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L’Encyclopédie/1re édition/ERGOT

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ERGOT, s. m. (Hist. nat.) C’est ainsi que l’on appelle une sorte de corne molle qui se trouve derriere le boulet du cheval, qui est recouverte par le poil du fanon. On a aussi donné le même nom aux châtaignes ou lichenes du même animal, qui sont de petites tumeurs sans poil, de la grosseur d’une châtaigne, & de la consistence d’une corne molle : il y en a une dans chacune des quatre jambes, placée, dans celles de devant, en-dedans du bras, un peu au-dessus & à côté du genou ; & dans les jambes de derriere, un peu au-dessus & à côté du jarret. Mais les ergots proprement dits, sont derriere les boulets du cheval & des animaux à pié fourchu : ceux-ci en ont deux à chaque pié ; ils sont composés chacun d’une corne de même nature que celle des sabots de chaque doigt. On nomme, en terme de chasse, les ergots du sanglier, du cerf, du chevreuil, &c. les gardes. On a aussi donné le nom d’ergot aux éperons du coq. Voyez Coq. (I)

Ergot, (Agricult. & Econom. domest.) maladie singuliere dont le seigle est attaqué. Quelques-uns donnent ce nom au grain même qui est attaqué de la maladie, & qu’on appelle aussi blé cornu ; & ces noms viennent en général de ce que le grain de seigle malade a quelque ressemblance avec la figure d’un ergot de coq. Langius, medecin & savant naturaliste, est un des auteurs qui ont le mieux décrit cette maladie du seigle, & ses effets funestes. Voyez Act. Lips. 1718, p. 309. Les grains attaqués sont plus gros que les autres ; d’une couleur noire ; ont un goût acre ; sont fendus en plusieurs endroits, suivant leur longueur, &c. Le seigle ergoté, mêlé dans le pain, produit des effets funestes : c’est sur-tout en 1709 qu’on l’a observé. Les seigles de la Sologne contenoient près d’un quart de blé-cornu, que les pauvres gens négligeoient de séparer du bon grain, à cause de l’extreme disette qui suivit le grand hyver : le pain infecté de ce blé, donna à plusieurs une gangrene affreuse, qui leur fit tomber successivement & par parties tous les membres. Voyez mém. acad. des Sciences, 1709, pag. 63.

La plûpart des auteurs qui ont parlé de cette maladie, l’attribuent aux brouillards qui gâtent les épis. M. Tillet, directeur de la monnoie de Troyes, combat cette explication, dans une excellente dissertation sur la cause qui corrompt les grains de blé dans les épis ; dissertation couronnée avec justice par l’académie de Bordeaux en 1754, & imprimée dans la même ville en 1755. Comment, dit-il, les brouillards qui produisent l’ergot dans le seigle, ne produisent-ils jamais cette maladie dans l’orge, dans l’avoine, ni même dans une quantité prodigieuse d’épis de froment sans barbe, & où l’on ne voit presque jamais d’ergot ? D’ailleurs les brouillards couvrant ordinairement une certaine partie de terrein, devroient produire un effet assez général ; or souvent un épi est ergoté, sans que son voisin le soit ; un arpent est ergoté, sans que l’arpent voisin ait souffert : un épi même n’est jamais entierement ergoté. Enfin le seigle qui est au haut des pieces ensemencées, est attaqué de l’ergot, comme celui qui est au bas, & qui sembleroit devoir plus souffrir de l’humidité & du brouillard ; & le seigle est ergoté dans les années seches comme dans les pluvieuses. A ces preuves on peut ajoûter les suivantes. L’ergot n’est pas une maladie particuliere au seigle, il attaque la plante appellée gramen loliaceum, le gramen micosuros de la plus petite espece, & l’ivraie. Ces trois plantes sont ergotées dans des lieux & des tems secs, comme dans des lieux & des tems humides. Souvent ces plantes ne souffrent point de l’ergot dans des lieux inondés, où le seigle & le froment sont noyés sans ressource. L’ergot ne vient donc point de l’humidité.

M. Tillet croit devoir plûtôt l’attribuer à la piquûre de quelqu’insecte ; en examinant plusieurs grains de seigle ergotés, il y a apperçû un petit ver à peine sensible aux yeux : ce ver renfermé dans un gobelet de crystal avec le grain ergoté, se nourrit de ce grain, & le consomme. En ce cas l’ergot seroit semblable à plusieurs maladies qu’on observe dans d’autres plantes, & qui sont causées de même par des piquûres d’insectes. Voyez Galle, &c.

Langius croit qu’il y a de l’ergot nuisible à ceux qui en mangent, & de l’ergot qui ne l’est pas. M. Tillet croit que l’ergot est toûjours nuisible, mais qu’il doit être pour cela en certaine quantité.

Le froment, selon les observations de M. Tillet, est aussi sujet à l’ergot, mais le cas est rare : la poussiere des grains ergotés ne paroît pas contagieuse comme la poussiere des grains de froment cariés. Voyez l’article Grains, où nous donnerons un extrait plus étendu de l’excellent ouvrage de M. Tillet ; ouvrage également recommandable par l’importance de l’objet qu’il se propose, & par l’intelligence avec laquelle il l’a rempli.

L’auteur, depuis la publication de sa dissertation imprimée à Bordeaux en 1755, dédiée & présentée au Roi au mois de Mai de la même année, a ajoûté à cette dissertation de nouvelles réflexions, fruit de ses nouvelles expériences, & imprimées à Paris dans le cours du même mois de Mai. Voici en peu de mots un précis de ce qu’on lit sur l’ergot dans ces nouvelles recherches.

M. Tillet a trouvé quelques épis ergotés, tant dans les endroits où il avoit semé le seigle pur, que dans ceux où il avoit été sali avec la poussiere de quelques ergots broyés ; preuve que cette poussiere n’a rien de contagieux pour le grain.

Il a conservé, malgré le grand froid, plusieurs des insectes ou petites chenilles qu’il avoit trouvées dans les grains ergotés. Quelques-unes se changerent en assez jolis papillons d’une très-petite espece, semblables à d’autres que M. Tillet avoit vûs sur la surface de l’eau d’un cuvier exposé au soleil, & qu’il ne se rappelle point d’avoir vûs en plaine campagne. Ces papillons avoient attaché à des grains de seigle des œufs qui avoient produit les petites chenilles, auxquelles les ergots ont servi de nourriture. Il y a apparence, suivant les observations de M. Tillet, que l’ergot commence à se former par le suintement de la liqueur contenue dans le grain altéré par l’insecte.

Parmi un grand nombre d’ergots, il n’y en a qu’un très-petit nombre qui contiennent des chenilles ; la plûpart des grains, altérés simplement par l’insecte, selon M. Tillet, ne reçoivent point d’œufs, ou les œufs périssent. Quelquefois une chenille consomme entierement l’ergot, & n’y laisse que l’écorce, qui sert alors comme d’enveloppe à l’insecte.

S’il y a des années où l’ergot est très-commun, & d’autres où il est très-rare, il est facile d’expliquer ces différences par le tems plus ou moins favorable à la propagation des chenilles, les accidens qui peuvent les faire périr, &c. C’est ainsi qu’il y a des années où les arbres à fruit souffrent considérablement, & d’autres où ils sont très-peu endommagés, selon que l’année est plus ou moins favorable à la production des insectes qui dévorent ces fruits. (O)

Ergot, s. m. (Manége, Maréchallerie.) Nous appellons de ce nom un corps d’une consistance plus ou moins molle, d’un volume plus ou moins considérable dans certains chevaux que dans d’autres, & d’une forme vague & irréguliere, qui est situé sur chaque jambe derriere le boulet, & que le fanon recouvre ; communément il a moins de dureté que la châtaigne, & cette espece de corne est dénuée toûjours de poil. Je ne sais quelle est l’intention des Maréchaux, qui pratiquent sur ce corps une incision cruciale, & qui le fendent ainsi dans le cas des enflûres des jambes, des boulets, & dans celui des eaux, des mules traversines, des grappes, &c. ce qu’ils appellent desergoter. Je ne leur ferai néanmoins aucune question à cet égard, parce que je suis très persuadé que leur réponse ne présenteroit rien de satisfaisant. Ce dont je ne suis pas moins assûré, c’est qu’une pareille opération est inutile, & en pure perte. (e)