L’Encyclopédie/1re édition/CYMBALE
CYMBALE. (Lutherie.) On a fait venir ce mot de trois racines différentes ; savoir, de κυφὸς, courbe, de κύπελλον, une tasse ou gobelet, & de φωνὴ, voix. lsidore tire cymbalum, de cum, avec, & ballematica, danse immodeste, qui se dansoit en joüant de cet instrument. La véritable étymologie de ce mot est κύμϐος, cavité.
L’instrument que les anciens appellent cymbale, en latin cymbalum, & en grec κύμϐαλον, étoit d’airain comme nos tymbales, mais plus petit & d’un usage différent.
Cassiodore & Isidore les appellent acétabule, c’est-à-dire l’emboîture d’un os, la cavité ou la sinuosité d’un os dans laquelle un autre os s’emboîte, parce qu’elle ressembloit à cette sinuosité. C’est encore pour cela que Properce les appelle des instrumens d’airain qui sont ronds, & que Xenophon les compare à la corne d’un cheval qui est creuse. Cela paroît encore, parce que cymbale s’est pris non-seulement pour un instrument de musique, mais encore pour un bassin, un chauderon, un gobelet, un casque, & même pour un sabot, tels que ceux qu’Empedocles portoit, & qui étoient de cuivre.
Du reste ils ne ressembloient point à nos tymbales, & l’usage en étoit différent. Les cymbales avoient un manche attaché à la cavité extérieure, ce qui fait que Pline les compare au haut de la cuisse, & d’autres à des phioles.
On les frappoit l’une contre l’autre en cadence, & elles formoient un son très-aigu. Selon les Payèns c’étoit une invention de Cybele : de-là vient qu’on en joüoit dans ses fêtes & dans ses sacrifices. Hors de-là il n’y avoit que des gens mous & efféminés qui joüassent de cet instrument.
On en a attribué l’invention aux Curetes & aux habitans du mont Ida dans l’île de Crete. Il est certain que ceux-ci, de même que les Corybantes, milice qui formoit la garde des rois de Crete, les Telchiniens peuple de Rhodes, & les Samothraces, ont été célebres par le fréquent usage qu’ils faisoient de cet instrument & leur habileté à en joüer. Voyez Corybantes.
Les Juifs avoient aussi des cymbales, ou du moins un instrument que les anciens interpretes grecs, latins, & les traducteurs anglois nomment cymbale. Mais il est impossible de savoir au juste ce que c’étoit que cet instrument.
La cymbale moderne est un instrument de musique dont les gueux accompagnent le son de la vielle. C’est un fil d’acier de figure triangulaire, dans lequel sont passés cinq anneaux, qu’on touche & qu’on promene dans ce triangle avec une verge aussi de fer, dont on frappe de cadence les côtés du triangle. Voyez le dictionn. de Trév. & Chambers. (G)
Cymbale, jeu d’Orgue, est un de ceux que l’on appelle composés, c’est-à-dire qui ont plusieurs tuyaux sur chaque touche qui parlent tous à la fois. Elle est composée des octaves de dessus des jeux, dont les cornets sont composés, mais avec cette différence que les tuyaux ne suivent la regle du diapason que par une octave, au lieu que ceux des autres jeux vont continuellement en diminuant de largeur pendant quatre octaves. La cymbale n’a donc proprement qu’une octave, qui se répete autant de fois que le clavier en contient ; l’exemple suivant va en faire voir la disposition : les rangées de zéros verticales représentent les tuyaux qui parlent à la fois sur une même touche, & la suite des mêmes zéros prise selon les lignes horisontales, ceux qui répondent aux différentes touches du clavier. On saura aussi que les tuyaux qui répondent à une même touche font l’accord parfait, dont on double les octaves, les quintes ou les tierces, si on met plus de trois rangs de tuyaux à la fourniture.
Les tuyaux UT, ut, ut, ut, sont à l’unisson de même que les tuyaux RÉ, ré, ré, ré, &c. au lieu que si la fourniture étoit un jeu sans reprises, le tuyau ut seroit à l’octave du tuyau UT ; le tuyau ut, à l’octave d’ut seroit à la double octave de UT ; le tuyau ut, à l’octave d’ut seroit à la triple octave de celui UT ; ainsi l’on voit que la fourniture n’est composée que d’une octave répetée quatre fois, & par conséquent qu’il n’a point de basses, puisque tous les ut & tous les ré, sont à l’unisson. C’est pourquoi on ne peut employer le jeu seul, non plus que la cymbale, qui ne differe de ce jeu-ci qu’en ce que les tuyaux sont de plus menue taille, & qu’elle sonne l’octave ou la quinte au-dessus de la fourniture ; du reste elle a les mêmes reprises que nous avons marqué se faire en C sol ut, & qui pourroient également bien se faire en F ut fa, ainsi que quelques facteurs le pratiquent.
Les chiffres 1, 3, 5, placés au commencement des rangées de zéros, font connoître que le premier rang 1 étant regardé comme son fondamental, le second rang 3 sonne la tierce au-dessus, le troisieme 5 forme la quinte ; ensorte, comme il a été dit, que sur chaque touche on entend l’accord parfait ut mi sol, ré fad la, mi sold si, &c. auquel on peut ajoûter l’octave, si on ajoûte un rang de plus. On peut même encore ajoûter plusieurs rangs, en répétant par unisson l’octave, la quinte ou la tierce. La fourniture, qui est l’autre partie du plein jeu, ne differe point de la cymbale.