L’Encyclopédie/1re édition/HIBOU ou CHAT-HUANT

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 200-201).
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HIBOU ou CHAT-HUANT, alecco minor, s. m. (Hist. natur. Ornitholog.) Aldrov. oiseau de proie qui ne sort de sa retraite que la nuit. Ce hibou mâle, décrit par Willughbi, pesoit près de douze onces ; l’envergure étoit d’environ trois piés ; le bec avoit un pouce & demi de longueur, il étoit blanc & crochu. Cet oiseau avoit des plumes blanches, douces au toucher, & disposées de façon qu’elles formoient une sorte de coëffure qui s’étendoit de chaque côté de la tête depuis les narines jusqu’au menton ; derriere ces plumes, il s’en trouvoit d’autres plus fermes & de couleur jaunâtre ; les yeux étoient enfoncés au milieu de toutes ses plumes qui s’élevoient tout autour ; la poitrine, le ventre & le dessous des aîles étoient blancs & parsemés de quelques taches brunes ; la tête, le cou & le dos avoient du roux, du blanc & du noir ou noirâtre qui formoient des lignes & des taches. Il y avoit dans chaque aîle vingt-quatre grandes plumes qui étoient roussâtres & ponctuées de noir, les plus grandes avoient quatre taches brunes, & les plus petites seulement trois ; les aîles étant pliées, s’étendoient jusqu’au bout de la queue, & même au-delà. La queue avoit quatre pouces & demi de longueur ; elle étoit composée de douze plumes de même couleur que les aîles, elles avoient quatre taches brunes transversales ; le bord extérieur de ces plumes & de celles des aîles étoit blanchâtre. Les jambes étoient couvertes de duvet jusqu’aux piés ; les doigts n’avoient que quelques poils ; le bord intérieur du doigt du milieu étoit dentelé, le doigt extérieur pouvoit se diriger en arriere comme le postérieur. Les œufs de cet oiseau sont blancs. Willughbi, Ornith. Voyez Oiseau.

Hibou cornu, otus sive noctua, asio, oiseau de proie ; Willughbi a donné la description d’une femelle de cette espece d’oiseau qui pesoit dix onces. Elle avoit environ quatorze pouces de longueur depuis l’extrémité du bec jusqu’au bout de la queue, & trois piés d’envergure. Le bec étoit noir. Un double cercle de plumes entouroit la face de cet oiseau comme celle du hibou, (voyez Hibou) ; les plumes du cercle extérieur avoient de petites lignes noires, blanches & rousses ; les plumes du cercle intérieur étoient rousses au-dessous des yeux, l’endroit où les deux cercles se touchoient étoit noirâtre ; les plumes du ventre & des piés avoient une couleur rousse ; les plumes de la poitrine étoient noires, & avoient les bords en partie blancs & en partie jaunes. Le dessous des aîles étoit roux, & le dessus avoit une couleur mêlée de noir, de cendré & de jaune Le dos étoit de même couleur que les aîles. Il y avoit sur la tête deux bouquets de plumes en forme de cornes ou d’oreilles longues d’un pouce ; chaque bouquet étoit composé de six plumes, dont le milieu étoit noir ; le bord extérieur avoit une couleur rousse, & l’intérieur étoit mêlé de blanc & de brun. La queue avoit six ou sept bandes noires & étroites ; le fond qui séparoit ces taches étoit de couleur cendrée sur la face supérieure des plumes, & jaune sur l’inférieure. Les grandes plumes des aîles avoient à peu-près les mêmes couleurs que celles de la queue. Les piés étoient couverts de duvet jusqu’aux ongles, qui avoient une couleur noirâtre. Le bord intérieur du doigt du milieu étoit applati & tranchant ; le doigt extérieur pouvoit s’étendre en arriere. Willughbi, Ornith. Voyez Oiseau.

Ajoûtons d’après M. Petit le medecin (mémoires de l’acad. des Sc. an. 1736.) des particularités assez curieuses sur quelques parties de l’œil du hibou.

Il y a au fond de l’œil de cet oiseau de nuit une cloison qui sépare les deux yeux ; elle n’a guere qu’un quart de ligne d’épaisseur, & est entierement osseuse, en quoi elle differe de celle du coq-d’Inde.

Dans les hibous vivans, on ne peut appercevoir aucun mouvement dans le globe de l’œil. Severinus a fait la même remarque : cet oiseau, dit-il, ne remue que les paupieres, & voilà ce que cet auteur dit de meilleur ; car la description & la figure qu’il donne des yeux du hibou ne valent rien.

Le plus grand mouvement est dans la paupiere supérieure ; on la voit ordinairement se mouvoir toute seule & lentement ; elle s’abaisse jusqu’à la paupiere inférieure, à une ligne ou environ de distance, & pour lors on voit une membrane blanchâtre qui sort obliquement de dessous la paupiere supérieure, & qui acheve de recouvrir l’œil ; c’est la troisieme paupiere qui s’abaisse ordinairement avec la paupiere supérieure.

L’on a toujours crû que la paupiere supérieure des oiseaux ne se baissoit point, excepté celle de l’autruche, & qu’il n’y avoit que la paupiere inférieure qui s’élevoit sur l’œil. Cela est vrai dans le coq-d’Inde, le coq domestique, la poule, l’oie, le canard, le moineau & le merle ; mais le pigeon, la tourterelle, le serin, & toutes les especes de hibou, ont la paupiere supérieure mobile ; elle se baisse, & va trouver la paupiere inférieure. On ne voit jamais dans le hibou vivant la paupiere inférieure s’élever toute seule pour s’unir à la supérieure ; néanmoins lorsqu’il est mort, c’est la paupiere inférieure qui couvre entierement l’œil, & la paupiere supérieure ne s’est aucunement baissée.

Il faut observer ici que dans les oiseaux morts on trouve toujours la paupiere inférieure relevée, non seulement dans ceux dont la paupiere supérieure ne se baisse point pendant leur vie, comme dans le coq-d’Inde, l’oie, le canard, &c. mais encore dans ceux qui baissent & relevent la paupiere supérieure, comme les hibous, les pigeons, &c.

En regardant la face du hibou, on la trouve applatie, les yeux paroissent placés dans la même direction que ceux de l’homme ; mais après avoir plumé la tête, ils paroissoient être dans une position plus oblique que dans l’homme, & moins cependant que dans les autres oiseaux, qui ne peuvent voir les objets avec précision, que d’un œil, soit du droit, soit du gauche, excepté l’autruche.

Après avoir arraché les plumes de la tête du hibou, on remarque d’abord que son œil a beaucoup de saillie, mais cette saillie est encore bien plus grande après avoir enlevé les paupieres.

Les muscles de l’œil du hibou sont épais, courts, n’occupent que la base de l’œil, & leurs tendons ne s’étendent point jusqu’à la partie antérieure de la sclérotique.

Le mouvement de la paupiere interne, si prompt dans la poule & dans plusieurs autres oiseaux, est extrèmement lent dans toutes les especes de hibou. Le globe de leur œil n’est pas sphérique comme dans la plûpart des animaux ; Sévérinus le fait ressembler à un bonnet antique, & son idée est juste : on pourroit encore le comparer de figure aux chapeaux de paille que portent nos vivandiers, dont la forme est haute, & les bords abaissés.

L’hibou voit la nuit, parce que sa prunelle est susceptible d’une extrème dilatation, par laquelle son œil rassemble une grande quantité de cette foible lumiere, & cette grande quantité supplée à sa force. Peut-être même cet animal a-t-il l’organe de la vue plus fin que le nôtre. Brigs connoissoit un homme qui ne le cédoit point à cet égard au hibou ; il lisoit aisément des lettres dans l’obscurité.

On sait que le bec de cet oiseau est crochu & ordinairement noir ; mais si on le sait tremper dans l’eau pendant vingt-quatre heures, le noir s’enleve facilement comme dans toutes sortes d’oiseaux qui ont le bec de cette couleur. Le trou de ses narines est situé à la partie supérieure du bec, & est rond. La cavité du crane est grande, & contient un grand cerveau ; le trou par où sort la moëlle allongée n’est pas au bas de l’occiput, comme dans le coq-d’Inde, dans l’oie & dans le canard ; il est à la partie inférieure postérieure de la base du crane, comme dans l’homme.

On sait assez que le hibou s’appelle en latin axus, bubo, nicticortis, & peut-être lilith en hébreu ; du moins S. Jérome paroît avoir mal rendu ce dernier mot, par celui de lamie. Isaie, chap. xxxiv. V. 14, dit suivant la Vulgate : « que le pays d’Edom ou des Iduméens, sera réduit en solitude, que la lamie y couchera, & y trouvera son repos » ; mais n’est-il pas vraissemblable que le terme litith désigne plutôt un oiseau nocturne, comme le hibou, la chouette, le chal-huant, la chauve-souris, que le monstre marin qu’on nomme lamie ? d’autant mieux que lilith en hébreu, signifie la nuit. Les anciens traducteurs de Louvain ont rendu lilith par fée ; on croyoit encore alors dans toute la Flandres à ces sortes de génies imaginaires. (D. J.)