L’Encyclopédie/1re édition/EQUITÉ

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EQUITÉ, sub. f. (Morale, Droit politiq.) c’est, en général, cette vertu par laquelle nous rendons à chacun ce qui lui appartient justement, conformément aux différentes circonstances où chaque personne peut être relativement à notre égard & aux lois de la société.

On confond quelquefois l’équité avec la justice ; mais cette derniere paroît plûtôt désignée pour récompenser ou punir, conformément à quelques lois ou regles établies, que conformément aux circonstances variables d’une action. C’est par cette raison que les Anglois ont une cour de chancellerie ou d’équité, pour tempérer la sévérité de la lettre de la loi, & pour envisager l’affaire qui y est portée, uniquement par la regle de l’équité & de la conscience. Cette cour de chancellerie est un des beaux établissemens qu’il y ait en Angleterre, & des plus dignes d’être imité par les nations civilisées.

En effet, l’intérêt d’un souverain & son amour pour ses peuples, qui l’engage à prendre garde qu’il ne se fasse rien dans son empire de contraire au bien commun, demande aussi qu’il redresse, qu’il rectifie, & qu’il corrige ce qui peut avoir été fait de tel.

Ainsi l’équité, prise dans ce sens particulier, est une volonté du prince, disposée par les regles de la prudence à corriger ce qui se trouve dans une loi de son état, ou dans un jugement civil de la magistrature établie par ses ordres, quand les choses y ont été reglées autrement que la vûe du bien commun ne le demanderoit dans les circonstances proposées ; car il arrive souvent que la loi se servant d’expressions générales, ou la foiblesse de l’esprit humain étant telle qu’elle empêche les législateurs de prévoir tous les cas possibles, les chefs de l’état s’éloignent du but auquel ils tendoient sincerement.

L’amour du bien commun exige donc alors, que les législateurs mêmes, après avoir examiné de près les circonstances du cas présent mieux qu’ils n’ont pû le faire en l’envisageant de loin, corrigent par une cour d’équité, à la faveur de la connoissance plus parfaite qu’ils ont des choses exposées à leurs yeux, ce qu’ils avoient établi pour regle là-dessus.

C’est de la loi naturelle que tire toute son autorité un jugement favorable, où l’on prononce, non à la rigueur, mais avec un adoucissement équitable ; & par conséquent cette loi naturelle est la vraie source de l’équité, digne de toute notre attention. Voy. Loi naturelle.

Outre son usage très-important dans la correction des lois civiles, & quand il s’agit de faire de telles lois, elle est de la derniere nécessité dans les cas où les lois civiles se taisent, & pour le dire en un mot, dans la pratique de tous les devoirs des hommes les uns envers les autres, dont elle est la regle & le fondement.

En effet, ce n’est point des conventions humaines & arbitraires que dépend l’équité ; son origine est éternelle & inaltérable, de maniere que si nous étions libres du joug de la religion, nous ne devrions pas l’être de celui de l’équité ; aussi quelle joie, dit M. de Montesquieu, quel plaisir pour un homme, quand il s’examine, de trouver qu’il a le cœur juste ! Il voit son être autant au-dessus de ceux qui ne goûtent pas ce bonheur, qu’il se voit au-dessus des tigres & des ours ; oui, Rhédi, ajoûte cet aimable & vertueux écrivain, sous le nom d’Usbek (Lett. Pers. lxxxj.), si j’étois sûr de suivre inviolablement cette équité que j’ai devant les yeux, je me croirois le premier des hommes ! Voyez Droit, Justice, Economie politique, Bien, Mal, &c. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

* Equité, (Mythol.) divinité des Grecs & des Romains. Ils la représentoient tenant une épée d’une main, & une balance de l’autre. Ils la confondoient quelquefois avec Astrée & avec la Justice ; quelque fois ils l’en distinguoient. Pindare donne trois filles à l’Equité, la Paix, Eunomie, & Dicé.