L’Encyclopédie/1re édition/ECOUTEUX

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ECOUTEUX, adj. (Manége.) Cheval écouteux, se dit, selon les auteurs du dictionnaire de Trévoux, d’un cheval retenu, qui ne part pas franchement de la main, qui saute au lieu d’aller en avant, qui ne fournit pas tout ce qu’on lui demande, &c.

Cette définition n’est pas la seule dans cet ouvrage qui ne soit pas exacte & correcte. D’abord, il y a une très-grande différence entre un cheval retenu & un cheval qui se retient ; le premier est toûjours censé n’être assujetti & captivé que par le cavalier qui le monte ; le second au contraire est celui qui naturellement, ou conséquemment à quelques causes accidentelles qui affectent quelques parties de son corps, refuse de se déterminer & d’obéir avec franchise : c’est ce que nous appellons proprement se retenir ; & dès-lors le principe de son irrésolution est dans lui-même, & non dans une force étrangere qui le contraint & l’asservit. Il ne faut donc pas confondre les termes d’écouteux & de retenu, & les regarder comme synonymes. D’ailleurs, tout cheval qui ne part pas franchement de la main, qui saute au lieu d’aller en-avant, qui ne fournit pas tout ce qu’on lui demande, est en général un cheval, 1°. qui se retient, 2°. qui se défend & tient du rétif, 3°. qui peut pécher par le défaut de force, de science ou de volonté, lorsqu’il ne fournit pas autant que l’on exige de lui ; & l’épithete d’écouteux ne suscite point en nous l’idée de tous ces différens cas. Pour la restraindre dans sa vraie signification, on ne doit l’appliquer que dans celui où le cheval en action, & distrait par quelque bruit ou par quelqu’objet, rallentit son allure ou son air, & partage son attention entre le bruit ou l’objet qui le frappe, & les impressions qui résultent des opérations de celui qui l’exerce. Soit que le sens de l’oüie, soit que le sens de la vûe soient émûs, la distraction de l’animal est désignée non-seulement par son rallentissement, mais par le mouvement de ses oreilles qu’il présente, & qu’il porte ensemble ou séparément en-avant ou en-arriere ; & c’est précisément cet indice constant dans de pareilles circonstances qui lui a mérité l’épithete d’écouteux.

Rien n’est plus important au surplus que de maintenir les chevaux que l’on travaille, dans une telle attention, qu’ils puissent parfaitement entendre & comprendre ce que l’on exige d’eux ; & l’on reconnoît le véritable homme de cheval, à l’attention qu’il apporte lui-même pour en être lui seul écouté : il n’y parvient qu’autant que toutes ses actions sont mesurées & proportionnées à la nature de l’animal, & qu’il sait les lui faire goûter, les lui rendre agréables, & non les lui faire craindre : que si, malgré toutes les précautions qu’il prend pour y réussir, le cheval tombe de tems en tems dans des distractions, il doit soigneusement l’avertir en approchant plus ou moins les jambes, en lui faisant redouter les châtimens qui suivent les aides de ces parties, quand elles sont administrées en vain ; & en le châtiant enfin avec le fer, supposé qu’il persiste & qu’il persévere dans son inapplication. Du reste on doit penser qu’il est des chevaux plus distraits les uns que les autres ; il faut aussi beaucoup plus de tems pour frapper leur mémoire & leur intelligence. (e)