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L’Encyclopédie/1re édition/JAUGE

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Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 471-472).
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JAUGE, s. f. (Gram. & Art.) c’est en général un instrument dont on se sert pour connoître la quantité de quelque qualité physique, telle que la longueur, la largeur, la profondeur, le nombre, la consistence, &c. d’où l’on voit qu’il doit y avoir un grand nombre de jauges. Il y a

La jauge a déterminer la capacité des vaisseaux, celle qui donne le nombre de pintes, de pouces cubes, &c. qu’un muid contient de liquide. Voyez sa construction & son usage au mot Jauge. On dit la ligne de jauge ; c’est le trait marqué sur le bâton ou la verge de jauge. Voyez le même article.

Jauge facile pour les vaisseaux en vuidange, tels que tonneaux, feuillettes, &c. Pour commencer l’opération, il faut avoir, indépendamment du modele qu’on voit Planche de Mathématique, une verge de fer ou de bois sur laquelle les pouces soient marqués. Cette verge sert à mettre dans la piece dont on veut savoir combien il y a de[1] pots débités. Pour prendre la hauteur de pouces, non-compris l’épaisseur du bois à la bonde, que la piece a de diametre, en laissant tomber perpendiculairement par le bondon cette verge dans la piece jusque au fond ; cette verge sert en même tems à voir combien il reste de pouces marquant mouillant dans la piece.

Cela posé & bien compris, il faut présentement tâcher de s’expliquer plus clairement sur l’usage que l’on fait du triangle de jauge. Voyez les figures.

Avant que d’aller plus avant, il faut savoir que les lignes transversales du triangle ne sont d’aucun autre usage que pour conduire l’échelle des pouces toûjours sur une ligne droite & égale, n’y ayant que les lignes diamétrales de haut en bas du triangle en le plaçant en forme d’équerre, qui comptent ; je dis, en le plaçant en forme d’équerre pour faire comprendre ce que j’entends par lignes diamétrales ; car, pour opérer, le triangle doit être couché à-plat, le plus grand côté en-haut.

Je suppose à présent une piece marquée de la continence de 186 pots, telle mesure que l’on voudra, qui a 25 pouces de diametre à la bonde non-compris l’épaisseur du bois à ladite bonde ; restent à 8 pouces marquans mouillans. Il faut trouver combien ces 8 pouces forment de pots restans dans la piece.

Pour y parvenir, on cherche sur l’échelle des pouces (qui est la même que cette regle de papier divisée en trente-deux parties égales) le nombre 25, qui est la quantité de pouces, que la piece a de diametre à sa bonde ; je mets ce nombre 25 paralellement du côté vis-à-vis sa premiere ligne du triangle, & de l’autre côté qui est le nombre premier de cette échelle des pouces, vis-à-vis la derniere ligne du triangle qui est le nombre 100. Lorsque je suis parvenu à rendre ces deux nombres de pouces justes ; savoir, le nombre 25 vis-à-vis la premiere ligue, & le nombre premier vis-à-vis la derniere ligne du triangle, je vois combien de lignes sur le triangle me donne le nombre 8 de mon échelle des pouces, lequel nombre 8 est les 8 pouces restant mouillant dans la piece. Je trouve qu’il me donne 26 lignes sur le triangle, pour-lors je multiplie la continence de ma piece qui est de 186 pots, par cette quantité de lignes que donne le triangle, c’est-à-dire par 26. La multiplication faite, j’en retranche les deux dernieres figures. Les deux premieres figures sont la quantité de pots restante dans la piece, & les deux dernieres retranchées sont autant de centaines parties d’un pot en sus des entiers.

Exemple. La piece contient 186 pots.
elle reste à huit pouces marquant mouillant de liqueurs, lesquels 8 pouces me donnent sur le triangle 26 lignes.
Multiplication 1116
372

les deux dernieres figures retranchées de l’addition, reste 48 pots de pots. 48 | 36
48——
48100

Preuve. La piece ayant 25 pouces de diametre à la bonde, & ne restant qu’à 8 pouces mouillant, il y a 17 pouces vuides.

Je pose l’échelle de pouces, comme ci-dessus, sur le triangle, & je cherche combien de lignes sur ledit triangle, donnera le nombre 17 de l’échelle des pouces, qui sont les 17 pouces vuides. Je trouve que le triangle me donne 74 lignes. Je fais la même opération pour le vuide que j’ai faite pour le restant mouillant, en multipliant la continence de la piece qui est 186, par les 74 lignes du triangle ; & je trouve par l’addition du résultat de mes deux multiplications ensemble, la continence entiere de ma piece.

Exemple. La piece contient 186 pots.
il y a 17 pouces de manque de liqueur, qui donnent 74 lignes sur mon triangle, 74
Multiplication 744
1302
Les deux dernieres figures retranchées de l’addition, reste de vuide 1367|64
1367|
1367|100
Et par l’opération ci-dessus, il reste de liqueur dans la piece,
Total égal à la continence marquée sur la piece,
ou 186

On voit par cette opération combien il reste de liqueur dans une piece, suivant la continence qui est marquée sur la piece ; mais cette opération ne prouve pas que la pièce est jaugée à sa juste continence : ce qui ne se peut qu’en jaugeant la même piece à l’eau lorsqu’elle est vuide, c’est-à-dire en comptant la quantité de pots d’eau qui entreront dans la piece pour la remplir.

Dans le commerce, un muid est de bonne ou mauvaise jauge, quand il est plus ou moins grand, relativement à son espece, à son usage, aux usages & aux lieux.

La jauge en Architecture, c’est dans la tranchée qu’on a faite pour fonder un bâtiment, un bâton étalonné sur la profondeur & la largeur que doit avoir la tranchée, sur toute la largeur.

Les ouvriers en bas au métier & les ouvriers en métier à bas ont chacun leur jauge. La premiere s’appelle jauge de soie ; la seconde jauge du métier. Voyez l’article Bas au métier.

La jauge de l’Aiguilletier est une plaque de fer, fendue de distance en distance. Les fentes ont différens degrés de largeur, & servent à déterminer les mesures & les especes différentes d’aiguilles. Voyez nos Planches de l’Aiguilletier-bonnetier.

Les Chaînetiers, les marchands de fils de fer & de laiton ont aussi leur jauge ; c’est un composé de plusieurs s redoublées. L’intervalle qui se trouve entre deux s, sert à mesurer le fil dont la grosseur est marquée à côté par un chiffre qui la désigne. Les marchands de fer de Paris ne jaugent que les sortes dont les numeros ne sont pas fixés, tels que les fils de Bourgogne, de Champagne & de quelques lieux d’Allemagne.

Les Ceinturiers ont deux jauges, l’une à bord & l’autre du milieu. La jauge à bord leur sert à marquer sur le bord de l’ouvrage l’endroit où il faut piquer, & la jauge du milieu à marquer l’endroit du milieu. La premiere est un morceau de fer rond, de la longueur de sept à huit pouces, emmanché de bois par en-haut, un peu recourbé par en-bas, & aplati de maniere à former une surface quarrée longue qui finit en s’arrondissant ; cette surface a trois cannelures. Ces cannelures tracent trois lignes, lorsque la jauge étant chauffée, on la fait couler sur les bords de l’ouvrage à piquer, & ces lignes dirigent l’ouvrier. La seconde ne differe de celle-ci qu’en ce que le bout plat d’enbas est fendu en deux & est mobile, & qu’au milieu de cette partie ouverte, il y a une vis sur le côté qui sert à augmenter ou à retrécir l’intervalle des deux raies. On s’en sert comme de la jauge à bord. Voyez ces jauges dans nos Planches de Ceinturier.

La jauge du Charpentier est une petite regle de bois fort mince, d’un pié de long sur un pouce de large, divisée par lignes & par pouces, & servant à tracer les mortoises, tenons, &c. Voyez nos Planches de Charpenterie.

L’Epinglier, le Cloutier d’épingle &c. ont un fil d’archal plié en s à plusieurs plis, plus ou moins serrés les uns contre les autres, & mesurent par leurs intervalles la grosseur des fils de laiton. Voyez la Planche du Cloutier d’épingle.

Voyez à l’article Fayence ce que c’est que la jauge du fayencier.

Les Jardiniers labourent à vive-jauge, soit une terre, soit un quarré, soit un potager ; & ils entendent par-là labourer profondément ; ils ont aussi une mesure portative qui leur sert à déterminer la profondeur de chaque tranchet à placer des arbres, & qu’ils appellent jauge.

Le Tonnelier a sa jauge ; c’est un instrument qui lui sert à réduire à une mesure connue, la capacité ou continence de divers tonneaux. C’est un bâton ou une tringle de fer, quarrée, de quatre à cinq lignes d’équarrissage, & de quatre piés deux ou trois pouces de longueur. Par un des côtés, elle est divisée par pouces & piés de roi. Les quatre côtés portent encore la mesure de neuf différentes sortes de vaisseaux réguliers, marquée par deux points qui donnent la longueur & la hauteur. Sur le premier, il y a le muid & le demi-muid ; sur le second, la demi-queue & le quarteau d’Orléans ; sur le troisieme, la pipe & le bussard ; sur le quatrieme, la demi-queue, & le quarteau de Champagne & le quart de muid. Chacune de ces neuf especes de tonneaux a deux places sur la jauge, l’une pour le fond, l’autre pour la longueur. Au-dessus de chaque caractere appartenant à chaque vaisseau, des points placés d’espace en espace désignent un septier ou huit pintes de liqueur, mesure de Paris, excédant la juste continence du tonneau jaugé.

Le Fontainier a une boëte de fer-blanc, percée par-devant d’autant de trous d’un pouce, demi-pouce, ligne, demi-ligne qu’il veut. Il expose cette boëte à une source, tous les trous bouchés ; elle s’emplit & se répand ; alors il débouche le plus petit, puis le suivant, & ainsi de suite, jusqu’à ce que la boëte laissant échapper par les trous ouverts autant d’eau qu’elle en reçoit de la source, & demeurant par conséquent toûjours pleine, les trous débouchés lui donnent la quantité d’eau qu’il cherche à connoître.

Les Tireurs-d’or & une infinité d’ouvriers ont leurs jauges, dont il sera fait mention aux articles de leur art, & aux articles Jauger ; voyez ce dernier.


  1. Le pot ou le lot contient à-peu-près deux bouteilles ou pintes de Paris.