L’Encyclopédie/1re édition/DIAPHRAGME
DIAPHRAGME, s. m. (Anat.) il a la figure d’un cœur irrégulier ; il est aponévrotique dans son milieu ; du contour de ce cœur tendineux partent des fibres musculeuses qui vont se terminer aux côtes, avec les particularités suivantes : le paquet qui part de la pointe va s’attacher au cartilage xiphoïde ; les paquets qui sont à côté de celui-là, ne se touchent pas ; ils laissent entr’eux & ce paquet un intervalle vuide de fibres musculeuses ; les fibres suivantes, c’est-à-dire tous les rayons musculeux, vont s’attacher aux côtes ; pour l’échancrure qui est à la base du cœur, plusieurs des bandes rayonnées qui en partent, se réunissent de chaque côté en une, & se terminent par une queue tendineuse ; on nomme ces deux bandes les piliers du diaphragme ; mais étant arrivés à trois doigts de leur origine, le pilier droit envoye un faisceau de fibres qui vont se réunir au pilier gauche, & de même le pilier gauche donne des fibres au pilier droit : ces deux piliers se croisent ainsi alternativement plusieurs fois, & après ces divers croisemens, ils continuent leur route sur les vertebres en forme de cône, & vont se réunir à des tendons qui sont d’une longueur inégale, & qui s’implantent sur les vertebres.
Le diaphragme ressemble à une voûte coupée obliquement ; les parties latérales de cette voûte sont concaves ; elles se colent toûjours aux ailes des poûmons qu’elles suivent dans tous leurs mouvemens ; leur concavité n’est point formée par les visceres de l’abdomen : comme il n’y a point d’air entre le poumon & le diaphragme, ils sont unis étroitement, & l’un est obligé de suivre l’autre dans tous ses mouvemens. Si on en doute, on n’a qu’à percer le diaphragme, l’air qui entrera par cette ouverture affaissera d’abord cette cloison voûtée.
Les piliers ne paroissent pas aussi concaves que les poches latérales ; ils s’attachent en-haut au médiastin, de même qu’une portion assez large du centre nerveux : il n’est donc pas possible que la partie moyenne du diaphragme descende dans l’inspiration.
La partie supérieure des piliers se voûte, & ils reçoivent l’œsophage dans l’espace qu’ils laissent entr’eux depuis leur origine jusqu’au croisement des fibres. Si de chaque côté les fibres des piliers descendoient en ligne droite, leur action n’eût rien produit sur l’œsophage, elles n’auroient pû le presser en se raccourcissant : deux lignes droites tirées par les extrémités ne pressent point ce qui est à leurs côtés : de plus, le haut des piliers est immobile ; il ne peut donc être tiré en-bas : par conséquent, si les fibres des piliers descendoient en ligne droite, ils n’auroient point d’action sur l’œsophage ; mais les fibres des piliers se croisent à leur naissance, ensuite elles se croisent par une direction contraire au-dessous de l’œsophage : ce tuyau est donc entre les fibres qui l’étranglent, pour ainsi dire : le croisement des fibres donne donc à l’œsophage une espece de sphincter.
Il falloit que la partie moyenne du diaphragme fût fixe ; la position du cœur demandoit un soûtien qui ne fût pas exposé à des secousses continuelles ; aussi ces attaches au médiastin affermissent-elles le centre nerveux : il n’y a donc que les parties latérales postérieures qui soient en mouvement ; ce sont les voûtes formées par les parties latérales, qui s’applatissent & se courbent alternativement : le fond de ces deux voûtes descend, quand les fibres musculeuses sont en contraction ; il monte quand les ailes du poumon l’entraînent : l’air ne pouvant s’insinuer entre le poumon & le diaphragme, les colle toûjours de telle maniere qu’il n’y a point d’espace entre ce muscle & la base du poumon.
Les poches ou les voûtes latérales du diaphragme sont deux des principaux instrumens de la respiration ; mais voyons si le diaphragme est d’une nécessité absolue dans l’inspiration.
Dès que les côtes se leveront par l’action des muscles intercostaux, il est certain que l’inspiration se fera ; or les côtes peuvent s’écarter sans le secours du diaphragme : il est donc évident qu’il n’est pas absolument nécessaire pour l’inspiration, aussi trouves-on des diaphragmes collés au foie, & des animaux, comme la taupe, lesquels ont le diaphragme membraneux. Et enfin les nerfs diaphragmatiques étant coupés dans un chien, l’inspiration marche à-peu-près comme auparavant
Quoique le poumon puisse absolument se gonfler sans que le diaphragme y contribue, il faut avouer que ce muscle aide les muscles intercostaux. Si ces muscles tendent à écarter les côtés des poumons, la contraction du diaphragme tend à écarter de la partie inférieure du poumon, la convexité des poches de ce muscle. Il se formeroit donc un double vuide, si le poumon ne se remplissoit d’air ; l’un de ces vuides seroit à côté, & l’autre au bas des poumons : mais le mouvement des côtes & du diaphragme donne au poumon la facilité de se gonfler des deux côtés, car il s’étend vers les côtes & vers l’abdomen.
En même tems que le diaphragme favorise l’inspiration, il paroît y apporter quelqu’obstacle ; car l’inspiration se forme en partie par l’écartement des côtes : or le diaphragme par son action s’oppose à cet écartement, puisque les fibres musculeuses ne peuvent se raccourcir sans tirer vers le centre nerveux les côtes auxquelles elles sont attachées : l’expérience confirme cette retraction. Quand on coupe les nerfs diaphragmatiques, les côtes inférieures se jettent extraordinairement en-dehors ; de-là il s’ensuit que l’action du diaphragme est double : elle applanit les concavités de ce muscle, & elle retient les côtes qui seroient trop emportées en-dehors par les muscles inspirateurs.
On ne peut pas révoquer en doute que le diaphragme ne soit un muscle inspirateur, mais on ne peut prouver qu’il est inspirateur & expirateur ; car dans l’inspiration les fibres antérieures ne s’affaissent pas comme les poches latérales, leur position en est une preuve, elles sont presque droites ; de plus elles sont attachées à des points fixes par le médiastin : il est donc impossible qu’elles entraînent ces points vers les côtes : ce sera donc ces côtes qui seront portées vers ces points fixes par la contraction de ces fibres : donc elles peuvent servir à l’expiration.
L’action du diaphragme a paru difficile à expliquer ; mais après ce que nous avons dit, rien ne peut obscurcir cette action : cependant s’il restoit quelque difficulté, voici un exemple qui fera voir ce que fait cette cloison dans la respiration.
Prenez un vaisseau de verre qui n’ait pas de fond, & dont l’ouverture soit étroite : insinuez un tuyau à l’orifice d’une vessie, que vous y attacherez étroitement : mettez cette vessie dans le vaisseau de verre, de telle maniere que le tuyau passe par l’orifice : fermez exactement l’espace qui se trouvera entre le tuyau & les parois de l’orifice du vaisseau : alors prenez une membrane dont vous fermerez le fond de ce vaisseau, de telle maniere qu’elle soit lâche, & qu’elle soit enfoncée en-dedans : quand vous l’aurez attachée aux bords, tirez le fond avec un fil en-dehors, & vous verrez que la vésicule se gonflera. Voilà la véritable action du diaphragme, qui, lorsqu’il est tiré vers l’abdomen, donne lieu à l’air de gonfler les vésicules pulmonaires. M. Senac, essais de Phys.
Quelques auteurs ont avancé sans fondement que le diaphragme n’étoit pas nécessaire pour la respiration. Nous avons vû plus haut le contraire.
Ortobelius prétend que les mouvemens du diaphragme dépendent du cœur ; mais il est certain que les mouvemens du cœur & du diaphragme ne se font pas en même tems. (L)