L’Encyclopédie/1re édition/HERCULE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 154-156).
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HERCULE, s. m. en Astronomie, est une des constellations de l’hémisphere septentrional. Voyez Constellation.

Hercule a dans le catalogue de Ptolomée 29 étoiles ; dans celui de Tycho 28, & dans le catalogue Britannique 95.

Hercule, (Mytholog. & Littérat.) héros très célebre, déifié dans le paganisme.

Je ne m’embarrasse point des divers Hercules, dont parlent Diodore de Sicile, Ciceron, Varron, & autres écrivains de l’antiquité ; il s’agit ici du fils prétendu de Jupiter & d’Alcmene femme d’Amphitrion roi de Thebes. C’est-là l’Hercule qui étoit honoré chez les Grecs & les Romains, & auquel se rapportent presque tous les anciens monumens. Je vais parcourir son histoire peu connue, les femmes & les enfans savent assez sa vie fabuleuse : elle se trouve dans tous les Dictionnaires, & même dans celui de Bayle.

Hérodote fixe la naissance d’Hercule cent ans avant la prise de Troie par les Grecs ; c’est-à-dire, vers l’an 1382 avant l’ére chrétienne. Il commença ses premieres armes dès l’âge de dix-huit ans, & terrassa dans ses courses le lion du mont Cythéron. Peu de tems après, il épousa Mégare fille de Créon, eut trois enfans de cette princesse, & les tua au bout de quelques années dans un accès de fureur qui le prit plusieurs fois pendant le cours de sa vie.

Ce crime l’ayant obligé de quitter Créon, il alla consulter l’oracle de Delphes sur sa destinée. L’oracle lui prescrivit de passer à Mycènes où regnoit Eurysthée, & lui déclara, qu’en accomplissant les volontés de ce prince, il acquerroit l’immortalité ; Hercule obéit au commandement du dieu, & ce fut par les ordres d’Eurysthée qu’il acheva les douze travaux si célebres dans les tems héroïques. Les dix premiers l’occuperent un peu plus de huit ans, ensorte que donnant dix ans de durée à ces douze travaux, Hercule qui étoit venu se présenter à Eurysthée à l’âge de vingt-trois ans, quatre ans après son mariage avec Mégare, en avoit trente-trois lorsqu’il retourna dans la Béotie.

Dès qu’il y fut arrivé, il commença par répudier Mégare, & demanda en mariage Iolé, fille d’Eurytus roi d’Oëchalie ; mais comme le sort des enfans de Mégare faisoit redouter l’alliance d’Hercule, il fut refusé. Cet outrage l’ayant jetté dans un nouvel accès de fureur, il tua Iphitus frere de sa maîtresse : ensuite revenant à lui, il sentit si vivement son crime, qu’il ne songea qu’à se délivrer de ses remords par le secours de la religion. L’oracle de Delphes qu’il consulta de nouveau, lui répondit que le seul moyen d’expier ce meurtre étoit de se faire vendre pour esclave dans un pays étranger. Hercule, avant que d’exécuter le decret de l’oracle, crut devoir se purifier par les cérémonies de l’expiation ordinaire ; toutefois il ne trouva personne qui voulût lui rendre ce service, excepté le seul Thésée qui s’y prêta par générosité, & le purifia aux Jeux de l’Isthme.

Après cette purification, il se fit vendre en qualité d’esclave par un de ses amis, & fut conduit à la cour d’Omphale. Ses exploits contre les Cercopes, espece de brigands qui ravageoient la contrée, étant parvenus aux oreilles de la reine de Lydie & lui ayant inspiré de la curiosité, elle fut bientôt instruite de la naissance de son esclave ; alors l’amour s’emparant de son cœur, elle se livra toute entiere à sa passion, & devint grosse d’un fils qu’Apollodore nomme Agélaüs.

Hercule ayant achevé le tems de sa servitude, fut sollicité par les Grecs d’attaquer Laomédon roi de Troie, avec une escadre de six vaisseaux qu’ils lui fournirent. L’entreprise fut heureuse ; il prit Troie, tua Laomédon & ses enfans, à l’exception de Priam qu’il mit sur le trône, & emmena prisonniere l’illustre Hésione sœur de ce jeune Prince.

A son retour dans le Péloponnese, il résolut de punir Augias roi d’Elis, de la perfidie dont il avoit usé contre lui, pendant qu’il travailloit à accomplir les ordres d’Eurysthée. Un grand nombre d’Arcadiens & de volontaires des principales villes de la Grece se mirent sous ses drapeaux. En vain Augias leva des troupes, & en donna le commandement aux Mélionides ses neveux, Hercule attaqua les Mélionides, lorsqu’ils alloient sacrifier aux fêtes Isthmiennes, les vainquit & les tua. Profitant de ce succès, il s’avança dans l’Elide, surprit Augias, & le fit mourir avec ses enfans, à la réserve de Phileus le plus jeune de tous, auquel il laissa le royaume.

Dans cette conjoncture, des soins importans l’appellerent à Olympie, pour y assister aux jeux funebres, établis depuis quelques années en l’honneur de Pélops son bisayeul maternel. Il en régla les cérémonies, y prononça l’apologie de sa conduite au sujet de ses guerres, & disputa tous les prix avec tant de gloire, que les poëtes ont feint que Jupiter lui-même voulut lutter contre son fils, sous la figure d’un athlete ; & qu’après un long combat égal, le maître des dieux se fit connoître, en félicitant Hercule sur sa force & sur sa valeur.

N’ayant plus rien à faire à Olympie après la célébration des jeux, il continua sa marche vers Pylos, capitale des états de Nélée en Messénie, prit cette ville d’assaut, & tua dans la bataille les fils de Nélée, qui étoient au nombre de neuf. Nestor le plus jeune de tous, échappa seul à ce carnage. De Pylos, Hercule vint à Lacédémone, d’où il chassa Hippocoon, & rétablit sur le trône Tyndare pere d’Hélene, de Castor & de Pollux.

L’année suivante, notre héros songea sérieusement à se fixer à Phénée dans l’Arcadie, avec ses troupes qui l’avoient accompagné dans ses expéditions. En effet, il demeura quatre ans dans cette contrée ; mais la cinquieme année qui étoit la quarante-quatrieme de sa vie, Eurysthée redoutant le voisinage d’un guerrier aussi entreprenant, l’obligea d’abandonner le Péloponnèse. Il passa dans l’Ætolie avec ses troupes, s’engagea au service du roi de Calidor, & épousa Déjanire fille de ce roi, de laquelle il eut Hyllus.

Pendant son séjour en Ætolie, il enleva Astyochée, fille d’Aidonée, roi des Thesprotes, chez lequel il porta la guerre. Il s’empara d’Ephyre, capitale de la Thesprotie, bâtie sur les bords du Cocyte, & du lac Achérusia, formé par les eaux de l’Achéron. Comme il y avoit dans le pays un fameux oracle des morts, cette guerre contre Aidonée, a fourni à Homere & aux autres poëtes l’occasion de dire, qu’Hercule avoit blessé Pluton dans un combat. Ses victoires lui procurerent encore l’honneur de délivrer Thésée des prisons d’Ephyre, où Aidonée le tenoit captif ; c’est des enfers, disent les mêmes Poëtes, qu’Hercule retira Thesée.

Mais un meurtre involontaire l’obligea lui-même de se bannir de l’Ætolie, & de se retirer avec Déjanire chez Ceyx, roi de Trachine. Ses troupes étant venu le joindre, il embrassa la cause d’Ægimius, roi des Doriens, contre les Lapithes & les Driopes, qu’il soumit.

Cependant lassé de traîner avec lui dans son exil, une femme qu’il n’avoit épousée que dans l’espérance d’obtenir une retraite, que ce mariage n’avoit pu lui procurer, il forma le dessein de répudier Déjanire ; mais ayant été refusé dans sa demande d’Astydamie, fille d’Orménius, roi des Pélasges Thessaliens, il entra dans sa capitale, & emmena sa fille captive.

Se trouvant alors à la tête d’une armée nombreuse, qu’il ne pouvoit faire subsister que par le pillage, parce qu’il n’avoit point d’états, il porta la guerre dans l’Oëchalie, contre les enfans d’Eurytus, sous prétexte du refus qu’ils lui avoient fait autrefois de leur sœur Iolé. Il joignit à ses troupes Arcadiennes, celles des Doriens, des Locriens & des Trachéniens, de sorte qu’avec tant de forces réunies, il termina promptement la guerre. La ville capitale d’Oëchalle fut prise, les fils d’Eurytus furent tués, & Iolé tomba entre ses mains.

La vue de cette princesse ralluma promptement une passion que le tems n’avoit pas détruite ; & Déjanire ne doutant plus de son malheur, crut que c’étoit le moment favorable d’employer le philtre du centaure Nessus, pour lui conserver le cœur de son mari. Persuadée des effets de ce philtre, qui étoit un poison très-subtil, elle en imbiba, dit-on, la robe d’Hercule. A peine eut-il revêtu cette robe fatale, qu’il se sentit atteint des plus vives douleurs ; les efforts qu’il fit, furent suivis de convulsions violentes, qui terminerent sa carriere dans la 49e année de sa vie, 53 ans avant la prise de Troie par les Grecs, & 1335 ans avant J. C. Après sa mort, on le porta sur le bucher, où l’on mit le feu, & ce fut là son apothéose.

On sait de combien de fictions toutes ces choses ont été embellies ; dès que le bucher fut allumé, la foudre, disent les Poëtes, tomba dessus, & réduisit le tout en cendre, pour purifier ce qu’il y avoit de mortel dans le héros. Jupiter l’enleva dans le ciel, & le mit au nombre des demi-dieux ; mais ce qui nous intéresse parmi tant de fables, c’est que la mort d’Hercule nous a procuré les Trachéniennes, & ses fureurs nous ont valu l’autre belle tragédie d’Eurypide, qui a pour titre Hercule furieux.

Thrasybule fixe l’apothéose d’Hercule, c’est-à-dire l’établissement de ses autels dans les principales villes de la Grece, 29 ans avant la destruction de Troïe. Son culte passa bientôt chez les Romains, ensuite dans les Gaules, en Espagne, & s’étendit jusques dans la Taprobane, à ce que Pline s’est persuadé. Il est certain du moins que Fulvius Nobilior, consul, étant de retour de son expédition de l’Ætolie, dédia à Hercule l’an 569 de Rome, dans le cirque de Flaminius, un temple magnifique pour ce tems-là. Ce temple étant tombé en ruine, Lucius Murcius Philippus, beau-pere d’Auguste, le fit rebâtir à ses frais, avec tant de splendeur, que Suetone en parle comme s’il avoit été fondateur de cet édifice.

Hercule est ordinairement représenté sous la figure d’un homme très-robuste, avec la massue à la main, & couvert de la peau du lion de Némée. Il a aussi quelquefois l’arc & la trousse. On le trouve assez souvent couronné de feuilles d’olivier ou de peuplier, parce qu’il en apporta des plans dans sa patrie.

Enfin, ce qui peut paroître fort étrange, c’est qu’il a été réveré chez les Grecs sous le nom de Musagete, conducteur des muses, & dans Rome sous celui d’Hercules musarum. Maffei, Stefanoni, Boissard, Spon, le P. Montfaucon, & autres antiquaires, nous ont donné dans leurs ouvrages, des portraits d’Hercule Musagete, tirés d’après les marbres, les bronzes, & les pierres gravées antiques ; il est même arrivé que Pomponius Musa a fait graver sur ses médailles, Hercule la lyre à la main, avec l’inscription d’Hercules musarum ; & sur le revers, la figure des neuf muses, caractérisées chacune par leurs symboles.

Je ne décide point si ces gravures étoient de pures fantaisies, ou plutôt si c’étoit des copies d’Hercule Musagete & des neuf Muses, que Fulvius Nobilior avoit transportées de Grece en Italie. Quoi qu’il en soit, l’idée que j’ai d’Hercule présente à mon imagination un athlete des plus vigoureux & des plus redoutables, un destructeur de monstres, un exterminateur de brigans, de rois & de fils de rois ; un pere furieux & terrible dans sa colere, un barbare coupable de cent meurtres, & nullement un homme doux & sage, élevé dans la charmante société des muses. J’ai lû dans le dixieme tome des Mémoires de Littérature, une dissertation expresse sur le savoir d’Hercule, qui ne m’a point gueri de ce préjugé. (D. J.)

Hercule colonnes d’, (Géog. anc.) On entend présentement par ce nom, deux montagnes aux deux côtés du détroit de Gibraltar, savoir Calpé en Espagne, & Abila en Afrique. Les anciens ne s’accordent point sur l’endroit où il falloit placer les colonnes d’Hercule, & ce sont eux-mêmes qui nous l’apprennent. Les uns, dit Strabon, entendent par ces colonnes, le détroit, ou ce qui resserre le détroit ; d’autres Gades ; d’autres des lieux situés au-delà de Gades. Quelques-uns prennent Calpé & Abyla pour les colonnes d’Hercule ; d’autres croyent que ce sont de petites isles voisines de l’une & de l’autre montagne. D’autres enfin, veulent que ces colonnes ne soient autre chose, sinon les colonnes de bronze de huit coudées, qui étoient à Gades, dans le temple d’Hercule : ce sont, dit-on, celles que les Tyriens trouverent ; & ayant fini là leur navigation, & sacrifié à Hercule, ils eurent soin de publier que la terre & la mer ne s’étendoient pas plus loin. D’ailleurs c’est un ancien usage d’élever de pareils monumens, & ces monumens de main d’homme étant ruinés avec le tems, le nom demeure au lieu même où ils étoient. Voilà le précis des réflexions de Strabon sur ce sujet ; & ce précis suffiroit pour prouver que cet auteur est un critique des plus judicieux, indépendamment de son mérite en Geographie. (D. J.)