L’Encyclopédie/1re édition/LODS et VENTES
LODS & VENTES, (Jurisprud.) sont le droit que l’on paye au seigneur féodal ou censier pour la vente qui est faite d’un héritage mouvant de lui, soit en fief ou en censive.
Dans le pays de droit écrit, les droits que le contrat de vente occasionne, sont appellés lods, tant pour les rotures que pour les fiefs dans les lieux où la vente des fiefs en produit ; il en est de même dans la coûtume d’Anjou, on y appelle lods les droits de transaction dûs, tant pour le fief que pour les rotures.
Dans la plûpart des autres coutumes, les lods & ventes ne sont dûs que pour les rotures, & non pour les fiefs.
Le terme de lods, que l’on écrivoit aussi anciennement los, loz & laods, est françois.
Les uns tirent son origine du mot leud, qui, en langage thiais, c’est-à-dire teutonique ou germanique, signifie sujet & vassal, de sorte que droit de lods signifieroit le droit que le sujet ou nouveau acquéreur doit au seigneur féodal.
De ce terme leud paroît dérivé celui de leuda, qui signifie toute sorte de redevance ou prestation, & principalement celle qui se paye au seigneur du lieu pour la permission d’exposer des marchandises en vente. En certains lieux on a dit lauda pour leuda, & quelques auteurs ont pensé que ce droit de laude avoit été ainsi nommé, parce qu’il se paye pour laudandâ venditione ; & il ne seroit pas bien extraordinaire que de lauda on eût fait laudes & laudimia, qui sont les différentes dénominations latines, dont on se sert pour exprimer les lods dûs au seigneur pour la vente d’un héritage roturier, & en françois laods, comme on l’écrivoit anciennement.
On trouve aussi qu’anciennement leuda ou leudum signifioit composition ; il est vrai que ce terme n’étoit d’abord usité que pour exprimer l’amende que l’on payoit pour un homicide, mais il paroît que dans la suite leudum, leuda ou lauda furent pris pour toute sorte de prestation ou tribut, comme on l’a dit d’abord.
D’autres, comme Alciat, prétendent que les lods, laudimia, ont été ainsi nommés à laudando id est nominando autore ; car l’acheteur est tenu de déclarer dans un certain tems au seigneur le nom de celui dont il a acquis.
D’autres encore tiennent que le terme de lods, pris pour le droit qui se paye au seigneur en cas de vente d’un héritage roturier, vient de los ou lods, qui, dans l’ancien langage, signifioit gré, volonté, consentement, on disoit alors loër pour allouer, approuver, agréer, accorder ; on trouve souvent en effet dans les anciens titres & cartulaires ces mots de lode ou laude, consilio & assensu, pour laudatione ; pro laudationibus aut revestimentis, laudavimus & approbavimus. L’ancienne chronique de saint Denis, vol. I. chap. vij. dit, sans son gré & sans son lods.
C’est aussi dans ce même sens que le terme de lods ou los est pris dans les anciennes coûtumes, telle que l’ancienne coûtume de Champagne & Brie, établie par le comte Thibaut en Décembre 1224, art. 4. li dires li doit loër, ne li doit mie contredire, &c. Celle de Toulouse rédigée en 1285, part. IV. tit. de feudis, dit laudeverit vel concesserit ; celle de Valois, art. 14. dit los & choix ; & dans quelques coûtumes, les lods & ventes, lodes, sont appellés honneurs, issues, accordement, parce que le seigneur censier, en les recevant, loue ou alloue, approuve, agrée & accorde la vente, & investit l’acquéreur de l’héritage par lui acquis, en reconnoissance de quoi les lods lui sont payés.
Ainsi il faut écrire lods, & non pas lots, comme quelques-uns le font mal-à-propos.
Pour ce qui est du mot de ventes, que l’on joint assez ordinairement avec celui de lods, il n’est pourtant pas toujours synonyme ; car, dans plusieurs coûtumes, comme Troyes & Sens, les lods sont dûs par l’acquéreur, & les ventes par le vendeur. C’est pourquoi, dans les anciens titres, on lit lodes ou laudes, & vendas : les ventes sont dûes par les vendeurs, pour la permission de vendre ; & les lods, par l’acquéreur, pour être reconnu propriétaire par le seigneur.
On disoit anciennement venditio, dans la même signification que la laude ou louade, leuda, pour exprimer le droit qui se payoit au seigneur pour toute sorte de ventes.
La coûtume de Sens dit qu’en aucuns lieux il n’y a que lods ou ventes seulement.
Celle de Paris ne se sert que du terme de ventes, & néanmoins dans l’usage on y confond les lods & ventes, & l’on joint ordinairement ces deux termes ensemble, comme ne signifiant qu’un même droit qui est dû par le nouvel acquéreur.
L’usage des lods & ventes ne peut être plus ancien que celui des baux à cens, qui a produit la distinction des héritages roturiers d’avec les fiefs, & a donné occasion de percevoir des lods & ventes aux mutations par vente des héritages roturiers ; on ne trouve même guere d’actes où il soit parlé de lods & ventes avant le xij. siecle.
Les lods & ventes, ou lods simplement, sont dûs pour les mutations par vente ou par contrat équipolent à vente.
Ils se perçoivent à proportion du prix porté par le contrat ; si le seigneur trouve ce prix trop foible, il peut user du retrait féodal, si c’est un fief ; ou du retrait censuel, si c’est une roture, & que le retrait censuel ait lieu dans le pays.
La coûtume d’Auvergne donne au seigneur le droit de sujet, c’est-à-dire de faire surenchérir l’héritage.
Il est aussi dû des lods en cas d’échange, suivant les édits & déclarations qui ont assimilé les échanges aux ventes.
Le decret volontaire ou forcé, le contrat de bail à rente rachetable, la vente à faculté de rémeré, le contrat appellé datio in solutum, & la donation à titre onéreux, produisent des lods & ventes.
Mais il n’en est pas dû pour une vente à vie, ni pour un bail emphytéotique, à moins qu’il n’y ait eu des deniers donnés pour entrée.
Il n’en est pas dû non plus pour la résolution du contrat de vente, lorsqu’elle est faite pour une cause inhérente au contrat même, mais seulement lorsque le contrat est résolu volontairement pour une cause postérieure au contrat.
Les privilégiés qui sont exempts des droits seigneuriaux en général dans la mouvance du roi, sont conséquemment aussi exempts des lods & ventes.
La quotité des lods & ventes est différente, selon les coûtumes.
Dans celles d’Anjou & Maine, le droit de ventes est de 20 deniers tournois pour livre, sinon en quelques contrées où il y a ventes & issues, qui sont de 3 s. 4 d. pour livre.
Quelques coûtumes, comme Lagny, disent que les lods & ventes sont de 3 s. 4 d. & se payent par le vendeur ; & quand il est dit, francs deniers, l’acquéreur doit les venteroles, qui sont de 20 deniers tournois par livre.
A Paris & dans plusieurs autres coûtumes, les lods & ventes sont de 12 deniers ; dans d’autres coûtumes, ils sont plus ou moins forts.
Dans le pays de Droit écrit, les lods sont communément du sixieme plus ou moins, ce qui dépend des titres & de l’usage, il y a des cas où il n’est dû qu’un milod. Voyez Milod.
Les commentateurs des coûtumes ont la plûpart traité des lods & ventes sur le titre des fiefs & censives.
M. Guyot, tome III. de ses traités ou dissertations sur les matieres féodales, a fait un traité particulier du quint & des lods & ventes. Voyez Censive, Fief & Mutation, Seigneur, Roture. (A)