L’Encyclopédie/1re édition/FEUILLE

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FEUILLE, s. f. (Botan.) en latin, folium, lorsqu’on parle de feuilles des plantes ; & pétale, petalum, quand on parle de feuilles des fleurs. C’est Columna qui le premier a fixé le mot pétale à signifier la feuille des fleurs, & nous avions besoin de ce nouveau terme (voyez donc Pétale) ; car nous ne parlons ici que des feuilles des plantes, d’après la méthode de M. de Tournefort, que nous suivons assez volontiers dans cet ouvrage.

Tout le monde connoît de vûe cette partie des plantes nommée feuilles, qui vient ordinairement au printems, & qui tombe au commencement de l’autonne. Tout le monde sait encore qu’il y a des plantes qui les conservent, & d’autres qui n’en ont point, comme les truffes, & quelques especes de champignons.

On peut considérer les feuilles des plantes par rapport à leur structure, à leur superficie, à leur figure, à leur consistance, à leurs découpures, à leur situation & à leur grandeur.

Par rapport à leur structure, les feuilles sont ou simples ou composées.

Les feuilles simples sont celles qui naissent seules sur la même queue, ou qui sont attachées immédiatement à la tige & aux branches, sans être subdivisées en d’autres feuilles ; telles sont les feuilles du poirier, du pommier, du giroflier, de l’œillet.

Les feuilles composées sont rangées plusieurs ensemble sur la même queue ou sur la même côte, ou bien elles sont divisées en plusieurs autres feuilles ; ensorte que le tout ensemble se prend pour une seule feuille : telles sont les feuilles du rosier, du persil, de l’angélique, du chanvre, &c.

Par rapport à la superficie, les feuilles sont plates, creuses, en bosse, lisses, rares, velues, &c.

Les feuilles plates, considérées par rapport à leur figure, sont rondes, comme celles de la nummulaire ; rondes à oreillons, comme celles du cabaret ; en fer de pique, comme celles de l’origan ; oblongues, comme celles de l’androsœmum ; à pans, comme celles de la bryone du Canada ; pointues par les deux bouts & larges vers le milieu, comme celles du laurier-rose ; étroites & longues, comme celles de l’œillet & du chien-dent ; presqu’ovales, terminées en pointe, comme celles du chanvre jaune fertile.

Les feuilles creuses sont ou fistuleuses, comme celles du petit asphodele, de l’oignon, &c. ou pliées en gouttiere, comme celles de l’asphodele commun, qui sont aussi relevées en côtes par-dessous.

Les feuilles en bosse sont cylindriques dans quelques plantes, comme celles de plusieurs sortes de soude, de salicot & de joubarbe. Elles sont quelquefois à trois coins, comme on le voit dans quelques especes de ficoïdes. Il y en a quelques-unes qui sont anguleuses & irrégulieres ; savoir celles de la fritillaire épaisse, fritillaria crassa.

Par rapport à la consistence, les feuilles sont ou minces ou deliées, comme celles du mille-pertuis ; ou épaisses, comme celles du pourpier ; ou charnues, comme celles de plusieurs sortes de joubarbe ; ou drapées, comme celles du bouillon-blanc.

Par rapport aux découpures, les feuilles sont découpées legerement ou profondement.

Les feuilles découpées legerement, sont crenelées, dentelées, frisées & plissées.

Les feuilles crenelées ont les découpures à anse à panier, ou en tiers-point, comme celles des especes d’egeum.

Les feuilles dentelées sont découpées à dent de scie plus ou moins régulierement, comme celles du rosier ou du chanvre jaune fertile.

Les feuilles découpées profondément, sont découpées jusqu’à la tête ou jusqu’à la base, ou d’une maniere particuliere ; savoir en trefle ou fleche, &c.

Celles qui sont découpées jusqu’à la côte, le sont en différentes manieres. Il y en a quelques-unes qui sont découpées irrégulierement jusqu’à la côte, comme celles de l’armoise ; quelques autres le sont en feuilles d’acanthe, en feuilles de céterac, en feuilles de méliante. Cette derniere découpure est singuliere, & l’on peut la proposer, quoique la méliante soit une plante assez rare.

Les feuilles composées sont soûtenues par une queue, ou rangées sur une côte simple, ou sur une côte branchue.

Les feuilles soûtenues sur une queue, sont ou deux à deux, comme celles du fabago ; ou trois à trois, comme celles du trefle & de l’ellébore noir trifolié : ou sur la même queue, comme celles de l’agnus castus ; ou en plus grand nombre, disposées en éventail ouvert ; savoir celles de la plûpart des especes d’ellébore noir.

Les feuilles rangées sur une côte, sont ou rangées par paires, ou elles naissent alternativement sur une côte.

La côte de celles qui sont rangées par paires, est terminée par une seule feuille, comme celle de la reglisse ; ou terminée par une paire de feuilles, comme celle de la sophera, de l’orobe, &c. Les feuilles qui sont sur ces côtes, sont à-peu-près égales, comme on le voit dans celles dont on vient de parler ; mais il s’en trouve aussi quelques-unes qui sont entre-semées de plusieurs autres feuilles plus petites.

Les feuilles composées de plusieurs feuilles, rangées sur une côte branchue, sont ou à grandes feuilles ou à petites feuilles, ou bien elles sont laciniées, c’est-à-dire composées de feuilles étroites & longues comme des lanieres. Celles de l’angelica alpina ad nodos florida, sont à grandes feuilles ; celles du persil ou de la ciguë, sont à petites feuilles ; celles du fenouil & du meum sont laciniées ou découpées en lanieres fort étroites.

Par rapport à la situation, les feuilles sont ou alternes, c’est-à-dire rangées alternativement le long des tiges & des branches, comme celles de l’alaterne ; ou opposées deux à deux, comme celles de la phillyria ; ou opposées en plus grand nombre, & disposées en rayon ou en fraise, comme celle des especes de rubia.

Par rapport à la grandeur, les feuilles sont ou très grandes, comme celles de colocasia, de sphondylium, &c. ou médiocres, comme celles du pié-de-veau, de la bistorte, du figuier, &c. ou petites, comme celles du pommier, du poirier, du pêcher, &c. ou enfin très-menues, comme celles du mille-pertuis, de la renoüée, du coris, & de plusieurs autres plantes. Voyez les élémens de Botanique, & l’explication de nos Planches d’Histoire naturelle.

M. Linnæus est entré dans un plus grand détail pour diviser les feuilles en classes, en genres & en especes. Il en fait trois classes, dont la premiere comprend les feuilles simples, la seconde les feuilles composées, & la troisieme les feuilles déterminées.

Les feuilles simples sont seules, chacune sur un pédicule ou petiole. On les distingue en sept ordres, par des caracteres tirés de la circonférence, des angles, des sinus, de la bordure, de la surface, du sommet & des côtés de ces feuilles : ces sept ordres sont sous-divisés en 78 genres.

M. Linnæus distingue trois sortes de feuilles composées ; savoir les composées proprement dites, les recomposées, decomposita ; & les sur-composées, supra-decomposita. On a donné le nom de foliole, foliolum, à chacune des petites feuilles qui composent la grande. Les feuilles composées proprement dites, sont celles qui se trouvent plusieurs ensemble sur un même pédicule simple ou branchu ; les recomposées sont celles dont le pédicule commun se divise & se subdivise avant de former le pédicule particulier à chaque foliole. Dans les feuilles sur-composées, le pédicule commun se divise plus de deux fois avant d’arriver aux folioles. Il y a quatorze genres de feuilles composées.

Les feuilles déterminées sont celles que l’on distingue des autres par leur direction, leur position sur la plante, leur insertion, & leur situation respective, sans avoir égard à leur forme ni à leur structure. Ces feuilles déterminées sont divisés en 34 genres ; ce qui fait en tout 126 genres de feuilles, dont on peut faire un beaucoup plus grand nombre d’especes, en employant leurs caracteres pour la description des plantes. Voyez floræ parisiensis prodrom. par M. Dalibard. Paris, 1749. (I)

Observations sur la distribution, les usages, l’utilité, la multiplication, la direction, le retournement des feuilles, leur inspection au microscope, l’art de les disséquer, & d’en prendre l’empreinte. Les Botanistes se sont déjà beaucoup exercés à chercher dans les feuilles, des caracteres propres à distinguer les plantes, à les ranger en classes & en genres ; & si cette ingénieuse idée ne réussit pas, du moins peut-elle fournir des vûes & des avantages assez importans. Les mêmes Botanistes ont tâché de ramener toutes les distributions différentes des feuilles à des classes fixes. M. Bonnet, si distingué par ses connoissances en l’Histoire naturelle, a établi cinq ordres principaux de cette distribution dans son bel ouvrage sur les feuilles, publié à Leyde en 1754, in-4°. avec figures ; & quoiqu’on puisse sans doute découvrir de nouveaux genres de distribution, sa méthode ne mérite pas moins nos éloges.

Le premier ordre, que ce curieux observateur appelle alterne, & qu’il faut regarder comme le plus simple, est celui dans lequel les feuilles sont distribuées le long des branches, sur deux lignes paralleles à ces mêmes branches, & diamétralement opposées l’une à l’autre ; ensorte qu’une feuille placée sur la ligne droite, est suivie immédiatement d’une autre située sur la ligne gauche : celle-ci l’est d’une 3e placée sur la ligne droite, & ainsi alternativement.

Le second ordre, que l’on peut nommer à paires croisées, est composé de feuilles distribuées par paires vis-à-vis l’une de l’autre, de façon que celles d’une paire croisent à angles droits celles de la paire qui suit.

Le troisieme ordre, que les Botanistes connoissent sous le nom de feuilles verticillées, est celui dans lequel les feuilles sont distribuées autour des tiges ou des branches, à-peu-près comme les rayons d’une roue le sont autour du moyeu. Cet ordre peut être sous-divisé par le nombre des feuilles, suivant qu’elles sont distribuées de trois en trois, de quatre en quatre, &c.

Le quatrieme ordre peut se nommer en quinconce, & est composé de feuilles distribuées de cinq en cinq.

Le cinquieme ordre, qui est le plus composé, peut se nommer à spirales redoublées ; il est formé de feuilles arrangées sur plusieurs spirales paralleles. Le nombre de ces spirales, & celui des feuilles dont chaque tour est composé, peuvent donner naissance à des sous-divisions ; traçons sur un bâton trois ou cinq spirales paralleles ; sur chaque tour de ces spirales piquons à une distance à-peu-près égale les unes des autres, sept ou onze épingles, & nous aurons une idée très-nette de cet arrangement. Le pin & le sapin sont de ce cinquieme ordre qui est extremement rare.

On ne peut voir ces divers ordres de distributions de feuilles, sans se livrer aux sentimens d’admiration pour les lois éternelles, qui ont merveilleusement approprié les moyens à la fin.

On est pénétré des mêmes sentimens, quand on considere la régularité avec laquelle les feuilles sont couchées & pliées avant que de sortir du bouton, & la prévoyance de la Nature pour les mettre à l’abri de tout accident. La position réguliere des feuilles est telle, qu’elle embrasse la sixieme partie d’un cercle, comme dans le syringa, ou la huitieme comme dans la mauve, & généralement la douzieme comme dans le houx.

Le soin que la nature a pris de la conservation des feuilles, n’est pas moins digne d’attention ; en effet, autant que leur figure le permet, elles sont toûjours défendues par les autres parties du bouton, ou se servent de défense respective. Lorsqu’elles sont en trop petit nombre & trop minces pour former ensemble un corps élevé en surface convexe, alors elles se déployent ou se roulent en tant de manieres, qu’il a fallu inventer des mots pour pouvoir les exprimer. A ces différens rouleaux, établis pour la défense des feuilles, nous pouvons ajoûter celle que procure l’interposition de diverses membranes fines qui servent au même but. Le docteur Grew en compte jusqu’à six, qu’il désigne par les noms de feuilles, de surfeuilles, d’entre-feuilles, de tiges des feuilles, de chaperons, & de petits manteaux ou voiles qui les couvrent. Voy. l’anat. des plantes de ce curieux physicien, liv. I. tab. 41, 42. Voyez aussi Malpighi de gemmis ; nous ne pouvons pas entrer dans ces détails.

Les feuilles si bien distribuées, si variées dans leurs formes, si régulierement couchées & pliées, si savamment défendues contre les accidens, n’ont pas été données aux plantes uniquement pour les orner ; elles ont des usages plus importans, & qui répondent mieux aux grandes idées que nous avons de l’ordre général.

Entre ces usages, celui d’élever le fluide nourricier, est un des principaux & des mieux constatés par les belles expériences de M. Hales ; mais la préparation de ce fluide, l’introduction de l’air dans le corps de la plante, & la succession des particules aqueuses répandues dans l’atmosphere, ont d’autres fonctions, qui demandent encore d’être approfondies.

On distingue deux surfaces dans les feuilles des plantes ; la surface supérieure, ou celle qui regarde le ciel, & la surface inférieure, ou celle qui regarde la terre ; ces deux surfaces different sensiblement l’une de l’autre dans presque toutes les plantes terrestres. La surface supérieure est ordinairement lisse & lustrée, ses nervûres ne sont pas saillantes ; la surface inférieure est pleine de petites aspérités, ou garnie de poils courts, ses nervûres ont du relief, & sa couleur toujours plus pâle que celle de la surface supérieure n’a que peu ou point de lustre. Ces différences assez frappantes ont sans doute une fin. L’expérience démontre que la rosée s’éleve de la terre ; la surface des feuilles auroit-elle été principalement destinée à pomper cette vapeur, & à la transmettre dans l’intérieur de la plante ? La pointe des feuilles relativement à la terre, & le tissu de leur surface inférieure, semblent l’indiquer.

Il y a une étroite communication entre toutes les parties de la feuille ; les vaisseaux en s’abouchant les uns avec les autres, se communiquent réciproquement les sucs qu’ils reçoivent des pores absorbans les plus voisins ; une médiocre attention suffit, pour découvrir à l’œil cette communication ; elle forme sur les deux côtés de la feuille, une espece de réseau qu’on ne se lasse point d’admirer, lorsqu’il est devenu plus sensible par une longue macération, ou que de petits insectes ont consumé la substance délicate qui en remplissoit les moelles ; mais cette correspondance réciproque jusqu’où s’étend-elle ? Les feuilles se transmettent-elles mutuellement les sucs qu’elles ont pompés ?

Il est bien prouvé que les plantes tirent leur humidité par leurs feuilles ; il ne l’est pas moins, qu’il y a une étroite communication entre ces feuilles, & que cette communication s’étend à tout le corps de la plante. Ainsi on peut dire que les végétaux sont plantés dans l’air, à peu près comme ils le sont dans la terre. Les feuilles sont aux branches, ce que le chevelu est aux racines. L’air est un terrain fertile, où les feuilles puisent abondamment des nourritures de toute espece. La nature a donné beaucoup de surface à ces racines aëriennes, afin de les mettre en état de rassembler plus de vapeurs & d’exhalaisons : les poils dont elle les a pourvûes, arrêtent ces sucs ; de petits tuyaux, toujours ouverts, les reçoivent, & les transmettent à l’intérieur. On peut même douter si les poils ne sont pas eux-mêmes des especes de suçoirs.

Dans les feuilles des herbes, les deux surfaces ont une disposition à-peu-près égale à pomper l’humidité ; au lieu que dans les feuilles des arbres, la surface inférieure est ordinairement plus propre à cette fonction que la surface supérieure : la raison de ces différences vient vraissemblablement de la nature du tissu.

Les bulles qui s’élevent en si grand nombre sur les feuilles qu’on tient plongées dans l’eau, prouvent que l’air adhere fortement à ces parties de la plante ; on peut en inférer que les feuilles ne servent pas seulement à pomper l’humidité, mais qu’elles sont encore destinées à introduire dans le corps des végétaux beaucoup d’air frais & élastique.

Les expériences de M. Hales démontrent que les feuilles sont le principal agent de l’ascension de la séve, & de sa transpiration hors de la plante. Mais la surface supérieure étant la plus exposée à l’action du soleil & de l’air (causes premieres de ces deux effets), on pourroit inférer que cette surface est celle qui doit avoir ici le plus d’influence : elle est d’ailleurs très-propre par son extrème poli, à faciliter le départ du suc ; il ne se trouve ordinairement ni poils, ni aspérités qui puissent le retenir & l’empêcher de céder à l’impression de l’air qui tend à le détacher. Ainsi le principal usage de la surface supérieure des feuilles consiste peut-être à servir de défense ou d’abri à la surface inférieure, à fournir un filtre plus fin, qui ne laisse passer que les matieres les plus subtiles.

Dès que les feuilles servent à la fois à élever le suc nourricier & à en augmenter la masse, nous avons un moyen très-simple d’augmenter ou de diminuer la force d’une branche dans un arbre fruitier : nous l’augmenterons en laissant à cette branche toutes ses feuilles ; nous le diminuerons par le procédé contraire. Nous comprendrons par le même moyen, que le vrai tems d’effeuiller n’est pas celui où le fruit est dans son plein accroissement ; il a besoin alors de toutes ses racines : les feuilles qui l’environnent immédiatement, sont ses racines.

Si l’on dépouille une plante de toutes ses feuilles à mesure qu’elles paroissent, cette plante périra. L’herbe commune de nos prairies & celle de nos paturages, semble d’abord une exception à cette regle générale ; mais il faut considérer, que quoique nos bestiaux, mangent les feuilles à mesure qu’elles croissent, néanmoins ils n’emportent qu’une très-petite partie de la feuille qui s’éleve pour lors en tige. D’ailleurs il y a une succession constante de nouvelles feuilles, qui poussent à la place des vieilles, & comme elles sont enfoncées en terre, & très courtes, elles suppléent à celles qui ont été dévorées. De plus, il est certain que l’on fait tort au sainfoin, aux luzernes, aux trefles, quand on les fait paître de trop près par les bestiaux. Quoique la racine vivace du sainfoin, le fasse pousser plusieurs années, la récolte de cette denrée, qui est un objet de conséquence, est souvent détruite de bonne heure, lorsqu’on souffre que le bétail s’en nourrisse à discrétion. On ne peut donc approuver la pratique des fermiers, qui mettent leurs troupeaux sur leurs blés quand ils les trouvent trop forts.

Personne n’ignore que plusieurs especes de plantes ont pour leur conservation des feuilles printannieres, & des feuilles automnales. Ces dernieres rendent un service infini à quelques arbres, par exemple, au mûrier, & lui sauvent la vie quand toutes les feuilles printannieres ont été mangées par les vers à soie.

Il est des feuilles dont les principales fonctions sont moins de pomper l’humidité, & d’aider à l’évaporation des humeurs superflues, que de préparer le suc nourricier, & de fournir peut-être de leur propre substance, une nourriture convenable à la petite tige qu’elles renferment ; la pomme du chou en est un exemple extrèmement remarquable : concluons que les feuilles, de quelque façon qu’on les considere, fournissent aux plantes de tels avantages, que leur vie dépend de leurs feuilles, de maniere ou d’autre. Ainsi l’étroite communication qui est entre les parties d’un arbre, & sur-tout entre les feuilles & les branches, doit rendre très-attentif à l’état des feuilles ; & s’il leur survient quelquefois des maladies qu’elles communiquent aux branches, on en préviendra l’effet en retranchant les feuilles altérées ou mal-saines.

On ne peut douter de la vérité des expériences d’Agricola sur la multiplication des plantes par leurs feuilles ; M. Bonnet a répété ces expériences avec un succès égal, sur-tout dans les plantes herbacées. Voyez son excellent ouvrage cité ci-dessus.

La direction des feuilles est un autre objet qui mérite notre considération. M. Linnæus parle de la direction des feuilles comme d’un caractere, mais elle n’est qu’un pur accident. On a beaucoup admiré le retournement de la radicule dans les graines semées à contre-sens ; on n’a pas moins admiré le mouvement des racines qui suit ceux d’une éponge imbibée d’eau. Les feuilles si semblables aux racines dans une de leurs principales fonctions, leur ressembleroient-elles encore par la singuliere propriété de se retourner, ou de changer de direction ? M. Bonnet s’est assûré de la vérité de cette conjecture par diverses expériences très-curieuses. Toutes choses égales, les jeunes feuilles se retournent plus promptement que les vieilles, celles des herbes, que celles des arbres ; & ce retournement est plus prompt dans un tems chaud & serain, que dans un tems froid & pluvieux.

Les feuilles qui ont subi plusieurs inversions, paroissent s’amincir ; leur surface inférieure se desseche, & semble s’écailler. Le Soleil par son action sur la surface supérieure des feuilles, change souvent leur direction, & les détermine à se tourner de son côté ; il rend encore la surface supérieure des feuilles concave en maniere d’entonnoir ou de gouttiere, dont la profondeur varie suivant l’espece ou le degré de chaleur ; la rosée produit un effet contraire.

Quoique le retournement des feuilles s’exécute sur le pédicule, ce retournement s’opere encore souvent sans que le pédicule y ait aucune part. Enfin les feuilles ont la propriété de se retourner, quoiqu’elles soient séparées de la plante ; cette même propriété se manifeste aussi dans des portions de feuilles coupées à volonté ; est-ce la lumiere, la chaleur, la communication de l’air extérieur qui opere ce retournement ? on ne peut encore offrir là-dessus que des conjectures, & d’autant mieux que les feuilles se retournent dans l’eau comme dans l’air.

L’inspection des feuilles au microscope nous offre le spectacle de mille autres beautés frappantes que l’œil nud ne peut appercevoir : vous en serez convaincu par la lecture des observations microscopiques de Bakker. La feuille de rose, par exemple, en particulier de certaines roses, est toute diaprée d’argent sur sa surface externe. Celle de sauge offre une étoffe raboteuse, mais entierement formée de touffes & de nœuds aussi brillans que le crystal. La surface supérieure de la mercurielle est un vrai parquetage argentin, & ses côtes un tissu de perles rondes & transparentes, attachées en maniere de grappes, par des queues très-fines & très-déliées. Les feuilles de rue sont criblées de trous semblables à ceux d’un rayon de miel ; d’autres feuilles présentent comme autant d’étoffes ou de velours raz de diverses couleurs. Mais que dirai-je de la quantité presque innombrable de pores de certaines feuilles ? Leuwenkoek en a compté plus de 162 mille sur un seul côté d’une feuille de buis. Quant aux singularités de la feuille d’ortie piquante dont nous devons la connoissance au microscope, voyez Ortie.

L’industrie des hommes est parvenue à disséquer les feuilles supérieurement. L’on fait aujourd’hui par art des squelettes de feuilles beaucoup plus parfaits que ceux que nous fournissent les insectes, si vantés dans ce travail par quelques naturalistes. Severinus est un des premiers qui ait montré l’exemple, quoique seulement sur un petit nombre de feuilles. Mais de nos jours Musschenbroek, Kundman, & autres, ont poussé le succès jusqu’à faire des squelettes de toutes sortes de feuilles. Voyez aussi les observations & expériences de Thummingius sur l’anatomie des feuilles dans le journal de Leipsick, ann. 1722. page 24.

Enfin Boyle, car il faut finir, a indiqué un moyen de prendre l’empreinte grossiere de la figure des feuilles de toutes sortes de plantes. Noircissez une feuille quelconque à la fumée de quelque résine, du camphre, d’une chandelle, &c. Ensuite après avoir noirci cette feuille suffisamment, mettez-la en presse entre deux papiers brouillards, par exemple deux papiers de la Chine, & vous aurez l’exacte étendue, figure, & ramifications des fibres de votre feuille. Voyez Boyle’s Works Abridg’d, vol. I. page 132. Cette méthode néanmoins ne peut guere être d’usage qu’à ceux qui ne savent pas dessiner, & l’empreinte s’efface très-aisément en tout ou en partie.

Au reste, on s’appercevra par les détails qu’on vient de lire, qu’un sujet de Physique, quelque stérile qu’il paroisse, devient fécond en découvertes à mesure qu’on l’approfondit ; mais ce n’est pas à moi qu’appartient cet honneur ; il est dû sur cette matiere aux Grew, aux Malpighi, aux Hales, aux Bonnet, & à ceux qui les imiteront. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Feuilles, (Econom. rustique.) On tire dans l’économie rustique d’assez grands avantages des feuilles d’arbres ou d’arbrisseaux ; par exemple, les feuilles d’ormes & de vignes cueillies vertes, se donnent en nourriture aux bêtes à cornes dans les pays où les pâturages manquent. Les feuilles de mûrier servent à nourrir les vers à soie, mais il faut prendre garde de ne pas trop effeuiller cet arbre ; car si l’on dépouilloit sa tige par le bas, on risqueroit de le faire périr. Les feuilles tombées & rassemblées en monceaux, fournissent un excellent fumier pour fertiliser les terres. Enfin on pourra dans la suite tourner les feuilles d’arbres, du moins celles de certains arbres étrangers, à plusieurs usages qui nous sont encore inconnus, & dont on devra la découverte au tems, au hasard, à la nécessité, ou si l’on veut à l’industrie. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Feuille ambulante, (Hist. des Insectes.) nom d’un insecte aîlé des Indes, sur lequel par malheur les observations fideles nous manquent encore. Les aîles de cet insecte ressemblent assez bien par leur forme, leurs nervûres, & leur couleur, à des feuilles d’arbres. Quelques-uns ont les aîles d’un verd naissant, d’autres d’un verd foncé, & d’autres les ont feuille morte. Mais on assûre de plus, que leurs aîles sont de la premiere couleur au printems, de la seconde en été, & de la troisieme vers la fin de l’autonne ; qu’ensuite elles tombent, que l’insecte reste sans aîles pendant tout l’hyver, & qu’elles repoussent au printems suivant. Si tous ces faits étoient véritables, cet insecte seroit bien singulier, & peut-être unique en son genre, car on n’en connoît point dont les aîles soient sujettes à de pareilles vicissitudes ; mais il est très-permis de se défier d’un rapport si singulierement marqué, & vraissemblablement imaginé, entre les aîles d’un insecte étranger & les feuilles de la plûpart de nos arbres. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Feuilles séminales, (Botan.) en latin folia seminalia. On entend par feuilles séminales, deux feuilles simples, douces, non partagées, qui sortent les premieres de la plus grande partie de toutes les graines qu’on a semées.

En effet, quand le germe de la plante a percé l’air de sa pointe, les deux bouts de la fine pellicule qui couvre la pulpe de la graine, étant d’un tissu moins nourri que la tige, s’abaissent peu-à-peu de côté & d’autre, sous la forme de deux petites feuilles vertes, nommées feuilles séminales, ou fausses feuilles, qui sont différentes en grosseur, figure, surface, & position, de celles de la plante qui leur succéderont. Il faut donc les bien distinguer du feuillage que la plante produira par la suite ; car l’épiderme des deux lobes venant à se sécher, ses deux premieres feuilles qui ne sont que les deux bouts de l’épiderme, se sechent de même par une suite nécessaire, tombent, & disparoissent. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Feuille-Indienne, (Mat. med. & Pharmacie.) Voyez Malabatre.

Feuille de Myrte, instrument de Chirurgie, espece de spatule, dont l’extrémité terminée en pointe, le fait ressembler à la feuille de l’arbrisseau dont il porte le nom. L’usage de cet instrument est de nettoyer les bords des plaies & des ulceres, & d’en ôter les ordures que le pus, les onguens, les emplâtres ou autres topiques peuvent y laisser. Cet instrument est ordinairement double ; parce qu’on fait de l’extrémité qui sert de manche, une pince propre à disséquer & à panser les plaies & les ulceres ; ou une petite cuillere pour tirer les balles & autres petits corps étrangers ; ou elle est creusée en gouttiere, & forme une sonde cannelée. Comme la feuille de myrte dont le manche est terminé par une pincette, est la plus difficile à construire & la plus recherchée, c’est celle dont je vais faire la description d’après M. de Garengeot, dans son traité des instrumens de Chirurgie.

Pour fabriquer cet instrument, les ouvriers prennent deux morceaux de fer plat, longs d’environ six pouces, & larges d’un travers de doigt ; ils les façonnent un peu, & les ayant ajustés l’un sur l’autre, ils en mettent un bout dans le feu, afin de le souder de la longueur de deux pouces & quelques lignes ; cet endroit soudé reçoit sous le marteau la figure d’une feuille de myrte, en le rendant comme elle large par son milieu, & le diminuant par ses deux extrémités. Il est plat d’un côté, & de l’autre il a une vive-arrête faite à la lime, qui de sa base se continue jusqu’à la pointe. Les côtés de la vive-arrête vont en arrondissant se terminer à deux tranchans fort mousses, qui font les parties latérales de la feuille de myrte. On observe que la longueur de cette premiere partie de l’instrument n’excede pas deux pouces, ni sa largeur cinq lignes ; & on lui donne une douce courbure, dont la convexité regarde le côté plane, & la cavité presque insensible, le côté de la vive-arrête.

La seconde partie de la feuille de myrte, & qui lui sert de manche, est une pincette formée par les deux morceaux de fer appliqués l’un contre l’autre, & qui ne sont soudés qu’à l’endroit qui caractérise la feuille de myrte. Ces deux morceaux de fer vont en diminuant jusqu’à leur extrémité, & sont limés d’une maniere à les rendre élastiques : ils s’écartent l’un de l’autre par leur propre ressort, qui est encore augmenté par une courburé qu’on donne à chaque branche de la pincette, à l’extrémité intérieure desquelles on a fait des rainures transversales, pour que l’instrument serre plus exactement. Cet instrument est gravé à la Planche I. fig. 3. Il doit avoir cinq pouces quatre ou cinq lignes de long, & les branches, deux à trois lignes de large. (Y)

Feuille de sauge, (Manege, Maréch.) instrument de maréchallerie. Sorte de bistouri dont la forme indique les usages, & auquel nous avons recours lorsqu’il s’agit dans des parties caves & profondes, de couper & d’enlever des chairs superflues, de quelque espece qu’elles puissent être.

La longueur de la lame est d’environ trois pouces. Celle du manche qui lui est adapté par soie ou par quelqu’autre monture fixe, est à-peu-près la même. Cette même lame est pointue ; elle a deux tranchans bombés également en-dedans & en-dehors ; elle est recourbée sur plat, dès le tiers de sa longueur, à compter depuis le manche, suivant la même courbe que celle du bombement de ses tranchans. Cette courbe est l’arc d’un cercle d’environ cinq pouces de rayon. La plus grande largeur de la lame se rencontre à la naissance de la courbure, & ne passe pas huit lignes. Sa surface concave, relativement à sa courbure sur plat, est divisée en deux pans égaux & semblables, depuis le manche jusqu’à la pointe, par une arrête formée par la naissance des deux biseaux qui constituent les tranchans de droite & de gauche. Cette arrête près du manche, a un peu plus d’une ligne de hauteur perpendiculaire, & là se rencontre la plus grande épaisseur de la lame, qui va constamment en décroissant insensiblement jusqu’à sa pointe. Sa surface convexe, toûjours relativement à sa courbure sur plat, est droite dans le sens de sa largeur, ou plûtôt un peu-creusée par la rondeur de la meule. Quant aux côtés, ce n’est que depuis le milieu jusqu’à l’extrémité de la lame, qu’ils sont ordinairement affilés & réellement tranchans. (e)

Feuille de Scie, en Blason, signifie une piece de l’écusson, comme fasce, pal, ou autre semblable, qui est édentée seulement d’un côté ; ainsi nommée, parce qu’elle ressemble à une scie, comme l’explique le mot françois.

Feuille, (Commerce.) signifie en termes de messageries & de voitures publiques, l’extrait ou duplicata des registres de voyage, que portent avec eux les Cochers, Charretiers & Voituriers, & qui leur tient lieu de lettres de voiture. On les appelle feuilles, parce que ces extraits sont écrits sur des feuilles volantes de papier. Elles doivent être toutes conformes aux registres, & porter la quantité, poids & qualité des marchandises, le nom & la qualité des personnes qui sont voiturées par les coches, carrosses, &c. C’est ordinairement sur ces feuilles que ceux à qui les ballots, marchandises & denrées sont adressés, mettent leur décharge au bas des articles qui les concernent, ce qu’on appelle décharger la feuille. Dictionn. de Comm. de Trév. & de Chambers. (G)

Feuilles, s. f. en Architecture, ornement de sculpture, imité de celle de chêne, de laurier, d’acanthe, de persil, &c. qui servent à la décoration des bâtimens tant intérieurs qu’extérieurs. Ces feuilles sont connues en général sous le nom de refend, parce qu’elles sont refendues & différentes de celles qu’on appelle feuilles d’eau, parce que ces dernieres ne sont qu’ondulées. Voyez l’article Sculpture. (P)

Feuille à dos, en terme de Brodeur au métier, ce sont des feuilles que le dessein représente à demi-pliées, & dont on ne voit que le dessous. Ces feuilles sont brodées pour l’ordinaire, d’un point fendu en commençant la nervure, comme dans les autres feuilles, & formant les nuances de la même maniere. V. Point fendu.

Feuille, en terme d’Eventailliste, c’est une feuille de papier préparée pour recevoir la peinture & les autres ornemens dont on a coûtume de la décorer. Cette feuille est coupée de façon qu’elle forme un demi-cercle régulier. Voyez l’article Eventail, & les figures de l’éventailliste.

Feuille de Fer blanc, (Ferblantier.) c’est du fer réduit en feuille, & blanchi avec l’étain. Feuille de fer noir, c’est le même fer, qui n’a point été étamé. On l’appelle aussi de la tôle, quand on lui a laissé une certaine épaisseur.

Feuille de Refend, (Jardinage.) est un double bec de corbin que l’on refend dans le milieu pour la variété, imitant les feuilles d’achante & de persil. (K)

Feuille, (Marqueterie.) se dit de ces menues pieces de bois précieux & de diverses couleurs, que les Ebénistes ou Menuisiers de placage ont réduites en lames d’environ d’une ligne d’épaisseur, avec la scie à refendre. Voyez Marqueterie.

Feuille à mettre sous les pierres, (Metteur-en-œuvre.) C’est une feuille d’argent battu, mince à-peu-près comme une feuille de papier, & brunie ensuite d’un bruni extrèmement doux & vif : on met de cette feuille blanche sous les pierres blanches, pour y donner du brillant, & on teint cette même feuille de toutes couleurs, pour mettre sous les pierres de couleur ; il y a un art à bien couper sa feuille, & à la bien disposer dans le chaton ; car il y a des pierres, & surtout des pierres de couleur, qui perdent beaucoup à n’être pas bien mises sur la feuille.

Feuille, en terme de Miroitier, c’est une couche d’étain, de vif-argent, &c. que l’on applique sur le derriere d’un miroir, afin qu’il refléchisse les rayons de lumiere avec plus d’abondance. Voyez Etamer.

Feuille, terme d’Orfévre, se dit de tout ornement représentant feuille de persil, de choux ou autres, que l’on applique sur divers ouvrages d’orfévrerie, comme chandelier, éguiere, écuelle & autres. On se sert aussi de ce terme pour exprimer en gravûre de certains ornemens délicats, qui ont quelque similitude avec les feuilles de la nature, par les rouleaux, les revers & les refentes dont elles sont remplies.

Feuille de Papier, (Papetier.) c’est du papier qui après être sorti du moule & avoir été collé & seché, se plie en deux feuillets. Il faut vingt-cinq feuilles pour composer une main de papier. V. Papier.

* Feuille d’Eau, (Serrurerie.) c’est une piece d’ornement qui se place sur les rouleaux ou dedans, aux grands ouvrages de serrurerie (par grands ouvrages, on entend les balcons, les grilles ornées, &c.). Cette sorte de feuille est la plus simple dans tout l’ornement. Pour la faire, le forgeron étire du fer de la largeur & longueur convenables, & lorsqu’il a une épaisseur plus forte que celle de la taule dont on se sert pour les autres ornemens, il l’enboutit dans un tasseau avec un poinçon qui forme la contre-partie ; de sorte que le bout de la feuille qui est renversé, paroît avoir une côte par-dessous avec une rainure, semblable à la fente d’un abricot : & par-dessus, le reste de la feuille est concave, & les côtes ont une arrête. Voyez Planch. de Serrurerie, la feuille d’eau enlevée, étampée par le bout ; vûe par-dessus ; vûe par-derriere & par-dessous ; tournée de côté ; puis cintrée & vûe aussi de côté ; enfin, prête à être montée.

La feuille de palmier se découpe comme les autres ornemens, & se fait avec de la taule ou fer battu, suivant la grandeur & la force que doit avoir la branche. Voyez dans les Planches, une feuille de palmier, enlevée, découpée, relevée, une branche de palmier commencée, vêtue, garnie, la branche achevée.

La feuille de laurier se fait comme les précédentes, & se voit dans les planches, avant que d’être montée. On y trouvera le même détail sur la feuille de vigne.

La feuille de revers, est un ornement qui se met sur les rouleaux, selon que le dessein courant le requiert ; elle se fait & se releve comme dans les autres ouvrages d’ornemens. Voyez dans les Planches la feuille évidée & relevée.