L’Encyclopédie/1re édition/MAGASIN

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MAGASIN, s. m. (Comm.) lieu où l’on serre des marchandises, soit pour les vendre par pieces, ou comme on dit balles sous cordes, ainsi que font les Marchands en gros, soit pour les y conserver jusqu’à ce qu’il se présente occasion de les porter à la boutique, comme font les détailleurs ; ces derniers nomment aussi magasin, une arriere-boutique où l’on met les meilleures marchandises, & celles dont on ne veut pas faire de montre. Diction. de Comm.

On appelle marchands en magasin, celui qui ne tient point de boutique ouverte sur la rue, & qui vend en gros ses étoffes & marchandises.

Garçon de magasin, est la même chose qu’un garçon de boutique. Voyez Garçon.

Garde-magasin, est celui qui a soin des marchandises enfermées dans un magasin, soit pour les délivrer sur les ordres du maître, soit pour recevoir les nouvelles qui arrivent.

Garde-magasin, se dit aussi des marchandises qui sont hors de mode, & qui n’ont plus de débit. C’est dans le commerce en gros ce qu’on appelle dans le commerce en détail, un garde-boutique. Voyez Boutique. Dict. de Comm.

Magasin se dit encore de certains grands paniers d’osier, que l’on met ordinairement au-devant & au derriere des carosses, coches, carrioles & autres voitures publiques, pour y mettre des caisses, malles, ballots, &c. soit des personnes qui voyagent par ces voitures, soit d’autres qui envoyent des paquets d’un lieu à un autre, en faisant charger le registre ou la feuille du commis, desdites hardes, caisses, &c. Diction. du Comm.

Magasin d’entrepôt, c’est un magasin établi dans certains bureaux des cinq grosses fermes, pour y recevoir les marchandises destinées pour les pays étrangers, & où celles qui ont été entreposées ne doivent & ne payent aucun droit d’entrée & de sortie, pourvu qu’elles soient transportées hors du royaume par les mêmes lieux par où elles y sont entrées dans les six mois, après quoi elles sont sujettes aux droits d’entrée. Voyez Entrée. Dict. de Comm.

Magasin, en terme de Guerre, est un lieu dans une place fortifiée, où sont toutes les munitions, & où travaillent pour l’ordinaire les charpentiers, les charrons, les forgerons, pour les besoins de la place & le service de l’Artillerie. Voyez Arsenal & Garde-Magasin. Chambers. Ce sont aussi des différens amas de vivres & de fourrages que l’on fait pour la subsistance des armées en campagne.

Une armée ne sauroit s’avancer fort au-delà des frontieres de l’état sans magasins. Il faut qu’elle en ait à portée des lieux qu’elle occupe. On les place sur les derrieres de l’armée, & non avant, afin qu’ils soient moins exposés à être pris ou brûlés par l’ennemi. Les magasins doivent être distribués en plusieurs lieux, les plus à portée de l’armée qu’il est possible, pour en voiturer sûrement & commodément les provisions au camp. Il est très-important, dans les lieux où l’on a de grands magasins, de veiller soigneusement à leur conservation, & d’empêcher les espions ou gens mal intentionnés d’y mettre le feu. Il seroit bien à souhaiter que le général eût toujours des états bien exacts de ce qui se trouve dans chacun des magasins de l’armée, on éviteroit par-là, dans des circonstances malheureuses où l’on se trouve obligé de les dissiper & de les abandonner, l’inconvénient de s’en rapporter pour leur estimation à la bonne foi de ceux qui en sont chargés. D’ailleurs le général seroit par-là en état de juger si les entrepreneurs des vivres remplissent exactement les conditions de leurs marchés pour la quantité des munitions qu’ils doivent fournir. M. de Santacrux prétend qu’il est à propos que le général ait des gens affidés qui visitent les magasins, & qui lui rendent un compte exact de l’état des provisions pour s’assurer si elles sont conformes aux mémoires que les entrepreneurs en donnent. « Parce que ces sortes de gens, dit cet auteur, sont dans l’habitude de différer l’exécution des engagemens auxquels ils sont obligés, dans l’espérance de trouver quelque conjoncture favorable d’acheter à bon marché, & de pouvoir faire passer pour bon ce qui est gâté, ou de manquer à leur traité par malice ou par nonchalance, en disant toujours que tout est prêt ; ce qui peut, continue toujours le même auteur, être cause de la perte d’une armée, qui, sur cette croyance se sera mise en campagne ». Réft. milit. de M. le marquis de Santacrux.

Magasins a Poudre, (Art milit.) sont dans l’Art militaire des édifices construits pour serrer la poudre, & la mettre à l’abri de tous accidens.

On ne faisoit point autrefois de magasins à poudre, comme on le pratique actuellement dans notre Fortification moderne. On la serroit dans des tours attachées au corps de la place, ce qui étoit sujet à de grands accidens ; car quand le feu venoit à y prendre, soit par hasard ou par trahison, il se formoit une breche dont l’ennemi pouvoit se prévaloir, pour se procurer la prise de la place.

Les magasins à poudre, suivant le modele de M. le Maréchal de Vauban, ont ordinairement dix toises de longueur dans œuvre sur 25 piés de largeur. Les fondemens des longs côtés ont neuf ou dix piés d’épaisseur. Sur ces fondemens on éleve des piés-droits de neuf piés d’épaisseur, lorsque la maçonnerie n’est pas des meilleures, & de huit piés seulement lorsqu’elle se trouve composée de bons matériaux. On leur donne huit piés de hauteur au-dessus de la retraite, de sorte que quand le plancher du magasin est élevé au-dessus du rez-de-chaussée, autant qu’il est nécessaire pour le mettre à l’abri de l’humidité, il reste à-peu-près six piés depuis l’aire du plancher jusqu’à la naissance de la voûte. Cette voûte qui est à plein cintre, a trois piés d’épaisseur au milieu des reins ; elle est composée de quatre voûtes de briques répétées l’une sur l’autre ; l’extrados de la derniere est terminée en pente, dont la direction se détermine en donnant huit piés d’épaisseur au-dessus de la clef, ce qui rend l’angle du faîte un peu plus ouvert qu’un droit.

Les pignons se font chacun de quatre piés d’épaisseur, élevés jusqu’aux pentes du toit, & même un peu au-dessus. Les piés droits ou longs côtés se soutiennent par quatre contreforts de six piés d’épaisseur & de quatre de longueur, espacés de douze piés les uns des autres.

Dans le milieu de l’intervalle d’un contrefort à l’autre, on pratique des évents pour donner de l’air aux magasins ; les dez de ces évents ont ordinairement un pié & demi en tout sens, & l’espace vuide pratiqué autour, se fait de trois pouces de largeur, contourné de maniere qu’ils aboutissent au parement extérieur & intérieur en forme de creneaux. Ces dés servent à empêcher que des gens mal intentionnés ne puissent jetter quelque feu d’artifice pour faire sauter le magasin. Pour prévenir ce malheur, il est encore à propos de fermer les fentes des évents par plusieurs plaques de fer percées, parce qu’autrement on pourroit attacher à la queue de quelque petit animal une meche ou quelqu’autre artifice, pour lui faire porter le feu dans les magasins ; ce qui ne seroit pas difficile, puisqu’on a trouvé plusieurs fois dans les magasins à poudre des coquilles d’œufs & des volailles que les fouines y avoient portées. Science des Ingénieurs par M. Belidor.

Les magasins à poudre ainsi construits, sont voûtés à l’épreuve de la bombe. Il ne leur est arrivé aucun accident à cet égard dans les villes qui ont le plus souffert des bombes ; il en est tombé plus de 80 sur un des magasins de Landau, sans qu’il en ait été endommagé. La même chose est arrivé dans les sieges de plusieurs autres villes, notamment au siege de Tournay de 1709 ; les alliés jetterent plus de 45000 bombes dans la citadelle, dont le plus grand nombre tomba sur deux magasins qui n’en furent point ébranlés.

Les magasins à poudre se placent ordinairement dans le milieu des bastions vuides : ils sont les plus isolés de la place en cas d’accidens, & ils sont entierement cachés à l’ennemi par la hauteur du rempart. Il y a cependant des ingénieurs qui les font aussi construire le long des courtines, afin de se conserver tout l’espace du bastion, pour y former différens retranchemens en cas de besoin.

Pour empêcher qu’on n’approche des magasins, on leur fait un mur de cloture à douze piés de distance tout autour. On lui donne un pié & demi d’épaisseur, & neuf ou dix de hauteur.

La poudre, qui est en barril, s’arrange dans le magasin sur des especes de chantiers, à peu prés comme on arrange des pieces de vin dans une cave.

Magasin général d’un arsenal de marine, (Marine.) est en France celui où se mettent & se distribuent les choses nécessaires pour les armemens des vaisseaux du roi.

Magasin particulier, c’est celui qui renferme les agrès & apparaux d’un vaisseau particulier. Voyez Pl. VII. (Marine.) le plan d’un arsenal de Marine, avec ses parties de détail, où sont les magasins généraux & particuliers.