L’Encyclopédie/1re édition/COUTELIER

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COUTELIER, solen, (Hist. nat. Conchiolog.) coquillage auquel on a donné le nom de couteau, parce que sa coquille ressemble en quelque façon à un manche de couteau. Elle est composée de deux pieces, dont chacune est creusée en gouttiere ; lorsqu’elles sont réunies elles forment un cylindre ; elles sont attachées près de l’extrémité inférieure par un ligament à ressort. Depuis ce ligament jusqu’à l’autre bout de la coquille, il y a sur le joint qui se trouve entre les deux pieces, une membrane colée sur le bord de l’une & l’autre, & sur le joint qui est de l’autre côté aux bords opposés une pareille membrane. Ces membranes peuvent être comparées à du parchemin, & ont assez de ressort pour que les deux pieces de la coquille puissent s’éloigner l’une de l’autre de deux ou trois lignes & se rapprocher alternativement, de sorte que la coquille n’est jamais ouverte que par les deux bouts.

Ces coquillages restent dans le sable, & s’y enfoncent souvent à plus d’un pié & demi ou deux piés de profondeur, sans que la longueur de leur coquille s’éloigne beaucoup de la direction verticale ; dans cette situation ils remontent & redescendent successivement, voilà en quoi consiste leur mouvement progressif. Dans les grandes marées, lorsque la mer a laissé à découvert le sable où ces coquillages habitent, on voit les orifices de leurs trous, & on les distingue aisément de ceux des autres coquillages, parce qu’ils sont d’une figure oblongue. Alors les couteliers sont enfoncés dans le sable, mais les pêcheurs les font sortir en partie de leur trou en jettant du sel dedans, il tombe sur la partie de l’animal qui se trouve à l’extrémité supérieure de la coquille : cette partie est composée de deux canaux dans lesquels l’eau circule ; elle entre par l’un & sort par l’autre, mais sa route n’est pas constante ; car ce n’est pas toûjours par le même canal qu’elle entre ou qu’elle sort. Le sel affecte cette partie de façon qu’il en détache des morceaux ; aussi dès que le coquillage en sent l’impression, il remonte au-dessus du sable pour s’en délivrer ; & en effet il ferme autant qu’il le peut les orifices des canaux, & il fait tomber le sel en gonflant la partie qui les environne. Lorsque les couteliers paroissent au-dessus du sable, on les prend à la main ; mais comme ils ne restent à découvert qu’un instant, on les manque quelquefois, ou on ne les saisit pas assez fortement ; enfin s’ils peuvent rentrer dans leur trou, on prétend qu’il n’y a plus moyen de les faire remonter en leur jettant du sel ; il faut employer des instrumens que l’on appelle dards ou dardillons ; ce sont de longs ferremens pointus, que l’on enfonce dans le sable pour enlever le coutelier.

Lorsqu’on a tiré ce coquillage de son trou, & qu’on l’étend sur le sable, on lui voit faire des mouvemens qui font connoître la maniere dont il descend dans le sable & dont il remonte. Il fait sortir de l’extrémité inférieure de la coquille une petite partie de son corps, à laquelle on a donné le nom de jambe, qui dans ce moment est plate, terminée en pointe, & pour ainsi dire tranchante par les bords ; il l’allonge & l’enfonce dans le sable en la recourbant. A l’aide de ce point d’appui, il fait mouvoir sa coquille & la mene à une position verticale ; alors il redresse sa jambe, il l’allonge de nouveau, & l’enfonce verticalement dans le sable. Lorsqu’elle est parvenue à une longueur égale à celle de la moitié ou des deux tiers de la coquille, sa forme change, elle se gonfle & devient cylindrique sans se raccourcir ; de plus, l’extrémité est terminée par un bouton dont le diametre est plus grand que celui de la coquille. Dans cet état le coutelier raccourcit la partie de la jambe qui est entre le bouton & l’extrémité inférieure de la coquille, où il fait rentrer cette partie dans la coquille, ce qui ne se peut pas faire sans que le bouton remonte ou que la coquille descende ; mais c’est la coquille qui descend, parce qu’elle a moins de sable à déplacer que le bouton de la jambe, puisque le diametre du bouton est le plus grand. En répétant cette manœuvre, le coquillage descend successivement, & on conçoit aisément qu’à l’aide des mêmes organes il peut remonter ; car en retirant en-haut le bouton de la jambe, & en allongeant ensuite la partie de la jambe qui est entre le bouton & la coquille, la coquille doit remonter par la même raison qui a déjà été rapportée. Mém. de l’acad. royale des Scienc. ann. 1712. Voyez Coquille, Coquillage. (I)

* Coutelier, s. m. ouvrier qui a le droit de faire & vendre des couteaux, ciseaux, rasoirs, & autres instrumens de Chirurgie, de quelque espece qu’ils soient, en qualité de membre d’une communauté appellée communauté des Couteliers. Les statuts de cette communauté sont de 1505. Ils ont quatre jurés qui se sucedent deux à deux tous les ans. Les maîtres ne peuvent faire qu’un apprentif à la fois. Celui qui veut se faire recevoir doit faire chef-d’œuvre ; il n’y a que le fils de maître qui en soit exempt. Chaque maître a sa marque. Les veuves peuvent tenir boutique, mais ne peuvent faire d’apprentifs ; elles continuent seulement ceux que leurs maris ont commencé.

Les principaux outils du coutelier, sont une enclume à bigorne d’un côté & à talon de l’autre, sa forme est du reste peu importante ; il suffit qu’elle soit bien proportionnée & bien dure. Une forge semblable à celle des Serruriers, des Taillandiers, des Cloutiers, & autres Forgerons ; des tenailles & des marteaux de toutes sortes ; des meules hautes & basses ; des polissoires pareillement de différentes grandeurs ; des brunissoirs, des forêts, des arçons, des limes, des pierres à aiguiser, à repasser, & à affiler, des grands étaux, & des étaux à main, &c.

Voyez à l’article Rasoir, une des pieces de Coutellerie les plus difficiles à bien faire, le détail de presque tout le travail que le coutelier ne fait qu’appliquer diversement à d’autres ouvrages. Voici comment il s’y prend pour faire un couteau à guaine. Il a une barre d’acier, il y pratique une entaille sur le quarré de l’enclume ; il forme la scie du couteau de la portion d’acier comprise au-dessus de l’entaille ; il conserve de l’autre part autant de matiere qu’il en faut pour la lame : dans cet état cela s’appelle une enlevure de couteau ; il forge la lame ; il acheve la scie : quand on vouloit des coquilles, on avoit des mandrins & des enclumettes à l’aide desquelles les coquilles se faisoient : on dresse le couteau à la lame ; on le trempe, on l’émout, & on le polit ; les meules & les polissoires doivent être très-hautes pour cet ouvrage dont la lame est très-plate ; elles ne doivent être ni trop ni trop mal rondes. On peut rapporter presque tous les ouvrages du coutelier à cette espece de couteau ; au rasoir, voyez Rasoir, & au ciseau, voyez Ciseau.