitreux. Son ordre de rapport avec l’acide vitriolique & les substances métalliques colorées, & même le mercure n’est pas encore définitivement établi.

    L’acide marin a la propriété singuliere, ou du-moins possede éminemment la propriété d’enlever à un autre acide une substance qu’il est incapable de dissoudre, lorsqu’on l’applique en masse à cette substance en masse. Ainsi cet acide appliqué en masse, c’est-à-dire, sous sa forme ordinaire de liquide, à de la limaille ou de la grenaille d’or ou d’argent & à du mercure coulant, ne dissout point ces substances métalliques, même par le secours d’une longue ébullition : appliqué au cuivre, à l’étain & au bismuth, non calcinés, il ne dissout ces substances métalliques qu’avec beaucoup de peine & en petite quantité ; le plomb, dans les mêmes circonstances, est encore plus difficilement soluble par ce menstrue. Il est vrai que la chaux de cuivre & celle de bismuth s’y dissolvent assez facilement, & les chaux & verres d’étain & de plomb un peu plus aisément que ces métaux non calcinés, mais toujours fort mal.

    L’acide marin bouillant ne dissout que très-peu de régule d’antimoine, soit sous sa forme métallique, soit calciné.

    Enfin, il est pourtant quelques substances métalliques ; savoir, le fer, le zinc, le régule d’arsenic, & celui de cobalt qui sont parfaitement dissoutes par l’acide marin en masse. Mais toutes ces substances métalliques, excepté l’or, étant précédemment dissoutes, ont la plus grande disposition, la plus grande pente à s’unir à l’acide marin pour lequel elles quittent l’acide auquel elles étoient jointes auparavant. C’est ainsi que si on applique de l’acide marin à une dissolution d’argent, ou le mercure dans l’acide nitreux, le premier acide enleve l’argent ou le mercure au second, & forme avec l’argent le corps chimique connu sous le nom de lune cornée, & avec le mercure le corps chimique connu sous le nom de précipité blanc. Voyez Argent, Mercure & Corné, Chimie. Il y a encore deux autres moyens dont l’acide marin dissout les substances, qu’il ne sauroit dissoudre, lorsqu’on l’applique en masse ou en état d’aggrégation liquide, à ces substances, soit concretes, soit liquides. Le premier consiste à réduire les deux corps à s’unir en vapeurs : c’est ainsi que l’acide marin & le mercure étant réduits chacun en vapeurs, & portés dans un récipient commun, se combinent chimiquement, & forment par leur union le sel métallique connu dans l’art sous le nom de sublimé corrosif. La deuxieme consiste à appliquer à un sel neutre marin, par exemple, un sublimé corrosif, une substance métallique : par exemple, la chaux de cuivre capable de précipiter ce sel & d’attirer à soi l’acide, en le détachant de son ancienne base, qui est le mercure dans l’exemple cité.

    Au reste, tous ces phénomènes se déduisent d’un même principe ; savoir, de ce que l’union aggrégative des particules de l’acide marin est supérieure dans le plus grand nombre de cas à la pente qui le porte à l’union mixtive, & sur-tout quand l’exercice de cette derniere force est empêché d’ailleurs par l’adhésion aggrégative des particules du corps à dissoudre. Voyez Menstrue.

    La plûpart des matieres salines qui résultent de l’union de l’acide marin aux diverses substances métalliques que nous venons de nommer, sont connues dans l’art sous le nom de métaux cornés ou de beurres, noms tirés de quelque ressemblance que ces matieres ont, soit par la couleur, soit par la consistance, avec la corne ou avec le beurre. Celles qui ont la consistance cornée, sont celles qui ont pour base l’argent & le plomb, & sont appellées communément lune cornée & plomb corné. L’étain, le bismuth, l’arsenic, l’antimoine & le cobalt donnent chacun un beurre. Le sel produit de la combinaison de l’acide marin & du cuivre, est une espece de gomme qui doit être par conséquent rangée avec les beurres. Cette gomme est très-inflammable ; elle brûle en donnant une belle flamme bleue (propriété qu’elle communique à l’esprit-de-vin dans lequel on la dissout, & à du suif ou de la cire à quoi on la mêle, & dont on fait ensuite des chandelles :) & les Chimistes en ont conté beaucoup de merveilles, voyez la dissertat. de M. Pott sur le sel marin, déjà citée.

    Le zinc combiné avec l’acide marin donne une matiere moyenne entre l’état corné & l’état butireux. Cette matiere coule au feu, mais se fige, & se durcit considérablement dès que ce feu n’est plus très-vif. Le sel formé par l’union de l’acide marin & du fer est capable de prendre une forme concrete, éprouver une espece de crystallisation, mais peu durable. Le sublimé corrosif & le précipité blanc, produits de la combinaison de l’acide marin & du mercure, ont cela de spécial, qu’ils ont une forme concrete, durable ; qu’ils sont, & sur-tout le sublimé corrosif, très-capables d’une crystallisation réguliere. Enfin, l’or qui, selon les expériences de M. Brandt, que nous avons annoncées plus haut, est attaqué par l’acide marin, pur, nud en masse, lorsqu’on l’a précédemment mélé en diverses proportions à de l’étain, ou du bismuth ou du régule de cobalt, & qu’on a réduit l’alliage en une chaux dans laquelle on n’apperçoit aucune partie d’or : l’or, dis-je, extrait de cette chaux par l’acide marin, ou pour mieux dire, le produit résultant de cette extraction, se volatilise sous la forme d’une liqueur épaisse, jaune ou rouge.

    Toutes ces substances salines métallico-marines sont plus ou moins volatiles & déliquescentes.

    Il est encore essentiel d’observer que la vapeur qui s’éleve pendant la dissolution de la chaux de cuivre dans l’acide marin, est très-inflammable ; & que pendant celle du zinc dans le même acide, il se forme de petits floccons inflammables, & qui sont une espece de soufre ; mais que ces phénomènes n’insinuent point du-tout que l’acide marin contienne du phlogistique, de-même que l’inflammation des huiles, & les autres phénomènes analogues que présente l’acide nitreux ne démontrent point ce principe dans ce dernier acide. Voyez Nitre.

    L’acide marin combiné avec l’alkali fixe de tartre donne le sel marin regénéré connu dans l’art sous le nom de sel digestif ou fébrifuge de Sylvius.

    Avec la chaux il donne le sel appellé très-arbitrairement sel fixe ammoniac, & huile de chaux quand il est tombé en deliquium, événement auquel il est très sujet. Il est traité de quelques propriétés chimiques de ce sel à l’article Chaux, Chimie.

    L’acide marin combiné avec l’akali volatil forme le sel ammoniac proprement dit. Voyez Sel ammoniac, acide marin dulcifié, éther marin.

    L’acide marin digéré, distillé, cohobé de diverses manieres avec l’esprit-de-vin, fournit la liqueur connue dans l’art sous le nom d’esprit de sel dulcifié, d’esprit de sel vineux & d’eau tempérée de Basile Valentin. Lorsque les travaux que les Chimistes avoient tentés sur la dulcification de l’acide vitriolique, & sur celle de l’acide nitreux, leur eurent donné l’éther vitriolique & l’éther nitreux, voyez ces articles ; ces liqueurs furent le produit le plus précieux de ces travaux, & le principal objet de leurs recherches dans les opérations analogues sur le mélange de l’acide marin & de l’esprit-de-vin qui a long-tems refusé une liqueur huileuse, un éther. Enfin M. Rouelle le cadet, que je ne crains point de placer parmi les plus grands chimistes, à qui même je ne m’abstiens de marquer la premiere place, que parce que ma propre conviction, quoiqu’intime & profonde, ne me donne pas le droit de lui déferer l’empire. M. Rouelle le cadet, dis-je, a fait en 1759 de l’éther marin, en employant au lieu d’acide marin, nud & en aggrégation, de l’acide marin, disgregé & concentré par son union avec l’étain, c’est-à-dire, le beurre d’étain, ou liqueur fumante de Libavius. Cette découverte est fondée sur une heureuse application du principe que nous avons posé plus haut, d’après l’observation de l’impuissance de l’acide marin en masse, & de la grande activité du même acide dont l’aggrégation est rompue. Le procédé de M. Rouelle n’a encore été qu’indiqué par une lettre de M. le marquis de Courtanvaux à M. de Mayran, insérée dans le journal des Savans, Août 1759. (b)

    Sel microcosmique ; ce sel porte aussi les noms de sel fusible, & de sel essentiel d’urine. On l’obtient par l’évaporation de l’urine fraîche à un feu modéré ; mais la maniere la plus facile de préparer ce sel, est de le retirer d’une grande quantité d’urine putréfiée & cuite jusqu’à la consistance d’un sirop liquide, & d’en dépurer les crystaux par des solutions, des filtrations, & des crystallisations répétées. Dans ces opérations, le sel fusible qui contient l’acide du phosphore, se crystallise toujours le premier, & il est fort aisé à distinguer de celui qui paroît ensuite sous la forme de crystaux longs & cubiques.

    On a proposé aussi de préparer les crystaux de sel d’urine, en la réduisant à la consistance d’un miel épais, en la dissolvant dans de l’eau bouillante, en la filtrant & la faisant crystalliser deux ou trois fois. On peut encore, en exposant l’urine à une forte gelée, en concentrer la matiere saline huileuse jusqu’à une consistance convenable, jusqu’à la crystallisation : enfin on peut obtenir le sel d’urine, quoique dans un espace de tems beaucoup plus long, par une lente & très-douce évaporation à l’air, alors il s’en sépare une terre selénitique en forme de crystaux.

    Il paroît, par les observations de divers chimistes, qu’une longue putréfaction est capable de produire dans l’urine des générations & combinaisons de différens sels. M. Schlosser a trouvé que si on distille le précipité qui se fait pendant l’évaporation de l’urine récente, & qu’on en lessive le caput mortuum après l’avoir calciné, l’eau qui a servi à édulcorer ce caput mortuum, ne donne qu’un véritable sel marin ; mais M. Pott ayant distillé le résidu de l’urine réduit à la consistance de miel, dont on avoit séparé les premiers crystaux, & qu’on avoit gardé dans un vase pendant quelques années, a retiré un véritable sel fusible de la terre du caput mortuum, & du caput mortuum que fournirent après la rectification & les produits de cette distillation, qui demeurerent encore mêlés ensemble pendant quelques années. Comme la distillation avoit donné un esprit ammoniacal huileux, M. Pott en conclut que la terre de l’urine qui avoit été rendue volatile, s’est avec le tems, & par un effet du mouvement intérieur, détachée de sa combinaison précédente, & en a contracté une autre en vertu de laquelle elle est devenue fixe & fusible. M. Margraff a observé que la putréfaction change le sel commun, qui existe dans l’urine, en un sel fusible.

    Cependant il y a dans l’urine du sel fusible qui y est essentiellement contenu, mais déguisé, comme M. Henckel le prouve : parce que, 1°. il s’obtient par une séparation qui s’opere doucement, & conforme à la façon d’agir de la nature, savoir par une évaporation lente, pour laquelle on n’a point employé la violence du feu ; cette évaporation n’agit que sur la partie phlegmatique, & elle n’a pas pu détruire ni décomposer le tout : 2°. ce sel n’est point, comme le sel marin, une substance étrangere portée du dehors en-dedans du corps humain, mais il y a été élaboré par la coction & par d’autres mouvemens des organes, & formé de substances dans lesquelles il n’étoit pas.

    M. Margraff remarque qu’on ne peut séparer entierement le sel essentiel de l’urine, & il croit que les causes en sont probablement, 1°. la quantité de l’extrait onctueux, qui empêche la crystallisation ; 2°. & principalement la dissipation du sel volatil urineux qui arrive à ce sel, tant dans l’inspissation de l’urine, que dans sa dépuration : car ce sel privé de son sel volatil, refuse de prendre une forme saline seche. Si on le dissout fréquemment dans l’eau bouillante, il perd toujours une partie de son esprit urineux (comme l’odeur le prouve suffisamment), & ainsi il ne se met point en crystallisation ; ce que l’on peut pourtant corriger en quelque sorte, en y ajoutant un peu d’esprit volatil de sel ammoniac : cet esprit sature avec effervescence l’acide découvert.

    Quand le sel fusible a été suffisamment dépuré, il est tout-à-fait blanc & sans odeur. M. Pott nous apprend que la figure de ce sel varie beaucoup, suivant les effets de la chaleur, de l’évaporation, & des différentes crystallisations : car il prend la figure de la plûpart des autres, comme du salpêtre, du vitriol, du sel ammoniac, de l’alun, du sel admirable, &c. mais pour l’ordinaire il est en crystaux brillans, octogones & prismatiques. Ce sel excite sur la langue une saveur un peu fraîche ; il a à-peu-près le goût du borax, avec lequel il présente des ressemblances singulieres : mis dans un creuset sur le charbon ardent, il y écume, se boursoufle, se fond, & pousse des végétations : soufflé sur le charbon avec un chalumeau, il coule en une perle ronde quand il est convenablement purifié. Les crystaux de la seconde crystallisation se fondent aussi en perle sur le charbon, quand ils ont été dépurés ; mais après le refroidissement, ils prennent une couleur de lait : mêlés avec le phlogistique, ils ne donnent point le phosphore comme les premiers crystaux ; après avoir été fondus, ils se remettent facilement en crystallisation, tandis qu’on ne peut plus faire crystalliser les premiers quand une fois ils ont été liquéfiés.

    On voit par cette différence que les crystaux de la seconde crystallisation ont les mêmes propriétés que le sel que M. Haupt a nommé sal mirabile perlatum : ce que M. Margraff ne paroît pas avoir vû lorsqu’il a a dit que ce dernier sel n’a que très-peu de rapport avec le sel microcosmique.

    La premiere crystallisation ne tombe pas aisément en effervescence à l’air, mais bien la seconde, que l’air chaud commence à réduire en une poudre blanche comme la neige, & qui au lieu de rafraîchir la langue, l’échauffe comme un charbon ardent, sans lui causer pourtant aucune douleur ni aucun dommage. Cette sensation de chaleur ne s’y conserve que quand il est bien dépouillé de toute humidité, & il recouvre toujours cette chaleur, lorsqu’il l’a perdue, par des calcinations répétées.

    Le sel microcosmique est un sel moyen ammoniacal, dont l’acide est d’une nature toute particuliere & si peu liée avec le sel urineux, qu’il n’est point d’autre exemple de sel ammoniacal sec, dont l’urineux se sépare aussi aisément par la seule distillation, ou par une simple digestion, & même par la seule attraction de l’air.

    Si on met les crystaux de sel fusible dans une retorte de verre, & qu’après y avoir adapté un récipient bien lutté, on distille insensiblement & par degrés au feu de sable, le sel écume & devient fluide, en même tems il s’éleve dans le récipient un fort esprit urineux volatil, dont le poids est la moitié du total, qui ressemble beaucoup à l’esprit de sel ammoniac préparé avec de la chaux vive, qui étant mêlé en assez grande quantité avec l’esprit de sel, n’entre point en effervescence, mais échauffe considérablement les vaisseaux, au lieu que les urineux ordinaires produisent plûtôt du froid : après cet esprit urineux montre quelques grains de sublimé ammoniacal, l’autre moitié de crystaux forme dans la retorte une masse blanchâtre & crevassée.

    C’est dans cette matiere saline, qui demeure après la distillation des crystaux, que l’acide se trouve enveloppé par une terre tenue & glutineuse, & il ne se découvre entierement qu’après que ce résidu a été fondu à un feu violent, en un corps clair & transparent que l’on fait couler sur une lame de fer chauffé, bien poli ; mais la plus grande violence du feu ne peut chasser de ce résidu, qu’un peu d’humidité, & n’en peut séparer aucun acide ni aucun sublimé.

    Cette matiere, semblable au verre, se dissout entierement dans deux ou trois parties d’eau distillée bien pure, & se change en une liqueur claire, un peu épaisse, qui a les proprietés de tous les acides, de sorte que 1°. elle se met en effervescence avec l’alkali volatil, & 2°. avec l’alkali fixe, & même qu’elle forme avec l’un & l’autre des especes de sel moyen tout-à-fait particulieres. 3°. elle précipite les corps dissous dans les alkalis, & même 4°. elle dissout les terres alkalines.

    Cependant MM. Pott & Schlosser nient que ce verre salin dissout dans de l’eau, fasse aucune effervescence sensible avec l’alkali, quoique cette effervescence ait lieu lorsqu’on sature avec un alkali la liqueur acide du phosphore brulé. M. Pott a découvert qu’on augmente beaucoup la fusibilité du sel fixe de l’urine, lorsqu’on dissout ce sel purifié dans un bon esprit de sel, qu’on fait digérer la solution, qu’on la filtre, & qu’on abstrait doucement l’esprit, jusqu’à ce que le sel se coagule de nouveau. Il a trouvé aussi que le sel ammoniac fixe, connu pour un sel si fusible, étant mêlé avec autant de sel microcosmique, loin d’en conserver la fusibilité, ou d’en acquérir davantage, devient fragile au feu comme une écume friable & verdâtre.

    Les expériences remarquables de MM. Margraff & Pott, nous apprennent que le sel fusible précipite les solutions du sel ammoniac fixe, ou la solution de chaud vive, faite dans l’acide du sel, la solution épaisse de craye, la solution de cailloux faite depuis long-tems dans l’alkali fixe, & qu’il s’en précipite une matiere visqueuse qui demeure cohérente comme la glu, & qui s’endurcit sans pouvoir être dissoute de nouveau : ces expériences me paroissent fortifier le sentiment de ceux qui croient que le sel de l’urine contribue à en lier la terre, pour former le calcul de la vessie.

    M. Pott cite & adopte le sentiment d’Henckel, qui dit que la seconde crystallisation du sel d’urine en forme de salpetre, aussi-bien que le premier sel qui se crystallise du caput mortuum, contiennent l’un & l’autre quelque portion d’acide vitriolique, puisque avec le charbon, ils forment un soufre commun.

    M. Pott dit ailleurs que le sel de l’urine contient en soi & réunit la terre colorée de l’acide nitreux, la terre fusible de l’acide du sel, & la terre fixe de l’acide du vitriol, lesquels étant employées à propos, peuvent servir à produire divers changemens dans d’autres corps : ces idées semblent avoir peu de fondement, néanmoins les varietés de la crystallisation du sel fusible, dont nous avons parlé plus haut, mériteroient d’être étudiées plus soigneusement qu’on n’a fait jusqu’ici.

    On peut voir dans MM. Margraff & Pott de quelle maniere le sel microcosmique agit sur les métaux avec lesquels on le met en fusion, ou dans une forte digestion, & les rapports de ce même sel avec différentes chaux & solutions métalliques. La proprieté la plus remarquable de ce sel, qui a été découverte par M. Margraff, c’est qu’étant mêlé avec un inflammable subtil & distillé dans un vaisseau fermé, il produit le phosphore. M. Margraff pense que l’acide du sel microcosmique est essentielle à la production du phosphore, & il faut, suivant lui, que cet acide soit mêlé dans plusieurs végétaux, parce que la semence de roquette, de cresson, de moutarde, & même le blé, lorsqu’on les distille à un feu violent, donnent à la fin le phosphore, quand le feu est poussé au plus haut degré. Voyez Phosphore. Il est dans l’opinion que le sel microcosmique, & sur-tout son acide, se trouve mêlé à quelques-uns des végétaux qui composent les alimens & les boissons des hommes, & qu’il passe de-là dans le corps humain : car il a remarqué que l’urine d’été, saison où les hommes mangent beaucoup plus de végétaux, fournit toujours une plus grande quantité de ce sel, que l’urine d’hiver ; mais une semblable preuve paroît extrêmement foible, quoiqu’elle n’ait laissé aucun doute à M. Margraff.

    On a attribué différentes vertus médicinales au sel microcosmique, mais elles ne sont pas assez constatées, quoique ceux qui l’ont employé, semblent se réunir à dire que ce sel est un puissant apéritif.

    Sel principe, (Chimie & Physique.) les anciens chimistes crurent reconnoître que la decomposition des corps étoit arrêtée, lorsqu’ils étoient parvenus à les reduire en esprit, huile, sel, terre, & eau ; ils nommerent ces substances principes ou élemens ; ils appellerent les trois premiers actifs, les deux autres passifs ; ils ont été successivement contredits par leurs successeurs. Paracelse les reduisit à trois, le mercure ou l’esprit, le soufre ou l’ame, & le sel ou le corps ; Vanhelmont n’admit que l’eau pour tout principe ; Becher joignit la terre, dont il fit trois especes, à l’eau ; Stahl adopta ces maximes ; les chimistes, plus modernes que ces deux grands hommes, trouvant des défauts dans cette partie de leur doctrine, ont varié dans la division qu’ils ont faite de ces mêmes principes. Il seroit trop long de rendre compte de tous les sentimens qui se sont élevés à ce sujet, nous nous bornerons à examiner ce qu’on doit penser de ce prétendu élement.

    Il est évident que le titre de principe ne peut convenir à aucun sel neutre ; il ne l’est guere moins que les alkalis en doivent être exclus ; quant aux acides, une suite d’analogies, de vraissemblances, leur transmutation, sont des preuves qu’ils dérivent tous d’un seul, du vitriolique, sulphureux ou universel : c’est donc lui seul qu’on pourroit nommer principe, mais n’est-il pas encore susceptible de décomposition ? doit-on penser avec Becher, Stahl & Juncker, qu’il est formé par l’union de l’eau & de la terre vitrescible ? c’est ce qui ne sauroit être mis en évidence que par des expériences nouvelles & repétées ; heureusement l’incertitude qui regne sur cet objet, n’est d’aucune conséquence pour la pratique de la chimie, elle ne peut en arrêter les découvertes, elle doit au-contraire exciter à tenter la décomposition des corps qui paroissent les plus simples, ceux qui veulent avoir des points fixes sur cette matiere. On peut renvoyer aux écoles toutes les disputes semblables, & se borner à soutenir que l’opinion la plus vraissemblable est celle d’Aristote, qui admet pour élement, l’eau, l’air, la terre, & le feu, en attendant qu’un jour plus grand soit répandu par l’expérience sur la théorie d’un art que nous regardons comme la clé de la vraie physique. Voyez Élemens, Principes.

    Sel sédatif, (Chimie.) le borax (Voyez Borax) est un sel composé, qui reconnoît pour ses principes constituans, un alkali de l’espece de celui qui sert de base au sel muriatique, appellé alkali minéral, parce que c’est le seul alkali fixe qui existe tout formé dans la nature, & que l’art ne crée pas ; ce sel alkali est neutralisé par une autre espece de sel, qui fait fonction d’acide, connu sous le nom de sel sédatif, par rapport aux effets qu’a cru lui remarquer Homberg, un de ses inventeurs.

    Ce sel se retire du borax de deux manieres, par sublimation & par crystallisation ; dans l’un & l’autre cas il faut toujours employer une addition d’acide, au borax, lequel s’unit à l’alkali minéral, pour former un sel neutre différent, suivant le genre d’acide. Ils sont tous indistinctement propres à opérer cette décomposition, selon les observations de M. Baron ; (Voyez Mémoire des savans étrangers.) alors le sel sédatif, qui est encore affoibli par l’eau que l’on ajoute au mélange, a moins d’affinité avec l’alkali, que n’en ont les acides employés, il se trouve libre & en état d’être séparé du nouveau sel qu’a formé l’addition de l’acide, ce qui pourra s’exécuter par la voie qui se trouvera la plus convenable.

    Non-seulement, selon les expériences de M. Lémeri, les acides purs & concentrés operent la décomposition du borax, mais encore ces mêmes acides engagés dans des bases terreuses & métalliques, ce qui a été la source de plusieurs erreurs ; par exemple, M. Homberg obtint le sel sédatif, par l’intermede du colcotar, & pensant que c’étoit la matrice de ce sel, il le nomma sel volatil de colcotar, ou de vitriol, &c.

    La méthode qui nous a paru la meilleure pour retirer le sel se datif, est la suivante.

    L’on arrose quatre onces de borax réduit en poudre, avec une once & deux gros d’huile de vitriol très-concentrée, l’on ajoute peu de tems après au mélange, deux onces d’eau commune, & l’on distille le tout dans une cornue luttée, dont le col soit large, en poussant le feu jusqu’à faire rougir la partie inférieure de la cornue.

    Il est à remarquer que l’acide vitriolique très-concentré, ne décomposeroit pas sans addition d’eau le borax ; il est même connu que le sel sédatif très-pur & très-sec, décompose en partie, par une proprieté très-singuliere, tous les sels neutres à bases alkalines, s’unissant à ces mêmes bases lorsqu’il en a précipité l’acide, pour reproduire avec elles du borax ; mais lorsque dans la décomposition du borax, on ajoute une certaine quantité d’eau, le sel sédatif ne peut plus agir avec la même activité, & la réaction de l’acide sur l’alkali n’en est pas diminuée ; le sel sédatif devenu libre, & étant naturellement fort divisé, présente à l’eau un grand nombre de surfaces, ce qui lui facilite la propriété d’être enlevé avec elle : aussi arrive-t-il que dans les procedés où l’on emploie une moindre quantité d’eau, il faut en ajouter de nouvelle pour enlever tout le sel sédatif qu’une quantité donnée de borax peut fournir ; lorsque l’on diminue la quantité d’huile de vitriol, on tombe encore dans l’inconvénient de ne pas décomposer tout le borax, non qu’il n’y ait assez d’acide pour saturer tout l’alkali minéral, mais c’est que la décomposition ne s’en fait jamais si rapidement, que l’eau n’enleve une certaine quantité même nécessaire de cet acide, de la même maniere qu’il enleve & tient en dissolution une petite partie du sel sédatif, de-là l’acidité de l’eau du récipient : quant au sel sédatif qui n’a pas la même affinité avec l’eau que l’acide, & qui d’ailleurs n’en est pas dissous, mais seulement humecté, il est enlevé à la faveur de cette eau, & de la chaleur qui le tient dans un état de fusion, jusqu’au col de la cornue, qui est la partie qui sort du reverbere, & que le contact de l’air a refroidi ; mais l’eau qui n’est pas susceptible d’un si grand degré de chaleur, ne se condense pas également à un froid si peu sensible ; elle s’étend & se raréfie jusque dans le balon où elle s’accumule, avec une légere portion de sel sédatif, qui avoit été exactement dissous, & qui se crystallise dans cette eau lorsqu’elle est refroidie : le sel sédatif qui a resté déposé au col de la cornue, y est attaché en forme de petites lames ou aiguilles d’une ténuité ou légereté singuliere, qui bouchent toute la capacité de ce col. Autant ce sel paroît volatil & leger, lorsqu’il est uni à l’eau, autant est-il fixé lorsqu’il en est dépourvu : ce qui fait que ces fleurs ou sels qui sont placés sur la partie du col de la cornue, la plus voisine de son corps & la plus échaufée, se fondent, perdent l’eau de leur crystallisation, & affectent sans se sublimer, la figure & ressemblance d’un verre. De même le sel sédatif exposé subitement à une chaleur violente, se fond, perd la moitié de son poids, & se change en verre, lequel peut reprendre sa forme premiere si on le fait dissoudre & recrystalliser dans l’eau.

    La méthode de retirer le sel sédatif par crystallisation, que l’on doit à M. Geoffroi (voyez son mémoire dans ceux de l’académie, 1732) est plus facile, mais n’est pas préférable à celle que nous avons décrite, en ce que, lors de l’évaporation du fluide superflu, il se fait une perte assez considérable du sel sédatif qui s’éleve avec lui, & qu’il est bien difficile d’avoir dans une grande pureté & sans mélange d’acide & de sel de Glauber, les derniers sels que l’on retire à la suite des évaporations & crystallisations ménagées : en voici le procedé.

    A une dissolution de quatre onces de borax, dans suffisante quantité d’eau, l’on ajoute une once deux gros d’huile de vitriol, il se fait une effervescence assez considérable, lors de la réaction de l’acide vitriolique sut l’alkali du borax ; les liqueurs se troublent, mais il ne paroît point encore de sel sédatif. On fait évaporer la liqueur à une douce chaleur, jusqu’à ce que le sel sédatif se fasse appercevoir à la surface de l’eau, sous la forme de petites lames fines & brillantes ; une évaporation plus continuée fait accumuler & groupper ensemble ces petits crystaux, qui devenus plus pesans, gagnent le fond de la liqueur & souvent affectent des formes différentes ; on laisse refroidir l’eau sans l’agiter, puis l’on retire par décantation les sels qui sont formés, on les lave rapidement avec de l’eau froide, pour leur enlever, le plus qu’il est possible, l’eau de la crystallisation qui lui communiqueroit une portion du sel de Glauber, qu’elle tient en dissolution ; on fait encore évaporer peu-à-peu la liqueur saline restante, pour en séparer tout le sel sédatif, & lorsque les liqueurs n’en donnent plus, on peut faire une évaporation plus considérable, laquelle produit des crystaux de sel de Glauber ; l’étiologie de cette opération est fondée sur ce que le sel de Glauber est plus soluble dans l’eau, que le sel sédatif ; ce dernier l’est même beaucoup moins que le borax, ce qui fait que l’eau qui tenoit le borax en dissolution transparente, avant l’addition de l’acide vitriolique, n’est plus capable de le faire, lorsque le sel sédatif commence à se débarasser de l’alkali minéral qui lui communiquoit sa dissolubilité, mais ce n’est encore qu’une poussiere fine & subtile, qui altere la transparence du fluide dans lequel elle nage, une évaporation ménagée lui donne l’arrangement nécessaire, & le sel sédatif paroît tout formé, il ne differe de celui qui est fait par sublimation, qu’en ce qu’il est moins leger que ce dernier, & que ses crystaux sont plus épais & moins bien figurés ; on connoit que le sel sédatif, fait par crystallisation, est pur, lorsque exposé au soleil, il ne tombe pas en efflorescence comme le sel de Glauber, & qu’il n’a point le goût de borax.

    Le sel sédatif n’est pas un acide, comme on auroit quelques raisons de le soupçonner, il ne change pas les couleurs bleues des végétaux en rouge, & ne fermente pas avec les alkalis, quoiqu’il s’unisse avec eux ; il n’est pas non plus de la nature des alkalis volatils ; nous avons fait voir que sa volatilité n’étoit qu’accidentelle ; il précipite à la longue quelques solutions métalliques, comme le mercure dissous dans l’acide nitreux & dans le muriatique ; cette propriété peut être due à une légere portion d’acide vitriolique qui lui reste uni dans l’eau de la crystallisation ; il a beaucoup de rapport avec le sel microcosmique. Voyez Sel microcosmique. Outre ces précipitations qui leur sont communes, il décompose comme lui, les sels neutres à bases alkalines, il se vitrifie facilement, vitrifie aussi avec lui un grand nombre de substances, il forme avec le talc & les spats un verre opaque & inaltérable à l’air, facilite la fusion des substances les plus refractaires, & ces sels ont plusieurs autres ressemblances qui vraissemblablement tiennent à la nature des principes de leur composition qui nous est encore inconnue.

    Le sel sédatif est leger, talqueux, doux, & gras au toucher ; il a une saveur fraîche, acidule & amere ; il fait du bruit comme le tartre vitriolé, lorsqu’on le mâche ; nous suspectons avec raison les vertus qu’on lui attribue dans la médecine ; on le croit emménagogue, antispasmodique, antihystérique, apéritif, diurétique, détersif, stimulant sans corrosion, ni inflammation, & propre à atténuer la viscosité des humeurs.

    Il est un des sels qui se dissolvent le plus difficilement dans l’eau, trois livres d’eau suffisant à peine pour en dissoudre deux onces ; mais il n’en est pas de même de l’esprit-de-vin, dans lequel il se dissout facilement & abondamment.

    La flamme d’un esprit de vin qui n’aura dissous même qu’une légere portion de ce sel, sera d’un très beau verd : aucune de toutes les substances connues n’a donné cette couleur à la flamme de l’esprit de vin, à l’exception des préparations cuivreuses. Le sel sédatif contiendroit-il de ce métal à tel point divisé, qu’aucune expérience ne l’y a pu faire appercevoir ? l’alkali volatil, qui est la pierre de touche qui le découvre par-tout, n’attire point la couleur de la dissolution de ce sel. L’on peut voir sur cette matiere beaucoup de choses curieuses, dans le second mémoire de M. Bourdelin, inseré dans ceux de l’académie des sciences, pour l’année 1755, comme aussi l’union que le sel sédatif est susceptible de contracter avec l’alkali volatil auquel il communique la vertu très-singuliere de ne se pouvoir plus sublimer.

    Le sel sédatif s’unit à la crême de tartre, & forme un tartre très-soluble, qui conserve son acidité comme le borax tartarisé de M. le Fevre, d’Usès ; M. de la Sone, dans son mémoire académique pour l’année 1755, nous fait observer la singularité de ces deux sels, qui deviennent très-dissolubles dans l’eau, lorsqu’ils ne forment qu’un composé, quoiqu’ils soient séparément & l’un & l’autre du nombre de ceux dont la dissolution est très-difficile dans ce fluide.

    Le sel sédatif a plusieurs autres propriétés moins essentielles, néanmoins intéressantes ; & ceux qui voudront être plus instruits des connoissances que l’on a acquis sur cette matiere, pourront consulter le traité de M. Pott sur le borax, & les ouvrages des auteurs cités dans cet article.

    Sel de riviere, (Mat. médic.) voyez Vitriol.

    Sel volatil, (Chimie.) voyez ce qu’on entend en Chimie par la qualification de volatil, à l’article Volatil, & Volatilité, Chimie.

    Il y a des sels volatils de plusieurs especes ; l’acide marin, l’acide nitreux, l’acide végétal fermenté, l’acide végétal spontané nud du marum, & peut-être de quelques autres plantes, l’acide spontané des insectes, l’alkali appellé volatil, & même des sels neutres, savoir tous les sels ammoniacaux, sont volatils.

    On donne cependant par préférence ou par excellence le nom de sel volatil aux alkalis volatils. Voyez Alkali volatils, dans l’art. général Sel, Chim. & Méd. (b)

    Sels, (Science microscop.) les sels des fluides évaporés des végétaux brûlés, des fossiles, des métaux, des minéraux, méritent d’être examinés au microscope. Nous parlerons des sels du vinaigre au mot Vinaigre, & des sels fossiles dans l’article suivant.

    Pour extraire les sels des végétaux, il faut brûler le bois, la tige ou les feuilles d’une plante, jetter les cendres dans l’eau, ensuite filtrer, & laisser la liqueur se crystalliser dans un lieu froid.

    Les sels des minéraux ou des métaux se trouvent en les éteignant dans l’eau, lorsqu’ils sont rougis par le feu, ensuite on les filtre, on les évapore & on les crystallise.

    De jolis sels pour l’observation, sont les cendres dont on fait le savon en Angleterre & en Russie, les sels du cosson, qui dévore le bois ; le sel de camphre, le sel de tartre, le sel armoniac, le sel d’ambre, de corne de cerf, &c. il faut les examiner premierement lorsqu’ils sont secs & crystallisés, & ensuite lorsqu’ils sont dissous dans une très-petite quantité de quelque fluide transparent.

    Les sels que l’on trouve dans tous les corps lorsqu’ils sont séparés par le feu, paroissent comme autant de petites chevilles ou clous qui pénetrent leurs pores, & qui lient leurs parties ensemble ; mais comme les chevilles ou les clous lorsqu’ils sont trop grands ou trop nombreux, ne servent qu’à faire des fentes, & à mettre les corps en pieces, ainsi les sels brisent de tems en tems, séparent & détruisent les corps au-lieu d’unir & de lier leurs parties ; ils ne sont à la vérité que de purs instrumens, & ils ne peuvent pas plus agir sur les corps, ou les forcer par eux-mêmes, que les clous le peuvent sans les coups de marteaux ; mais ils y sont poussés par la pression des autres corps, ou par le ressort de l’air qui agit sur eux.

    Comme les sels entrent dans les pores de tous les corps, l’eau s’insinue entre les particules du sel, elle les sépare ou les dissout dans ses interstices, jusqu’à ce qu’étant dans un tems de repos, ils se précipitent & forment eux-mêmes des masses de sel. L’eau par cette puissance qu’elle a de dissoudre, devient le véhicule des sels. (D. J.)

    Sels fossiles, (Science microscopique.) les quatre especes de sels fossiles les mieux connus sont, selon le docteur Lister, le vitriol, l’alun, le salpêtre & le sel marin ; à ces quatre sels il ajoute un cinquieme moins connu, quoique plus commun qu’aucun autre, c’est le nitre des murailles.

    Le vitriol verd se tire des pyrites du fer ; lorsqu’il est mûr & parfait, ses crystaux sont toujours pointus des deux côtés, & composés de dix plans & de côtés inégaux ; c’est-à-dire que les quatre plans du milieu sont pentagones, & ceux des extrémités pointues sont composés de trois plans triangulaires.

    L’alun brûlé, dissous dans l’eau & coulé, donne des crystaux dont le haut & le bas sont deux plans hexagones ; les côtés paroissent composés de trois plans, qui sont aussi hexagones, & de trois autres quadrilateres, placés alternativement ; en sorte que chaque crystal parfait est composé de onze plans, cinq hexagones, & six quadrilateres.

    L’eau de nos fontaines d’eau salée éloignées de la mer, donne des crystaux d’une figure cubique exacte, dont un côté ou plan paroît avoir une clarté particuliere au milieu, comme s’il y manquoit quelque chose ; mais les cinq autres côtés sont blancs & solides. Le sel gemme dissous se réduit en crystaux cubiques semblables.

    Si l’on fait bouillir l’eau de mer jusqu’à sécheresse, & si l’on fait dissoudre ses sels dans un peu d’eau de source, elle donne aussi des crystaux cubiques, mais notablement différens de ceux que l’on vient de décrire ; car dans les crystaux du sel marin tous les angles du cube paroissent coupés, & les coins restent triangulaires ; au-lieu que les sels de nos fontaines d’eau salée éloignées de la mer, ont tous leurs coins bien affilés & parfaits.

    Le nitre ou salpêtre se réduit de lui-même en crystaux hexagones, longs & déliés, dont les côtés sont des parallélogrammes ; l’un des bouts se termine constamment en pyramide, ou même par un tranchant, affilé selon la position des côtés des deux plans inégaux ; l’autre bout est toujours raboteux, & paroît comme s’il étoit rompu.

    Le plus commun, quoique le moins observé de tous les sels fossiles, est une espece de nitre de muraille, ou sel de chaux, que l’on tire du mortier des anciennes murailles ; c’est de ce sel qu’une grande partie de la terre & des montagnes sont composées, selon le docteur Lister ; ses crystaux sont déliés & longs ; leurs côtés sont quatre parallélogrammes inégaux ; leur pointe à l’un des bouts, est formée de deux plans, & de côtés triangulaires, l’autre bout se termine par deux plans quadrangulaires, quoiqu’il soit rare de trouver les deux bouts entiers. Quelques-uns de ces sels ont cinq côtés.

    La pratique commune de ceux qui ont en France la surintendance des salpêtres pour le roi, est d’amasser de grandes quantités de mortier des anciens bâtimens ; & par un art particulier ils en tirent une grande abondance de ce nitre de murailles ; ensuite lorsqu’ils ont tiré tout ce qu’ils ont pu, ils le laissent reposer pendant quelques années, après quoi ce mortier se trouve de nouveau empreint de ce sel, & en donne presqu’autant que la premiere fois.

    Les particules de chacun de ces sels en tombant les unes sur les autres, ou en s’unissant sur une base commune, forment d’elles-mêmes des masses qui sont invariables, & toujours de la même figure réguliere. Voilà ce que le microscope nous découvre de la figure des sels fossiles ; mais pour la bien examiner, il faut les observer en très-petites masses. (D. J.)

    Sel, impôt sur le, (Econom. politiq.) imposition en France, qu’on appelle autrement les gabelles, article qu’on peut consulter ; mais, dit l’auteur moderne des considérations sur les finances, un bon citoyen ne sauroit taire les tristes réflexions que cet impôt jette dans son ame. M. de Sully, ministre zélé pour le bien de son maître, qui ne le sépara jamais de celui de ses sujets ; M. de Sully, dis-je, ne pouvoit pas approuver cet impôt ; il regardoit comme une dureté extrème de vendre cher à des pauvres une denrée si commune. Il est vraissemblable que si la France eût assez bien mérité du ciel pour posséder plus longtems le ministre & le monarque, il eût apporté des remedes au fléau de cette imposition.

    La douleur s’empare de notre cœur à la lecture de l’ordonnance des gabelles. Une denrée que les faveurs de la providence entretiennent à vil prix pour une partie des citoyens, est vendue chérement à tous les autres. Des hommes pauvres sont forcés d’acheter au poids de l’or une quantité marquée de cette denrée, & il leur est défendu, sous peine de la ruine totale de leur famille, d’en recevoir d’autre, même en pur don. Celui qui recueille cette denrée n’a point la permission de la vendre hors de certaines limites ; car les mêmes peines le menacent. Des supplices effrayans sont décernés contre des hommes criminels à la vérité envers le corps politique, mais qui n’ont point violé cependant la loi naturelle. Les bestiaux languissent & meurent, parce que les secours dont ils ont besoin passent les facultés du cultivateur, déja surchargé de la quantité de sel qu’il doit en consommer pour lui. Dans quelques endroits on empêche les animaux d’approcher des bords de la mer, où l’instinct de leur conservation les conduit.

    L’humanité frémiroit en voyant la liste de tous les supplices ordonnés à l’occasion de cet impôt depuis son établissement : l’autorité du législateur sans cesse compromise avec l’avidité du gain que conduit souvent la nécessité même, lui seroit moins sensible que la dureté de la perception. L’abandon de la culture, le découragement du contribuable, la diminution du commerce, celle du travail, les frais énormes de la régie lui feroient appercevoir que chaque million en entrant dans ses coffres, en a presque coûté un autre à son peuple, soit en payemens effectifs, soit en non-valeurs. Ce n’est pas tout encore ; cet impôt avoit au-moins dans son principe l’avantage de porter sur le riche & sur le pauvre, une partie considérable de ces riches a su s’y soustraire ; des secours légers & passagers lui ont valu des franchises dont il faut rejetter le vuide sur les pauvres.

    Enfin si la taille arbitraire n’existoit pas, l’impôt du sel seroit peut-être le plus funeste qu’il fût possible d’imaginer. Aussi tous les auteurs œconomiques & les ministres les plus intelligens dans les finances ont regardé le remplacement de ces deux impositions, comme l’opération la plus utile au soulagement des peuples & à l’accroissement des revenus publics. Divers expédiens ont été proposés, & aucun jusqu’à présent n’a paru assez sûr. (D. J.)

    Sel, (Mat. méd. arab.) nom donné par les Arabes au fruit d’une plante des Indes, qui ressembloit au concombre dans la végétation, mais qui portoit un fruit semblable à la pistache. Il y a trois fruits nommés par les Arabes, bel, fel & sel ; ils disent que ce sont le fruit d’une plante rampante ; mais il est probable que le sel dont parle Avicenne dans son chapitre du nénuphar, est la racine du nénuphar indien, auquel il attribue les mêmes qualités qu’à la mandragore. (D. J.)

    Sel pharyngien, (Pharmac.) sel artificiel qui a été fort en usage dans l’esquinancie causée par un amas de sérosités, avec inflammation sur le pharynx. Il étoit préparé de crême de tartre & de nitre, de chacun une once, avec demi-once d’alun brûlé, dissous dans du vinaigre distillé. On coaguloit ensuite cette solution, selon l’art. Ce sel mêlé avec deux gros de miel, & dissous dans cinq onces d’eau de plantain, compose réellement un excellent gargarisme pour cette maladie. (D. J.)

    Sel, (Critiq. sacrée.) comme la Judée abondoit en sel, il n’est pas étonnant que cette espece de minéral servît si souvent d’allusion, de symbole & de comparaison dans l’Ecriture. Ezéchiel, ch. xvj. 14. voulant faire souvenir les Juifs qu’ils avoient été abandonnés dans leur naissance, leur dit qu’ils n’avoient été ni lavés ni frottés de sel, parce qu’ils avoient coutume de frotter de sel les enfans nouveaux nés pour fortifier leurs corps délicats. La femme de Loth ayant regardé derriere elle, fut changée (comme) en statue de sel, c’est-à-dire, devint roide & froide. Jesus-Christ emploie aussi ce mot au figuré, quand il déclare à ses apôtres qu’ils sont le sel de la terre, Matt. v. 13. c’est-à-dire que comme le sel empêche les viandes de se corrompre, ils devoient semblablement préserver les ames de la corruption du siecle. De même S. Paul prescrit aux Colossiens, jv. 6. d’assaisonner leurs discours de sel avec grace ; cela signifie que leurs discours soient agréables, & cependant qu’ils n’y mêlent rien qui sente la corruption ; c’est pourquoi le sel est dans l’Ecriture le symbole de la durée. Un pacte, une alliance de sel, Nomb. xviij. 9. se prend pour une alliance perpétuelle. Le sel désigne encore au figuré la reconnoissance. Les gouverneurs juifs des lieux situés au-delà de l’Euphrate écrivoient à Artaxerxès, qu’ils se souvenoient du sel qu’ils avoient mangé dans le palais, I. Esdras, jv. 14. Enfin le sel désigne la stérilité, parce que quand les anciens vouloient rendre un lieu stérile, ils y semoient du sel, comme fit Abimélech après avoir détruit la ville de Sichem, Juges, jx. 45. (D. J.)

    Sel blanc, (Salines.) c’est celui qui a été fait d’eau de mer ou d’eau tirée des fontaines & puits salés, en la faisant bouillir & évaporer sur le feu. On fait aussi du sel blanc en rafinant les sels gris. (D. J.)

    Sel-bouillon, (Salines.) c’est le sel blanc qui se fait dans quelques élections de Normandie.

    Sel de faux-saunage, (Gabelles.) c’est le sel qu’on fait entrer & qu’on débite en fraude dans les provinces de France qui ne sont pas privilégiées, & qui sont obligées de prendre leurs sels dans les greniers du roi. On appelle aussi faux sel celui que l’on fait entrer en France des pays étrangers ; l’adjudicataire des gabelles n’en a pas même le droit ; il ne lui est permis d’en faire venir que dans le tems de disette des sels du royaume, & seulement après en avoir obtenu du roi permission par écrit. Mais ce n’est-là qu’une formalité. (D. J.)

    Sel gabelle, (Gabelles.) c’est celui qui se prend au grenier à sel, & qui se distribue par les officiers & commis, aux heures, aux jours, & de la maniere marquée par l’ordonnance. (D. J.)

    Sel gréné, (Salines.) c’est celui qui est en gros grains, soit que ce soit l’ardeur du soleil, ou celle du feu qui l’ait réduit en grains.

    Sel gris, (Salines.) c’est du sel qui se ramasse sur les marais salans.

    Sel d’impôt, (Gabelles.) c’est la quantité de sel que chaque chef de famille est obligé de prendre au grenier tous les ans pour l’usage du pot & saliere seulement, à laquelle il est imposé suivant le rolle dressé par les asséeurs ; cette quantité est évaluée à un minot pour quatorze personnes. Le sel d’impôt ne peut être employé aux grosses salaisons. (D. J.)

    Sel, grenier a, (Jurisprudence.) Voyez au mot Gabelles & au mot Grenier a sel, Chambre a sel.