L’Encyclopédie/1re édition/GARDE
* GARDE, s. f. (Grammaire.) dans un sens général, signifie défense ou conservation de quelque chose ; action par laquelle on observe ce qui se passe, afin de n’être point surpris ; soin, précaution, attention que l’on apporte pour empêcher que quelque chose n’arrive contre notre intention ou notre volonté.
Garde ou Gardien, s. m. (Hist. ecclés.) nom qu’on trouve dans les auteurs ecclésiastiques appliqué à différentes personnes chargées de diverses fonctions.
1°. On appelloit gardes ou gardiens des églises, custodes ecclesiarum, certaines personnes specialement chargées du soin & des réparations des églises. Bingham croit que c’étoient les mêmes officiers, qu’on nommoit communément portiers, ce qui paroît revenir à ce que nous appellons marguilliers ou fabriciens. C’étoient des économes ou des administrateurs qui veilloient à la régie des biens temporels de l’Eglise. Le même auteur remarque dans un autre endroit que ces gardiens recevoient non-seulement les revenus des églises, mais encore en gardoient les thrésors, les vases, l’argenterie ; qu’ils n’étoient pas tirés du clergé, mais d’entre les principaux du peuple, & quelquefois du corps des magistrats. On a une lettre de S. Augustin à l’église d’Hippone, intitulée clero, senioribus & universæ plebi ; & M. Laubepine dans ses notes sur Optat, fait aussi mention de ces anciens ou gardiens des églises. Peut-être étoit-ce en Afrique la même charge que celle des défenseurs en Orient & en Europe. Voyez Défenseurs.
2°. On nommoit gardes ou gardiens des saints lieux, custodes sanctorum locorum, ceux à qui l’on avoit confié la garde des lieux sanctifiés par la présence du Sauveur, comme le lieu où il étoit né en Bethléem, le Calvaire, la montagne des Oliviers, le saint Sépulchre, &c. Cet emploi n’étoit pas toûjours confié à des ecclésiastiques ; mais ceux qui l’exerçoient joüissoient des mêmes priviléges que les clercs, & étoient exemts de tributs, d’impositions, & des autres charges publiques, comme il paroît par le code théodosien, lib. XVI. tit. xj. leg. 26. Ce sont aujourd’hui les Franciscains ou Cordeliers qui ont la garde du saint Sépulcre, sous le bon plaisir du grand-seigneur. Bingham, orig. eccles. tom. I. lib. II. cap. xjx. §. 19. & tom. II. lib. III. cap. xiij. §. 2. (G)
Garde, (la) Hist. anc. elle se faisoit jour & nuit chez les Romains ; & les vingt-quatre heures se divisoient en huit gardes.
Premierement, le consul étoit gardé par sa cohorte ordinaire ; puis chaque corps posoit la garde autour de son logement : en outre on posoit trois gardes, l’une au logis du questeur, & les deux autres au logis des deux lieutenans du consul.
Les tergiducteurs ou chefs de la queue conduisoient les gardes, lesquelles tiroient au sort à qui commenceroit : les premiers à qui étoit échû de commencer, étoient menés au tribun en exercice, lequel distribuoit l’ordre de la garde, & donnoit outre cela à chaque garde une petite tablette avec une marque ; toutes les gardes ensuite se posoient de la même façon.
Les rondes se faisoient par la cavalerie, dont le chef en ordonnoit quatre pour le jour & quatre pour la nuit. Les premiers alloient prendre l’ordre du tribun, qui leur donnoit par écrit quelle garde ils devoient visiter.
Le changement & visite des gardes se faisoit huit fois en vingt-quatre heures, au son de la trompette ; & c’étoit le premier centurion des Triaires qui avoit charge de les faire marcher au besoin.
Quand la trompette les avertissoit, les 4 mentionnés tiroient au sort, & celui à qui il échéoit de commercer prenoit avec lui des camarades pour l’accompagner. Si en faisant la ronde, il trouvoit les gardes en bon état, il retiroit seulement la marque que le tribun avoit donnée, & la lui rapportoit le matin : mais s’il trouvoit la garde abandonnée, quelques sentinelles endormies, ou autre desordre, il en faisoit son rapport au tribun, avec ses témoins ; & aussi tôt on assembloit le conseil pour vérifier la faute, & chatier le coupable selon qu’il le méritoit.
Les vélites faisoient la garde autour du retranchement, par le dehors, par le dedans, & aux portes.
L’on ne trouve point dans les auteurs le nombre des corps-de-garde des Romains ; la maniere dont ils posoient leurs sentinelles autour du camp ; & combien on avoit de journées franches de la garde. (D. J.)
Garde prétorienne, voyez Cohorte prétorienne au mot Cohorte.
Garde, en terme de Guerre, est proprement un certain nombre de soldats d’infanterie & de cavalerie, destinés à mettre à couvert une armée ou une place des entreprises de l’ennemi. Il y a plusieurs especes de gardes.
Garde avancée, est un corps de cavaliers ou de fantassins qui marchent à la tête d’une armée, pour avertir de l’approche de l’ennemi.
Quand une armée est en marche, les grandes gardes qui devoient être de service ce jour-là, servent de garde avancée à l’armée.
On donne le nom de garde avancée à un détachement de quinze ou vingt cavaliers, commandés par un lieutenant, portés au delà de la grande garde du camp. Chambers.
Les officiers généraux de l’armée ont chacun une garde particuliere pour leur faire honneur & veiller à leur sûreté dans les différens logemens qu’ils occupent. La garde des maréchaux de France est de cinquante hommes avec un drapeau ; celle des lieutenans généraux, de trente ; des maréchaux de camp, de quinze ; & celle des brigadiers, de dix. Voyez le tome III. du code militaire de M. Briquet, pag. 7. & suiv. Voyez aussi .
Gardes du Camp, c’est dans l’infanterie une garde de quinze hommes ou environ par bataillon, qui se porte à-peu-près à soixante pas ou environ en-avant du centre de chaque bataillon de la premiere ligne, & à même distance en-arriere du centre des bataillons de la seconde.
Dans la cavalerie, il y a une garde à pié par régiment, laquelle se tient à la tête du camp.
Des grands-gardes ou gardes ordinaires qui forment l’enceinte du camp. Ces gardes sont d’infanterie & de cavalerie.
Les gardes d’infanterie se placent toûjours dans quelque lieu défendu par une espece de fortification, soit naturelle ou artificielle.
On regarde comme fortification naturelle une église, un cimetiere, un jardin fermé de tous côtés, un endroit entouré de haies fortes & difficiles à percer, &c. & on regarde comme fortifications artificielles celles dans lesquelles il est besoin de quelque précaution pour les former, comme un abbatis d’arbres dont on se fait une espece d’enceinte, un fossé dont la terre sert de parapet, &c.
Tous les hommes qui composent ces gardes doivent être absolument dans leur poste, & n’en sortir qu’avec la permission du commandant. Les fusils doivent être placés de maniere que tous les soldats puissent les prendre ensemble & commodément ; pour cet effet, on le place dans le lieu que chaque homme doit occuper en cas d’attaque.
Ces gardes ont des sentinelles devant elles ou sur le retranchement, ou de tous les côtés par où les ennemis peuvent pénétrer ; elles avertissent aussi-tôt qu’elles apperçoivent quelque chose dans la campagne : alors tout le monde prend les armes pour être en état de combattre en moins de tems qu’il n’en faut à l’ennemi, depuis sa découverte par les sentinelles, pour arriver au poste occupé par la garde. Les gardes doivent faire ferme, & tenir dans l’endroit où elles sont placées, jusqu’à ce qu’elles soient secourues du camp. C’est pour favoriser cette défense, qu’on les place dans les villages & autres lieux fourrés, où il est aisé, avec quelque connoissance de la fortification, de se mettre en état de soûtenir les attaques des partis qui veulent les enlever.
Des gardes de cavalerie. Comme les gardes de cavalerie peuvent se mouvoir avec plus de vitesse que celles de l’infanterie, elles sont ordinairement placées dans les plaines, ou dans d’autres endroits découverts ; elles ont des vedettes placées encore en-avant, qui découvrent au loin tous les objets de la campagne. On appelle vedettes dans le service à cheval ce que l’on nomme sentinelle dans le service à pié. Voyez Vedette.
Comme les vedettes sont placées d’autant plus avantageusement qu’elles découvrent plus de terrein devant elles, on les avance quelquefois à une assez grande distance de la troupe ; & on les place sur les lieux les plus avantageux pour cette découverte, comme les hauteurs à portée de la grande garde.
Pour la sûreté des vedettes, & pour que la garde soit informée promptement de ce qu’elles peuvent découvrir, on place à une petite distance de ces vedettes, c’est-à-dire entre elle & la garde, un corps d’environ huit cavaliers ; on le nomme petit corps-de-garde ; il est commandé par un cornette ou autre officier alternativement. Ce corps doit être toûjours à cheval, & très-attentif aux vedettes ; il doit par conséquent être à-portée de les voir ; & il doit aussi être vû de la grande garde : mais il n’est pas nécessaire qu’il découvre lui-même le terrein, comme les vedettes ; il est seulement destiné à les soûtenir & à veiller à ce qu’elles fassent leur devoir : aussi arrive-t-il quelquefois que les vedettes sont sur le sommet d’une hauteur, & que le petit corps-de-garde est derriere à une distance médiocre, & caché par la hauteur, pendant que la grande garde est encore dans un lieu plus bas, d’où elle découvre seulement le petit corps-de-garde.
On éloigne aussi les vedettes les unes des autres, pour qu’elles soient à-portée de découvrir un plus grand espace de terrein, sans qu’il soit besoin de trop avancer les troupes de la garde, & par-là de les exposer à être enlevées. Lorsque les vedettes sont dans des endroits dangereux, il les faut doubler, c’est-à-dire en mettre deux ensemble ou dans le même lieu.
S’il paroît des ennemis, ou quelque corps de troupes que ce puisse être, les vedettes en avertissent ; & suivant que le commandant de la troupe le juge à propos, ou suivant les ordres qu’il a, il fait rester les vedettes à leur poste, & il ordonne au corps-de-garde d’avancer pour les soûtenir ; lui-même marche avec sa troupe pour joindre ce corps, & s’opposer ensemble aux ennemis ; ou bien le commandant fait replier ses vedettes sur les corps-de-garde ; celui-ci sur sa troupe ; & cette troupe sur quelqu’autre poste, ou enfin sur le camp, s’il le juge nécessaire.
Les commandans de ces gardes doivent prendre les mêmes précautions par rapport à leurs troupes, que les généraux d’armée par rapport à leur armée ; ce sont les mêmes principes appliqués à un grand objet ou à un petit ; c’est pourquoi ils doivent avoir pour premieres regles de disposer les vedettes de maniere qu’après qu’elles ont averti de ce qu’elles ont découvert, elles ayent le tems de former leur troupe, & de se mettre en état de combattre avant l’arrivée de l’ennemi.
Le commandant d’une garde ordinaire, ou en général de troupes détachées, à la guerre, peut faire mettre pié à terre à un rang de sa troupe, pour reposer les hommes & faire manger les chevaux, suivant le tems qu’il juge nécessaire à une troupe ennemie pour qu’elle approche de lui, depuis le moment de sa découverte par les vedettes : mais il faut toûjours que chaque cheval soit prêt à être bridé dans un instant, & que le cavalier soit à-portée pour monter dessus au premier ordre.
Il y a des circonstances où les commandans peuvent faire mettre pié à terre aux deux rangs que forment leur troupe ; mais ce n’est qu’après s’être bien assûré que l’ennemi sera découvert dans un assez grand éloignement, pour qu’il soit plus de tems à parcourir l’espace découvert par les vedettes, qu’il n’en faut pour faire monter toute la troupe à cheval : c’est pourquoi la maniere de faire la guerre à l’ennemi qu’on combat, doit faire prendre à cet égard des mesures au commandant pour n’être point surpris. Ainsi si l’on a affaire à un ennemi qui manœuvre avec une grande vîtesse comme les Turcs, les Tartares, &c. il faut, pour n’en être point surpris, prendre plus de précautions que contre les Allemands ou les Hollandois, quoique les troupes de ces deux nations soient supérieures à celles des Turcs.
Il suit des observations qu’on vient de voir, que moins une troupe ou ses vedettes découvrent de terrein, plus elle doit redoubler son attention, pour être en état d’être formée le plus promptement qu’il est possible ; & qu’au contraire, lorsqu’elle découvre un espace de terrein assez grand pour avoir le tems de se former avant que l’ennemi puisse le parcourir, le commandant peut profiter de cette position pour donner plus de repos aux hommes & aux chevaux.
Si les sentinelles de l’infanterie sont placées ordinairement dans les lieux moins favorables que les vedettes de la cavalerie, pour découvrir beaucoup de terrein ; il faut aussi moins de tems à des gens à pié pour prendre un fusil & se mettre en défense, qu’il n’en faut à des cavaliers qui sont pié à terre, pour brider leurs chevaux, monter dessus, & se former en ordre de bataille. Essai sur la castramétation. (Q)
Garde de fatigue, (Art milit.) c’est celle qui est commandée pour conduire les travailleurs, les fourrageurs ; mener les soldats au bois, à la paille, & autres choses semblables. Pour ces sortes de gardes, que les troupes font successivement, le tour n’en passe jamais : soit que l’officier commandé soit absent ou de service ailleurs, il doit toûjours le reprendre après son retour au camp. Ordonnance du 17 Février 1753.
Les gardes de fatigue sont aussi appellées gardes de corvées. (Q)
Garde de Piquet, (Art milit.) c’est celle qui est faite par les officiers & les soldats de piquet. Voy. Piquet.
Celui dont le tour vient de marcher à un détachement armé, pendant qu’il est de piquet, le quittera & sera censé l’avoir fait, pourvû que le détachement passe les gardes ordinaires ; & à l’instant qu’il sera commandé, on le remplacera par celui de ses camarades qui le suivra dans le tour du piquet. Ordonn. du 17 Février 1753. (Q)
Garde d’honneur, (Art militaire.) c’est à la guerre la garde accordée aux officiers généraux & à plusieurs autres officiers relativement à leur grade militaire. Celui dont le tour viendra de marcher à un détachement armé, pendant qu’il sera à une garde d’honneur, demeurera à cette garde. Ordonn. du 17 Février 1753. (Q)
Gardes-du-Corps, (Hist. mod. & Art. milit.) c’est en France un corps de cavalerie destiné à la garde du Roi.
Les gardes-du-corps ont le premier rang dans la gendarmerie de France, par une ordonnance de Louis XIV. donnée en 1667. Ils sont divisés en quatre compagnies, dont une qui étoit autrefois écossoise, & qui en porte encore le nom, est toûjours la premiere ; les trois autres prennent rang ensemble suivant l’ancienneté de leurs capitaines.
Chaque compagnie est divisée en six brigades ; ce qui forme, à quelques différences près, comme des compagnies dans un régiment. C’est le Roi qui choisit lui-même ses gardes. Ils sont habillés de bleu avec des galons d’argent, & une bandouliere, qui est la marque de garde-du-corps ou de garde-du-Roi.
Les capitaines des gardes-du-corps, ainsi que ceux des gendarmes, chevau-legers de la garde, & mousquetaires, sont premiers mestres-de-camp de cavalerie, c’est-à-dire qu’ils ont rang avant les autres mestres-de-camp, & qu’ils les commandent indépendamment de leur ancienneté dans ce grade. Les lieutenans & les enseignes ont rang de mestres-de-camp, & les exempts ont rang de capitaines de cavalerie.
On appelle exempts dans les gardes-du-corps des officiers qui sont au-dessous des enseignes. Ce mot vient de ce qu’originairement ils étoient gardes-du-corps exempts de faire faction. Les simples gardes-du-corps, gendarmes, chevau-legers de la garde, & mousquetaires, ont d’abord rang de lieutenant de cavalerie : lorsqu’ils ont quinze ans de service, ils obtiennent la commission de capitaine de cavalerie[1].
Les lieutenans des gardes-du-corps n’ont pas coûtume de monter au grade de capitaine de leurs compagnies ; mais ils parviennent à celui de maréchal-de-camp & de lieutenant géneral à leur rang, sans être obligés de quitter leurs emplois.
Les enseignes montent par ancienneté à la lieutenance.
Pour remplir les places d’enseigne, Louis XIV. prenoit alternativement un exempt de la compagnie & un colonel de cavalerie.
Les places d’exempt sont données alternativement à un brigadier de la compagnie & à un capitaine de cavalerie : pour celles de brigadier & sous-brigadier, elles sont toûjours données à de simples gardes-du-corps.
Les étendarts ne sont point portés par les enseignes, mais par d’anciens gardes, à qui on donne le nom de porte-étendarts, & qui ont une paye un peu plus forte que les autres. Il en est de même pour les étendarts de toutes les autres compagnies de la gendarmerie.
Comme il y a dans toutes les compagnies des gardes-du-corps six brigadiers & six étendarts, & que chaque compagnie ne forme que deux escadrons, il y a trois étendarts par escadron, & trois brigades.
Dans la compagnie écossoise, il y a vingt-quatre gardes qu’on nomme gardes de la manche ; lorsque Sa Majesté est à l’église, il y en a toûjours deux à ses côtés qui ont des halebardes, & qui sont revêtus d’une cote-d’armes à l’antique. (Q)
Gardes à pié de la maison du roi. Sous ce titre sont compris les cent-suisses, les gardes-françoises, & les gardes-suisses.
Les cent-suisses sont une compagnie de cent-hommes divisée en six escoüades, sous dix huit officiers ; ils portoient autrefois la livrée ; mais ils ont depuis quelques années un habit bleu avec des galons d’or, & un ceinturon qu’ils portent par-dessus leur habit ; ils sont armés, outre leur épée, d’une pertuisane ou hallebarde : dans les solennités, ils ont conservé l’habit antique, savoir le pourpoint à manches tailladées, la fraise, le chapeau de velours noir orné d’une plume blanche, les hauts-de-chausses très-amples, & les souliers garnis de nœuds de ruban ; ils sont de la création de Louis XI. en 1481, approchent de très-près de la personne du roi, marchent à la portiere de son carosse : ils doivent être suisses naturels, & joüissent en France de plusieurs priviléges.
Gardes-françoises ; c’est un régiment d’infanterie créé par Charles IX. en 1563, composé de trente-trois compagnies divisées en six bataillons. Tout le corps est commandé par un colonel ; chaque compagnie par un capitaine, qui a sous lui un lieutenant, un sous-lieutenant, un enseigne, & quatre sergens, à l’exception de la colonelle, où l’on compte trois lieutenans, autant de sous-lieutenans, deux enseignes, six sergens : chaque bataillon a outre cela son commandant, son major, & ses aides-majors. Les gardes-françoises tiennent toûjours la droite sur les gardes-suisses ; & leurs officiers portent le hausse-col doré ; au lieu que ceux des gardes-suisses le portent d’argent. Ils ont aussi leur juge particulier, qu’on nomme le prevôt des bandes. Leur uniforme est bleu, paremens rouges, avec des agrémens blancs, leurs drapeaux bleus traversés d’une croix blanche & parsemés de fleurs-de-lis d’or. Plusieurs compagnies montent la garde chez le roi, & sont relevées par autant d’autres au bout de quatre jours. Ils gardent les bâtimens extérieurs du louvre, les cours & avant cours, où ils se rangent en haie, lorsque le roi ou la reine doivent sortir ; ils restent dehors jusqu’à la rentrée du roi ou de la reine ; les tambours battent au champ pendant leur passage. Ils appellent pour les enfans de France, & ils rendent le même honneur à leur colonel. On les employe aussi à différentes gardes dans Paris, où ils sont logés dans les fauxbourgs, & ont divers corps-de-garde ; & lorsque le roi n’est pas à Versailles, ils fournissent toûjours un certain nombre d’hommes pour la garde de la reine & des enfans de France.
Gardes-Suisses, régiment d’infanterie composé de douze compagnies en quatre bataillons. Leur uniforme est rouge avec des paremens bleus & des agrémens blancs. Ce corps a ses officiers de justice ; mais la compagnie colonelle a son juge particulier, qui ne dépend que du colonel général. Les gardes-suisses montent la garde chez le roi, conjointement avec les gardes-françoises. Il faut remarquer ici que pour désigner les officiers de ces différens corps, on dit capitaine des gardes-du-corps, pour les commandans des quatre compagnies des gardes-du-corps ; capitaine aux gardes, pour les commandans de celles des gardes-françoises ; & pour les suisses, capitaine aux gardes-suisses.
Capitaine des gardes, exempt des gardes, brigadier des gardes, colonel des gardes, capitaine aux gardes ; Voyez Capitaine, Exempt, Brigadier, Colonel, &c.
Garde du dedans, & Garde du dehors ; ce sont deux parties de la garde du roi, ainsi nommées l’une & l’autre du poste qu’elles occupent, & des lieux où elles servent. La garde du dedans est composée des gardes-du-corps, dont quelques uns sont gardes de la manche, des cent-suisses, des gardes de la porte, & des gardes du grand-prevôt de l’hôtel. La garde du dehors est de gendarmes, chevau-legers, mousquetaires, deux régimens des garces, l’un françois & l’autre suisse.
Gardes de la Manche ; ce sont vingt-quatre gentilshommes, gardes du corps, de la compagnie écossoise, qui servent toujours au côté du Roi. On y a joint le premier homme d’armes qui fait le vingt-cinquieme. Ils ne servent que deux-à-deux, sinon dans les jours de cérémonie où ils sont six. Leur service est d’un mois. Ils ont sur le just-au-corps un corcelet ou hoqueton à fond blanc brodé d’or, avec la devise du Roi. Ils sont armés de l’épée qu’ils ont au côté, & d’une pertuisanne dont le bois est semé de clous d’or, & le haut frangé : ils l’ont à la main droite. Ils se tiennent toûjours debout, excepté à l’élévation. Aux funérailles des rois, ils sont debout aux côtés du lit. Ils déposent le corps dans le cercueil, & le cercueil au lieu qui lui est destiné.
Gardes de la Porte ou des Portes, hommes d’armes qui veillent jour & nuit aux portes interieures du palais où est le Roi. Il y en a cinquante. Ils sont armés de l’épée, de la carabine, avec la bandouliere chargée de deux clés en broderie, & just-au-corps bleu comme les gardes du corps, mais les galons & les ornemens différens. Ils ont un chef & quatre lieutenans qui les commandent ; on appelle le chef capitaine des portes. Ils servent par quartier. Ils se placent aux portes du dedans du logis où est le Roi : le matin à six heures, ils relevent les gardes du corps, & n’en sont relevés que le soir.
Gardes de la Prevôté de l’Hôtel, hommes d’armes qui font exécuter la police où demeure le Roi. Ils sont commandés par le prevôt de l’hôtel, qui est aussi grand-prevôt de France, & par quatre lieutenans qui servent par quartier. Quand le Roi marche en carrosse à deux chevaux, ils précedent les cent-suisses qui sont devant le carrosse. Ils arrêtent les malfaiteurs qui s’introduisent dans les lieux qu’habite le Roi. Ils portent le hoqueton incarnat-bleu-blanc, avec broderie, & la devise d’Henri IV. ou la massue, & ces mots, erit hæc quoque cognita monstris.
Garde ou Quart, (Marine.) Voyez Quart.
Gardes-corps, (Marine.) ce sont des nattes ou des tissus que l’on fait avec des cordages tressés, & qu’on met sur le haut des vaisseaux de guerre de chaque côté pour couvrir les soldats & les garantir des coups de mousquet de l’ennemi. Ces gardes-corps sont hauts de deux piés & demi, & ont quatre à cinq pouces d’épaisseur ; ils sont soûtenus par des épontilles & recouverts de pavois par-dessus. On les fait ordinairement de gros cables nattés ; ils ne descendent pas jusque sur le pont, afin de laisser l’espace pour tirer le mousquet. (Z)
Gardes-côtes. Ces gardes sont composés des communes des villages les plus proches de la mer ; les habitans des villages destinés à la garde-côte ne tirent point à la milice.
Les gardes-côtes sont distribués par capitaineries. Le commandant de la province leur fait donner des armes & des munitions en tems de guerre ; le major de la capitainerie répond des armes, & les fait reporter dans les arsenaux à la paix.
Les capitaineries & la nomination des officiers dépendent du ministre de la Marine ; les capitaines & les principaux officiers sont toûjours choisis parmi les gens de condition de la province qui servent ou qui ont servi.
Par des arrangemens particuliers faits sous les ordres de l’intendant de la province, ces troupes ont des gratifications en tems de guerre, & ont presque toutes des uniformes de serge ou de grosse toile avec des paremens de différentes couleurs ; elles ont aussi des drapeaux.
Les gardes-côtes sont très-utiles pour épargner le service aux troupes du Roi ; & lorsqu’une capitainerie est bien tenue, comme celles du Calaisis, de Verton, du Crotoy, & de Cayeux, qui ont fort bien servi pendant la derniere guerre, elles sont suffisantes pour la défense de la côte, dont elles connoissent les plages & les points où l’ennemi pourroit aborder pour faire un coup-de-main.
Cependant nous croyons que l’ordre établi dans le Boulonnois, est meilleur que celui des capitaineries gardes-côtes. Le Boulonnois en tout tems a cinq régimens d’infanterie & trois de cavalerie, dont les colonels & les officiers sont brevetés par le Roi. Ces troupes sont sous les ordres du ministre de la guerre. Chaque village ou hameau fournit un nombre de cavaliers & de soldats, proportionné aux fermes & aux habitans qui le composent.
En tems de guerre on choisit dans ce nombre trois ou quatre bataillons, qui sont armés, équipés & entretenus par le Roi, comme les autres régimens d’infanterie. Ces régimens ont leur inspecteur particulier ; ils servent en garnison à Boulogne & dans les places maritimes voisines, & prennent rang dans l’infanterie du jour de leur création.
On assemble à Boulogne deux compagnies de cavalerie, armées, montées, équipées & payées comme le reste de la cavalerie. Ces compagnies servent à envoyer des détachemens à la découverte le long de l’Estran ; & en cas d’alerte elles fournissent des ordonnances pour envoyer en différens bourgs & villages du Boulonnois, pour commander aux régimens de s’assembler & de marcher aux rendez-vous généraux, tant au-delà qu’en-deçà de la Lyane.
Cette opération est d’une exécution facile & prompte ; & en douze heures l’officier général qui commande en Boulonnois, peut être sûr d’avoir 7 à 8 mille hommes sous les armes. L’ordre établi en Boulonnois est très-bon, n’est point à charge au pays : l’esprit militaire s’y conserve. Cette province, la plus voisine de l’Angleterre, peut se garder par ses propres forces, sans que la culture des terres en souffre.
Pendant la derniere guerre les troupes enrégimentées étoient fort belles, ont bien servi, & étoient très-bien composées en officiers.
Nous avons plusieurs provinces maritimes où le même ordre seroit très utile à établir.
En tems de guerre tous les postes des gardes-côtes ont un signal qui peut être apperçû des postes de droite & de gauche. Ces signaux s’exécutent pendant le jour avec des drapeaux & des flammes, telles que celles des galeres ; pendant la nuit avec des fanaux & des feux. Dans le Boulonnois, le Roi entretient en tems de guerre un guetteur sur la montagne du Grinéz & sur celle du Blanéz. Ces deux montagnes forment les pointes de la petite baie de Willan, que l’on croit être l’ancien port d’Ictium des Romains ; mais qui n’est plus aujourd’hui d’aucun usage, par la quantité de sables qui l’ont comblé, & qui ont même entierement couvert tout le terrein où l’ancienne ville de Willan étoit bâtie.
Le guetteur du Grinéz se trouve dans le cap de France le plus proche de l’Angleterre : le trajet en droite ligne n’est que de cinq lieues & demie, à 2400 toises la lieue. Ce guetteur découvre avec sa lunette la moindre barque qui sort du port de Douvres : deux cavaliers d’ordonnance restent de garde au Grinéz, pour faire leur rapport à Boulogne.
Le guetteur de Blanéz découvre tout ce qui sort des Dunes, & double la pointe de Danjeneasse ; des ordonnances du Calaisis y restent de garde, & font leur rapport à Calais.
De la tour de Dunkerque le guetteur découvre tout ce qui sort de la Tamise ; toute cette partie des côtes de France voit à l’instant ce qui se passe sur les bords opposés, d’où l’on ne peut découvrir nos manœuvres, nos côtes étant plus basses, & la mer les couvrant ; ce qui se définit, en terme de marine, en disant que la mer mange la côte. Les capitaines des gardes-côtes doivent connoître tous les sondages de l’étendue de la côte qu’ils ont à garder, pour juger sûrement des endroits où il est possible de faire une descente.
Cette connoissance est très-facile à prendre sur les côtes de la Méditerranée, où le flux le plus haut ne monte pas à un pié ; mais sur les côtes de l’Océan il faut évaluer toutes les différentes hauteurs des marées, qui varient selon les saisons & le tems des équinoxes, & deux fois tous les mois régulierement, en suivant les quartiers de la lune ; ce qui fait deux changemens considérables en vingt-huit jours. Les gens de mer nomment ces flux réglés, vive-eau & morte-eau. Tel petit port des côtes de l’Océan ne pourroit recevoir de morte-eau un bâtiment de 60 tonneaux, qui peut en recevoir un de 300 de vive-eau. Cette connoissance paroît avoir été négligée, cette évaluation est cependant très-importante à faire, soit lorsqu’on médite quelqu’embarquement, soit lorsqu’on peut craindre quelque descente.
D’espace en espace il y a des batteries & des redoutes sur le bord de la mer ; quelques-unes sont armées en bronze ; & les canons, leur service & leur garde appartiennent à l’artillerie & aux troupes de terre ; les autres sont armées en fer & appartiennent à la marine, & sont gardées & servies par des détachemens de troupes de la marine ou des gardes-côtes. En tems de guerre les unes & les autres sont également sous les ordres de l’officier général commandant dans la province.
Ces batteries sont placées, le plus qu’il est possible, dans les endroits où la mer fait échor, terme dont les Marins se servent pour indiquer un point de la côte où le fond est assez profond pour que la mer reste près de la côte à basse mer, même pendant le tems de morte-eau.
Il seroit à desirer qu’on mît plus d’uniformité dans le service des gardes-côtes ; il est facile aussi de perfectionner ce service, qui devient quelquefois tresimportant : il le sera toûjours beaucoup en tems de guerre, de mettre ce service au point que les côtes puissent être défendues par leurs propres forces, & que les armées en campagne ne soient point obligées de détacher des brigades ou des régimens pour remplacer ce qui manque à la défense des côtes. Article de M. le comte de Tressan.
Garde Côtes, (Marine.) on donne ce nom à des vaisseaux de guerre ou des frégates que le Roi fait croiser le long de nos côtes pour la sûreté du Commerce, & protéger les marchands contre les corsaires qui pourroient troubler leur navigation.
Garde-Côtes, Capitaineries Garde-Côtes ; c’est un nombre de villages voisins de la mer, qui sont sujets à la garde d’une certaine étendue de côtes reglées par des ordonnances du Roi, qui fixent l’etendue de chaque capitainerie, & les lieux qui y sont compris. Chaque capitainerie a son capitaine, un lieutenant, & un enseigne : en tems de guerre, ces compagnies sont obligées de faire le guet, & de marcher aux endroits où les ennemis voudroient tenter quelques descentes, ou faire quelques entreprises. Voyez ci-devant Gardes-côtes.
Garde de Feux, (Marine.) ce sont des caisses de bois qui servent à mettre les gargousses, après qu’on les a remplies de poudre pour la charge des canons, & à les garder dans le fond de cale.
Garde-Magasin, (Marine.) c’est un commis chargé de tenir état de tout ce qui entre & sort des magasins qui sont dans un port, soit pour la construction, armement ou desarmement des vaisseaux. L’ordonnance de Louis XIV. pour les armées navales & arsenaux de la marine, du 15 Avril 1689, regle les fonctions des gardes-magasins, & leur prescrit ce qu’ils doivent observer. (Z)
Gardes de la Marine, ou Gardes-Marine ; ce sont de jeunes gentilshommes choisis & entretenus par le Roi dans ses ports pour apprendre le service de la marine, & en faire des officiers.
Ils sont par compagnies, distribuées dans les ports de Brest, de Toulon, & de Rochefort.
Le Roi paye des maîtres pour les instruire de tout ce qu’il est nécessaire de savoir pour faire de bons officiers ; ils en ont pour les Mathématiques, le Dessein, l’Ecriture, la Fortification, la Construction, l’Hydrographie, la Danse, l’Escrime, &c.
On les embarque sur les vaisseaux du Roi, où ils servent comme soldats, & en font toutes les fonctions ; & pour entretenir & cultiver pendant qu’ils sont à la mer les connoissances qu’ils auront prises dans les ports, leur commandant de concert avec le capitaine du vaisseau, marque quatre heures destinées à leurs différens exercices. La premiere pour le Pilotage & l’Hydrographie, la seconde pour l’exercice du mousquet & les évolutions militaires, la troisieme pour l’exercice du canon, la quatrieme pour l’exercice de la manœuvre quand le tems le permettra, qui sera commandée par le capitaine en chef, ou le capitaine en second, & qui la fera commander aussi par les gardes chacun à son tour. Ce sont de ces compagnies que l’on tire tous les officiers de la marine.
Garde-Ménagerie, (Marine.) c’est celui qui a soin des volailles & des bestiaux qu’on embarque pour la table du capitaine & les besoins de l’équipage. (Z)
Garde, (Jurisprud.) signifie conservation & administration ; ce terme s’applique aux personnes & aux choses.
Il y a pour les personnes plusieurs sortes de garde ; savoir la garde des enfans mineurs, que l’on distingue en garde noble & bourgeoise, garde royale & seigneuriale.
Il y a aussi la garde-gardienne pour la conservation des priviléges de certaines personnes.
On donne aussi en garde la justice & plusieurs autres choses ; c’est de-là que certains juges ne sont appellés que juges-gardes ou gardes simplement de telle prevôté.
Enfin, plusieurs autres officiers ont le titre de garde, comme garde des Sceaux, garde des rôles, garde-marteau, &c. Nous allons expliquer ces différentes sortes de gardes, en commençant par la garde des personnes.
Garde d’Enfans mineurs, appellée dans la basse latinité bailia, ballum, warda, & en latin plus correct custodia, est l’administration de leur personne pendant un certain tems, & le droit qui est accordé au gardien pour cette administration, de jouir des biens du mineur ou d’une partie d’iceux, sans en rendre compte, aux charges prescrites par la coûtume.
Quelques-uns prétendent trouver l’origine de la garde jusque chez les Romains, & citent à ce sujet la loi 6 au code de bonis quæ liberos, qui fait mention du droit d’usufruit accordé au pere ou ayeul sur les biens du fils de famille étant en sa puissance. Cet usufruit est accordé comme une suite du droit de puissance paternelle, avec lequel la garde a en effet quelque rapport ; mais elle differe en ce que la puissance paternelle n’est accordée qu’aux peres & ayeuls, au lieu que la garde est aussi accordée aux meres & ayeules, & même en quelques coûtumes aux collatéraux. L’usufruit que donne la puissance paternelle ne finit que par l’émancipation du fils de famille, à la différence de la garde, qui finit à un certain âge, qui est toûjours avant la majorité.
D’autres comparent la garde à l’administration que les meres avoient de leurs enfans étant en pupillarité, lorsque le pere ou ayeul étoit décédé. Seneque en son livre de la consolation ad Martiam, dit : pupillus relictus est usque ad quattordecimum annum sub matris custodia ; à quoi il rapporte aussi ce que dit Horace, liv. I. de tes epîtres.
Pupillis, quos dura premit custodia matrum.
Pontanus sur la coûtume de Blois, tit. ij. art. 4. tient que la garde est une espece de tutelle qui vient des mœurs & coûtumes des Gaulois.
Mais il est plus vraissemblable que l’origine de la garde vient des fiefs ; qu’elle fut établie en faveur des vassaux mineurs qui n’étoient point en âge de faire le service de leurs fiefs. Le Roi ou autre seigneur dont le fief relevoit, prenoit sous sa garde & protection le vassal mineur ; & comme il avoit soin de son éducation, & qu’il faisoit desservir le fief par un autre, il jouisoit pour cela des revenus du fief, jusqu’à ce que le vassal fût en âge de faire la foi, sans être tenu d’en rendre aucun compte.
Loisque le Roi avoit la garde, on l’appelloit garde royale ; lorsqu’elle appartenoit au seigneur, elle étoit appellée garde seigneuriale.
Quelquefois le Roi ou le seigneur la cédoient aux pere, mere, ou autres ascendans ou parens du mineur : & comme en ce tems on ne donnoit les fiefs qu’aux nobles, qu’il n’y avoit presque point de noble qui n’eût quelque fief, & que les roturiers auxquels on permit dans la suite d’en posséder, devenoient nobles par la possession de ces fiefs lorsqu’ils se soûmettoient à en faire le service ; on appella garde noble, la garde de tous les mineurs nobles ou possédant fiefs ; & à l’imitation de cette garde noble, on accorda dans la suite aux pere & mere non nobles la garde bourgeoise de leurs enfans mineurs.
La premiere source de la garde se trouve donc dans le droit féodal des Saxons, où il est dit article xviij. §. 6. dominus etiam est tutor pueri in bonis quæ de ipso tenet infrà annos pueriles, dum nulli contulit hoc emolumentum, & debet inde reditas accipere, donec puer ad annos perveniat suprà scriptos, infra quos puer se negligere non valebit, si à domino non potuerit investiri.
Quelques-uns prétendent qu’il est parlé de la garde dans les capitulaires de Charlemagne ; mais il est constant que le droit de garde est moins ancien en France, & qu’il ne commença d’y être usité, que lorsque les fiefs devinrent héréditaires ; ce qui n’arriva, comme on sait, que vers le commencement de la troisieme race, ou au plûtôt vers la fin de la seconde.
En effet, tant que les fiefs ou bénéfices ne furent qu’à vie, il ne falloit point de gardien pour administrer ces sortes de biens, parce qu’on ne les donnoit jamais qu’à des gens en état de porter les armes & d’administrer leurs biens.
Ce ne fut donc que quand les fiefs commencerent à devenir héréditaires, que les seigneurs prévoyant que ces fiefs pourroient échoir à des mineurs qui ne seroient pas en état de faire le service militaire dû à cause des fiefs, se réserverent en quelques lieux la joüissance de ces fiefs, lorsque ceux auxquels ils appartenoient, n’étoient pas en âge de remplir leurs devoirs de vassaux ; savoir lorsque les mâles n’avoient pas vingt ou vingt-un ans accomplis, parce qu’avant cet âge, ils n’étoient pas réputés capables de porter les armes, comme il est dit dans Fleta, liv. I. chap. jx. §. 3. & à l’égard des filles, elles tomboient en garde pour leurs fiefs jusqu’à ce qu’elles eussent atteint l’âge de puberté, parce que jusque-là elles n’étoient point en état de prendre un mari pour servir le fief.
De-là vint la garde royale & seigneuriale ; la garde royale étoit dévolue au Roi pour les fiefs mouvans immédiatement de lui, qui appartenoient à des mineurs ; & le Roi dans ce cas joüissoit non-seulement des fiefs mouvans de lui, mais aussi des arriere-fiefs ; au lieu que les autres seigneurs ne joüissoient que des fiefs qui étoient mouvans d’eux immédiatement, comme il est dit dans les articles 215. & 216. de la coûtume de Normandie.
Dans quelques endroits les seigneurs, au lieu de se réserver cette joüissance, permirent aux parens les plus proches des mineurs du côté dont les fiefs leur étoient échûs, de desservir ces fiefs ; ils choisissoient même quelquefois entre ces parens celui qui étoit le plus propre à s’acquitter de ce devoir, comme on voit dans la chronique de Cambrai & d’Arras, liv. XXXIII. ch. lxvj. où la garde est nommée custodia : hujus custodiæ puerum cum bono ejus commisit, dit cette chronique ; & en françois cette commission fut nommée bail ou garde ; & les parens qui en étoient chargés furent appellés bails ou baux, & baillistres, du latin bajulus, qui dans la moyenne & basse latinité signifioit gouverneur, administrateur.
Dans quelques coûtumes on distinguoit la garde du bail ; la garde proprement dite n’étoit accordée qu’aux ascendans, le bail aux collatéraux. D’autres ont refusé à ces derniers la garde ou le bail, comme on voit dans la coûtume de Châteauneuf en Thimerais, art. 139. qui porte que dans cette baronnie bail de mineurs n’aura plus lieu, mais qu’il sera pourvû de tuteurs & curateurs, sinon que les peres ou meres eussent pris la garde d’iceux mineurs.
Les anciennes ordonnances ont compris sous le terme de bail l’administration des ascendans aussi bien que celle des collatéraux ; l’une & l’autre est nommée ballum dans une ordonnance de saint Loüis du mois de Mai 1246. Cette même ordonnance distingue néanmoins la garde du bail ; la garde paroît prise pour le soin de la personne, & le bail pour l’administration des biens. En effet cette même ordonnance veut que le collatéral héritier présomptif du fief du mineur en ait le bail, mais que la garde de la personne du mineur appartienne au collatéral qui est dans le degré suivant.
Les Anglois qui ont emprunté comme nous la garde du droit féodal, nous en fournissent des exemples fort anciens. Malcome II. roi d’Ecosse, qui monta sur le throne en 1004, traita avec ses sujets auxquels il donna les terres qu’ils possédoient, à la charge de les tenir de lui à foi & hommage, & tous les barons lui accorderent le relief & la garde ; & omnes barones concesserunt sibi wardam & relevium de hærede cujuscumque baronis defuncti ad sustentationem domini regis. La charte des libertés d’Angleterre de l’an 1215, fait aussi mention de la garde.
En France l’acte le plus ancien que je connoisse où il soit parlé du bail ou garde des mineurs, c’est une charte de l’an 1227, rapportée par Duchesne dans ses preuves de l’histoire de la maison de Chatillon.
Matthieu Paris en parle aussi aux années 1231, 1245 & 1257, où l’on voit que le roi vendoit ou donnoit la garde des mineurs à qui bon lui sembloit.
La plus ancienne ordonnance qui concerne le bail & la garde, est celle de saint Loüis du mois de Mai 1246, qui a pour objet de régler le bail & le rachat dans les coûtumes d’Anjou & du Maine.
Le chap. xvij. des établissemens faits par ce même prince en 1270, porte que la mere noble a le bail de son hoir mâle jusqu’à 21 ans, & celui de la fille jusqu’à 15, au cas qu’il n’y ait pas d’hoir mâle. Il paroît résulter de-là que quand il y avoit un enfant mâle, la fille ne tomboit pas en garde ou en bail, l’aîné étoit apparemment saisi de toute la succession, & gagnoit les fruits jusqu’à ce que ses puînés l’eussent sommé de leur en faire partage.
Le chap. cxvij. de cette même ordonnance veut que la garde du fief soit donnée à celui qui en est héritier présomptif, & la garde de la personne à un autre parent, de crainte que l’héritier ne desirât plûtôt la mort que la vie des enfans ; & l’on ne donnoit joüissance de la terre du mineur à celui qui avoit la garde de sa personne, qu’autant qu’il en falloit pour le nourrir.
A l’égard des roturiers, les pere & mere étoient les seuls qui eussent le bail de leurs enfans ; & en cas qu’ils fussent tous deux décédés, l’héritier présomptif pouvoit bien tenir les enfans ; mais ils avoient la liberté d’aller demeurer chez un autre parent ou même chez un étranger qui avoit le soin de leurs personnes & de leurs biens.
Le roi Jean qui étoit bail & garde du duc de Bourgogne, étant prisonnier en Angleterre, son fils aîné, comme le représentant, fit les fonctions de bail, & en cette qualité donna des bénéfices dont la nomination appartenoit au duc de Bourgogne.
Anciennement il n’y avoit que les fruits des héritages féodaux qui tombassent en garde, ce qui s’observe encore dans les coûtumes de Vermandois & de Melun.
La garde n’étoit point considérée comme un avantage ; mais insensiblement les gardiens étendirent leurs droits au préjudice des mineurs. Ces usages furent reçus diversement dans les coûtumes.
Quelques-unes n’usent que du terme de garde pour designer cette administration, comme celle de Paris ; d’autres l’appellent simplement bail, comme celle du Maine ; d’autres disent garde ou bail indifféremment, telle que la coûtume de Peronne.
D’autres distinguent la garde du bail. Celle d’Orléans dit que les ascendans sont gardiens, que les baillistres sont la mere ou ayeule remariée & les collatéraux ; celles de Melun & de Mantes déferent le bail aux collatéraux ; celle de Reims dit que bail d’enfant n’a lieu, & elle ne défere la garde qu’aux ascendans.
La coûtume de Blois joint ensemble les termes de garde, gouvernement, & administration.
Quelques coûtumes, comme celles de Mantes & d’Anjou, n’admettent la garde que pour les nobles, & non pour les roturiers ; d’autres, comme Paris, admettent l’une & l’autre.
En Normandie il y a garde royale & garde seigneuriale.
En Bretagne les enfans tomboient aussi en la garde du duc & des autres seigneurs ; mais ce droit fut changé en rachat par accord fait entre Jean duc de Bretagne, fils de Pierre Mauclerc, & les nobles du pays.
Quelques coûtumes, comme celle de Châlons, n’admettent ni garde ni bail.
Enfin quelques-unes n’en parlent point, & ont pourvû en diverses autres manieres à l’administration des mineurs & de leurs biens, & aux droits des pere, mere, & autres ascendans.
Le droit commun & le plus général que l’on suit présentement par rapport à la garde qui a lieu pour les pere, mere, & autres parens, est qu’on la considere comme un avantage accordé au gardien, parce qu’ordinairement il y trouve du bénéfice, & qu’il ne l’accepte que dans cette vûe.
Elle participe de la tutelle, en ce que le gardien est chargé de nourrir & entretenir les mineurs selon leur condition, & qu’il a l’administration de leurs biens qui tombent en garde : mais le pouvoir du tuteur est beaucoup plus étendu.
Les pere & mere mineurs ont la garde de leurs enfans, aussi-bien que les majeurs : mais on donne un tuteur ou curateur au gardien, lorsqu’il est mineur.
Les dispositions entre-vifs ou testamentaires, par lesquelles les ascendans ordonneroient que leurs enfans ne tomberont pas en garde, ne seroient pas valables, parce qu’ils ne peuvent pas ôter ce droit au survivant, qui le tient de la coutume.
La garde n’est jamais ouverte qu’une fois à l’égard des mêmes enfans ; quand on ne l’a pas prise lorsqu’elle étoit ouverte, on ne peut plus y revenir ; & elle ne se réitere point, c’est-à-dire que les enfans ne tombent jamais deux fois en garde.
Si les ascendans ont laissé créer un tuteur à leurs enfans ou petits-enfans, ils ne peuvent plus en prendre la garde, quand même ce seroit eux qui seroient tuteurs, à-moins qu’ils ne se soient reservé expressément la faculté de prendre la garde.
La garde doit être acceptée en personne, & non par procureur.
L’acceptation ne peut pas être faite au greffe, mais en jugement, c’est-à-dire l’audience tenante. L’usage est que le gardien se présente assisté d’un procureur, qui requiert lettres de ce que sa partie accepte la garde ; ce que le juge lui accorde.
Les juges de privilége ne peuvent pas déférer la garde ; c’est au juge ordinaire du domicile du défunt à la déférer. Cette regle ne reçoit d’exception qu’à l’égard des princes & princesses du sang, auxquels la garde est déférée par le parlement ; & il est bon à ce propos de relever une fausse tradition qui a eu cours à ce sujet, savoir, que lorsque Gaston, frere de Louis XIII. voulut prendre la garde noble de ses filles ; pour le dispenser d’aller au châtelet, le roi rendit une déclaration, par laquelle il transféra le châtelet pour vingt-quatre heures au palais d’Orléans, dit Luxembourg, où demeuroit Gaston ; que le châtelet y tint son audience, pendant laquelle Gaston vint en personne accepter la garde. Cependant il est certain qu’il y a arrêt du parlement du 2 Septembre 1627, qui montre que l’acceptation de la garde noble y fut véritablement faite par Gaston duc d’Orléans.
Dans les coûtumes qui ne fixent point le tems pour accepter la garde, elle peut toûjours être demandée tant qu’il n’y a pas de tuteur nommé.
L’acceptation de la garde faite rebus integris, a un effet rétroactif au jour de l’ouverture de la garde.
Celui qui a une fois accepté la garde ne peut plus s’en démettre que du consentement de ses mineurs ; mais il peut s’en démettre malgré ses créanciers.
Le gardien même mineur n’est point relevé de son acceptation, sous prétexte de minorité, lésion, ou autrement.
Dans les coûtumes où le gardien, soit noble ou roturier, gagne les meubles, il n’en fait point d’inventaire : mais il doit toûjours faire inventorier les titres & papiers, pour en constater la quantité & la valeur, afin que l’on ne puisse pas lui en demander davantage : cet inventaire doit être fait avec le tuteur ou subrogé-tuteur des enfans.
Si le gardien est en communauté de biens avec ses enfans, il faut que l’inventaire soit fait & clos dans le tems & la forme prescrits par la coûtume ; autrement la communauté continueroit, & le bénéfice de la garde y seroit confondu jusqu’à ce qu’il y ait un inventaire clos.
Le gardien doit aussi, pour sa sûreté, faire un procès-verbal de l’état des immeubles, pour les rendre au même état de grosses réparations.
La tutelle n’appartient pas de plein droit au gardien ; ainsi il ne peut, sans être tuteur, recevoir le remboursement volontaire ou forcé des rentes dûes à ses mineurs ; il ne peut aliéner leurs immeubles, & on ne peut en faire le decret sur lui ; il ne peut déduire en jugement aucunes actions réelles de ses mineurs, soit en demandant ou en défendant, ni même y déduire d’autres actions personnelles que celles qui concernent la joüissance qu’il a droit d’avoir comme gardien.
Lors donc qu’il s’agit de quelque acte que le gardien ne peut pas faire, on crée un tuteur ou curateur au mineur.
Si le mineur n’a pas d’autres biens que ceux compris dans la garde, le gardien doit avancer au tuteur l’argent nécessaire pour exercer les droits du mineur, quand ce seroit pour procéder contre le gardien lui-même, sauf à celui-ci à répéter ces avances après la fin de la garde, s’il y a lieu.
Quant à l’émolument de la garde, c’est un statut réel qui se regle par chaque coûtume pour les biens qui y sont situés.
Les coûtumes ne sont pas uniformes sur ce point ; les unes donnent au gardien les meubles en propriété ; d’autres ne les donnent qu’au gardien noble ; d’autres n’en donnent que l’administration.
La coûtume de Paris & plusieurs autres donnent au gardien l’administration des meubles, & le gain de tous les fruits des immeubles pendant la garde ; à la charge de payer les dettes & arrérages des rentes que doivent les mineurs ; les nourrir, alimenter & entretenir selon leur état & qualité ; payer & acquitter les charges annuelles que doivent les héritages, & entretenir lesdits héritages de toutes réparations viageres.
D’autres coûtumes ne donnent la joüissance que des héritages nobles. Voyez les commentateurs sur les titres des coûtumes où il est parlé de la garde noble & bourgeoise, & le traité qu’en a fait de Renusson. (A)
Garde bourgeoise, est celle qui est déférée par la coûtume au pere ou mere bourgeois & non nobles.
Quelques auteurs ont écrit que ce privilége fut accordé aux bourgeois de Paris par Charles V. par des lettres-patentes du 9 Août 1371 : mais en examinant avec attention ces lettres, on voit que l’usage de la garde bourgeoise étoit plus ancien, & que Charles V. ne fit que le confirmer. On voit en effet dans ces lettres, que les bourgeois de Paris représenterent au roi, que dans les tems passés, tant de son regne que de celui de ses predécesseurs, ils avoient joüi des droits de garde & baux de leurs enfans & cousins, consanguineorum ; ce qui suppose qu’alors la garde avoit lieu à Paris au profit des collatéraux ; Charles V. les confirma dans tous leurs priviléges, sans les spécifier.
Ce droit de garde bourgeoisie n’a lieu dans la coûtume de Paris, qu’en faveur des bourgeois de la ville & fauxbourgs de Paris, & non pour les bourgeois des autres villes ; mais il a été étendu dans d’autres coûtumes aux bourgeois de certaines villes.
Les ayeux & ayeules ne peuvent prétendre la garde bourgeoise.
Pour regler la capacité de celui qui prétend la garde bourgeoise, on ne considere pas le domicile du gardien, mais la coûtume du lieu où le défunt qui a donné ouverture à la garde, avoit son dernier domicile ; & cette garde n’a son effet que sur les biens situés dans la coûtume qui accorde la garde, & ne comprend pas ceux qui seroient dans d’autres coûtumes, quand même elles accorderoient aussi la garde bourgeoise, parce qu’elle n’est donnée qu’à ceux qui sont domiciliés dans la coûtume ; & que le défunt ne pouvoit pas être domicilié à-la-fois dans plusieurs coûtumes. Voyez les arrêtés de M. de Lamoignon, tit. j. art. 29.
La garde bourgeoise ne dure que jusqu’à quatorze ans pour les mâles, & douze ans pour les filles, excepté dans la coûtume de Reims, où elle dure jusqu’à vingt-cinq ans, tant pour les mâles que pour les femelles.
Du reste le pouvoir & les droits du gardien bourgeois sont les mêmes que ceux du gardien noble. Voyez ci-après Garde noble. (A)
Garde coutumiere, est la garde soit royale ou seigneuriale, noble ou bourgeoise, des enfans mineurs, qui est déférée à certaines personnes par les coûtumes, à la différence de la garde royale ou sauve-garde accordée à certaines personnes par des lettres-patentes. (A)
Garde noble, est celle qui appartient aux pere, mere, ou autres ascendans nobles.
Par rapport à l’origine de cette garde, voyez ce qui a été dit ci-devant sur la garde des enfans mineurs en général.
L’émolument de cette garde est reglé diversement. Quelques coûtumes donnent au gardien les meubles en propriété ; d’autres ne lui en donnent que l’administration.
Dans quelques coûtumes, le gardien ne gagne que les fruits des fiefs du mineur ; dans d’autres, il a les revenus de tous leurs biens, même roturiers ; d’autres les chargent de rendre compte de tous les fruits.
L’âge auquel finit la garde noble est le même que celui de la majorité féodale, lequel est reglé diversement par les coûtumes. Voyez ci-devant Garde bourgeoise, & ci-après Garde royale et seigneuriale.
Garde royale, en Normandie, est celle qui appartient au roi sur les enfans mineurs à cause des fiefs nobles qu’ils possedent, mouvans immédiatement du roi, soit à cause de sa couronne ou à cause de son domaine.
Cette espece particuliere de garde, qui est propre à la province de Normandie, paroît avoir eu la même origine que la garde seigneuriale, & conséquemment la même origine que la garde noble, c’est-à-dire de suppléer au service militaire que les vassaux mineurs n’étoient pas en état de faire.
Nous croyons par la même raison que l’usage de la garde royale est aussi ancien que celui de la garde seigneuriale ou garde noble dans les autres coûtumes.
Mais il y a aussi lieu de croire que cette garde fut d’abord ducale avant d’être royale ; les fiefs ayant commencé à devenir héréditaires vers la fin de la seconde race & au commencement de la troisieme, c’est-à-dire dans le dixieme siecle. Rollo qui fut premier duc de Normandie en 910, ou quelqu’un de ses successeurs ducs, établit sans doute la garde seigneuriale ou ducale, à l’imitation des autres seigneurs. Ceux-ci la remirent ensuite aux parens, moyennant un droit de rachat ; au lieu que les ducs de Normandie continuerent de joüir par eux-mêmes du droit de garde : aussi Terrien, qui a travaillé sur l’ancienne coûtume, ne parle-t-il pas de la garde royale, mais seulement de la garde d’orphelins, qu’il divise en deux especes, savoir celle qui appartient au duc de Normandie, & celle qui appartient aux autres seigneurs de la même province.
Cette garde ducale devint royale, soit lorsque Guillaume II. dit le Bâtard & le Conquérant, septieme duc de Normandie, eut conquis le royaume d’Angleterre, ce qui arriva l’an 1066 ; ou bien lorsque la Normandie fut réunie à la couronne de France par Philippe-Auguste.
Mais Terrien s’est trompé, en supposant que la garde avoit été introduite en Angleterre depuis que les ducs de Normandie en ont été rois : car les barons d’Ecosse accorderent le relief & la garde à Malcome II. qui monta sur le throne d’Ecosse en 1004.
Il n’y a en Normandie que deux sortes de garde, savoir la garde royale & la garde seigneuriale ; la garde bourgeoise n’y a pas lieu.
Le privilége de la garde royale est que le roi fait les fruits siens, non-seulement de ce qui échet pour raison des fiefs nobles tenus immédiatement de lui, & pour raison desquels on tombe en garde : mais il a aussi la garde, & fait les fruits siens de tous les autres fiefs, rotures, rentes, & revenus, tenus d’autres seigneurs que lui, médiatement ou immédiatement ; au lieu que la garde seigneuriale ne s’étend que sur les fiefs nobles ou qui relevent immédiatement des seigneurs particuliers, & non sur les autres fiefs nobles ou autres héritages relevans & mouvans d’autres seigneurs que d’eux. La raison de cette différence est que la majesté royale seroit blessée de souffrir un partage avec d’autres seigneurs qui sont les sujets du roi.
Si les arriere-vassaux du roi viennent à tomber en garde noble, pour raison des fiefs nobles qui relevent immédiatement des mineurs tombés en la garde noble royale, le roi fait pareillement siens les fruits & revenus de ces arriere-fiefs, tant que dure la garde noble royale des vassaux immédiats, & que les arriere-vassaux sont mineurs : de sorte que si la minorité de ceux-ci duroit encore après la garde noble royale finie, ils tomberoient en la garde du seigneur immédiat pour le restant de leur minorité, & ne seroient plus dans la garde royale.
La garde royale ne s’étend point sur des fiefs & biens situés dans une autre coûtume que celle de Normandie, à-moins qu’elle n’eût quelque disposition semblable.
Les apanagistes ni les engagistes du domaine n’ont point la garde royale ; c’est un droit de la couronne qui est inaliénable.
Le roi ne tire aucun bénéfice de la garde noble royale ; il en gratifie ordinairement les mineurs, ou leurs pere ou mere, ou quelqu’un de leurs parens ou amis : mais le droit de patronage qui appartient aux mineurs étant en la garde du roi, n’est point compris dans le don ou remise que le roi fait de la garde.
S’il n’y a qu’un seul bénéfice, le roi y présente à l’exclusion de la doüairiere qui joüit du fief ; mais s’il y en a plusieurs, la doüairiere présente au bénéfice dont le patronage est attaché au fief dont elle joüit.
La garde royale ou seigneuriale ne commence que du jour qu’elle est demandée en justice, si ce n’est par rapport à la présentation aux bénéfices.
Elle finit à l’âge de vingt-un ans accomplis, pour les mâles ; au lieu que la garde seigneuriale finit à vingt ans, tant pour les mâles que pour les filles.
La garde royale finit à l’âge de vingt ans accomplis pour les filles, & même plûtôt si elles sont mariées du consentement de leur seigneur & des parens & amis : c’est la même chose, à cet égard, pour la garde seigneuriale.
Les charges de la garde royale sont les mêmes que celles de la garde seigneuriale & de la garde noble en général.
Ceux auxquels le roi a fait don ou remise de la garde royale, sont en outre obligés d’en rendre compte aux mineurs lorsque la garde est finie, excepté lorsque le donataire est étranger à la famille.
Le donataire de la garde qui est parent du mineur, est seulement exempt des intérêts pupillaires ; il ne peut demander que ses voyages & séjours, & non des vacations.
Le don ou remise de la garde fait à la mere, quoiqu’elle ne soit pas tutrice, ou au tuteur depuis son élection, est réputé fait au mineur, au profit duquel ils sont obligés de tenir compte des intérêts pupillaires ; ce qui a lieu pareillement quand lors de l’élection le tuteur ne s’est point réservé à joüir de la garde qui lui étoit acquise avant sa tutelle. Art. 36. du réglement de 1666.
En concurrence de plusieurs donataires de la garde royale, celui qui est parent est préféré à l’étranger ; & entre parens, c’est le plus proche. Voyez ci-après Garde seigneuriale ; & les commentateurs de la coûtume de Normandie, sur les articles 214. & suiv. (A)
Garde seigneuriale, en Normandie, est la garde noble des enfans mineurs, qui appartient aux seigneurs particuliers de fiefs, à cause des fiefs qui relevent immédiatement d’eux. L’origine de ce droit est la même que celle de la garde royale & de la garde noble en général.
Cette garde ne s’étend point sur les autres fiefs & biens des mineurs ; quand même ces biens seroient aussi situés en Normandie.
Le seigneur qui a la garde fait les fruits siens, sans être obligé d’en rendre compte, ni de payer aucun reliquat.
Le devoir du seigneur est de veiller sur la personne & sur les intérêts du mineur ; de ne rien faire à son préjudice ; enfin d’en user comme un bon pere de famille : autrement, si le seigneur abusoit de la garde, on pourroit l’en faire décheoir.
Il est libre au seigneur, quoiqu’il ait accepté la garde, d’y renoncer dans la suite, s’il reconnoît qu’elle lui soit plus onéreuse que profitable.
Le seigneur n’est obligé à la nourriture, & n’entretient des mineurs sur les biens compris en la garde, qu’au cas qu’ils n’ayent point d’ailleurs de revenu suffisant.
On donne un tuteur au mineur pour les biens qui n’entrent pas dans la garde.
Mais si le tuteur & les parens du mineur abandonnent au seigneur la joüissance de tous les biens des mineurs, alors il est obligé d’entretenir le mineur selon son état & eu égard à la valeur des biens, de contribuer au mariage des filles, de conserver le fief en son intégrité, & d’acquitter les arrérages des rentes foncieres hypothécaires & charges réelles.
S’il y a plusieurs seigneurs ayant la garde noble à cause de divers fiefs appartenans au mineur, chacun contribue aux charges de la garde pour sa quotepart ; & si les seigneurs y manquoient, les tuteurs ou parens pourroient les y contraindre par justice.
Le seigneur qui a la garde doit entretenir les biens comme un bon pere de famille.
Si pendant que le mineur est en la garde de son seigneur, ceux qui tiennent quelque fief noble de ce mineur tombent aussi en garde, elle appartient au mineur, & non à son seigneur ; à la différence de la garde royale, qui s’étend sur les arriere-fiefs.
La garde seigneuriale finit à l’âge de vingt ans accomplis, tant pour les mâles que pour les filles ; & pour la faire cesser, il suffit de faire signifier au seigneur le passé-âge, c’est-à-dire que le mineur est devenu majeur.
Elle peut finir plûtôt à l’égard des filles par leur mariage, pourvû qu’il soit fait du consentement du seigneur gardien & des parens & amis.
Si la fille qui est sortie de garde épouse un mineur, elle retombe en garde.
La femme mariée ne retombe point en garde encore que son mari meure avant qu’elle ait l’âge de 20 ans.
Celui qui sort de garde ne doit point de relief à son seigneur.
La fille aînée mariée, qui n’a pas encore vingt ans accomplis, ne tire point ses sœurs puînées hors de garde jusqu’à ce qu’elles soient mariées ou parvenues à l’âge de vingt ans ; sauf à la fille aînée à demander partage au tuteur de ses sœurs. Voyez les commentateurs de la coûtume de Normandie, sur les art. 214. & suiv. jusque & compris l’art. 234 ; & ci-devant Garde royale. (A)
Garde, (Droit de-) droit qui se levoit anciennement par les seigneurs, & que les titres appellent garda ou gardagium ; il est souvent nommé conjointement avec le droit de guet. Les vassaux & autres hommes du seigneur étoient obligés de faire le guet & de monter la garde au château pour la défense de leur seigneur. Ce service personnel fut ensuite converti en une redevance annuelle en argent ou en grains. Il en y a des titres de l’an 1213, 1237, & 1302, dans l’histoire de Bretagne, tome I. pp. 334, 372, & 452 : il y en a aussi des exemples dans l’histoire de Dauphiné par M. de Valbonnais.
La plûpart des seigneurs s’arrogerent ces droits, sous prétexte de la protection qu’ils accordoient à leurs vassaux & sujets dans les tems des guerres privées & des incursions que plusieurs barbares firent dans le royaume : dans ces cas malheureux, les habitans de la campagne se retiroient avec leurs femmes, leurs enfans, & leurs meilleurs effets, dans les châteaux de leurs seigneurs, lesquels leur vendirent cette garde, protection ou avoüerie, le plus cher qu’ils purent ; ils les assujettirent à payer un droit de garde en blé, vin, ou argent, & les obligerent de plus à faire le guet.
On voit dans le chap. liij. des établissemens de S. Louis, que dans certains lieux les sujets étoient obligés à la garde avec leurs femmes ; en d’autres, ils n’étoient pas obligés de mener leurs femmes avec eux ; & quand ils n’en avoient pas, ils devoient mener avec eux leurs sergens, c’est-à-dire leurs serviteurs ou leur ménage. La garde ou le guet obligeoient l’homme à passer les nuits dans le chateau du seigneur, lorsqu’il y avoit necessité ; & l’homme avoit le jour à lui. Ces droits de guet & de garde furent dans la suite reglés par nos rois ; Louis XI. les regla à cinq sols par an. Voyez ci-après Guet ; & le gloss. de M. de Lauriere, aux mots lige-étage & guet & garde. (A)
Garde, (Denier de-) est une modique redevance de quelques deniers, qui se paye au seigneur pour les années qu’une terre labourable se repose ; & la rente, champart, terrage, agrier, ne se paye que pour les autres années où la terre porte des fruits. Il est parlé de ce droit dans plusieurs anciens baux passés sous le scel de la baillie de Mehun-sur-Yevre, qui ont été faits à la charge de rente fonciere & de garde. On voit dans le procès-verbal de la coûtume du grand Perche, que ce droit est prétendu par le baron de Loigny : il en est aussi fait mention en la quest. jx. des décisions de Grenoble. (A)
Garde des Eglises, est la protection spéciale que le roi ou quelqu’autre seigneur accorde à certaines églises ; nos rois ont toûjours pris les églises sous leur protection.
S. Louis confirma en 1268 toutes les libertés, franchises, immunités, prérogatives, droits & priviléges accordés, tant par lui que par ses prédécesseurs, aux églises, monasteres, lieux de piété, & aux religieux & personnes ecclésiastiques.
Philippe-le-Bel, par son ordonnance du 23 Mars 1308, déclara que son intention étoit que toutes les églises, monasteres, prélats, & autres personnes écclésiastiques, fussent sous sa protection.
Le même prince déclara que cette garde n’empêchoit pas la jurisdiction des prélats : lorsque cette garde emportoit une attribution de toutes les causes d’une église à un certain juge, elle étoit limitée aux églises qui étoient d’ancienneté en possession de ce droit ; & Philippe-le-Bel déclara même que dans la garde des églises & monasteres, les membres qui en dépendent n’y étoient pas compris.
Il étoit défendu aux gardiens des églises, ou aux commissaires députés de par le roi & par les sénéchaux, de mettre des pannonceaux ou autres marques de garde royale sur les biens des églises, à-moins qu’elles n’en fussent en possession paisible, ou à-peu-près telle. Lorsqu’il y avoit quelque contestation sur cette possession, le gardien ou le commissaire faisoit ajourner les parties devant le juge ordinaire ; & cependant il leur faisoit défense de rien faire au préjudice l’un de l’autre : il ne poursuivoit personne pro fractione gardiæ, c’est-à-dire, pour contravention à la garde, à-moins que cette garde ne fût notoire, telle qu’est celle des cathédrales & de quelques monasteres qui sont depuis très-long-tems sous la garde du roi, ou que cette garde n’eût été publiée dans les assises, ou signifiée à la partie.
Philippe VI. dit de Valois, promit par rapport à certaines sénéchaussées qui étoient par-delà la Loire, qu’il n’accorderoit plus de garde dans les terres des comtes & barons, ni dans celles de leurs sujets, sans connoissance de cause, les nobles appellés, excepté aux églises & monasteres, qui de toute ancienneté sont sous la garde royale, & aux veuves, pupilles, & aux clercs vivant cléricalement, tant qu’ils seroient dans cet état ; que si dans ces sénéchaussées, les sujets des hauts-justiciers ou autres violoient une garde, les juges royaux connoîtroient de ce délit, mais qu’ils ne pourroient condamner le délinquant qu’à la troisieme partie de son bien ; que la poursuite qu’ils feroient contre lui, n’empêcheroit pas le juge ordinaire du haut-justicier de procéder contre le délinquant, comme à lui appartiendroit ; mais que si le crime étoit capital, il ne pourroit rendre sa sentence que les juges royaux n’eussent rendu la leur au sujet de la sauve-garde.
On voit aussi dans les lettres du même prince de 1349, qu’il y avoit des personnes qui étoient immédiatement en la garde du roi, d’autres qui n’y étoient que par la voie de l’appel.
Le roi Jean déclara en 1351, que les juges royaux pourroient tenir leurs assises sur les terres des seigneurs, quand le roi y avoit droit de garde. Ce même prince donnant à Jean son fils les duchés de Berry & d’Auvergne, retint la garde & les régales des églises cathédrales & des églises de fondation royale.
Le temporel de l’abbaye de Lagny fut saisi en 1364, à la requête du receveur de Meaux, pour payer la somme de 800 livres dûe par cette abbaye pour les arrérages de la garde dûe au roi.
Par des lettres du mois de Juillet 1365, Charles V. déclara que toutes les églises de fondation royale sont de droit sous la sauve-garde royale.
Quand Charles VI. donna le duché de Touraine à Jean son second fils, il se réserva la garde de l’église cathédrale de Tours, & de celles qui sont de fondation royale, ou en pariage, ou qui sont tellement privilégiées, qu’elles ne peuvent être séparées du domaine de la couronne. Il fit la même réserve lorsqu’il lui donna le duché de Berri & le comté de Poitou : il en usa aussi de même lorsqu’il donna le comté d’Evreux au duc d’Orleans son frere. Voyez Conservateurs royaux & apostoliques. (A)
Garde enfrainte, est lorsqu’un tiers fait quelque acte contraire au droit de garde, ou sauve-garde accordé par le roi à quelqu’un. (A)
Garde-faite, est défini par l’article 531 de la coûtume de Bourbonnois, quand celui qui est commis à la garde du bétail est trouvé gardant le bétail en l’héritage auquel le dommage est fait, ou que le gardien est près du bétail, de maniere qu’il le puisse voir, & ne fait néanmoins diligence de le mettre dehors, ou lorsqu’il mene & conduit le bétail dans l’héritage, ou qu’il l’a déclos & débouché afin que son bétail y puisse entrer, & qu’ensuite par ce moyen le bétail y soit entré.
Quand le bétail qui a fait le dommage n’étoit pas gardé, le maître du bétail peut l’abandonner pour le délit ; mais quand le bétail étoit à garde-faite, le maître doit payer le dommage. Voyez Despommiers sur l’article 531 de la coutume de Bourbonnois. Voyez aussi l’article 309 de celle de Melun, celle d’Amiens, article 206 & suivant. (A)
Garde-gardienne, ce sont des lettres accordées par le roi à des abbayes, chapitres, prieurés, & autres églises, universités, colléges, & autres communautés, par lesquelles le roi déclare qu’il prend en sa garde spéciale ceux auxquels il les accorde, & pour cet effet leur assigne des juges particuliers, pardevant lesquels toutes leurs causes sont commises ; le juge auquel cette jurisdiction est attribuée, s’appelle juge conservateur de leurs priviléges. Ceux qui ont droit de garde-gardienne peuvent, en vertu de ces lettres, attirer leur partie adverse qui n’a point de privilége plus éminent, hors de la jurisdiction naturelle, soit en demandant ou défendant, pourvû que les lettres de garde-gardienne ayent été vérifiées au parlement où le juge conservateur ressortit.
On entend quelquefois par le terme de garde-gardienne, le privilége résultant des lettres d’attribution.
L’usage des gardes-gardiennes est fort ancien, surtout pour les églises cathédrales, & autres de fondation royale, que nos rois ont toujours prise sous leur protection ; ce que l’on appelloit alors simplement garde ou sauve-garde, ou bien garde royale. Dans la suite on se servit du terme de garde-gardienne, soit parce que cette garde étoit administrée par un gardien ou juge conservateur, ou bien pour distinguer cette espece particuliere de garde, de la garde royale des enfans mineurs qui a lieu en Normandie.
Les priviléges de garde-gardienne furent confirmés par l’article 9 de l’édit de Cremieu, qui veut que les baillifs & sénéchaux ayent la connoissance des causes & matieres des églises de fondation royale, auxquelles ont été & seront octroyées des lettres en forme de garde-gardienne, & non autrement.
Cet article a été confirmé par l’article 3 d’un édit du mois de Juin 1559, qui restraint cependant les priviléges des gardes-gardiennes, en ce qu’il ordonne qu’il n’y aura que ceux qui sont du corps commun de l’église à laquelle elles ont été accordées, qui en jouiront, & qu’elles ne s’étendront pas aux bénéfices étant de sa collation.
L’ordonnance de 1669, titre 4 des committimus & gardes-gardiennes, ordonne, article 18, que les églises, chapitres, abbayes, prieurés, corps & communautés qui prétendent droit de committimus, soient tenus d’en rapporter les titres pour être examinés, & l’extrait envoyé aux chancelleries près les parlemens, & que jusqu’à ce il ne leur soit expédié aucunes lettres.
L’article 18 permet aux principaux des colléges, docteurs, régens, & autres du corps des universités qui tiennent des pensionnaires, de faire assigner de tous les endroits du royaume, par-devant le juge de leur domicile, les redevables des pensions & autres choses par eux fournies à leurs écoliers, sans que leurs causes en puissent être évoquées ni renvoyées devant d’autres juges, en vertu de committimus ou autre privilége.
L’article suivant porte, que les recteurs, régens & lecteurs des universités exerçant actuellement, ont leurs causes commises en premiere instance devant les juges conservateurs des priviléges des universités, auxquels l’attribution en a été faite par les titres de leur établissement ; & qu’à cet effet il sera dressé par chacun an un rôle par le recteur de chaque université, pour être porté aux juges conservateurs de leurs priviléges.
Les écoliers étudians dans une université, ont un autre privilége qu’on appelle privilége de scholarité. Voyez Scholarité, Committimus, Conservateur, Conservation. (A)
Garde-lige, est le service qu’un vassal lige doit à son seigneur ; on entend aussi quelquefois par ce terme le vassal même qui fait ce service, & qui est obligé de garder le corps de son seigneur avec armes suffisantes. (A)
Garde ou Protection, dans le tems des incursions des Barbares & des guerres privées, les habitans de la campagne, & même ceux des villes, se mettoient sous la garde & protection de quelque seigneur puissant qui avoit droit de château & forteresse, pour les mettre en sûreté, & les défendre des violences auxquelles ils étoient exposés ; & comme il se faisoit à ce sujet un contrat entre le seigneur & ses sujets, & que ceux-ci s’engageoient par reconnoissance à certains droits & devoirs envers le seigneur, cette garde devenoit aussi par rapport au seigneur un droit qu’il avoit sur ses sujets. C’est pourquoi dans des lettres du roi Jean, du mois d’Août 1354, portant confirmation des priviléges des habitans de Jonville-sur-Sône ; il est dit que ces habitans ne pourront, sans le consentement de leur seigneur, se mettre sous la garde & protection d’un autre, si ce n’est contre les violences de gens qui ne seroient pas soumis à leurs seigneurs ; mais que dans ce cas ils seront tenus d’exprimer dans les lettres de garde qu’ils obtiendront de ces seigneurs étrangers, le nom des gens contre les violences desquels ils demandent protection. Et dans des lettres de Charles V. du mois d’Août 1366, il est dit que la garde de quelques lieux appartenant à l’abbaye de Molesme, ne pourra être mise hors la main des comtes de Champagne ; & l’on voit que ce droit de garde emportoit une jurisdiction sur les personnes qui étoient en la garde du seigneur. (A)
Garde royale des Églises. Voyez ci-devant Garde des Églises.
Garde seigneuriale ou Protection. Voyez ci-devant Garde ou Protection.
Garde des Ablées, ou Grains pendans par les racines. Charles V. par-des lettres du 19 Juin 1369, permit aux mayeurs & échevins d’Abbeville d’en établir, avec pouvoir à ce garde de saisir les charrois & bestiaux qui causeroient du dommage dans les terres, & de condamner en l’amende ceux qui les conduiroient. Voyez Messier. (A)
Garde-bois. Voyez ci-après Garde des Eaux et Forêts.
Garde des Decrets & Immatricules, & ita est, du Châtelet. Cet officier a trois fonctions ; comme garde des decrets, il doit garder les decrets du châtelet 24 heures en sa possession depuis qu’ils sont signés, recevoir les oppositions s’il en survient, sinon donner son certificat sur lesdits decrets, & les remettre au scelleur pour les sceller. Comme garde des immatricules, il doit faire immatriculer & signer sur son registre les notaires & huissiers qui sont immatriculés au Châtelet, & qui en cette qualité ont le droit d’instrumenter par tout le royaume : enfin comme ita est, il a le droit d’expédier les grosses que les notaires qui ont reçu les minutes n’ont pû expédier, soit par mort ou par vente ; il signe au milieu, en mettant au-dessus de sa signature ita est, qui veut dire collationné à la minute, que le successeur à l’office & pratique lui représente ; ce successeur signe à droite, & le notaire en second à gauche. (A)
Garde des Droits royaux de souveraineté de ressort & des exemptions dans la ville de Limoges ; cette qualité étoit donnée à des sergens que le sénéchal de Limoges commettoit pour être les conservateurs des priviléges de ceux qui étoient en la sauve-garde du roi. Voyez les lettres de Charles V. du 22 Janvier 1371, pour le chapitre de Limoges. (A)
Gardes des Fermes. Voyez ci-devant Fermes générales.
Gardes ou Maîtres des Foires ou des Privileges des Foires, étoient ceux qui avoient l’inspection sur la police des foires, & la manutention de leurs priviléges. L’ordonnance de Philippe-le-Bel, du 23 Mars 1302, porte que les gardes des foires de Champagne seront choisis par délibération du grand-conseil ; c’étoient les mêmes officiers qui ont depuis été appellés juges conservateurs des priviléges des foires. (A)
Gardes des Gabelles. Voyez ci-devant Gabelles.
Garde d’un Greffe. Voyez ci-devant Garde de Justice.
Garde ou Greffier des Prisons : cette qualité est donnée au greffier des prisons du châtelet dans une ancienne ordonnance. Voyez le recueil des ordonnances de la troisieme race, tom. III. à la table. (A)
Garde ou Juge-Garde des Monnoies, est un juge qui veille sur tout le travail de la monnoie. Voyez au mot Monnoie, où il en sera parlé plus amplement. (A)
Garde de Justice, est le nom que l’on donne à certains juges, qui sont considérés comme n’ayant la justice qu’en dépôt & en garde. Par exemple, le prevôt de Paris n’est, selon quelques-uns, que garde de ladite prevôté, parce que c’est le roi qui en est le premier juge & prevôt : c’est pourquoi il y a un dais au-dessus du siége du prevôt de Paris. M. le procureur-général est garde de la prevôté de Paris, le siége vacant ; ce qui signifie qu’il n’a cette prevôté qu’en dépôt, & non en titre d’office. Voyez Prevôt de Paris.
On disoit aussi donner en garde une prevôté ou autre justice, les sceaux ou un greffe. Anciennement on les donnoit à ferme ; mais cet abus fut reformé, & on les donna en garde, c’est-à-dire seulement par commission révocable ad nutum, jusqu’au tems de Charles VIII. lequel, en 1493, ordonna qu’il seroit pourvû aux prevôtés en titre d’ostice de personnes capables, par élection des praticiens du siége ; & depuis ce tems les prevôts ne s’intitulerent plus simplement gardes de la prevôté, mais prevôts simplement. Voyez Loiseau des offices, liv. III. ch. j. n. 75. & suiv.
Gardes-maneurs, sont des gardiens que l’on établit à une saisie de meubles. On appelle aussi quelquefois de ce nom des sergens ou archers, que l’on met en garnison chez un débiteur jusqu’à ce qu’il ait satisfait ou donné caution. Voy. Garnison & Mangeurs. (A)
Gardes des Marchands et de certains Arts et Métiers, sont des personnes choisies entre les maitres dudit état, pour avoir la manutention des statuts & priviléges de leur corps. Chaque corps de marchands & artisans a ses jurés & préposés, qui exercent à-peu-près les mêmes fonctions que les gardes : mais il n’est pas permis à ces jurés de prendre le titre de corps ; cela n’appartient qu’aux préposés des six corps des marchands, & à quelques autres corps de marchands, qui ont ce privilége par leurs statuts.
Il est parlé des gardes & jurés dans des ordonnances fort anciennes ; ils sont nommés en latin magistri & custodes, dans des lettres de Philippe-de-Valois de 1329 ; & dans d’autres lettres de Philippe VI. du mois de Mars 1355, pour les Parmentiers de Carcassonne, ils sont nommés supra positi.
Les gardes font des visites annuelles chez tous les marchands & maîtres de leur état, pour voir si les statuts sont observés. Ils en font aussi en cas de contravention, chez ceux qui, sans qualité, s’ingerent de ce qui appartient à l’état, sur lequel ces gardes sont établis pour dresser les procès-verbaux de contravention. Ils se font assister d’un huissier & même quelquefois d’un commissaire, lorsqu’il s’agit de faire ouverture des portes. Voyez Jurés & Maîtres. (A)
Garde-marteau, est un officier établi dans chaque maitrise particuliere des eaux & forêts, pour garder le marteau avec lequel on marque le bois que l’on doit couper dans les forêts du roi. Quand on fait des ventes, il assiste aux audiences en la chambre du conseil, & au jugement des affaires, où il a voix délibérative avec les autres officiers ; & en leur absence il administre la justice. Il doit vaquer en personne au martelage, & ne peut confier son marteau à autrui, sinon en cas d’empêchement légitime. Il assiste aux visites des grands-maîtres, à celles des maîtres particuliers. & autres officiers. Il en fait aussi de particulieres. Voyez l’ordonnance des eaux & forêts, tit. vij. (A)
Garde-note, est un des titres que prennent les notaires ; ce qui vient de ce qu’anciennement ils ne gardoient qu’une simple note des conventions en abregé. Voyez Notaires. (A)
Gardes des Ports et Passages, sont des personnes établies pour empêcher que l’on ne fasse entrer ou sortir quelque chose contre les ordonnances. Ils sont nommés dans quelques ordonnances, gardes des passages & détroits. Les baillifs & sénéchaux avoient anciennement le droit d’établir de ces gardes sur les ports & passages des frontieres du royaume, aux lieux accoûtumés, pour empêcher que l’on ne fit sortir de l’or & de l’argent hors du royaume, ou que l’on n’y fît entrer de la monnoie fausse ou contrefaite. Ces gardes avoient la cinquieme partie des confiscations. Ils avoient au-dessus d’eux un maître ou garde général des ports & passages, qui fut supprimé en 1360. (A)
Gardes des Rôles des Offices de France, (Jurispr.) sont des officiers de la grande-chancellerie, dépositaires des rôles arrêtés au conseil des taxes de tous les offices, tant par résignation, vacation, que nouvelle création ou autrement.
Les rôles étoient anciennement gardés par le chancelier ou par le garde des sceaux, lorsqu’il y en avoit un.
En 1560, le chancelier de l’Hôpital commit Gilbert Combant son premier secrétaire, à la garde de ces rôles & registres des offices de France.
Cette fonction fut ainsi exercée par des personnes commises par le chancelier ou par le garde des sceaux, jusqu’à l’édit du mois de Mars 1631, par lequel Louis XIII. les mit en titre d’office.
Par cet édit il créa en titre d’office formé, quatre offices de conseillers du roi, gardes des rôles des offices de France, pour être exercés par les pourvûs chacun par quartier, comme sont les grands-audienciers. Il attribua à ces offices, privativement à tous autres, la fonction qui se faisoit auparavant par commission, de présenter aux chanceliers & gardes des sceaux, toutes les lettres & provisions d’offices qui s’expédient & se scellent en la chancellerie de France, sur les quittances des thrésoriers des parties casuelles, hérédité, & sur toutes sortes de nomination de quelque nature qu’elles soient.
Pour cet effet, les thrésoriers des parties casuelles doivent remettre aux gardes des rôles durant leur quartier, les doubles des rôles arrêtés au conseil des offices, tant par résignation, vacation, que nouvelle création ou autrement.
Les secrétaires du roi doivent aussi leur remettre les provisions, qu’ils expédient en vertu de ces quittances, hérédité, & sur toute sorte de nomination, ensemble celles qui sont à réformer pour quelque cause & occasion que ce soit.
L’édit de création leur attribuoit des gages, tant sur l’émolument du sceau que sur le marc-d’or, & en outre les six cents livres qui se payoient au thrésor royal, pour l’entretien de la charrette commune, destinée à transporter à la suite du conseil les coffres où se mettoient les rôles & provisions d’offices. Ces différens droits ne subsistent plus, au moyen des autres droits qui ont été attribués aux gardes des rôles par différens édits & déclarations postérieurs, dont on va parler dans un moment.
Leurs honneurs, prérogatives & priviléges, sont les mêmes que ceux des grands-audienciers & contrôleurs de la grande-chancellerie.
Leur place en la grande-chancellerie est à côté du chancelier ou garde des sceaux, où ils font le rapport des provisions après le grand audiencier & le grand-rapporteur.
Après que M. le chancelier ou M. le garde des sceaux a ouvert la cassette qui renferme les sceaux, c’est le garde des rôles, qui est de service en la chancellerie, auquel appartient le droit de tirer les sceaux de la cassette, pour les mettre entre les mains du scelleur ; & le sceau fini, il est chargé de les retirer de lui pour les replacer dans la cassette.
Le roi en créant ces offices ne se reserva que la premiere finance qui en devoit provenir, & accorda au chancelier & garde des sceaux la nomination de ces offices pour l’avenir, avec la finance qui en proviendroit, vacation advenant d’iceux par mort, résignation ou autrement. Ensuite le roi Louis XIV. par édit du mois d’Octobre 1645, statua qu’en confirmant le pouvoir accordé par le roi Louis XIII. son prédécesseur, aux chanceliers & gardes des sceaux de France, de nommer aux offices de gardes des rôles contrôleurs généraux de l’augmentation du sceau, comme il vient d’être dit, ils auroient aussi celui d’en accorder dorénavant & à toûjours, le droit de survivance à ceux qui en seroient pourvûs, sans être tenus par ceux-ci de payer aucune finance au roi, attendu la liberté accordée auxdits chanceliers & gardes des sceaux, de disposer desdits offices.
Par un autre édit du mois d’Avril suivant, le même prince ordonna que les gardes des rôles auroient la clé du cofre où se mettent les lettres scellées ; qu’ils tiendroient le registre & contrôle, qui avoit été jusqu’alors tenu par commission, de la valeur des droits & émolumens, provenant de l’augmentation du sceau ; qu’ils feroient chaque mois l’état & rôle des gages & bourses, appartenant aux officiers assignés sur icelle : après le payement desquels il est dit que les gardes des rôles prendront chacun pendant le quartier de leur exercice, cinq cents livres par forme de bourse. C’est en conséquence de cet édit, que les gardes des rôles ont depuis aussi été qualifiés de contrôleurs généraux de l’augmentation du sceau.
Cet édit accorde aussi aux gardes des rôles l’entrée dans les conseils du roi, afin qu’ils puissent le servir avec de connoissance & utilité en leurs charges.
Ce sont les gardes des rôles qui reçoivent les oppositions que l’on forme au sceau ou au titre des offices ; toutes oppositions formées ailleurs seroient nulles. Il a même été défendu aux thrésoriers des parties casuelles, commis au contrôle général des finances & autres, d’en recevoir aucunes, ni de s’y arrêter ; & il leur est enjoint de déclarer aux parties qu’elles ayent, si bon leur semble, à se pourvoir au bureau des gardes des rôles.
Lorsqu’il se trouve quelque opposition au sceau ou au titre d’un office, le garde des rôles qui est de quartier, doit en faire mention sur le repli des provisions qu’il présente au sceau, soit pour les faire sceller à la charge des oppositions, quand ce sont des oppositions pour deniers, soit pour faire commettre un rapporteur, quand ce sont des oppositions au titre ; ces dernieres empêchant formellement le sceau des provisions qui en sont chargées.
Ces officiers ont prétendu jouir seuls, à l’exclusion des grands-audienciers, du droit de registre de toutes les lettres d’offices, attributions de qualités, priviléges, taxations, gages & droits qui payent charte (on appelle charte, suivant le tarif du sceau de 1704 & 1706, une patente qui accorde un droit nouveau & à perpétuité). Il y eut à ce sujet une transaction passée entr’eux le 6 Janvier 1633, qui fut homologuée par lettres patentes du roi ; portant que les gardes des rôles auront le tiers du droit de registre de toutes les lettres de charte qui seroient scellées en la grande chancellerie de France, tant de lettres de rémission, abolition, naturalité, ennoblissement, amortissement, érection de duché, comté, marquisat, baronnie, châtellenie, fiefs, justice, fourches patibulaires, foires, marchés, pont-levis, dispense de mariage, & autres de nature à être visés ; & les grands audienciers les deux autres tiers. Mais le réglement du 24 Avril 1672, fait en conséquence de l’édit du même mois, article 62. attribue aux gardes des rôles en quartier une bourse de préférence de quatre mille livres, & aux quatre gardes des rôles une bourse ordinaire de secrétaire du roi, chacun par quartier, conformément à l’article 69 du même réglement, pour tenir lieu du registrata dont ils joüissoient conjointement avec les grands-audienciers, suivant la transaction de 1633.
L’édit de création des offices de gardes des rôles leur avoient attribué les mêmes droits qu’aux grands-audienciers ; mais comme on n’avoit pas exprimé nommément qu’ils seroient en conséquence secrétaires du roi, ils ne joüissoient point du droit de signature & expédition des lettres de chancellerie : c’est pourquoi Louis XIII. en interprétant l’édit de création des offices de gardes des rôles, par un autre édit du mois de Décembre 1639, déclara qu’ils joüiroient comme les grands-audienciers & contrôleurs, du titre, droits, fonctions, qualités & priviléges de ses conseillers & secrétaires, pour signer & expédier en la chancellerie de France & autres chancelleries, tant en exercice que hors d’icelui, toutes sortes de lettres, sans que le titre de secrétaire du roi pût être desuni de leurs charges ; lequel édit de 1639 a été confirmé par autre édit du mois d’Octobre 1641, vérifié au parlement le 26 Juillet 1642, & en la cour des aides le 8 Janvier 1643.
Au mois de Septembre 1644, on créa en titre d’office quatre commis attachés aux quatre charges de gardes des rôles, pour soulager ces officiers & servir sous eux durant leur quartier. L’édit porte qu’ils recevront dans le bureau du garde des rôles, toutes les lettres d’offices & dépendantes d’iceux, qui leur seront apportées par les secrétaires du roi ou autres, pour être par eux vûes & paraphées au dos, & vérifier les oppositions qui pourroient être sur icelles, tant au titre que pour deniers ; qu’elles seront après par eux portées aux gardes des rôles, pour les présenter au chancelier : que ces commis tiendront registre de toutes les oppositions qui seront faites sur les offices, tant au titre que pour deniers ; qu’ils parapheront les originaux des exploits qui seront faits par les huissiers ; & que si les originaux des oppositions ne sont paraphés par eux, ou par les gardes des rôles, les exploits seront nuls. L’édit ayant permis aux gardes des rôles de tenir ces charges de commis conjointement ou séparément avec la leur, avec pouvoir de les faire exercer par telles personnes que bon leur sembleroit, à la charge de demeurer responsables de leurs exercices & fonctions, les gardes des rôles ont acquis en corps ces charges, & les font exercer par un commis amovible.
Le nombre des gardes des rôles & de leurs commis devoit être augmente de deux, suivant un édit de Décembre 1647, qui ordonnoit une semblable augmentation pour tous les offices du conseil, de la chancellerie & des cours : mais il fut révoqué pour ce qui concernoit la grande-chancellerie seulement, par un autre édit du mois de Mars suivant.
Au mois de Mai 1655, Louis XIV. donna un édit registré au sceau le 5, portant attribution aux grands-audienciers, contrôleurs généraux, gardes des rôles, & leurs commis, de la joüissance, par droit de bourse, des droits & augmentations établis sur les lettres de chancellerie par les édits de Mars & Avril 1648, nonobstant la suppression qui avoit été faite des offices nouvellement créés pour la grande-chancellerie.
L’édit du mois de Mai 1697, leur attribue en outre à chacun une bourse d’honoraire ou d’expédition.
Il y eut encore une semblable création de deux gardes des rôles & de deux commis en titre, faite par édit du mois d’Octobre 1691 ; de maniere que les gardes des rôles tant anciens que nouveaux, ne devoient plus servir que deux mois de l’année : mais par édit du mois de Novembre suivant, ces offices furent encore supprimés, & les droits en furent attribués aux anciens moyennant finance.
Les gardes des rôles ont été maintenus & confirmés dans leurs priviléges par plusieurs édits & déclarations, notamment par ceux des mois d’Avril 1631, Décembre 1639, Avril 1664, & Avril 1672, & tout récemment par l’édit du mois de Décembre 1743, au moyen du supplément de finance par eux payé en exécution de cet édit. (A)
Garde-sacs, greffier garde-sacs, est celui qui est dépositaire des sacs & productions des parties dans les affaires appointées. Il y a de ces greffiers au conseil & au parlement.
L’établissement de ces sortes d’officiers remonte jusqu’au tems des Romains ; on les appelloit custodes. Leur office principal étoit de tenir les boîtes ou sacs, dans lesquels on gardoit les pieces des procès : c’étoit sur-tout pour les matieres criminelles, pour empêcher la collusion entre l’accusateur & l’accusé. Voyez le mercure de France de Nov. 1753. p. 21. (A)
Gardes des Salines, voyez Fermes, Gabelles, Salines & Sel.
Garde des Sceaux de France, (Hist. & Jur.) est un des grands officiers de la couronne, dont la principale fonction est d’avoir la garde du grand sceau du roi, du scel particulier dont on use pour la province de Dauphiné, & des contre-scels de ces deux sceaux ; il avoit aussi autrefois la garde de quelques autres scels particuliers, tels que ceux de Bretagne & de Navarre, qui depuis la réunion de ces pays à la couronne, furent pendant quelque tems distingués de celui de France ; ces sceaux particuliers ne subsistent plus. Il avoit aussi la garde des sceaux de l’ordre royal & militaire de S. Louis, établi en 1693 ; mais le roi ayant, par édit du mois d’Avril 1719, créé un grand-croix chancelier de cet ordre, lui a donné la garde des sceaux de ce même ordre.
C’est lui qui scelle toutes les lettres qui doivent être expédiées sous les sceaux dont il est dépositaire.
Il a aussi l’inspection sur les sceaux des chancelleries établies près des cours & des présidiaux.
L’anneau ou scel royal a toujours été regardé chez la plûpart des nations, comme un attribut essentiel de la royauté, & la garde & apposition de ce scel ou anneau comme une fonction des plus importantes.
Les rois de Perse avoient leur anneau ou cachet dont ils scelloient les lettres qu’ils envoyoient aux gouverneurs de leurs provinces.
Alexandre le Grand se voyant près de mourir, commanda que l’on portât son anneau sigillaire à celui qu’il désignoit pour son successeur.
Aman, favori & ministre d’Assuerus, étoit dépositaire de l’anneau de ce prince ; mais ayant abusé de la faveur de son maître, & fini ses jours d’une maniere ignominieuse, Assuerus donna à Mardochée le même anneau que portoit auparavant Aman, pour marque de la confiance dont il honoroit Mardochée, & du pouvoir qu’il lui donnoit d’administrer toutes les affaires de son état.
Pharaon pratiqua la même chose, lorsqu’il établit Joseph viceroi de toute l’Egypte : tulit annulum de manu suâ, & dedit eum in manu ejus.
Enfin Balthazar dernier roi de Babylone, avoit aussi confié la garde de son anneau à Daniel.
Les Romains ne connoissoient point anciennement l’usage des sceaux publics ; ainsi l’institution de la charge de garde des sceaux n’a point été empruntée d’eux : les édits des empereurs n’étoient point scellés ; ils étoient seulement souscrits par eux d’une encre de couleur de pourpre, appellée sacrum encautum, composée du sang du poisson murex, dont on faisoit la pourpre ; nul autre que l’empereur ne pouvoit user de cette encre sans commettre un crime de leze-majesté, & sans encourir la confiscation de corps & de biens ; en sorte que cette encre particuliere tenoit en quelque sorte lieu de sceau.
Auguste avoit à la vérité un sceau ou cachet, dont en son absence & pendant les guerres civiles, ses amis se servirent pour sceller en son nom des lettres & des édits ; mais ce qui fut pratiqué dans ce cas de nécessité ne formoit pas un usage ordinaire, & les empereurs ne se servoient communément de leur cachet que pour clorre leurs lettres particulieres, & non pour leurs édits & autres lettres qui devoient être publiques.
Justinien ordonna seulement par sa novelle 104, que tous les rescrits signés de l’empereur seroient aussi souscrits ou contre-signés par son questeur, auquel répond en France l’office de chancelier.
En France au contraire, dès le commencement de la monarchie, nos rois au lieu de souscrire ou sceller leurs lettres, les scelloient ou faisoient sceller de leur sceau, soit parce que les clercs & les religieux étoient alors presque les seuls qui eussent l’usage de l’écriture, ou plutôt parce que les rois ne voulant pas alors s’assujettir à signer eux-mêmes toutes les lettres expédiées en leur nom, chargerent une personne de confiance de la garde de leur sceau, pour en apposer l’empreinte à ces lettres au lieu de leur signature.
Celui qui étoit dépositaire du sceau du roi, du tems de la premiere race, étoit appellé grand référendaire, parce qu’on lui faisoit le rapport de toutes les lettres qui devoïent être scellées ; & comme sa principale fonction étoit de garder le scel royal qu’il portoit toujours sur lui, on le désignoit aussi souvent sous le titre de garde ou porteur du scel royal : gerulus annuli regalis, custos regii sigilli.
Le premier qui soit designé comme chargé du scel royal est Amalsindon, lequel se trouve avoir scellé du sceau de Thierri premier roi de Metz, la charte portant dotation du monastere de Flavigny, au diocèse d’Autun ; sigillante, est-il dit, perillustri viro Amalsindone sigillo regio. Le titre de perillustris que l’on donne à cet officier, marque en quelle considération étoit dès-lors celui qui avoit la garde du sceau.
Gregoire de Tours, liv. V. ch. iij. fait mention de Siggo référendaire qui gardoit l’anneau de Sigebert premier, roi d’Austrasie, qui annulum Sigeberti tenuerat ; & que Chilperic roi de Soissons, sollicita d’accepter auprès de lui le même emploi qu’il avoit eu près de son frere.
Sous Clotaire II. Ansbert archevêque de Rouen fut chargé de cette fonction, ainsi qu’il est dit en sa vie, écrite par Angrade ou Aigrade religieux bénédictin, qui fait mention que ce prélat étoit conditor regalium privilegiorum, & gerulus annuli regalis quo eadem signabantur privilegia.
Surius en la vie de S. Oüen, qui fut grand référendaire de Dagobert premier, & ensuite de Clovis II. son fils, dit qu’il gardoit le scel ou anneau du roi pour sceller toutes les lettres & édits qu’il rédigeoit par écrit : ad obsignanda scripta vel edicta regia quæ ab ipso conscribebantur, sigillum vel annulum regis custodiebat. Aimoin, liv. IV. ch. xlj. & le moine Sigebert en sa chronique de l’année 637, font aussi mention que S. Oüen avoit la garde de l’anneau ou scel royal dont il scelloit toutes les lettres du roi qui devoient être publiques.
On lit en la vie de S. Bonit évêque de Clermont en Auvergne, qu’étant aimé très-particulierement de Sigebert III. roi d’Austrasie, il fut pourvu de l’office de référendaire, en recevant de la main du roi son anneau, annulo ex manu regis accepto.
Du tems de Clotaire III. la même fonction étoit remplie par un nommé Robert : quidam illustris Robertus nomine, generosa ex stirpe proditus, gerulus fuerat annuli regii Clotarii ; c’est ainsi que s’explique Aigrard qui a écrit la vie de Ste Angradisine sa fille.
Il paroît par ces différens exemples, que tous ceux qui remplissoient la fonction de référendaire sous la premiere race de nos rois, étoient tous en même tems chargés du scel ou anneau royal.
Il en fut de même sous la seconde race, des chanceliers qui succéderent aux grands-référendaires ; quoiqu’on n’ait point trouvé qu’aucun d’eux prît le titre de garde du scel royal, il est néanmoins certain qu’ils étoient tous chargés de ce scel.
Sous la troisieme race de nos rois, la garde des sceaux du roi a aussi le plus souvent été jointe à l’office de chancelier, tellement que la promotion de plusieurs chanceliers des premiers siecles de cette race, n’est désignée qu’en disant qu’on leur remit le sceau ou les sceaux, quoiqu’ils fussent tout-à-la-fois chanceliers & gardes des sceaux.
On voit aussi dans les historiens de ce tems, qu’en parlant de plusieurs chanceliers qui se démirent volontairement de leurs fonctions, soit à cause de leur grand âge ou indisposition, ou qui furent destitués pour quelque disgrace, il est dit simplement qu’ils remirent les sceaux ; ce qui dans cette occasion ne signifie pas simplement qu’ils quittoient la fonction de garde des sceaux, mais qu’ils se démettoient totalement de l’office de chancelier que l’on désignoit par la garde du sceau, comme en étant la principale fonction. Aussi voit-on que les successeurs de ceux qui avoient ainsi remis les sceaux, prenoient le titre de chanceliers, même du vivant de leur prédécesseur ; comme le remarque M. Ribier conseiller d’état, dans un mémoire qui est inséré dans Joli, des off. tom. I. aux addit.
On ne parlera donc ici ni de ceux auxquels on donna les sceaux avec l’office de chancelier, ni de ceux qui les quitterent en cessant totalement d’être chanceliers ; mais seulement de ceux qui sans être pourvus de l’office de chancelier, ont tenu les sceaux, soit avec le titre de garde des sceaux, ou autre titre équipollent.
Depuis la troisieme race, il y a eu plus de quarante gardes des sceaux ; les uns pendant que l’office de chancelier étoit vacant, les autres dans le tems même que cet office étoit rempli, lorsque nos rois ont jugé à propos pour des raisons particulieres, de séparer la garde de leur sceau de la fonction de chancelier ; on comprend dans cette seconde classe plusieurs chanceliers qui ont tenu les sceaux séparément, avant de parvenir à la dignité de chancelier.
On fera aussi mention des vices-chanceliers, attendu qu’ils ont fait la fonction de gardes des sceaux.
Les rois de la premiere & de la seconde race n’avoient qu’un seul sceau ou anneau, dont le chancelier ou le garde du scel royal étoit dépositaire. Pour le conserver avec plus de soin, & afin que personne ne pût s’en servir furtivement, il le portoit toujours pendu à son cou : cet usage avoit passé de France en Angleterre. En effet, Roger vice-chancelier de Richard I. roi d’Angleterre, ayant péri sur mer par une tempête, on reconnut son corps parce qu’il avoit le scel du roi suspendu à son cou.
Depuis que l’on se servit en France de sceaux plus grands, & que le nombre en fut augmenté, il ne fut pas possible au chancelier ou garde des sceaux de les porter à son cou ; il n’en a plus porté que les clés qu’il a toûjours sur lui dans une bourse.
Anciennement le coffre des sceaux étoit couvert de velours azuré, semé de fleurs-de-lis d’or ; & dans les cérémonies ce coffre étoit porté sur une hacquenée qu’un valet-de-pié conduisoit par la main : autour de cette hacquenée chevauchoient les héraux & poursuivans du roi, & autres seigneurs qui étoient présens ; d’autres disent que c’étoient des archers, d’autres les appellent des chevaliers vêtus de livrée : cela se trouve ainsi rapporté par Alain Chartier, sous l’an 1449 & 1451, & par Monstrelet au troisieme volume, en parlant des entrées faites par le roi Charles VII. à Roüen & à Bordeaux.
On trouve ailleurs que quand le chancelier alloit en voyage, c’étoit le chauffe-cire qui portoit le scel royal sur son dos, ainsi qu’il est dit dans un hommage rendu par Philippe archiduc d’Autriche, au roi Louis XII. le 5 Juillet 1499, pour les comtés de Flandre, Artois & Charolois.
Présentement le roi donne pour renfermer les sceaux un grand coffre couvert de vermeil, lequel est distribue en trois cases, contenant chacune une petite cassette fermante à clef.
La premiere qui est couverte de vermeil renferme le grand sceau de France & son contre-scel.
La seconde qui est couverte de velours rouge, parsemée de fleurs-de-lys & de dauphins de vermeil, contient le sceau particulier dont on use pour la province de Dauphiné, & son contre-scel.
La troisieme cassette contenoit le sceau & le contre-sceau de l’ordre de S. Louis, établi en 1693 ; mais présentement cette cassette est vuide, les sceaux de cet ordre ayant été donnés en 1719 au chancelier garde des sceaux créé pour cet ordre, par édit du mois d’Avril de la même année.
Comme il n’y a plus que les deux premieres cassettes qui servent, le garde des sceaux pour les transporter plus facilement, a fait faire un petit coffre de bois dans lequel ces deux cassettes sont renfermées ; & lorsqu’il marche par la ville ou qu’il va en voyage, il fait toujours porter avec lui ce coffre dans son carrosse.
Ce fut vers le commencement de la troisieme race que le nombre des sceaux du roi fut multiplié, que le roi garda lui-même depuis ce tems son petit scel ou anneau, qu’on appelloit le petit signet du roi, dont il scelloit lui-même toutes les lettres particulieres qui devoient être closes ; & au lieu de ce scel ou anneau, on donna au chancelier ou au garde des sceaux d’autres sceaux plus grands, pour sceller les lettres qui devoient être publiques, & que par cette raison l’on envoyoit ouvertes, ce que l’on a depuis appellé lettres-patentes.
Le premier exemple que j’aye trouvé de ces grands sceaux, est dans une charte du tems de Louis-le-Gros, datée de l’an 1106, pour l’égl se de S. Eloy de Paris ; elle est scellée de deux grands sceaux appliqués sur le parchemin de la lettre : dans l’un le roi est assis sur son throne, dans l’autre il est à cheval, & à l’entour sont écrits ces mots, Philippus gratiâ Dei Francorum rex ; ce qui prouve que ces sceaux étoient en usage dans le tems de Philippe I.
Depuis que l’on se servit ainsi de plusieurs sceaux, il étoit naturel que celui qui en étoit dépositaire fût appellé garde des sceaux ; cependant on continua encore long-tems à l’appeller simplement garde du scel royal, comme si le scel du roi étoit unique ; ce qui feroit croire que le second sceau dont on a parlé, représentant le roi à cheval, n’étoit autre chose que le revers du premier sceau : mais on n’étoit point encore dans l’usage d’appliquer ce second sceau par forme de contre-scel, c’est-à-dire, derriere le premier.
Le scel fabriqué du tems de Philippe I. étant beaucoup plus grand que le sceau ou anneau dont on s’étoit servi jusqu’alors, fut surnommé le grand scel, & celui qui en étoit chargé étoit quelquefois appellé le porteur du grand scel du roi.
Cette distinction du grand scel fut sans doute établie, tant à cause du cachet ou sceau privé du roi, qu’à cause du contre-scel ou scel secret, qui fut établi sous Louis VII. & qui étoit porté par le grand chambellan.
La chancellerie étoit vacante en 1128, suivant une charte de Louis-le-Gros pour S. Martin-des-Champs, à la fin de laquelle il est dit cancellario nullo ; ce qui peut d’abord faire penser qu’il y avoit alors quelqu’un commis pour tenir le grand scel du roi, mais il n’en est point fait mention ; & il est plûtôt à croire que pendant cette vacance le roi tenoit lui-même son sceau, comme plusieurs de nos rois l’ont pratiqué en pareille occasion. On trouve plusieurs chartes du douzieme siecle, que les rois faisoient sceller en leur présence, & à la fin desquelles il y a ces mots, data per manum regiam vacante cancellaria ; ce qui fait de plus en plus sentir la dignité attachée à la fonction de garde des sceaux, puisque nos rois ne dédaignent point de tenir eux-mêmes le sceau en certaines occasions.
La chancellerie étoit dite vacante lorsqu’il n’y avoit ni chancelier ni garde des sceaux.
Hugues de Chamfleuri fut nommé chancelier de France en 1151, mais sa disgrace le fit destituer de cet office ; de sorte que la chancellerie vaqua durant les années 1172, 1173, 1174, 1175, 1176 & 1177. Il paroît néanmoins que Hugues fut rétabli dans ses fonctions en 1175, qui est l’année de sa mort.
La chancellerie vaqua encore en 1179, comme il paroît par un titre du cartulaire de S. Victor.
Elle vaqua pareillement durant tout le regne de Philippe-Auguste, si l’on en excepte les années 1180 & 1185, où il est parlé de Hugues de Puiseaux en qualité de chancelier, l’année 1201, où Gui d’Athies vice-chancelier pendant la vacance de la chancellerie, fit la fonction de garde des sceaux, & les années 1203, 1204, 1205. & 1207, ou frere Guerin, chevalier de l’ordre de S. Jean de Jérusalem, fit la même fonction de garde des sceaux, vacante cancellariâ ; il fut depuis élevé à la dignité de chancelier dont il releva beaucoup l’éclat.
Il paroît par une charte de l’année 1226, qui est la premiere du regne de S. Louis, que frere Guerin faisoit encore les fonctions de chancelier : mais depuis il n’y en eut point pendant tout le regne de S. Louis ; il se contenta de commettre successivement différentes personnes à la garde du sceau.
Suivant une cédule de la chambre des comptes au mémorial A, qui est sans date ; & une autre cédule au mémorial E, fol. 132. Philippe d’Antogny portoit le grand scel du roi S. Louis : il prenoit pour soi, ses chevaux & valets à cheval, sept sous parisis par jour pour l’avoine & pour toute autre chose, excepté son clerc, & son valet qui le servoit en la chambre, qui mangeoient à la cour ; & leurs gages étoient doubles aux quatre fêtes annuelles.
La derniere des deux cédules dont on vient de parler, fait aussi mention de Philippe de Nogaret qui portoit le grand scel du roi.
Nicolas, doyen & archidiacre de Chartres, chapelain & conseiller du roi S. Louis, fut choisi en 1249 pour porter le sceau du roi dans le voyage de la Terre-Sainte ; il mourut en Egypte après la prise de Damiete, en 1250.
Gilles, archevêque de Tyr en Phénicie, aussi conseiller du roi S. Louis, avoit la garde du sceau de ce prince en 1253, comme on l’apprend de l’histoire de Joinville, & de la vie de S. Louis écrite par Guillaume de Nangis.
Raoul de Pitis, doyen de S. Martin de Tours, fut fait garde des sceaux au retour de la Terre-Sainte, & évêque d’Evreux en 1256 ; il fut cardinal & légat, & moutut l’an 1270 : il se trouve un titre pour l’abbaye de S. Remi de Reims, scellé par lui, où on lit ces mots : & has litteras dominus episcopus ebroicensis, tunc decanus turonensis, sigillavit.
Plusieurs titres de S. Denis & du prieuré de S. Sauveur-lez-Bray sur Seine, font mention que la chancellerie vaqua en 1255 & 1258.
Mais dans cette même année 1258, Raoul de Gros-Parmy, thrésorier de l’église de S. Frambaud de Senlis, fut fait garde du sceau du roi. Tessereau, en son histoire de la chancellerie, cite à ce sujet le registre olim de la chambre des comptes de ladite année, où on lit, dit-il : Radulphus Gros-Permius, thesaurarius sancti Framboldi sylvanectensis, qui deferebat sigillum domini regis ; & le fait rapporté par Tessereau est véritable : mais il faut qu’il y ait erreur dans la citation qu’il fait du registre olim de la chambre des comptes, n’y ayant jamais eu dans cette chambre de registre ainsi appellé : ce registre est au parlement, & contient en effet mot pour mot les termes rapportés par Tessereau.
La chronique de S. Martial de Limoges fait mention de Simon de Brion ou de Brie, thrésorier de S. Martin de Tours, qui fut garde des sceaux du roi depuis 1260 jusqu’en l’année suivante, qu’il fut créé cardinal, & envoyé légat en France : il fut élu pape le 22 Février 1281, sous le nom de Martin IV. & mourut le 22 Mars 1285.
La chancellerie vaqua en 1261 & 1262, comme il est dit dans quelques titres de ce tems ; & l’on ne voit point à qui la garde du sceau fut confiée jusqu’en 1270, que le roi S. Louis, avant de s’embarquer à Aigues-mortes le premier Juillet, laissa le gouvernement de son royaume à Matthieu de Vendôme, abbé de S. Denis, & à Simon de Neesle, & leur donna un sceau particulier dont ils scelloient les lettres en son absence ; ce sceau n’avoit qu’une couronne simple sans écusson, & ces mots à l’entour : S. Ludovici, dei gratiâ Francorum regis, in partibus transmarinis agentis ; le contre-scel avoit un écusson sans couronne, semé de fleurs-de-lis.
La chancellerie vaqua sous le regne de Philippe III. dit le Hardi, pendant les années 1273 & 1274, comme le prouve la charte de confirmation des priviléges de la ville de Bourges, du mois de Mars 1274.
Du tems de Philippe-le-Bel, Etienne de Suicy, appellé l’archidiacre de Flandres, qui fut chancelier de France en 1302, après Pierre Flotte, avoit été garde du scel royal au mois de Janvier 1290, comme il paroît par une ordonnance du roi donnée à Vincennes, datée desdits mois & an, au sujet de l’état de sa maison, où il y a un article concernant les gages ou appointemens de l’archidiacre de Flandres, qui porte, est-il dit, le scel à 6 sous par jour, outre la bouche à cour pour lui & les siens ; & quand il seroit à Paris, à 20 sous par jour pour toutes choses, en mangeant chez lui. Il falloit que le prix des denrées fût moindre alors qu’il n’étoit du tems de S. Louis, sous lequel Philippe d’Antogny avoit 7 s. parisis par jour, outre le droit de bouche à cour ; au lieu que celui-ci n’avoit que six sous : on voit aussi par-là que le droit de bouche à cour pour le garde des sceaux & pour tous les siens, n’étoit évalué qu’à quatorze sous par jour, puisqu’on ne lui donnoit que cela de plus lorsqu’il étoit à Paris & mangeoit chez lui. Ce même Etienne de Suicy fut archidiacre de Bruges en l’église de Tournay, chancelier de France en 1302, & cardinal en 1305 ; il mourut en 1311.
Pierre Flotte, qui fut nommé chancelier en 1302, prenoit indifféremment la qualité de chancelier ou de garde des sceaux, comme il paroît par un titre pour l’archevêque de Bordeaux du mercredi avant Pâques de l’an 1302, où on lui donne la qualité de garde des sceaux.
Après sa mort arrivée dans la même année, Guillaume de Nogaret, seigneur de Calvisson, fut fait pour la premiere fois garde des sceaux, ainsi qu’on l’apprend d’une ordonnance de l’an 1303, portant qu’il y aura au parlement treize clercs & treize lais, que les treize clercs seront Me Guillaume de Nogareth, qui porte le grand scel ; & Philippe le Bel, dans le parlement qu’il établit à Paris en 1302, lui donna rang immédiatement après un évêque & un prince du sang, & avant tous autres juges.
Dans une autre ordonnance de 1304, le roi dit : « Or est notre entente, que cil qui portera notre grand scel ordonne de bailler ou envoyer aux enquêtes de langue d’oc & de la langue françoise des notaires, tant comme il verra à faire pour les besognes dépêcher ».
Pierre de Belleperche, qui fut nommé chancelier en 1306, paroît être le premier qui ait joint au titre de chancelier celui de garde du sceau royal.
Les sceaux furent rendus à Guillaume de Nogaret en 1307, comme il paroît par un registre du thrésor ; traditum fuit sigillum domino Guillelmo de Nogareto. Il n’avoit pour son plat à la suite du roi, que « dix soudées de pain, trois septiers de vin, l’un pris devers le roi, & les deux autres du commun, & quatre pieces de chair, & quatre pieces de poulaille ; & au jour de poisson à l’avenant ; & ne prenoit que six provendes d’avoine, couste, feurres, busches, chandelles, & point de forge ».
Gilles Aicelin de Montagu, archevêque de Narbonne, fut garde des sceaux depuis le 27 Févr. 1309 jusqu’au mois d’Avril 1313, suivant le registre 45e du thrésor, où il est qualifié, habens sigillum.
Il eut pour successeur en cette fonction Pierre de Latilly, archidiacre de l’église de Châlons-sur-Marne : le registre 49 du thrésor porte : tradidit dominus rex..... magnum sigillum suum magistro Petro de Latilliaco.
L’état de la maison du roi arrêté le 2 Décembre 1306 par Philippe-le-Long, regle les droits du chancelier, à l’instar de ce qui avoit été accordé à Guillaume de Nogaret, garde des sceaux ; ensorte que les droits du garde des sceaux furent assimilés à ceux du chancelier.
Il sembloit même que le chancelier ne tirât ses plus grands priviléges que de la garde du sceau : en effet, les habitans de la ville de Laon ayant prétendu recuser le chancelier Pierre de Chappes, comme leur étant suspect, il fut décidé dans le conseil tenu en présence du roi le lundi avant l’ascension de l’année 1318, que le chancelier ne devoit être tenu pour suspect ; d’autant que par le moyen de l’office du sceau, il étoit personne publique & tenu à une spéciale fidélité au roi.
Il y avoit deux gardes des sceaux au mois de Juillet 1320, suivant un mémorial de la chambre des comptes, coté H, portant que le 9 dudit mois Pierre le Mire, chauffe-cire, avoit prêté serment pour cet office « entre les mains des deux préposés à la garde du sceau ».
Au mois de Février suivant, Philippe-le-Long fit un réglement sur le port & état du grand scel & sur la recette des émolumens d’icelui. Suivant ce réglement, tous les émolumens, tant du grand sceau que des chancelleries particulieres de Champagne, de Navarre, & des Juifs, devoient à l’avenir. appartenir au roi.
Jean de Marigni, chantre de l’église de N. D. de Paris, évêque de Beauvais en 1312, tint les sceaux après Matthieu Ferrand, chancelier, depuis le dernier Avril 1329 jusqu’au 6 Juillet de la même année, qu’il les rendit ; il les eut encore depuis le 7 Septembre jusqu’à la S. Martin 1329, qu’il en fut déchargé, & les remit ès mains de Guillaume de Sainte-Maure, doyen de Tours.
Après la mort de Guillaume de Sainte-Maure, chancelier, arrivée en 1334, Pierre Rogier, abbé de Fécamp, reçut les sceaux, & en fut déchargé lorsqu’il eut l’archevêché de Sens : il ne se trouve cependant aucun acte qui marque qu’il ait été chancelier ni garde des sceaux ; il fut depuis archevêque de Roüen, cardinal, & pape sous le nom de Clément VI.
Foulques Bardoul, conseiller au parlement de Paris, fut garde de la chancellerie pendant la prison du roi Jean, après la destitution du chancelier Pierre de la Forêt ; il y avoit déjà été employé sous Philippe de Valois, pendant un voyage du chancelier Cocquerel, & l’étoit au mois de Mars 1356, comme il se voit par le journal du thrésor du 24 Mars de cette année, & par une lettre du 15 Juin 1357 : ce qui cessa lorsque le régent donna les sceaux à Jean de Dormans. On ne voit pas au surplus qu’il eût le titre de garde des sceaux.
Jean de Dormans fut aussi d’abord commis seulement au fait de la chancellerie de France le 18 Mars 1357, par Charles, régent du royaume ; il exerçoit la charge de chancelier au traité de Brétigni, le 9 Mai 1360. Le roi Jean lui donna les sceaux le 18 Septembre 1361, & l’institua chancelier de France après la mort du cardinal de la Forêt.
Le parlement ayant été transféré à Poitiers, & la grande chancellerie établie dans la même ville, Jean de Bailleul, président au parlement, tint pendant ce tems les sceaux.
Quelques manuscrits supposent qu’Adam Fumée, chevalier, seigneur des Roches, maître des requêtes, fut commis à la garde des sceaux de France depuis l’an 1479 jusqu’en 1483 ; à quoi il y a néanmoins peu d’apparence, vû que pendant ce tems Pierre d’Oriole exerçoit l’office de chancelier : mais il est du-moins certain qu’il fut commis à la garde des sceaux après la mort du chancelier Guillaume de Rochefort, arrivée le 12 Août 1492. Dans quelques actes il est qualifié de garde des sceaux ; & comme il ne tenoit cette charge que par commission, il conserva toûjours celle de maître des requêtes, & exerça l’une & l’autre jusqu’à sa mort arrivée au mois de Novemb. 1494.
Robert Briçonnet, archevêque de Reims, exerça la fonction de garde des sceaux après le décès d’Adam Fumée, & fut ensuite pourvû de l’office de chancelier de France au mois d’Août 1495.
Etienne Poncher, évêque de Paris, fut pareillement commis à la garde des sceaux de France en 1512, & les tint jusqu’au 2 Janvier 1515.
François I. ayant dans la même année nommé Antoine Duprat pour chancelier, & ordonné qu’il passeroit les monts avec lui, Messire Mondot de la Marthonie, premier président au parlement de Paris, fut chargé de la garde du petit sceau en l’absence du grand.
Ce même prince allant à Lyon en 1523, & laissant à Paris le chancelier Duprat ; il commit M. Jean Brinon, premier président du parlement de Roüen, pour avoir près de S. M. la garde du petit scel, en l’absence du grand.
Le chancelier du Bourg étant mort en 1538, la garde des sceaux fut donnée en commission à Matthieu de Longuejoue, chevalier, seigneur d’Yverni, évêque de Soissons, en attendant que Guillaume Poyet eût ses provisions de chancelier ; il reçut les sceaux pour la seconde fois après la mort de François Erraut en 1544, & en fut déchargé l’année suivante.
Lorsque le chancelier Poyet fut emprisonné en 1542, François de Montholon, premier du nom, président au parlement, fut commis à la garde des sceaux de France par des lettres du 9 Août de ladite année ; il prêta serment entre les mains du cardinal de Tournon, le 22 du même mois : le dauphin l’établit aussi garde des sceaux du duché de Bretagne, par des lettres du 7 Septembre de la même année ; ce qui est remarquable, en ce que l’office de chancelier de Bretagne avoit été supprimé des l’an 1494. Le premier Juin 1543, le roi lui fit remettre tous les papiers & enseignemens concernant les principales affaires du royaume, qui avoient été trouvés dans les coffres du chancelier Poyet, afin qu’il prît une plus grande connoissance des affaires de S. M. Il mourut le 15 dudit mois de Juin 1543.
François Erraut, seigneur de Chemans, maître des requêtes & président en la cour de parlement de Thurin, lui succéda en la charge de garde des sceaux, & conserva ses autres charges : le roi lui fit remettre les mêmes papiers & enseignemens qu’avoit eus son prédécesseur ; il fut destitué en 1544. Ce fut alors que Matthieu de Longuejoue reçut pour la seconde fois les sceaux, comme on l’a déjà dit.
Le chancelier Olivier étant tombé en paralysie, les sceaux furent mis entre les mains de Jean Bertrand ou Bertrandi, président au parlement de Toulouse ; lequel sans lettres de commission, les garda & scella jusqu’à ce que le chancelier crût être en état de reprendre ses fonctions : mais ayant perdu la vûe, il fut déchargé des sceaux le 2 Janvier 1550.
Par un édit donné à Amboise au mois d’Avril suivant, le roi érigea un état de garde des sceaux de France en titre d’office, sans désignation d’aucune personne, avec attribution des honneurs & autorités appartenans à un chancelier de France, même de présider au parlement & au grand-conseil ; pour être ledit office supprimé après la mort du chancelier Olivier, & subrogé à icelui.
Cet édit fut vérifié contre les conclusions du procureur-général, & publié en l’audience le 8 Mai 1551.
Bertrandi fut pourvû de cet office de garde des sceaux par lettres du 22 du même mois, vérifiées le 14 Août suivant ; il fut archevêque de Sens, cardinal, & mourut à Venise, faisant la fonction d’ambassadeur, le 4 Décembre 1560.
Il joüit paisiblement de son office de garde des sceaux ; présida souvent au parlement de Paris, tant en la grand-chambre, qu’aux grandes cérémonies des lits de justice, & processions générales, comme il paroît par les registres de ladite cour des 12 Novembre, 12, 15, 16, 17, & 18 Février, 28 Mars 1551, 13 Juin 1552, & autres.
Durant le voyage du roi en Allemagne, il demeura avec le conseil-privé établi à Châlons près de la reine régente, où il rendit pour elle en sa présence & en plein conseil les réponses nécessaires aux remontrances des-députés du parlement. Il faisoit les mêmes fonctions que si le roi y eût été, comme il se voit par les registres du parlement du 13 Juin 1552 ; il exerça l’office de garde des sceaux jusqu’à la mort d’Henri II. arrivée le 10 Juillet 1559.
Le roi François II. remit alors le chancelier Olivier dans l’exercice de son office : mais étant mort le 30 Mars 1560, & le cardinal Bertrandi ayant donné sa démission de l’office de garde des sceaux, le roi nomma pour chancelier Michel de l’Hôpital, auquel en 1658 il fit redemander les sceaux, attendu que le chancelier étoit indisposé & hors d’état de suivre le roi, qui se disposoit à faire un grand voyage.
Les sceaux furent aussi-tôt donnés à Jean de Morvilliers, évêque d’Orléans, auquel François II. les avoit déjà offerts dès 1560 ; il les garda sans commission jusque sur la fin de l’année 1570. Jamais personne n’avoit gardé les sceaux si long-tems sans aucun titre. Il obtint étant évêque d’Orléans, le 13 Mai 1557, des lettres-patentes portant qu’il auroit séance & voix délibérative au parlement, tant aux jours de plaidoirie que de conseil, comme conseiller d’état, en conséquence de l’édit fait en faveur de tous les conseillers du conseil-privé, nonobstant les modifications qui y avoient été apportées pour l’exclusion des jours de conseil ; lesquelles lettres-patentes furent vérifiées au parlement le 13 Janvier suivant, à la charge de ne pouvoir présider en l’absence des présidens : en 1570, étant accablé d’infirmités, il obtint la permission de se démettre des sceaux.
Charles IX. les donna à René de Biragues, président, qui les garda quelques années sans avoir non plus aucunes provisions du roi ; & pendant ce tems, Jean de Morvilliers qui s’étoit démis des sceaux, retint toûjours comme plus ancien conseiller d’état, le rang & la préséance sur le sieur de Biragues, & présida au conseil en l’absence du roi, comme il avoit fait auparavant, quoique le sieur de Biragues eût les sceaux, & qu’il eût voulu tenir le rang de garde des sceaux au-dessus du premier président du parlement, à l’entrée du roi à Paris le 6 Mars suivant. Ledit sieur de Morvilliers continua d’avoir la principale direction des affaires, même après que le président de Biragues fut garde des sceaux en titre, & même depuis qu’il eut été nommé chancelier en 1573.
Le chancelier de Biragues ayant obtenu sa décharge des sceaux en 1573, Philippe Huraut, comte de Chiverny, commandeur de l’ordre du S. Esprit, fut fait garde des sceaux de France ; ses provisions furent expédiées en forme d’édit, portant création & provision en sa faveur de l’office de garde des sceaux, aux mêmes honneurs & préséances des autres gardes des sceaux de France, sous la réserve du titre de chancelier audit sieur de Biragues ; & à la charge que vacation avenant dudit état & titre de chancelier, il seroit joint & réuni avec celui de garde des sceaux. Ces lettres qui sont du mois de Septembre, furent vérifiées au parlement le 9 Décembre de la même année. Le comte de Chiverny fut fait chancelier après la mort du cardinal de Biragues ; il quitta les sceaux en 1588 : mais il fut rappellé à la cour par Henri IV. qui lui rendit les sceaux en 1590, & il les tint jusqu’à sa mort arrivée en 1599.
François de Montholon II. du nom, avocat au parlement, fils de François de Montholon, qui avoit été garde des sceaux de France sous le regne de François I. fut nommé pour remplir la même fonction par des lettres du 6 Septembre 1588, par lesquelles le roi le commit à l’exercice de la charge & état de son chancelier, sous le nom & titre toutefois de garde des sceaux, aux honneurs & prérogatives des précédens gardes des sceaux, & aux gages de 4000 écus par an ; & ce par commission seulement, & pour tant qu’il plairoit audit seigneur roi : avant de procéder à la vérification de ces lettres, la cour députa vers le chancelier de Chiverny, pour lui en donner communication ; ces lettres furent présentées à l’audience par de Fontenay, avocat, le 29 Novembre suivant, & registrées oüi & consentant le procureur-général du roi. Le garde des sceaux de Montholon harangua au lit de justice que le roi Henri III. tint à Tours le 23 Mars 1589, pour y établir son parlement, & interdire celui de Paris.
Henri IV. étant parvenu à la couronne par la mort d’Henri III. arrivée le premier Août 1589, Montholon se démit volontairement des sceaux entre les mains de Charles de Bourbon, cardinal de Vendôme, qui se trouva alors chef du conseil du roi ; il revint ensuite au palais, où il continua la profession d’avocat, comme il faisoit avant d’être garde des sceaux.
Le cardinal de Vendôme garda les sceaux jusqu’au mois de Décembre suivant, tems auquel le roi les lui fit redemander & retirer de ses mains par le sieur de Beaulieu Ruzé, conseiller d’état & secrétaire de ses commandemens, qui porta les sceaux au roi à Mantes.
Le roi tint pendant quelque tems le sceau en personne, ou le fit tenir par son conseil, auquel présidoit le maréchal de Biron. Quand le roi faisoit sceller en sa présence, il mettoit lui même le visa sur les lettres, ou le faisoit mettre par le sieur de Lomenie, conseiller d’état secrétaire des commandemens de Navarre & du cabinet, qui avoit la garde des clés du sceau.
Quand le roi avoit d’autres affaires, il laissoit à son conseil le soin de tenir le sceau, ou bien il faisoit commencer à sceller en sa présence, & laissoit continuer le sceau par son conseil. Quoique le maréchal de Biron y présidât, il ne mettoit pourtant pas le visa sur les lettres ; c’étoit le sieur de Lomenie qui y demeuroit pour cet effet ; & après que le sceau étoit levé, il retiroit les sceaux, les remettoit dans le coffre & en gardoit les clés. L’adresse des lettres qui a coûtume de se faire au chancelier, se faisoit alors aux conseillers d’état de S. M. ayant la garde des sceaux près de sa personne, & les sermens se faisoient entre les mains du plus ancien conseiller. Cet ordre fut gardé jusqu’au mois d’Août 1590, que le roi rendit les sceaux au chancelier de Chiverny, qui les garda jusqu’à son décès.
Du tems du chancelier de Bellievre, le Roi créa à sa priere, par des lettres en forme d’édit du mois de Décembre 1604, vérifiées au parlement le 14 Mars 1605, un office de garde des sceaux de France, en faveur de Nicolas Brulart, seigneur de Sillery, aux mêmes honneurs, prérogatives, autorités, & pouvoirs des autres gardes des sceaux de France, pour le tenir & exercer en cas d’absence, maladie, ou autre empêchement dudit chancelier, à condition que vacation advenant de l’office de chancelier, il demeureroit joint & uni avec celui de garde des sceaux, sans qu’il fût besoin de prendre de nouvelles lettres de provisions ni de confirmation.
Le sieur Brulart de Sillery prêta serment le 3 Janvier 1605 : on vit alors une chose qui n’avoit point encore eu d’exemple ; c’est que le garde des sceaux fut quatre ou cinq mois sans avoir les sceaux, parce que le chancelier les retint jusqu’au voyage que le roi fit en sa province de Limosin. Cependant le garde des sceaux siégeoit dans le conseil au-dessous du chancelier, quoiqu’il n’eût point les sceaux. Mais le roi étant arrivé à Tours, fit retirer les sceaux des mains du chancelier, pour les mettre en celles du garde des sceaux, lequel les garda toûjours depuis, & en fit la fonction tant que le chancelier vécut, sans souffrir même qu’il reçût les sermens des officiers, ni qu’il disposât des offices & autres droits dépendans de la charge de chancelier ; & le chancelier de Bellievre étant mort en 1607, sa place fut donnée au garde des sceaux.
Pendant que la cour étoit à Blois au mois de Mai 1616, le chancelier de Sillery ayant pressenti que le sieur du Vair avoit été mandé pour le faire garde des sceaux, il remit les sceaux au roi en présence de la reine sa mere, se contentant de supplier S. M. de lui laisser seulement ceux de Navarre, ce qui lui fut accordé. On voit par-là que l’on usoit encore alors de sceaux particuliers pour le royaume de Navarre, ce qui ne se pratique plus. Les sceaux de France furent donnés à Guillaume du Vair, évêque de Lizieux, qui avoit été premier président au parlement de Provence. Il avoit reçu divers commandemens du roi pour venir recevoir les sceaux, & s’en étoit long-tems excusé. Enfin étant venu, le roi lui en fit expédier des lettres en forme d’édit, signées & visées de la propre main de S. M. & scellées en sa présence, données à Paris au mois de Mai 1616, portant reserve au chancelier de Sillery, sa vie durant, de ses droits, gages, états, pensions, avec création & don audit sieur du Vair d’un état de garde des sceaux de France, pour le tenir & exercer aux honneurs, pouvoirs, prééminences, gages, pensions, droits, dont les gardes des sceaux avoient joüi, & qui lui seroient ordonnés & attribués, & de faire toutes fonctions avec pareille autorité que les chanceliers, même de présider en toutes cour de parlemens & autres compagnies souveraines, & sur icelles, & sur toutes autres justices, avoir l’œil & surintendance comme un chancelier, à condition que vacation advenant de l’office de chancelier, il demeureroit uni à celui de garde des sceaux, sans aucunes lettres de confirmation ni de provision ; il en fit le serment entre les mains du roi le 16 du......
Du Vair ayant fait présenter ses lettres au parlement de Paris, elles y furent vérifiées & registrées le 17 Juin 1616, sans approbation de la clause d’y présider, quoique pareille clause y eût été passée autrefois sans difficulté aux offices des garde des sceaux Bertrandi & de Biragues. Il ne laissa pourtant pas nonobstant cette modification d’y prendre la place des chanceliers aux piés du roi, au lit de justice tenu le 7 Septembre suivant, lors de l’arrêt de M. le Prince ; d’y recueillir les voix & opinions, & d’y prononcer comme président : mais en entrant dans la grand-chambre avant le roi, il ne se plaça point dans le banc des présidens ; il alla tout droit s’asseoir dans la chaire des chanceliers.
Le 25 Novembre suivant, il remit les sceaux au roi ; il ne laissa pas de faire présenter ses lettres de provisions à la chambre des comptes de Paris, pour valider les payemens qu’il avoit reçus de ses gages. Elles y furent registrées sans approbation de la clause de présider en toutes cours. Les sceaux lui furent rendus le 25 Avril 1617 ; il les garda jusqu’au jour de son décès, arrivé le 3 Août 1621.
Le même jour qu’il remit les sceaux, c’est-à-dire le 25 Novembre 1616, Claude Mangot, conseiller & secrétaire d’état, fut pourvû de l’office de garde des sceaux de France, comme vacant par la démission volontaire du sieur du Vair, pour le tenir & exercer aux mêmes honneurs, autorités, & droits, dont lui & les autres gardes des sceaux de France avoient joüi. Ses provisions contenoient les mêmes clauses que celles de son prédécesseur, à l’exception toutefois du droit de présider au parlement ; & il fut dit que c’étoit sans diminution des droits, gages, états, & pensions, tant du garde des sceaux du Vair, que du chancelier de Sillery que S. M. vouloit leur être continués leur vie durant. Il prêta serment le 26 Novembre, & quelque tems après fit présenter ses lettres au parlement, où elles furent vérifiées le 17 Décembre de la même année, après néanmoins qu’on eut député le doyen du parlement, rapporteur de ces lettres, & quelques autres conseillers, vers le sieur du Vair, pour apprendre de sa bouche la vérité de sa démission.
Le sieur Mangot garda les sceaux jusqu’au 24 Avril 1617 ; le maréchal d’Ancre ayant été tué ce jour-là, le sieur Mangot qui tenoit le sceau chez lui, fut mandé au louvre, où il remit les sceaux au roi ; le lendemain le roi les renvoya au sieur du Vair par le sieur de Lomenie secrétaire d’état, avec de nouvelles lettres de déclaration & de jussion datées du 25 du même mois, par lesquelles S. M. déclaroit que « son intention étoit que le sieur du Vair exerçât la charge de garde des sceaux, & en joüît pleinement & entierement avec tous les honneurs, autorités, &c. à icelle appartenans, en vertu de ses premieres lettres de provision, nonobstant toutes autres lettres contraires : mandant S. M. aux gens de son parlement, chambre des comptes, &c. de faire lire, publier, & registrer, si fait n’avoit été, lesdites lettres de déclaration & provision, & d’obéir audit sieur du Vair ès choses touchant ladite charge de garde des sceaux ». Et alors lesdites provisions furent purement & simplement registrées sans modification, pour en joüir suivant lesdites lettres de déclaration, qui furent lûes & publiées le dernier Juillet suivant.
Le chancelier de Sillery ayant été rappellé par le roi dans le même mois d’Avril 1617, pour présider dans ses conseils, le garde des sceaux du Vair lui laissa par honneur la réception des sermens des conseillers du grand-conseil, & retint la signature des arrêts, conjointement avec lui ; & comme les guerres civiles qui affligeoient alors la France, obligerent le roi de faire plusieurs voyages dans les provinces les plus éloignées, le garde des sceaux suivoit & présidoit au conseil qui étoit à la suite de S. M. & le chancelier qui étoit demeuré à Paris, présidoit au conseil des parties & des finances, sans toutefois avoir eu aucun pouvoir ni commission expresse pour cela, comme il s’étoit pratiqué autrefois. Les arrêts qui se rendoient dans les conseils tenus à Paris, étoient scellés du sceau de la chancellerie du palais, en l’absence du grand sceau qui étoit près de S. M. L’union de la couronne de Navarre ayant été faire à celle de France, la charge de chancelier de Navarre fut supprimée ; il est probable que ce fut aussi alors que l’on cessa d’user d’un sceau particulier pour la Navarre.
Au lit de justice tenu par le roi au parlement de Paris le 18 Février 1620, pour la publication de quelques édits, le garde des sceaux du Vair recueillit les opinions, comme il avoit fait en 1616. Il fit aussi la même fonction au lit de justice tenu à Rouen le 11 Juillet 1620, & à celui tenu à Bordeaux le 8 Septembre de la même année.
Le garde des sceaux du Vair mourut le 3 Août 1621, étant à la suite du roi au siége de Cleirac. Le sieur Ribier, conseiller d’état, son neveu, s’étant trouvé près de lui, porta les sceaux à Sa Majesté, qui les donna à Charles d’Albert, duc de Luynes, pair & connétable de France, lequel étoit alors chef du conseil du roi. Il les garda jusqu’à son décès, arrivé le 15 Décembre suivant. Il scelloit ordinairement en présence des conseillers d’état qui étoient près de Sa Majesté. L’adresse des lettres qu’on avoit coûtume de faire au chancelier ou au garde des sceaux, se faisoit au connétable, quelquefois avec la qualité de tenant le sceau du roi, ou bien ayant la garde des sceaux du roi ; & d’autres fois sans l’y mettre. Il recevoit les sermens avec telle plénitude de fonction pour ce regard, qu’un officier qui se trouva à Paris, voulant y prêter serment entre les mains du chancelier de Sillery, fut obligé d’obtenir des lettres, non-seulement de simple relief d’adresse, mais de commission particuliere pour recevoir ce serment ; & le danger des chemins pendant la guerre, servit de prétexte pour obtenir ces lettres, & pour dispenser l’impétrant d’aller prêter le serment entre les mains du connétable.
Après la mort du connétable, arrivée le 15 Décembre 1621, le roi tint le sceau en personne, & fit sceller diverses fois en présence de son conseil, jusqu’au 24 du même mois, qu’étant alors à Bordeaux, il donna les sceaux à Meric de Vic, Seigneur d’Ermenonville, conseiller d’état, & intendant de justice en Guienne. Les lettres de don ou provision de l’office de garde des sceaux, vacant par la mort de Guillaume du Vair, sont datées du 24 Décembre 1621. Elles contenoient presque les mêmes clauses que celles dudit du Vair, à l’exception seulement de la clause contenant droit de succéder en la charge de chancelier, vacation avenant, & de celle de présider & avoir la surintendance de la justice du royaume ; où on ajoûta que ce seroit seulement en l’absence du chancelier de Sillery, auquel S. M. réservoit tous les honneurs & prééminences qui lui appartenoient, tout ainsi qu’il en avoit joui depuis la promotion dudit du Vair.
Le sieur de Vic conserva les sceaux jusqu’à son décès, qui arriva le 2 Septembre 1622. Les sceaux furent portés au roi par l’abbé du Bec, fils du sieur de Vic. Le roi, en attendant qu’il eût choisi un autre garde des sceaux, commit verbalement les sieurs de Caumartin, de Preaux, de Léon, & d’Aligre, conseillers au conseil d’état ; & les sieurs Godard & Machault, maîtres des requêtes de son hôtel, qui se trouvoient alors à sa suite, pour, quand il faudroit sceller, se transporter au logis du roi, & vaquer à la tenue du sceau, ainsi qu’ils aviseroient pour raison. Lorsqu’ils y étoient arrivés, Galleteau, premier valet-de-chambre du roi, tiroit le coffret des sceaux hors les coffres du roi, & le leur portoit avec les clés : M. de Caumartin, comme le plus ancien, en faisoit l’ouverture, & tenoit la plume pour mettre le visa. Le sceau étant levé, on remettoit les sceaux dans le coffret, & on le rendoit audit Galleteau, avec les clés. Cet ordre s’observa jusqu’au 23 dudit mois. Les conseillers d’état & maîtres des requêtes qui tenoient le sceau, firent demander au roi une commission par des lettres-patentes, pour leur décharge ; mais ils ne purent l’obtenir.
Le 13 du même mois le chancelier de Sillery obtint des lettres-patentes qui furent publiées au sceau le 22, portant qu’il joüiroit sa vie durant de tous les honneurs, droits, prérogatives, prééminences, fruits, profits, revenus & émolumens qui appartiennent à la charge de chancelier de France, tout ainsi qu’il faisoit lorsqu’il avoit la fonction & exercice des sceaux, sans y rien changer ou innover, & spécialement de la nomination, présentation aux offices, tant de la chancellerie de France, que des autres chancelleries établies près les cours & présidiaux ; réception de tous les sermens des officiers pourvûs par le roi ; foi & hommage, & autres sermens que les chanceliers ont accoûtumé de recevoir ; droits de bourse, & autres droits dont il jouissoit pendant la fonction & exercice des sceaux, encore qu’il en fût pour lors déchargé ; & sans que celui ou ceux auxquels le roi commettroit dans la suite la garde des sceaux, puissent prétendre leur appartenir aucune chose desdits droits, pouvoirs & émolumens, que le roi déclare appartenir à la charge de chancelier de France, privativement à tous autres. L’adresse de ces lettres est : « A nos amés & féaux les conseillers d’état & maîtres des requêtes ordinaires de notre hôtel, & autres tenant les sceaux de la grande & petite chancellerie ».
Le 23 Septembre 1622, le roi donna la garde des sceaux à Louis Lefebvre, sieur de Caumartin, président au grand-conseil. Les lettres de provision de cet office énoncent qu’il étoit vacant par le décès du garde des sceaux de Vic, & contiennent les mêmes clauses que celles du garde des sceaux du Vair, avec droit de présider en routes les cours de parlement, grand-conseil, & autres cours souveraines ; avoir l’œil & la surintendance, comme un chancelier, sur toutes les justices & jurisdictions du royaume ; & que vacation avenant de l’office de chancelier, il demeureroit joint & uni avec ledit état de garde des sceaux, pour en user par ledit sieur de Caumartin, en la même qualité, titre & dignité, & tout ainsi qu’avoient accoûtumé de joüir les autres chanceliers de France, sans qu’il eût besoin de prendre de nouvelles lettres de provision ni de confirmation ; qu’il joüiroit dèslors des gages, états & pensions attribués audit office de garde des sceaux, sans diminution toutefois des droits, gages, états & pensions du chancelier de Sillery, que Sa Majesté entendoit lui être payés & continués sa vie durant : voulant aussi qu’il joüît des droits réservés par les lettres-patentes du 13 Septembre, dont on a parlé ci-devant, comme ledit chancelier en joüissoit avant qu’il eût été déchargé des sceaux.
M. de Caumartin étant mort le 21 Janvier 1623, le même jour les sceaux furent apportés au roi par le président de Boissy, son fils aîné, accompagné de l’évêque d’Amiens, son second fils, & autres parens, le président de Boissy portant la parole. Le roi les fit mettre dans ses coffres par son premier valet-de-chambre, & le lendemain il les renvoya par le sieur de Lomenie, secrétaire d’état, au chancelier de Sillery, sans aucunes nouvelles lettres.
Le 2 Janvier 1624, le chancelier de Sillery ayant appris que le roi se disposoit à faire un voyage dans lequel sa santé ne lui permettoit pas d’accompagner Sa Majesté, il demanda d’être déchargé de la garde des sceaux, & les renvoya au roi par le sieur de Puisieux son fils, secrétaire d’état. Le roi les donna à son premier valet-de-chambre pour les mettre dans les coffres du roi, dont il avoit les clés.
Le 6 du même mois, le roi ordonna au sieur de la Ville-aux-Clercs, secrétaire de ses commandemens, d’expédier des provisions de garde des sceaux, le nom en blanc ; & le roi les ayant signées & visées de la main, les fit remplir de la personne d’Etienne d’Aligre, qui avoit été conseiller au grand-conseil, & étoit pour-lors conseiller d’état & finances, lequel prêta serment entre les mains du roi immédiatement après que ses provisions furent scellées. Ses provisions portoient que c’étoit pour tenir led. office, aux honneurs, droits, &c. dont les gardes des sceaux de France avoient ci-devant joüi, ou qui lui seroient attribués par S. M. & généralement de toutes les fonctions qui dépendoient dudit office, avec pareille autorité & pouvoir que celui dont les chanceliers de France avoient accoûtumé d’user & de joüir ; même de présider en toutes les cours de parlement, grand conseil & autres cours souveraines ; pour sur icelles, & toutes autres justices & jurisdictions du royaume, avoir l’œil & surintendance, comme un chancelier pouvoit & devoit faire, à cause de sondit office & dignité : & encore qu’avenant vacation dudit office de chancelier, il demeureroit joint & uni avec ledit état de garde des sceaux, pour en joüir comme les chanceliers de France, sans qu’il eût besoin d’autres lettres de provision ni de confirmation ; sans diminution toutefois des droits, gages, états & pensions du chancelier de Sillery, que S. M. voulut lui être continués sa vie durant.
Le chancelier de Sillery s’étoit retiré en sa maison de Sillery, suivant l’ordre qu’il en avoit reçu du roi le 4 Février 1624 ; il y mourut le premier Octobre suivant : le roi donna le 3 de nouvelles provisions de chancelier à M. d’Aligre, éteignant & supprimant l’office de garde des sceaux dont il étoit pourvû.
Le premier Juin 1626 le chancelier d’Aligre rendit les sceaux au roi, qui lui ordonna de se retirer en sa maison du Perche, où il demeura jusqu’à son décès. Les sceaux furent donnés le même jour à Michel de Marillac, conseiller d’état & surintendant des finances, lequel prêta serment entre les mains de S. M. Ses provisions portoient création & érection en sa faveur, d’un office de garde des sceaux de France, pour l’exercer aux mêmes honneurs & droits que les autres gardes des sceaux, avec pareille autorité & pouvoir que les chanceliers ; même de présider dans toutes les cours souveraines, pour sur icelles, & toutes autres jurisdictions, avoir l’œil & surintendance comme un chancelier ; & que vacation avenant de l’office de chancelier, il fût joint & uni avec ledit état de garde des sceaux, sans qu’il eût besoin d’autres provisions ni confirmations ; sous la reserve néanmoins des gages, droits, états & pensions du sieur d’Aligre, sa vie durant.
Toutes les grandes qualités & les services du sieur de Marillac n’empêcherent pas ses ennemis d’exciter le roi à lui ôter les sceaux, qu’il avoit lui-même souvent voulu remettre. Le 12 Novembre 1630, le roi envoya le sieur de la Ville-aux-Clercs, secrétaire d’état, retirer les sceaux des mains du sieur de Marillac, lequel fut conduit à Caen, puis à Lisieux, & enfin à Châteaudun, où il mourut le 7 Août 1632.
Deux jours après que les sceaux eurent été ôtés au sieur de Marillac, le roi les donna à Charles de l’Aubespine, marquis de Châteauneuf, commandeur & chancelier de l’ordre du Saint-Esprit, conseiller d’état & finances. Il prêta le serment accoûtumé entre les mains du roi. Ses provisions contenoient les mêmes clauses que celles du sieur de Marillac. Etant venu au parlement pour y présider, & les présidens ne s’étant pas levés à son arrivée, le roi, par une lettre adressée au procureur général, déclara que sa volonté étoit que les présidens se levassent lorsque le garde des sceaux viendroit au parlement. Cet ordre ayant été réïtéré aux présidens de la bouche même du roi, & le garde des sceaux étant entré en la grand’chambre le 12 Août 1632, avant l’arrivée du roi qui vint tenir son lit de justice, les présidens se leverent ; mais le premier président lui dit que ce qu’ils en faisoient n’étoit que par le très-exprès commandement du roi ; que cela n’étoit pas dû à sa charge, & qu’il en seroit fait registre.
Le 25 Février 1633, le sieur de la Vrilliere, secrétaire des commandemens, eut ordre du roi d’aller retirer les sceaux des mains de M. de Châteauneuf, lequel remit aussi-tôt le coffre où étoient les sceaux ; & M. de la Vrilliere l’ayant remis au roi, retourna demander à M. de Châteauneuf la clé du coffre, qu’il avoit pendue à son cou : il fut ensuite conduit à Angoulesme.
Pierre Seguier, président au parlement, reçut les sceaux de la main du roi le dernier du même mois. Ses provisions portoient érection & création en sa faveur d’un état & office de garde des sceaux, & toutes les autres clauses que celles des sieurs de Châteauneuf & de Marillac. Après la mort de M. le chancelier d’Aligre, arrivée en 1635, il fut choisi pour le remplacer, & prêta le serment accoûtumé le 19 Décembre 1635. Il obtint aussi des lettres d’érection de la baronnie de Villemor en duché. Lorsque Louis XIV. fut parvenu à la couronne, les sceaux furent refaits à l’effigie de S. M. par l’ordre du chancelier Seguier, lequel, après qu’ils furent achevés, fit rompre les vieux en plusieurs pieces, & les donna aux chauffes-cire, comme leur appartenant.
Le premier Mars 1650, le sieur de la Vrilliere secrétaire d’état, eut ordre du roi d’aller retirer les sceaux des mains du chancelier Seguier, le lendemain ils furent rendus au sieur de Châteauneuf, qui les avoit quittés en 1633. Ils lui furent redemandés par le sieur de la Vrilliere le 3 Avril 1651, & donnés le lendemain à Matthieu Molé, premier président au parlement de Paris, qui prêta serment le même jour. Celui-ci les garda jusqu’au 13 dud. mois, qu’ils furent remis au chancelier Seguier, auquel on les retira encore le 7 Septembre suivant ; & le 8 du même mois, le roi fit sceller en sa présence trois lettres ; celle de duc & pair pour le maréchal de Villeroi, son gouverneur ; les provisions de garde des sceaux pour le premier président Molé, & la commission de sur-intendant des finances pour le marquis de la Vieuville. Ensuite il envoya les sceaux à M. Molé, avec de nouvelles provisions, portant « que S. M. ayant par ses lettres patentes, en date du mois d’Avril 1651, pour les causes y contenues, fait don de la charge de garde des sceaux de France au sieur Molé chevalier, premier président en son parlement de Paris, & l’état de ses affaires l’ayant obligé après de les retirer, elle avoit depuis ce tems attendu le moment pour les remettre entre ses mains, prenant assûrance de sa conduite par tant d’actions passées qui avoient témoigné son courage & sa fidélité ; S. M. déclaroit & vouloit que ledit sieur Molé joüît de la charge de garde des sceaux de France, & qu’il l’exerçât avec tous les honneurs qui lui étoient dûs, conformément à ses lettres patentes précédentes, sans qu’il fût tenu de prêter nouveau serment, attendu celui qu’il avoit ci-devant fait entre ses mains ». Il conserva depuis les sceaux jusqu’à sa mort, arrivée le 3 Janvier 1656.
Le lendemain quatre, les sceaux furent rendus au chancelier Seguier, lequel les garda depuis sans aucune interruption jusqu’à son décès, arrivé le 28 Janvier 1672.
Le roi jugea alors à-propos de tenir lui-même le sceau, à l’exemple de ses prédécesseurs, jusqu’à ce qu’il eût fait choix d’une personne qui eût les qualités requises ; & en conséquence il fit un réglement daté du même jour 4 Février 1672, pour la maniere dont le sceau seroit tenu en sa présence. Il nomma les sieurs d’Aligre, de Seve, Poncet, Boucherat, Pussort & Voisin, conseillers d’état ordinaires, pour avoir séance & voix délibérative dans ce conseil, avec six maîtres des requêtes, dont S. M. feroit choix au commencement de chaque quartier, & le conseiller du grand-conseil, grand-rapporteur en semestre. Il fut ordonné que les conseillers d’état seroient assis selon leur rang ; les maîtres des requêtes & le grand-rapporteur debout, autour de la chaise de S. M. Il y eut un certain nombre de secrétaires du roi, députés pour assister aux divers sceaux qui furent tenus par S. M. à Saint-Germain & à Versailles. Le premier sceau fut tenu à Saint-Germain le 6 Février 1672, en la chambre du château, où le conseil a coûtume de se tenir.
Le roi voulant marcher en personne à la tête de ses armées, nomma le 3 Avril 1672 pour garde des sceaux, messire Etienne d’Aligre second du nom, alors doyen du conseil d’état, lequel fut depuis chancelier. Il étoit fils d’Etienne d’Aligre premier du nom, aussi chancelier & garde des sceaux de France. Ses provisions contiennent les mêmes clauses que les précédentes, c’est-à-dire création de l’office de garde des sceaux, avec les honneurs & droits dont les précédens gardes des sceaux & chanceliers avoient joüi, même le droit de présider dans les cours, & d’avoir la sur-intendance sur toute la justice du royaume. Il prêta serment le 24, & ses lettres furent registrées au parlement le 19 Septembre 1672, & à la chambre des comptes le 14 Juin 1673.
MM. Boucherat, de Pontchartrain, Voisin & d’Aguesseau, qui furent successivement chanceliers après M. d’Aligre, eurent tous les sceaux en même tems qu’ils furent nommés chanceliers. Leurs provisions ne leur donnent néanmoins d’autre titre que celui de chanceliers.
Marc René de Voyer de Paulmy marquis d’Argenson, conseiller d’état, lieutenant-général de police, chancelier garde des sceaux de l’ordre royal & militaire de S. Louis, fut créé garde des sceaux de France, par édit du mois de Janvier 1718. Il prêta serment entre les mains du roi le 28 du même mois. Il remit les sceaux entre les mains du roi le 7 Juin 1720, qui lui en conserva les honneurs. Les sceaux furent alors rendus à M. le chancelier d’Aguesseau.
Joseph Jean-Baptiste Fleuriau d’Armenonville secrétaire d’état, fut créé garde des sceaux par lettres du 28 Février 1722. Il prêta serment entre les mains du roi le premier Mars suivant. Il représenta & fit les fonctions de chancelier au sacre du roi, le 25 Octobre 1722 ; se trouva au lit de justice pour la majorité de S. M. Ses provisions de garde des sceaux de France font mention que l’état & office de garde des sceaux étoit vacant par la mort de M. d’Argenson. Du reste elles sont conformes à celles de ses prédécesseurs, & furent registrées au parlement le 12 Février 1723. Il se trouva encore au lit de justice que le roi tint au parlement de Paris le 8 Juin 1725, pour l’enregistrement de différens édits & déclarations ; remit les sceaux le 15 Août 1727, & mourut le 27 Novembre 1728.
Germain Louis Chauvelin président à mortier, fut nommé garde des sceaux de France le 17 Août 1727. Ses provisions contiennent la clause, que vacation arrivant de l’office de chancelier, il demeureroit réuni à celui de garde des sceaux, sans nouvelles provisions & sans nouveau serment. Du reste elles sont conformes à celles de ses prédécesseurs, si ce n’est qu’elles ne détaillent point les droits que le roi lui attribue ; il est dit seulement que c’est pour en joüir aux honneurs, autorités, prééminences & droits, dont les pourvûs dudit office ont ci-devant joüi & usé. Il prêta serment le 18 du même mois. Le roi lui donna ensuite la charge de secrétaire d’état, avec le département des affaires étrangeres, & le fit ministre d’état. Les sceaux lui furent redemandés le 20 Février 1737, lorsqu’il fut exilé à Gros-Bois ; il y eut alors un édit de suppression de la charge de garde des sceaux créée en sa faveur. Le 21 du même mois, ils furent rendus à M. d’Aguesseau chancelier, qui les garda jusqu’au 27 Novembre 1750, qu’il les remit à M. de Saint-Florentin secrétaire d’état.
M. de Lamoignon ayant été nommé chancelier de France le neuf Décembre suivant, M. de Machault d’Arnouville, ministre d’état, conseiller au conseil royal, contrôleur-général des finances, & commandeur des ordres du roi, fut nommé garde des sceaux. Ses provisions portent que c’est pour en joüir avec pareille autorité que les chanceliers ; elles furent scellées par le roi même, qui écrivit de sa main le visa en ces termes. « Visa, LOUIS, pour création de la charge de garde des sceaux de France, en faveur de J. B. de Machault. » Il prêta serment le dix, & donna sa démission le premier Février 1757.
La forme du serment des chanceliers & gardes des sceaux de France a changé plusieurs fois.
Celle qui se trouve dans les registres du parlement en l’année 1375, ne contient rien qui soit relatif singulierement à la garde du sceau.
Mais le serment qui fut prêté par le chancelier du Prat, entre les mains du roi, le 7 Janvier 1514, est remarquable en ce qui concerne la fonction de garde des sceaux. « Quand on vous apportera, est-il dit, à sceller quelque lettre signée par le commandement du roi ; si elle n’est de justice & de raison, vous ne la scellerez point, encore que ledit seigneur le commandât par une ou deux fois : mais viendrez devers icelui seigneur, & lui remontrerez tous les points par lesquels ladite lettre n’est raisonnable ; & après que aura entendu lesdits points, s’il vous commande de la sceller, la scellerez, car lors le péché en sera sur ledit seigneur & non sur vous : exalterez à votre pouvoir les bons, savans, & vertueux personnages, les promouverez & ferez promouvoir aux états & offices de judicature, dont avertirez le roi quand les vacations d’iceux offices arriveront, &c. »
La forme particuliere du serment pour la charge & commission de garde des sceaux, est telle :
« Vous jurez Dieu votre créateur, & sur la part que vous prétendez en paradis, que bien & loyaument vous servirez le roi à la garde des sceaux qu’il vous a commise & commet présentement par moi, ayant de lui suffisant pouvoir en cette partie ; que vous garderez & observerez, & ferez garder, observer & entretenir inviolablement les autorités & droits de justice, de sa couronne & de son domaine, sans faire ni souffrir faire aucuns abus, corruptions & malversations, ne autre chose que ce soit ou puisse être, directement ou indirectement, contraire, préjudiciable, ni dommageable à iceux ; que vous n’accorderez, expédierez, ne ferez sceller aucunes lettres inciviles & déraisonnables, ni qui soient contre les commandemens & volontés dudit seigneur, ou qui puissent préjudicier à ses droits & autorités, priviléges, franchises & libertés de son royaume ; que vous tiendrez la main à l’observation de ses ordonnances, mandemens, édits, & à la punition des transgresseurs & contrevenans à iceux ; que vous ne prendrez ni n’accepterez d’aucun roi, prince, potentat, seigneurie, communauté, ne autre personnage particulier, de quelque qualité & condition qu’il soit, aucuns états, pensions, dons, présens & bienfaits, si ce n’est des grés & consentement dudit seigneur ; & si aucuns vous en avoient jà été promis, vous les quitterez & renoncerez ; & généralement vous ferez, exécuterez ; & accomplirez en cette charge & commission de garde des sceaux du roi, en ce qui la concerne & en dépend, tout ce qu’un bon, vrai & loyal chancelier de France, duquel vous tenez le lieu, peut & doit faire pour son devoir en la qualité de sa charge : & ainsi vous le promettez & jurez ».
Le garde des sceaux prête serment entre les mains du roi. Ses provisions lui donnent le titre de chevalier ; elles sont enregistrées au parlement, au grand-conseil, en la chambre des comptes, & en la cour des aides.
Son habillement est le même que celui du chancelier ; & aux Te Deum, il a un siége de la même forme que celui du chancelier, mais placé à sa gauche. Il porte toûjours sur lui la clé du sceau.
Il a au-dessus de ses armes le mortier à double galon, semblable à celui du chancelier ; derriere ses armes le manteau & deux masses passées en sautoir, en signe de celles que les huissiers de la chancellerie portent devant lui dans les cérémonies.
Lorsqu’il va par la ville ou en voyage, il est toûjours accompagné d’un lieutenant de la prevôté de l’hôtel, qu’on appelle le lieutenant du sceau ; & de deux hocquetons ou gardes de la prevôté de l’hôtel, qui ont des charges particulieres attachées à la garde du sceau.
Il siége au conseil du roi immédiatement après le chancelier.
Sa fonction à l’égard de la grande-chancellerie, consiste à présider au sceau, lequel se tient chez lui pour les lettres de grande-chancellerie. Il est juge souverain de la forme & du fond de toutes les expéditions que l’on présente au sceau. C’est à lui que l’on fait le rapport de toutes les lettres ; & il dépend de lui de les accorder ou refuser : le scelleur n’appose le sceau sur aucune que de son ordre.
Il a droit de visa sur toutes les lettres qui sont sujettes, appellées lettres de charte, qui sont adressées à tous, présens & à venir.
Il a aussi inspection sur toutes les autres chancelleries établies près des cours, conseils & présidiaux. Il nomme à tous les offices de ces chancelleries ; ses nominations sont intitulées de son nom, signées par lui, contre-signées de son secrétaire, scellées de son sceau & contre-sceaux particuliers. Les principaux officiers lui doivent à leur réception un droit de robe & un droit de serment, pour le serment qu’ils prêtent entre ses mains, ou entre celles de la personne qu’il commet à cet effet sur les lieux. Enfin il a sur ces offices le droit de survivance & le droit de casualité ; au moyen de quoi ceux qui ont les offices sujets à ce droit, lui payent la paulette.
C’est lui qui reçoit le serment des gouverneurs particuliers de toutes les villes du royaume.
C’est lui qui accorde toutes les lettres de pardon, rémission, abolition, commutation de peine, érection en marquisat, comté, baronnie, & autres graces dépendantes du sceau.
Il a le droit de placer les indults sur les collateurs du royaume.
Ceux qui voudront en savoir davantage sur les honneurs, fonctions, droits & prérogatives attachés à la dignité de garde des sceaux, peuvent consulter l’histoire de la chancellerie par Tessereau ; Joly, des offices de France, tome I. liv. II. tit. j. Fontanon, tome I. liv. I. tit. j. &c. (A)
Gardes des Sceaux des Apanages, ou Gardes des Sceaux des Fils et Petits fils puinés de France, et premier Prince du sang pour leur Apanage, sont des officiers publics créés par le roi pour l’apanage, & pourvûs par le prince apanagiste pour garder ses sceaux & en faire sceller toutes les provisions, commissions, & autres lettres qui émanent du prince pour son apanage.
Cette fonction de garde des sceaux est ordinairement jointe à celle de chancelier de l’apanage : néanmoins elle en a été quelquefois séparée, de même que la garde des sceaux de France l’a été plusieurs fois & l’est encore présentement de l’office de chancelier de France.
Les chanceliers & gardes des sceaux des fils & petits-fils de France, prennent tout-à-la-fois le titre de chancelier & garde des sceaux du prince & de son apanage. Il en est de même des chanceliers & gardes des sceaux d’un prince du sang qui est régent du royaume, lequel a droit d’avoir un sceau particulier comme les fils & petits-fils de France : mais les chanceliers & gardes des sceaux des autres princes du sang apanagistes non-régens du royaume, ne prennent point le titre de chancelier & garde des sceaux du prince ; ils sont seulement chanceliers & gardes des sceaux de l’apanage, parce qu’en ce cas le sceau est moins un droit attaché à la personne du prince, qu’un droit dont il joüit à cause de l’apanage.
On a déjà parlé dans le troisieme volume de cet ouvrage, des chanceliers d’apanage en général ; c’est pourquoi l’on ne s’attachera ici principalement qu’à ce qui concerne singulierement la fonction de garde des sceaux de l’apanage, soit lorsque les sceaux sont tenus par le chancelier, soit lorsque la garde en est confiée à quelque autre personne.
L’institution des chanceliers des princes de la maison de France est presque aussi ancienne que la monarchie : en les appelloit au commencement custodes annuli ou sigilli ; ce qui fait voir que la garde du sceau du prince étoit leur principale fonction, & qu’ils ont porté le titre de garde des sceaux avant de porter celui de chancelier. On les appelloit aussi référendaires, parce que c’étoient eux qui faisoient le rapport des lettres auxquelles on appliquoit le sceau. L’apposition de ce sceau servoit à donner l’authenticité à l’acte ; & cette formalité étoit d’autant plus importante, que pendant long-tems elle tint lieu de signature : c’est pourquoi les princes avoient leur sceau, comme le roi avoit le sien.
Sous la premiere race & pendant une partie de la seconde, lorsque le royaume étoit partagé entre plusieurs enfans mâles du roi défunt, chacun tenoit sa part en souveraineté, & avoit son garde-scel ou rêférendaire, appellé depuis chancelier, & ensuite chancelier garde des sceaux.
Lorsque les puînés cesserent de prendre leur part à titre de souveraineté, & qu’ils reçurent leur légitime en fiefs & seigneuries, ils avoient comme tous les grands vassaux de la couronne leur chancelier garde des sceaux, dont la fonction s’étendoit dans toutes leurs seigneuries.
Enfin lorsque la coûtume de donner des apanages aux puînés fut introduite, ce qui arriva, comme on sait, dès le tems de Philippe-Auguste, vers l’an 1209, les princes apanagistes continuerent d’avoir leur chancelier garde des sceaux. Il est fait mention en plusieurs endroits de ces chanceliers gardes des sceaux des princes apanagistes, dès le milieu du xjv. siecle, entre autres des chanceliers des comtes de Poitiers, de ceux des comtes d’Anjou & de la Marche, &c.
Le dauphin de France avoit aussi son chancelier garde des sceaux pour le Dauphiné, comme les dauphins de Viennois en avoient auparavant. Charles V. étant dauphin de France & duc de Normandie, avoit un chancelier particulier pour cette province, comme les anciens ducs de Normandie en avoient eu.
Présentement le dauphin n’ayant plus d’apanage, n’a point de chancelier ni de garde des sceaux ; il en est de même du fils aîné du dauphin & des autres princes du sang qui n’ont point d’apanage : les princesses n’ont point non plus d’apanage ni de chancelier & garde des sceaux, à l’exception de la reine qui a son chancelier garde des sceaux, comme on l’a dit en son lieu. Les grands vassaux de la couronne n’ont plus aussi de chancelier ni de garde des sceaux ; de sorte que les fils & petits-fils de France, les princes du sang apanagistes ou régens du royaume, sont les seuls qui ayent comme le roi & la reine leur chancelier & garde des sceaux. Il y a néanmoins quelques églises, académies & autres corps qui ont leur chancelier particulier, mais ces chanceliers sont d’un ordre différent ; & il n’y a pas d’exemple que la garde des sceaux dont ils sont chargés ait jamais été séparée de leur office.
On ne voit point si dans les premiers tems de l’établissement des apanages, les princes apanagistes ont eu des gardes des sceaux autres que leurs chanceliers, c’étoit ordinairement le chancelier qui portoit le scel du prince ; mais comme la garde des sceaux de France sur le modele de laquelle se regle celle des apanages, a été depuis la troisieme race plusieurs fois séparée de l’office de chancelier, il se peut faire aussi que dès l’institution des apanages, le prince ait quelquefois séparé la garde de son scel de l’office de chancelier : on en a trouvé des exemples assez anciens dans la maison d’Orleans. Le sieur Joachim Seigliere de Boisfranc, garde des sceaux de Monsieur, fiere du roi Louis XIV. & Thimoleon Gilbert de Seigliere son fils qui étoit reçu en survivance, ayant eu ordre de s’abstenir de leurs charges, Monsieur tint lui-même son sceau depuis le mois de Septembre jusqu’au 29 Décembre 1687, qu’il donna des provisions de cet office à M. de Bechameil de Nointel ; & assez récemment dans la même maison, les sceaux furent donnés à M. Baille conseiller au grand-conseil, qui les a depuis remis à M. de Silhouette ; & par la démission de celui-ci, ils ont été renus à M. l’abbé de Breteuil, actuellement chancelier garde des sceaux : ainsi ce qui s’est pratiqué dans cette maison en ces occasions & autres semblables, a pû se pratiquer de même longtems auparavant dans les différentes maisons des princes apanagistes.
Ce qui pourroit d’abord faire douter si l’office de garde des sceaux peut être séparé de celui de chancelier, est que le roi semble n’établir pour l’apanage qu’un seul office, qui anciennement n’étoit désigné que sous le titre de chancelier, & présentement sous celui de chancelier garde des sceaux ; & comme il n’appartient qu’au roi de créer des offices dans son royaume, le prince apanagiste ne peut pas multiplier ceux que le roi a établis pour l’apanage. Mais comme l’office de chancelier simplement ou de chancelier garde des sceaux, renferme toûjours deux fonctions différentes, l’une de chancelier, l’autre de garde des sceaux, & que ces deux fonctions ont été considérées comme deux offices différens, réunis en la personne du chancelier, l’usage a introduit que le prince apanagiste peut, quand bon lui semble, faire exercer ces deux offices ou fonctions par deux personnes différentes.
Les chanceliers & gardes des sceaux des apanages sont des officiers publics créés par le roi ; car lorsqu’il établit par édit ou lettres patentes, un apanage pour quelqu’un des princes de sa maison, il donne ensuite d’autres lettres patentes par lesquelles il crée, érige & établit en titre d’office, les officiers nécessaires pour la direction de l’apanage, dont le premier est le chancelier garde des sceaux ; les autres officiers inférieurs sont un controlleur de la chancellerie, deux secrétaires des finances, un audiencier-garde des rôles des offices, un chauffe-cire, & deux huissiers de la chancellerie.
Tous ces officiers sont attachés principalement au sceau, de sorte que quand la garde des sceaux est séparée de l’office de chancelier, c’est le garde des sceaux qui tient les sceaux du prince pour l’apanage, & qui fait sceller tout ce qui concerne l’apanage ; & dans ce cas les autres officiers inférieurs font leurs fonctions près du garde des sceaux.
La premiere création du chancelier garde des sceaux est ordinairement faite par le même édit qui établit l’apanage, ou par un édit donné dans le même tems : ces offices une fois créés doivent naturellement subsister aussi long-tems que l’apanage pour lequel ils ont été établis ; le décès du prince apanagiste par le moyen duquel sa maison se trouve éteinte, ne devroit pas régulierement éteindre les offices de chancelier & de garde des sceaux, ni les autres offices créés pour l’apanage, de sorte que ces offices n’auroient pas besoin d’être créés de nouveau pour le prince qui succede à l’apanage ; il est néanmoins d’usage que quand l’apanage passe d’un prince à un autre par succession, sous prétexte que la maison du défunt est éteinte par son décès, le roi par des lettres patentes crée de nouveau un chancelier garde des sceaux, & autres officiers pour l’apanage qui passe à un autre prince : mais par les dernieres lettres patentes du mois de Fév. 1752, portant création d’un chancelier garde des sceaux, & autres officiers pour l’apanage de Louis-Philippe d’Orléans, duc d’Orléans, premier prince du sang, cette création n’a été faite qu’en tant que besoin seroit.
Quoique ces différentes créations d’officiers soient faites par le roi, on ne peut pas néanmoins les regarder comme des officiers royaux ; car le roi crée bien l’office, mais ce n’est pas lui qui y pourvoit : il laisse au prince apanagiste la nomination, provision & institution du chancelier & garde des sceaux, & des autres officiers attachés au sceau. Chaque prince apanagiste a la liberté de les changer quand bon lui semble ; & s’il continue le même chancelier garde des sceaux, & autres officiers qu’avoit son prédécesseur, il ne laisse pas de leur donner de nouvelles provisions.
On trouve néanmoins que quand Louis XIII. for ma un apanage pour Gaston son frere, il pourvut en 1617 M. de Verdun premier président du parlement, de l’office de chancelier de Gaston, qu’on appelloit alors duc d’Anjou, & que le 11 Septembre 1625, il donna des provisions du même office à M. le Coigneux président de la chambre des comptes, mais c’étoit peut-être à cause de la minorité de ce prince ; & l’on voit même que le 25 Septembre 1625, Gaston donna à M. le Coigneux des provisions sur celles du roi, & qu’il continua depuis d’en donner seul. Lorsqu’il y eut des mutations par rapport à cet office, les premiers chanceliers de ce prince ne joignoient point le titre de garde des sceaux à celui de chancelier, quoiqu’ils eussent en effet les sceaux ; mais dans la suite ceux qui remplirent cette place, joignirent les deux titres de chancelier garde des sceaux, à l’imitation des chanceliers de France qui les prennent de même depuis quelque tems lorsqu’ils ont les sceaux : ainsi les sceaux de Gaston étant vacans par la démission de M. de Chavigny ministre d’etat, M. de Choissy par ses provisions du 27 Avril 1644, sut nommé chancelier garde des sceaux.
Il en a été de même pour l’apanage de Monsieur fils de France, établi par édit du mois de Mars 1661. M. de . . . . . . . comte de Seran qui étoit son chancelier garde des sceaux, ayant donné sa démission en 1670, le 2 Janvier 1671, il en fut donné des provisions sous le même titre à M. du Housset ; la garde du sceau qui avoit été séparée pendant quelque tems de l’office de chancelier, comme on l’a dit ci-devant, y fut réunie en faveur de Gaston J. B. Terrat, suivant ses provisions du 3 Février 1688.
M. Terrat fut aussi chancelier garde des sceaux de M. le duc d’Orleans régent du royaume, jusqu’à son décès arrivé le 19 Mars 1719.
M. le Pelletier de la Houssaye conseiller d’état lui succéda ; il mourut au mois de Septembre 1723. Mre Pierre-Marc de Voyer de Paulmy, comte d’Argenson, grand croix & chancelier de l’ordre royal & militaire de S. Louis, alors lieutenant général de police, succéda en cet emploi à M. de la Houssaye le 20 Septembre, suivant les provisions qui lui en furent données le 24 Septembre 1723.
Après la mort de ce prince arrivée le 2 Décembre 1723, M. d’Argenson fut choisi par Louis duc d’Orleans, premier prince du sang, pour remplir la même place, laquelle sur sa démission fut donnée en 1741 à Mre René-Louis de Voyer de Paulmy d’Argenson, conseiller d’état, son frere. Mre Julien-Louis Bidé de la Grandville conseiller d’état, lui succéda en 1745 ; & sur sa démission qu’il donna au mois de Mars 1748 entre les mains de Louis duc d’Orleans, ce prince n’étant pas pour lors dans le dessein de pourvoir à l’office de chancelier garde des sceaux vacant par ladite démission, donna le 14 du même mois la commission de garde des sceaux à Mre Nicolas Baille, conseiller-honoraire du roi en son grand-conseil. Le prince ayant dans la suite révoqué cette commission, tint lui-même son sceau depuis le 26 Juillet 1748, jusqu’au 6 Août suivant, qu’il donna une semblable commission à Mre Etienne de Silhoüette, maître des requêtes de l’hôtel du roi ; & le 5 Décembre suivant e prince tint encore lui-même son sceau, à l’effet de donner au même Mre Etienne de Silhoüette des provisions de l’office de chancelier garde des sceaux de son apanage. Le 15 Mars 1752 Louis Philippe duc d’Orleans lui donna de nouvelles provisions dudit office, comme il est d’usage d’en donner à tous les officiers de l’apanage, lorsque la maison du prince est renouvellée après le décès de son prédécesseur.
Louis XIV. ayant par des lettres patentes du mois de Juin 1710 établi un apanage pour Charles de France duc de Berry, créa aussi pour lui un office de chancelier garde des sceaux ; cet office subsista peu de tems, le duc de Berry étant décédé sans enfans le 4 Mai 1714.
Les sceaux des princes apanagistes dont la garde est confiée à leur chancelier ou au garde des sceaux, sont de deux sortes, savoir le grand sceau & le contre-scel ou petit sceau ; ils sont l’un & l’autre enfermés dans un coffret couvert de velours, dont le chancelier ou le garde des sceaux a toûjours la clé sur lui.
Le grand sceau est ainsi appellé pour le distinguer tant du contre-scel ou petit sceau qui est beaucoup plus petit, que du sceau ou cachet particulier du prince.
Les princes apanagistes usent de cire rouge molle pour leur sceau & contre-sceau, de même que le roi en use pour le Dauphiné.
L’empreinte du grand sceau représente le prince à cheval, armé de pié en cap, & la légende contient ses noms & qualités ; par exemple sur le sceau de M. le duc d’Orleans, il y a Louis Philippe d’Orléans, duc d’Orléans, de Valois, de Chartres, &c. Il y a aussi ordinairement une inscription sur la tranche du sceau ; par exemple sur celui de M. le duc d’Orleans, on lisoit ces mots, vox muta Philippi.
Le contre-scel qui est beaucoup plus petit que le grand sceau est aux armes du prince ; on l’applique au revers du grand sceau ou séparément : il ne faut pas le confondre avec le sceau particulier ou cachet du prince, quoique l’empreinte & la grandeur soient à-peu-près de même. Le cachet ou sceau particulier qui est gardé par le secrétaire des commandemens du prince, ne sert que pour les brevets & autres dépêches particulieres qui concernent la maison du prince, ou ses terres & seigneuries autres que celles qui composent l’apanage ; il s’applique comme un cachet ordinaire sur le papier ou parchemin, avec un papier qui recouvre la cire ou pâte qui en reçoit l’empreinte, au lieu que le sceau & le contre-scel sont en cire rouge non couverte ; & ces sceaux s’appliquent de maniere qu’ils sont pendans.
Le sceau se tient ordinairement un certain jour de chaque semaine chez le chancelier ou chez le garde des sceaux, lorsqu’il y en a un ; chez M. le duc d’Orleans c’est le mercredi.
L’audiencier-garde des rôles fait le rapport des lettres qui sont présentées au sceau.
Le controlleur de la chancellerie assiste au sceau.
Le scelleur chauffe-cire applique le sceau lorsque le chancelier ou le garde des sceaux l’ordonne.
On scelle du sceau du prince toutes les provisions & commissions d’office de judicature & autres pour l’apanage, même pour les officiers qui ont le titre d’officiers royaux ; mais pour les cas royaux le prince n’a que la simple nomination des officiers ; & sur ces lettres de nomination scellées du sceau de l’apanage, le roi donne à l’officier des provisions.
Quoique les chanceliers & gardes des sceaux des princes apanagistes ne soient établis principalement que pour l’apanage, néanmoins le prince n’a qu’un seul sceau & qu’un même dépositaire de son sceau : le chancelier ou garde des sceaux donne aussi par droit de suite toutes les provisions & commissions nécessaires dans les terres patrimoniales du prince apanagiste.
Il n’est pas d’usage chez les princes apanagistes de sceller sur des lacs de soie, mais seulement en queue de parchemin.
Ce qui est de plus essentiel à remarquer par rapport au sceau des apanages, c’est qu’il est proprement une portion du scel royal, ou du-moins il y est subrogé, & opere le même effet, soit pour l’authenticité & l’autorité, soit pour purger les priviléges & hypotheques qui peuvent être affectés sur des offices, soit royaux, municipaux ou autres de l’apanage : aussi l’audiencier-garde des rôles de la chancellerie de l’apanage est-il consideré comme un officier public dont les registres font foi, tant ceux qu’il tient pour les rôles des offices qui se taxent au conseil, que pour les provisions des offices ; & ceux qu’il tient pour les oppositions qui peuvent être formées entre ses mains, pour raison des offices de l’apanage, soit au sceau ou au titre : ces oppositions se forment au sceau de l’apanage de même qu’au sceau du roi, & elles ont le même effet qui est de conserver le droit de l’opposant. Les huissiers de la chancellerie de l’apanage semblent avoir le caractere nécessaire pour former ces sortes d’oppositions ; cependant pour prévenir toute difficulté sur la capacité de ces officiers, on est dans l’usage de former ces sortes d’oppositions par le ministere des huissiers des conseils du roi, de même que pour les autres oppositions aux offices qui ne sont point de l’apanage.
Les chanceliers gardes des sceaux de l’apanage étant les premiers officiers de l’apanage & de la maison du prince, joüissent en conséquence de tous les priviléges accordés par le roi aux officiers du prince qui sont sur l’état arrêté par le roi ; & en conformité duquel le prince fait son état qui est mis & reçû au greffe de la cour des aides. Ces priviléges sont les mêmes que ceux dont jouissent les officiers, domestiques & commensaux de la maison du roi, comme on peut voir par les lettres patentes du mois de Février 1752, concernant les offices de l’apanage du défunt prince Louis duc d’Orleans ; ceux qui étoient attachés au prince défunt joüissent des mêmes priviléges leur vie durant ; leurs veuves en joüissent pareillement tant qu’elles demeurent en viduité : c’est ce que porte la déclaration du roi du 20 Février 1752, registrée en la cour des aides le 21 Avril 1752, qui conserve aux officiers de feu M. le duc d’Orleans lesdits priviléges, franchises & exemptions, nonobstant qu’ils ne soient pas spécifiés ni déclarés par cette loi. (A)
Gardes des Sceaux des Chancelleries établies près les Cours, sont les officiers qui sont chargés de la garde du petit sceau, dont on use dans ces chancelleries.
La garde du petit sceau aussi-bien que du grand, appartient naturellement au chancelier ou au garde des sceaux de France, lorsque la garde des sceaux est séparée de l’office de chancelier.
En l’absence du chancelier ou du garde des sceaux de France, s’il y en a un, la garde des petits sceaux des chancelleries établies près les cours souveraines, appartient aux maîtres des requêtes, lorsqu’ils se trouvent dans la ville où la chancellerie est établie.
A Paris, c’est toûjours un maître des requêtes qui tient le sceau en la chancellerie du palais : c’est pourquoi il n’y a point de garde des sceaux. Mais comme ces magistrats ne résident point ordinairement dans les autres villes de province où il y a de semblables chancelleries, nos rois ont établi un officier dans chacune de ces chancelleries, pour garder les sceaux en l’absence des maîtres des requêtes ; & ce sont ces officiers auxquels le nom de garde des sceaux de ces chancelleries est propre.
Il y a eu de ces officiers aussi-tôt que l’on a établi des chancelleries particulieres dans les provinces.
Il y en avoit un en la chancellerie de Toulouse dès 1490, suivant l’ordonnance de Charles VIII. du mois de Décembre de ladite année, où il est nommé garde-scel.
Les autres gardes des sceaux ont été établis à mesure que l’on a établi chaque chancellerie près des parlemens, conseils supérieurs, cours des aides, &c.
Dans celles de Navarre, de Bretagne, de Dauphiné, & de Normandie, ils ont pris la place des chanceliers particuliers de ces chancelleries, qui ont été supprimés.
Ils furent tous supprimés par un édit du mois de Février 1561, portant que le sceau de ces chancelleries seroit tenu par le plus ancien conseiller, chacun en son rang, par semaine ou par mois ; ils ont depuis été rétablis par différens édits. Dans les parlemens semestres, tels que celui de Bretagne & celui de Metz, il a été créé un second garde-des-sceaux, pour servir l’un & l’autre par semestre ; ce qui a été étendu à toutes les chancelleries près des cours qui sont semestres, par un édit du mois de Juin 1715.
En quelques endroits ces offices furent unis à un office de conseiller de la cour près de laquelle est établie la chancellerie, ou ne peuvent être possédées que par un conseiller.
Par exemple, la déclaration du roi du 20 Janvier 1704, ordonna que l’office de garde-scel du conseil supérieur d’Alsace seroit possédé par un conseiller de ce conseil.
L’édit du mois d’Octobre suivant supprima les titres & fonctions des gardes-scels des chancelleries, unis aux offices des conseillers des cours supérieures, & créa un office de garde scel en chacune des chancelleries établies près desdites cours.
La déclaration du 31 Mars 1705 ordonna que les sceaux de ces chancelleries près les cours, seroient remis aux officiers nommés par M. le chancelier, jusqu’à ce que les offices de gardes-scels créés par édit du mois d’Octobre 1704, fussent remplis.
Dans quelques villes où il y a deux chancelleries, une près le parlement & une autre près la cour des aides, comme à Rouen & à Bordeaux, il y a ordinairement un garde des sceaux en chaque chancellerie. Cependant l’édit du mois de Juin 1704 a attribué au garde-scel de la chancellerie près le parlement de Roüen, les fonctions de garde-scel de celle près la cour des aides de la même ville, & a desuni cet office de garde-scel de la chancellerie près ladite cour des aides, de l’office de conseiller en icelle.
Quand un maître des requêtes arrive dans une ville où il y a chancellerie, le garde des sceaux est tenu de lui porter les sceaux ; & l’audiencier, contrôleur, ou commis, la clé.
Le maître des requêtes ou le garde des sceaux qui tient le sceau, ne peut sceller que les lettres qui s’expédient ordinairement dans ces chancelleries ; ils ne peuvent sceller aucunes rémissions, si ce n’est pour homicides involontaires, & pour ceux qui sont commis dans une légitime défense de la vie, & quand l’impétrant aura couru risque de la perdre. Voyez Chancelleries près les Cours
Le garde des sceaux est chargé de tenir la main au sceau & à la taxe des lettres, & de pourvoir aux contestations qui peuvent survenir pendant la tenue du sceau, ou à l’occasion d’icelui : il peut rendre en cette matiere des ordonnances & jugemens, sauf l’appel devant M. le chancelier ou devant M. le garde des sceaux de France, lorsqu’il y en a un.
L’édit du mois de Juin 1715 attribue aux gardes des sceaux des chancelleries près les cours, la noblesse au premier degré, droit de committimus, exemption de logement de gens de guerre, tutele, curatelle, guet & garde, & de droits seigneuriaux dans la mouvance du roi. (A)
Gardes des Sceaux des Chancelleries présidiales ou des Présidiaux, sont des officiers qui ont la garde du sceau dont on scelle toutes les expéditions des chancelleries présidiales & les jugemens des présidiaux.
Henri II. ayant établi en 1551 des siéges présidiaux dans plusieurs villes du royaume, avoit alors laissé aux greffiers des présidiaux la garde du scel, ordonnés pour sceller les expéditions de ces nouveaux tribunaux : mais comme ces greffiers n’avoient pas communément les connoissances nécessaires pour juger du mérite des requêtes civiles & autres lettres qui leur étoient présentées pour sceller, Henri II. par édit du mois de Décembre 1557, établit des conseillers gardes des sceaux près des présidiaux : il ordonna que quant aux lettres de chancellerie qui ne peuvent être concédées que par S. M. comme requêtes civiles, propositions d’erreur, restitutions en entier, relief d’appel, desertions, anticipations, acquiescemens, & autres semblables, qui ont accoûtumé être dépêchées ès chancelleries au nom du roi, seroient dépêchées par les gardes des sceaux des présidiaux, signées & expédiées par les secrétaires du roi, & en leur absence par le greffier d’appeaux de chaque siége présidial, ou par leur commis.
Il fut ordonné que ces expéditions seroient scellées de cire jaune, d’un scel qui seroit fabriqué aux armes du roi à trois fleurs-de-lis, qui seroient de moindre grandeur que celles des autres chancelleries ; & qu’autour de ce sel seroit écrit, le scel royal du siége présidial de la ville de, &c.
La garde de ce scel est attribuée à un conseiller & garde des sceaux créé par cet édit dans chaque présidial, avec les mêmes droits que les autres conseillers.
Il fut en même tems créé un clerc & commis à l’audience, pour sceller les expéditions & recevoir les émolumens provenans dudit scel.
Le roi déclare néanmoins que par l’attribution faite aux gardes des sceaux des présidiaux, il n’entend point empêcher ses sujets de se pourvoir pour les lettres dont ils auront besoin en la grande chancellerie ou en celles établies près les cours de parlement, comme ils faisoient auparavant.
Il déclare aussi que par cet édit il n’entend point préjudicier aux droits, prééminences, & autorités, tant des maîtres des requêtes que des secrétaires du roi, lesquels il veut demeurer dans le même ordre qu’ils ont tenu ci-devant avec les officiers des cours & siéges présidiaux.
Ces gardes des sceaux furent supprimés, ainsi que les clercs commis à l’audience, par un édit du mois de Février 1561, qui permit néanmoins à ceux qui étoient pourvûs de ces offices, d’en joüir leur vie durant, à-moins qu’ils ne fussent plûtôt remboursés.
Le même édit ordonna qu’après la suppression de ces gardes des sceaux par mort ou remboursement, le sceau seroit tenu par les lieutenant général, particulier, & conseillers présidiaux, chacun par mois & l’un après l’autre, à commencer par le lieutenant général ; que le lieutenant ou conseillers qui tiendront le sceau, auront la garde du coffre, & le fermier, la clé.
Les troubles survenus dans le royaume furent cause que cet édit fut mal observé ; de sorte que l’usage ne sut pas par tout uniforme : mais Henri III. par édit du mois de Février 1575, rétablit les conseillers-gardes des sceaux, dans les présidiaux près desquels il y a une chancellerie présidiale, conformément à l’édit de 1561.
Enfin par un édit du mois de Juin 1715, tous les offices de conseillers-gardes des sceaux ou de conseillers-gardes-scel, par quelques édits qu’ils eussent été créés, tant dans les chancelleries près les cours, que dans les chancelleries présidiales, furent supprimes ; & par le même édit, il fut créé dans chaque chancellerie présidiale, un nouvel office de conseiller du roi garde-scel, avec le privilége de noblesse au premier degré, en considération de l’honneur qu’il a d’être dépositaire du sceau du roi, pour en joüir par les pourvûs, leurs veuves & descendans, comme les officiers des chancelleries près les cours. L’édit les décharge de toute recherche pour la noblesse ; leur accorde droit de committimus, exemption de logement de gens de guerre, tutele, curatelle, guet & garde.
En conséquence de cet édit, les conseillers-gardes-scel des présidiaux font dans les chancelleries présidiales les mêmes fonctions que les gardes des sceaux des chancelleries établies près les cours, font dans ces chancelleries.
Par un arrêt du conseil du 22 Janvier 1697, ils ont été maintenus dans le droit de sceller tous les actes, sentences, & jugemens rendus dans les cas présidiaux. A l’égard des sentences, jugemens, & actes des bailliages & sénéchaussées auxquels les présidiaux sont joints, ils doivent être scellés par les conseillers gardes-scels des bailliages & sénéchaussées, suivant l’édit du mois de Novembre 1696. (A)
Garde des Sceaux aux Contrats, sont ceux qui ont la garde du petit sceau dont on scelle les actes passés devant notaires & tabellions royaux.
Anciennement c’étoit le juge qui scelloit les contrats de même que les jugemens, parce que les contrats sont censés passés sous son autorité, & que les notaires n’étoient considérés que comme les greffiers du juge pour la jurisdiction volontaire.
Dans la suite les sceaux furent joints au domaine & donnés à ferme ; au moyen de quoi, le scel des contrats aussi-bien que des jugemens, fut remis au fermier du sceau, lequel par lui ou son commis, scelloit tous les jugemens & contrats.
En 1568, Charles IX. créa dans toutes les jurisdictions royales des gardes des sceaux, tant pour les contrats que pour les sentences.
Ces offices furent supprimés par édit du mois de Novembre 1696, qui créa en même tems des offices de conseillers-garde-scels, pour faire la même fonction.
Mais par une déclaration du 18 Juin 1697, Louis XIV. desunit les offices & droits de gardes-scels des contrats & actes des notaires & tabellions royaux, de ceux des sentences & actes des jurisdictions royales, pour être vendus séparément.
L’exécution de cette déclaration ayant souffert plusieurs difficultés de la part des notaires & tabellions royaux, il y eut d’abord une déclaration du mois d’Avril 1697, qui desunit l’office de garde-scel aux contrats de celui de garde-scel aux sentences, pour la ville & prevôté de Paris, & créa vingt notaires au châtelet, qui auroient seuls droit de sceller tous les actes ; mais la communauté acheta ces vingt charges : au moyen de quoi tous les notaires de Paris sont garde-scels, & ont droit de sceller eux-mêmes les actes qu’ils reçoivent.
A l’égard des gardes-scels aux contrats pour les autres villes, par une autre déclaration du 17 Septembre 1697, on rétablit tous les offices de garde-scels des contrats des notaires & tabellions, qui avoient été supprimés par l’édit du mois de Novembre précédent ; à l’exception de ceux de la ville de Paris, qui étoient déjà unis au corps des notaires. Ces offices de garde-scels ainsi rétablis, furent aussi unis au corps des notaires ; & dans les lieux où les notaires ne formoient pas de communauté, le droit de garde-scel fut donné à chaque notaire en particulier : & en conséquence de cette union, la déclaration permet à tous notaires, dans les villes où il y a parlement ou autres siéges présidiaux, de prendre le titre de conseiller du roi garde-scel, soit qu’ils ayent acheté les offices en commun ou en particulier ; de sorte que dans les lieux où la communauté n’a pas acheté ces offices, il faut envoyer sceller l’acte chez celui qui est garde-scel. (A)
Gardes-Scels des Jurisdictions royales et subalternes, sont ceux qui ont la garde du petit scel dont les expéditions du tribunal doivent être scellées.
Anciennement chaque juge avoit son sceau ou cachet particulier, dont il scelloit lui-même tous les jugemens & autres actes émanés de sa jurisdiction, & même les contrats & autres actes que l’on vouloit mettre à exécution.
Le châtelet de Paris fut le premier siége qui commença à user du scel royal, du tems de S. Louis.
Il y avoit dès-lors au châtelet un officier appellé scelleur, dont la fonction étoit d’apposer le scel aux jugemens & mandemens émanés du tribunal ; ce qui subsiste encore présentement.
On donna aussi aux autres siéges royaux des sceaux aux armes du roi, pour sceller tous les jugemens & autres actes passés dans le détroit de la jurisdiction. Mais Charles IX. étant informé que dans plusieurs jurisdictions royales les juges apposoient encore leurs sceaux, marques, cachets, ou signatures, au lieu du scel royal, ou bien les sceaux des villes, & qu’il se commettoit encore d’autres abus, créa par édit du mois de Juin 1568, des gardes des sceaux dans toutes les jurisdictions royales, excepté dans les chancelleries & présidiaux, pour sceller tous les jugemens & contrats que l’on veut mettre à exécution.
Cet édit fut interprété & confirmé par plusieurs autres des 8 Février 1571, Mai & Décembre 1639, Juin 1640, & autres ; en conséquence desquels il fut établi des gardes des sceaux dans la plûpart des jurisdictions royales.
Depuis, par édit du mois de Novembre 1696, Louis XIV. supprima tous ces offices de gardes-scels, soit qu’ils eussent été établis en conséquence des édits de Juin 1568 & autres postérieurs, ou que lesdits offices ou les titres & fonctions d’iceux, eussent été joints & unis à d’autres offices rétablis où réunis au domaine du roi ; à l’exception néanmoins des offices de gardes-scels créés depuis l’année 1688 : & au lieu de ces offices de gardes-scels simplement, il créa par le même édit dans toutes les jurisdictions royales un conseiller du roi garde-scel, pour sceller tous les jugemens & autres expéditions, contrats & actes des notaires & tabellions royaux, qui furent joints & attribués au garde-scel, avec attribution des mêmes fonctions, autorités, priviléges, droits, rang, séance, voix délibérative, part aux épices & distribution des procès, que les autres conseillers & officiers des jurisdictions royales.
Par une déclaration du 18 Juin 1697, les offices & droits de garde-scels des contrats & actes des notaires & tabellions royaux, furent desunis de ceux des sentences & actes des jurisdictions royales, pour être vendus séparément. Voyez Garde-Scel aux Contrats.
Enfin par une autre déclaration du 17 Décembre suivant, Louis XIV. rétablit tous les offices de garde-scels qui étoient établis avant l’édit du mois de Novembre 1696, dans les bailliages, sénéchaussées, vicomtés, prevôtés, vigueries, châtellenies, & autres jurisdictions royales ordinaires, à l’exception de ceux du châtelet & des autres jurisdictions de la ville de Paris, pour laquelle l’exécution de l’édit de 1696 fut ordonnée.
La même déclaration ordonna que les propriétaires des anciens offices de garde-scels en joüiroient, comme ils faisoient avant l’édit de 1696, sans être tenus d’acquérir ni de se faire pourvoir, si bon ne leur sembloit, des offices de conseillers-gardes-scels créés par le même édit de 1696 ; desquels offices de conseillers le roi se réserva de disposer comme il jugeroit à propos, avec faculté néanmoins aux propriétaires des anciens offices de garde-scels, aux compagnies, ou autres particuliers, d’acquérir ces offices de conseillers.
A l’égard des jurisdictions des provinces & généralités où les offices & droits de garde-scels n’étoient pas rétablis avant l’édit du mois de Novembre 1696, le roi par la déclaration du 17 Septembre 1697, unit aux corps des jurisdictions lesdits offices de conseillers-garde-scels créés par édit du mois de Novembre 1696, avec faculté auxdites jurisdictions de joüir desdits offices en commun, ou de les vendre, même les droits y attachés.
Il a été défendu aux gardes-scels des jurisdictions royales, par plusieurs réglemens, & notamment par une déclaration du 16 Mars 1576, de sceller aucun des actes qui sont du fait des chancelleries établies près des cours ou présidiaux. (A)
Garde des Coffres, ou Thrésorier de l’Épargne, (Hist. mod.) c’est un des principaux officiers dans la cour du roi d’Angleterre, immédiatement après le contrôleur ; lequel dans la cour du tapis-verd, & quelquefois ailleurs, a la charge ou l’inspection particuliere des autres officiers de la maison, afin qu’ils tiennent une bonne conduite, ou qu’ils fassent avec exactitude les fonctions de leurs offices : c’est lui qui paye leurs gages. Chambers.
Gardes des Foires, officiers établis dans les foires pour en conserver les franchises, & juger des contestations en fait de commerce survenues pendant la durée de ces foires ; on les nomme plus ordinairement juges-conservateurs. Voyez Juges & Conservateurs. Dictionnaire de Commerce.
Gardes de Nuit, petits officiers de ville à Paris, commis par les prevôt des marchands & échevins, pour veiller la nuit sur les ports à la conservation des marchandises qui y ont été mises à bord, & répondre à leurs frais des dégats ou dommages qui par leur faute ou négligence seroient arrivés à ces marchandises, pourvû que dans les vingt-quatre heures les propriétaires des effets détournés ou gâtés intentent action contre ces gardes : telle est la disposition de l’ordonnance de la ville de 1672, art 7. ch. jv. Dictionn. de Commerce.
Garde noire, (Commerce.) on nomme ainsi à Bordeaux une escoüade d’archers qui veille pendant la nuit pour empêcher qu’il n’entre dans la ville, ou qu’il n’en sorte aucune marchandise en fraude ; elle est composée d’un capitaine, d’un lieutenant, & de neuf soldats. Dictionn. de Commerce.
Garde-Visiteur, (Commerce.) on appelle de la sorte à Bordeaux un commis qui accompagne le visiteur d’entrée de mer, lorsqu’il va faire sa visite sur les navires & barques qui arrivent dans le port de cette ville, & dont il est comme le contrôleur.
Les fonctions du garde-visiteur sont, 1°. en accompagnant le visiteur, de faire mention sur son portatif du nom des navires & de celui des maîtres, du lieu d’où ils viennent, & du nombre & qualité des marchandises : 2°. de donner chaque jour au receveur de la comptablie, un état des vaisseaux & barques visités : 3°. de fournir un pareil état aux receveur & contrôleur du convoi des barques de sel, de leur nom, de celui de leurs maîtres, de leur port, & de la quantité & qualité des sels dont elles sont chargées : 4°. de transcrire tous les jours les déclarations qui se font au bureau. Dictionn. de Commerce.
Garde, s. f. en terme de Commerce, signifie conservation, durée en un même état, comme dans les phrases suivantes.
Les marchandises sujettes à la corruption ne sont pas de garde : on dit d’un vin foible, qu’il n’est pas de garde.
On appelle aussi dans le commerce, garde-boutique, garde-magasin, une étoffe dont la couleur est éteinte, qui est fripée, piquée de vers, tarée ou hors de mode. Dictionn. de Commerce.
Garde, (Commerce.) Dans les six corps des marchands de Paris, on appelle maîtres & gardes ceux qui sont élus & choisis parmi les maîtres de chaque corps pour tenir la main à l’exécution des statuts & réglemens de chaque corps en particulier, & pour en soûtenir les priviléges.
Chez les artisans, il n’y a point de maîtres & gardes, mais simplement des jurés. Voyez Juré. Dictionn. de Commerce.
Garde-Magasin, (Commerce.) celui qui a soin des marchandises renfermées ou déposées dans un magasin. Voyez Magasin.
Garde-Magasin, (Art milit.) dans l’Artillerie, c’est un préposé par le grand-maître pour veiller au magasin des armes & des munitions des places, & tenir un état de tout ce qui entre & qui en sort. (Q)
Garde-Chasse, (Vénerie.) celui qui est chargé de la conservation du gibier dans un canton limité.
Un garde-chasse a deux objets sur lesquels il doit particulierement veiller, les braconniers & les bêtes carnacieres : avec de l’attention & quelquefois de la hardiesse, il arrête les entreprises des uns ; il y a un art particulier à se défaire des autres, qui demande de l’adresse, quelques connoissances, & sur-tout un goût vif pour les occupations de ce genre. Sans ce goût, il ne seroit pas possible qu’un garde-chasse soûtînt les fatigues, les veilles, & la vigilance minutieuse qu’exige la destruction des animaux ennemis du gibier. Voyez Piége.
Les gens qui ont des gardes-chasse, ne peuvent prendre trop de précautions pour qu’ils soient sages & d’une probité à toute épreuve. On ne sauroit croire combien de détails sourds de tyrannie s’exercent par eux : ils sont armés & crûs sur leur parole ; cela est nécessaire pour l’exercice de leurs fonctions. Mais s’ils ne portent pas, dans l’usage qu’ils font de ces droits, l’exactitude jusqu’au dernier scrupule, combien ne sont-ils pas à craindre pour le paysan ? Ils deviennent sur-tout dangereux, s’ils reconnoissent en leur maître un goût vif pour la chasse : alors ils n’épargnent rien pour flater en lui une passion qui, comme toutes les autres, voit injustement ce qui la favorise ou ce qui la blesse. Article de M. Le Roi, lieutenant des chasses du parc de Versailles.
Gardes-Étalon, (Manége.) on appelle de ce nom tous particuliers auquel la garde d’un étalon est confiée, ou qui se chargent eux-mêmes de l’achat & de l’entretien d’un cheval propre à servir les jumens, d’un arrondissement quelconque : les uns & les autres joüissent de certains priviléges. Voyez Haras. (e)
Garde-meuble, (Manége.) lieu de dépôt, & où l’on enferme les selles, les harnois, les couvertures, les émouchoirs, les brides, les licols, les caveçons, &c. & tous les divers instrumens qui sont propres au manége, à l’écurie, & nécessaires dans un équipage. Lorsqu’on ne perd point de vûe l’objet pour lequel on le destine, on le construit de maniere qu’il soit à la portée de tous les besoins. Il faut surtout qu’il soit à l’abri de la chaleur excessive, du grand froid, de l’humidité, & de toutes odeurs fétides ; autrement les cuirs & tous les ouvrages en bois, en métaux & en dorures qu’il contiendra, seront bien-tôt desséchés, gersés, pourris, décolorés, rouillés & changés, quelqu’attention que l’on puisse apporter à leur conservation. On y dispose différemment des armoires ; on y pratique divers arrangemens tendans à garantir les meubles de la poussiere & des injures des rats, ou autres animaux malfaisans, & dans des tems où l’humidité s’étend, & se fait jour & perce par-tout ; on en garantit le garde meuble, à l’aide d’un feu plus ou moins considérable, ou ce qui convient encore mieux, à l’aide d’un poële médiocrement chauffé. (e)
Garde-meuble, (Manége.) on appelle de ce nom l’officier auquel on confie le soin & la garde de tous les meubles d’une écurie, d’un manége, & d’un équipage.
Son devoir consiste à tenir un compte fidele de tout ce qui lui est remis, à faire attention à ce qu’il distribue, à observer l’état dans lequel les choses lui sont rendues, à n’en recevoir aucunes qui n’ayent été parfaitement nettoyées, à faire exactement réparer celles qui ont souffert quelqu’atteinte, à être d’une assiduité extrème, & toûjours prêt à fournir ce dont on peut avoir besoin ; enfin, à faire soigneusement arranger ce qu’on lui rapporte, selon l’ordre établi dans le garde-meuble, à la propreté duquel il doit constamment & scrupuleusement veiller. (e)
Garde, s. f. en termes de Fourbisseur, se dit de la partie qui est auprès de la poignée d’une épée, pour empêcher que la main ne soit offensée par l’ennemi. Voyez Épée & Poignée.
Garde-Sale, (Escrime.) Voyez Prevost.
Garde, (être en) Escrime. C’est être dans une attitude aussi avantageuse pour se défendre que pour attaquer.
Il y a deux façons de se mettre en garde, qui sont la garde ordinaire ou garde basse, & la garde haute. Elles se pratiquent toutes deux, suivant les différentes occasions.
Garde-haute, (Escrime.) est celle où l’on tient le poignet plus haut que la pointe.
Façon de se mettre en cette garde : 1°. vous placerez le bras gauche, les piés & le corps, comme il est enseigné dans la garde ordinaire ; 2°. vous leverez le bras droit, & mettrez le poignet à la hauteur du nœud de l’épaule ; 3°. vous pourrez faire descendre la pointe de votre épée jusqu’au niveau de la ceinture, & jamais plus ; mais il est mieux de la tenir entre l’épaule & la ceinture.
Garde ordinaire ou Garde-basse, (Escrime.) est celle où le poignet est plus bas que la pointe.
Façon de se mettre en cette garde : 1°. tournez la tête & le pié droit en face de l’ennemi ; 2°. portez le talon gauche à deux longueurs de piés de distance du talon droit ; 3°. mettez le pié gauche perpendiculaire au droit ; 4°. alignez les piés, desorte que le droit puisse passer derriere le talon gauche, sans laisser d’intervalle ; 5°. alignez les épaules sur le pié droit, ou ce qui est le même, mettez-les perpendiculaires au pié gauche ; 6°. pliez le jarret gauche en avançant le genou, jusqu’à qu’il soit sur l’à-plomb du bout de son pié (ceux qui ont le pié petit, peuvent un peu passer cet à-plomb) ; 7°. portez tout le corps sur le jarret gauche, & enfoncez le dans les hanches ; 8°. étendez le genou droit sans le roidir, au contraire il faut en avoir l’articulation flexible ; 9°. posez le tronc du corps bien à-plomb, & ne tendez ni le ventre ni le derriere ; 10°. levez le bras gauche, & arrondissez-le, ensorte que la naissance de la main soit au niveau & vis-à vis le nœud de l’épaule, & la distance de la naissance de la main à ce nœud doit être de la longueur de l’humerus ; 11°. levez le coude à la hauteur de l’œil, pour diminuer le poids du bras ; 12°. avancez la main droite jusqu’à ce que le pouce soit sur l’à-plomb du bout de son pié ; 13°. tournez la main droite de façon que le plat de la lame faste un angle de 45 degrés avec l’horison ; 14°. mettez le pommeau à hauteur de la ceinture ; 15°. tenez la pointe de votre épée à hauteur du nœud de l’épaule, & jamais plus. Nota. Que les jointures de votre bras soient souples sans être trop pliées.
Garde-corps ; en Architecture, c’est une balustrade ou un parquet à hauteur d’appui, ordinairement le long d’un quai, d’un fosse, ou aux côtés d’un pont de pierre. C’est aussi un assemblage de charpente aux bords d’un pont de bois, pour empêcher de tomber dans l’eau. Le mot latin par lequel on exprime le garde-corps, est peribolus. Les ouvriers l’appellent garde fou.
Garde-manger, en latin cella promptuaria, (Architect.) c’est un petit lieu près d’une cuisine, pour serrer les viandes de la desserte de la table, le gibier, la volaille, &c. Il faut que ce lieu soit sec & muni de quelques tables, corps d’armoires, & autres ustenciles à son usage. Voyez le garde-manger, n°. 14. Planc. XI. Arhitect. qui est échauffé l’hyver par la cheminée de la cuisine, & l’été rafraichi par la croisée qui donne sous le peristile ; les provisions que ces sortes de pieces contiennent étant sous la garde du chef de cuisine, il leur faut ménager une issue du côté de la cuisine.
Garde-meuble, (Architecture.) c’est dans une maison une grande piece ou galerie, le plus souvent dans le comble, où l’on serre les meubles d’été pendant l’hyver, & ceux d’hyver pendant l’été. (P)
Garde, (Commerce.) se dit de certaines membrures ou pieces qui font partie de la balance romaine, autrement dite peson ou crochet. Dans la composition de cette balance, il y a trois sortes de gardes, la garde du crochet, la garde sorte, & la garde foible. Voyez Balance. Dictionn. de Commerce.
Garde-corde, terme d’Horlogerie. Voyez Guide-Chaîne.
Garde : les Relieurs appellent garde une bande de parchemin de la longueur du livre qu’ils mettent à moitié en-dedans du carton ; l’autre moitié est entaillée par bande pour passer sur le dos dans les entre-nerfs où on les colle ; on colle la bande du dedans, lorsque le livre est prêt à dorer : il y en a des deux côtés du livre. Quelquefois on se contente de deux ou trois bandes de parchemin qui passent du carton sur le dos, pour le renforcir & mieux assûrer le carton. Voyez Endosser.
Gardes, (Rubanier.) ce sont deux bandes de fort papier pliées en trois, de la hauteur du peigne, & qui servent à le tenir fixe dans le battant ; d’ailleurs ces gardes servent encore à garnir les vuides qui resteroient aux deux côtés du peigne, & au-travers desquels la navette passeroit sans cette précaution. Les gardes ont encore une autre utilité, qui est de recevoir la navette quand elle ne travaille pas ; il y a des ouvriers curieux & propres qui font ces gardes de toile cirée, dont on met le ciré en-dehors : ces gardes, outre la propreté & la durée, ont encore l’avantage de tenir les doigts de l’ouvrier dans une fraîcheur qui lui est nécessaire sur-tout en été.
Gardes, (Verrerie.) on nomme gardes dans l’art de la Verrerie les morceaux de verre que l’on place perpendiculairement dans la poële, lorsqu’on procede à la calcination du verre. Ces gardes servent à faire connoître quand l’opération est achevée ; car lorsqu’ils commencent à plier & à fondre par la chaleur, il ne faut plus pousser le feu. Voyez Verre.
Gardes, terme de Tisserand ; les gardes sont deux morceaux de bois placés aux deux bouts des rots ou peignes, qui assujettissent les broches ou dents & les empêchent de s’écarter. Voyez Peigne.
Garde-malade, ou simplement Garde, s. fém. (Medecine.) c’est le nom que l’on donne à des femmes, dont la profession est de garder & soigner les malades dans les maisons particulieres où elles sont appellées ; il s’en faut beaucoup que cet état obscur soit indifférent pour la société. En effet ces femmes, par leur habitude & leur expérience dans les cas de maladies, sont plus intelligentes, plus adroites, & infiniment plus propres que toutes autres personnes, à prévenir & soulager les besoins des malades qui leur sont confiés ; elles remplissent auprès d’eux les mêmes fonctions que les infirmiers ou infirmieres dans les hôpitaux. Voyez Infirmier.
- ↑ Cette derniere distinction ne leur est accordée que depuis quelques années.
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