L’Encyclopédie/1re édition/MONTRE

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MONTRE ou REVUE, s. f. c’est dans l’Art milit. assembler les troupes, & les faire paroître en ordre de bataille, pour examiner si elles sont complettes & en bon état, & pour en ordonner le payement. De-là vient que faire la montre, c’est faire le payement des troupes.

Les termes de montre & revue étoient autrefois synonymes, mais il paroît qu’ils ne le sont plus actuellement. Car on ne dit point dans les nouvelles ordonnances, que les commissaires, les inspecteurs & les colonels feront la montre des troupes, mais la revue, voyez Revue. Ainsi le terme de montre exprime simplement la paye des troupes ; & celui de revue l’assemblée qui se fait pour constater leur nombre & leur état.

Les montres des compagnies d’ordonnance, dit le pere Daniel, se faisoient quatre fois l’année. Il y en avoit deux générales, où se trouvoit souvent un maréchal de France : celles-ci se faisoient en armes, c’est à-dire que les gendarmes y paroissoient équipés avec l’armure complette de pié en cap, comme s’ils avoient été sur le point de combattre. Les deux autres revues étoient des revues particulieres de chaque compagnie qui se faisoient en présence du commissaire. La compagnie n’y étoit point en armes, mais seulement avec la livrée du capitaine, & cela s’appelloit faire la montre en robe ; c’est le terme dont on se sert dans divers anciens tôles. Hist. de la Milice françoise.

Montre, (Comm.) se dit de l’exposition que les marchands font de leurs marchandises l’une après l’autre, à ceux qui se présentent pour les acheter.

Dans le commerce de grains, on dit qu’on a acheté du blé, de l’avoine, de l’orge, &c. sur montre, pour faire entendre qu’on l’a acheté sur un échantillon ou poignée qui a été apportée au marché. Dictionn. de Comm.

Montre se dit encore des étoffes ou marques que les marchands mettent au-devant de leurs boutiques ou aux portes de leurs magasins, pour faire connoître aux passans les choses dont ils font le plus de négoce.

Les marchands Merciers & Épiciers ont des montres de leurs merceries & drogueries pendues à leurs auvens. Les Orfevres, Joailliers ont sur leurs boutiques de certaines boîtes qu’ils nomment leurs montres, & qui sont remplies de bijoux, tabatieres, étuis, bagues, &c. Les Couteliers en ont de semblables où sont rangés des ouvrages de leur profession, avec leur marque ou poinçon gravés en relief au-dessus de leur boîtes de montre.

Les maîtres-Boulangers ont pour montre une grille, composée partie de bois ou de gros fer, & partie d’un treillis de fil d’archal qui occupe l’ouverture de leur boutique sur la rue. Au-dedans de cette grille sont divers étages de planches sur lesquelles ils mettent les différentes sortes de pains qu’ils débitent. Dictionn. de Comm.

Montre, s. f. (Horlogerie.) signifie une très-petite horloge, construite de façon qu’on la puisse porter dans le gousset, sans que sa justesse en soit sensiblement alterée. Quoique cette définition convienne assez généralement aux montres, il semble cependant que ce mot de montre a aussi beaucoup de rapport à la forme de l’horloge & à la disposition de ses parties ; car on appelle montre de carrosse, des horloges qui sont aussi grosses que certaines pendules, & il paroît que l’on ne leur a donné ce nom que par la ressemblance de leur forme & de leur construction à celles des montres ordinaires.

L’origine de ce nom vient de ce qu’autrefois on appelloit le cadran d’une horloge, la montre de l’horloge ; de maniere que dans les premieres horloges ou montres de poche, toute la machine étant cachée par la boîte, on leur donna vraissemblableblement le nom de ce qui seul indiquoit l’heure, qui étoit la montre.

On ne sait pas précisément dans quel tems on a commencé à en faire ; ce qu’il y a de vraissemblable c’est que ce fut approchant du tems de Charles-Quint, puisqu’on trouve dans son histoire qu’on lui présenta une horloge de cette espece comme quelque chose de fort curieux.

Comme dans les montres on fut obligé de substituer un ressort au poids qui dans les horloges étoit le principe du mouvement, on s’apperçut bientôt des inégalités qui naissoient des différentes forces de ce ressort ; on s’efforça donc d’y remédier ; après plusieurs tentatives, on parvint à inventer la fusée, qui est surement une des plus ingénieuses découvertes qu’on ait jamais faite en Mécanique. Voyez Fusée.

Pour communiquer à cette fusée le mouvement produit par ce ressort, on se servit long-tems d’une corde de boyau, qui fut une autre source d’inégalités ; car cette corde, tantôt s’alongeant, tantôt s’accourcissant par la sécheresse ou l’humidité, faisoit continuellement retarder ou avancer la montre, de plusieurs minutes en très-peu de tems. Enfin on parvint à faire de très-petites chaînes d’acier qu’on substitua aux cordes de boyau ; & le ressort spiral ayant été inventé approchant dans le même tems, on vit tout-d’un-coup changer la face de l’Horlogerie ; les montres acquérant par ces deux découvertes, & sur-tout, par la derniere une justesse qui, quelqu’accoutumé qu’on y soit, surprend toujours ceux qui sont un peu instruits des difficultés physiques & méchaniques qu’il a fallu vaincre pour les porter à cette perfection.

Les Horlogers distinguent les montres en plusieurs sortes ; en simples, à secondes, à répétition, à réveil, à sonnerie, & à trois parties.

Les montres simples sont celles qui marquent seulement les heures & les minutes.

Les montres à secondes, celles qui outre cela marquent encore les secondes. Ce qui se fait de deux façons, l’aiguille qui marque les secondes étant tantôt au centre du cadran, tantôt hors de ce centre : cette derniere espece s’appelle montre à secondes excentriques. On verra plus bas comment elles sont construites.

Les montres à répétition sont celles qui sonnent l’heure & les quarts marqués par les aiguilles, lorsque l’on pousse le pendant ou poussoir. Voyez Répétition.

Les montres à réveil, celles qui sonnent d’elles-mêmes à une heure marquée, pour vous réveiller. Voyez Réveil ou Réveil-matin.

Les montres à sonnerie sont celles qui sonnent d’elles-mêmes, à l’heure, à la demie, & quelquefois aux quarts, l’heure qu’il est : elles sont aujourd’hui presque hors d’usage. Voyez Sonnerie.

Les montres à trois parties sont celles qui ont les propriétés des trois dernieres, c’est à-dire, qu’elles sont en même tems à répétition, à réveil & à sonnerie.

On distingue encore plusieurs sortes de montres, comme les montres à corde, à barrillet tournant, à remontoir, &c. mais on n’en fait plus de cette sorte ; & celles qui subsistent aujourd’hui, sont de celles qui ont été faites autrefois.

Les premieres eurent ce nom, quand on commença à faire des montres à chaîne.

Les secondes furent mises en usage dans le tems de la découverte du ressort spiral. On vanta tant ses propriétés, qu’on persuada aux Horlogers que la fusée devenoit inutile ; pour lors ils substituerent à sa place le barrillet tournant qui n’étoit autre chose qu’un barrillet qui portoit à sa circonférence des dents qui engrenoient dans le premier pignon du mouvement ; de façon que le ressort étant bandé, & faisant tourner le barrillet, faisoit marcher la montre : mais bientôt l’expérience apprit aux Horlogers leur erreur, & ils abandonnerent entierement cette pratique. Voyez Barrillet.

Les troisiemes furent une des suites du goût que l’on avoit il y a quarante ans pour la décoration. On trouvoit mauvais que le cadran fût percé pour pouvoir remonter la montre ; de façon que pour y suppléer, on inventa cette espece de montres, où par le moyen de deux roues posées dessous le cadran, l’une attachée fixément à l’arbre de la fusée, & l’autre fixée au centre du cadran, on pouvoit, ces deux roues engrenant l’une dans l’autre, en faisant tourner celle du milieu, remonter la montre par le mouvement qu’elle communiquoit à l’autre qui tenoit à l’arbre de la fusée (notez que cette sorte de montre ne marquoit jamais que les heures, sans marquer les minutes.) Dès que l’Horlogerie de Paris commença à refleurir, on abandonna ces montres ; car il est bon de remarquer que les Anglois qui nous surpassoient de beaucoup en Horlogerie dans ce tems-là, ne donnerent jamais dans de pareilles extravagances.

Une montre est composée de sa boîte & de son mouvement. Voyez dans nos Pl. le mouvement tiré hors de la boîte : ce mouvement lui-même est composé de différentes parties, dont les unes sont plus ou moins essentielles.

Montre à Secondes. C’est une montre qui marque les secondes ou soixantieme partie de minute. Il y en a de deux sortes : les unes, que les Horlogers nomment excentriques, marquent les secondes par un petit cadran dont le centre est différent de celui des heures & des minutes ; les autres, qu’ils appellent concentriques, marquent ces secondes par un cadran qui, pour l’ordinaire, est le même que celui des minutes.

Les montres à secondes excentriques sont les plus simples, les meilleures, les plus aisées à faire, & par conséquent les moins coûteuses. Leur mouvement differe peu de celui des montres simples ; on donne à leurs roues & à leurs pignons les nombres convenables pour que la roue de champ puisse faire un tour par minute ; on rend le pivot de cette roue, qui roule dans la barette de la platine des piliers, plus gros & assez long pour passer au-travers du cadran ; & on place cette même roue dans la cage, de façon que le pivot dont nous venons de parler, destiné à porter l’aiguille des secondes, se trouve dans un point où le cadran des secondes devienne aussi grand & aussi distinct que faire se peut.

On se sert de deux moyens pour faire marquer les secondes avec une aiguille placée au centre du cadran. Par le premier, on place la petite roue moyenne entre la platine des piliers & le cadran, on la fait engrener dans un pignon de chaussée, qui tourne librement & sans trop de jeu sur la chaussée des minutes ; on ajuste ensuite sur la chaussée des secondes un petit pont qui porte un canon concentrique avec celui des chaussées, & dont le trou est assez grand pour que le canon de la chaussée des secondes n’y éprouve aucun frottement ; enfin, on donne au canon du pont une longueur telle qu’il approche d’un côté fort près du pignon de la chaussée des secondes, & de l’autre, de l’aiguille qui doit marquer ces secondes. La fonction de ce pont est de porter la roue de cadran de la même maniere que la chaussée des minutes le porte dans les montres ordinaires ; par son moyen, on évite les frottemens trop considérables qui naîtroient, si la roue de cadran tournoit sur la chaussée des secondes. Voici le second moyen qu’on emploie pour faire marquer les secondes par le centre. On met dans la quadrature trois petites roues plates fort légeres qui engrenent l’une dans l’autre ; on fixe la premiere sur la tige de la roue de champ, & l’on fait tourner la derniere sur la chaussée des minutes au moyen d’un canon, & de la même maniere que la chaussée des secondes y tourne dans le cas précédent ; enfin, l’on ajuste aussi un pont sur cette derniere roue pour porter la roue de cadran.

Lorsqu’on se sert de l’échappement de M. Greehaam, ou de quelqu’autre dont la roue de rencontre est parallele aux platines, cette roue tournant à gauche, on peut alors faire mener la roue des secondes qui devient fort grande, immédiatement par le pignon de la roue de rencontre.

Toutes ces méthodes ont leurs avantages & leurs inconvéniens : la premiere est sans doute la plus simple & la meilleure qu’on puisse employer, l’aiguille y marque les secondes très-régulierement & sans jeu ; mais le surcroit de grosseur du pivot qui porte cette aiguille, la petitesse du cadran des secondes, & la confusion qu’il occasionne dans celui des heures & des minutes, sont des défauts auxquels on ne peut remédier. Joignez à cela que dans ces sortes de montres la roue de champ ne faisant que soixante tours, au lieu de soixante-douze qu’elle fait dans les montres simples, on est contraint de multiplier les tours qu’un des siens fait faire à la roue de rencontre, d’où il suit que le pignon de cette derniere devient petit, & la denture de la roue de champ trop fine.

On évite ces défauts par la seconde méthode, mais alors on tombe dans d’autres inconvéniens, la petite roue moyenne & le pignon de roue de champ se trouvant fort près d’un de leurs pivots, l’huile ne peut rester à ce pivot, & il s’y fait beaucoup d’usure. Ce défaut doit seul faire abandonner cette construction ; mais il y a plus, le jeu de l’engrenage, l’inégalité du pignon qui porte l’aiguille des secondes, produisent sur cette aiguille des effets d’autant plus sensibles que l’engrenage se fait fort près de son centre ; il arrive de-là qu’on ne peut savoir qu’à une demi-seconde près le point où l’aiguille des secondes répondroit sans le jeu de l’engrenage ; ajoutez à cela que le pignon de secondes, le pont, & les jours nécessaires emportent une partie de la hauteur de la montre, d’où il suit que la force motrice en devient plus foible.

Les trois roues employées dans la troisieme méthode produisent les mêmes inconvéniens à-peu-près.

On voit donc qu’il n’est guere possible de faire une montre à secondes, sans tomber dans quelques inconvéniens.

Si l’on me demande laquelle des méthodes précédentes je préférerois, je répondrai que celle où l’on met une aiguille sur le pivot de la roue de champ me paroît la meilleure, en observant d’éloigner beaucoup le pignon du pivot qui porte l’aiguille afin de diminuer le frottement. Mais si l’on veut absolument que les secondes soient marquées par une aiguille concentrique avec celle des minutes & des heures, je conseillerai alors de mettre une roue fort légere sur la tige de la roue de champ, de la faire engrener tout de suite dans une roue qui, tournant sur la chaussée, porte l’aiguille des secondes, & de tracer dans l’intérieur du cercle des minutes un second cercle de divisions tout semblable, avec des chiffres qui aillent en augmentant de droite à gauche. Par cette construction, on diminuera considérablement les êtres, les frottemens & les jeux.

Les doubles divisions ne seront point desavantageuses, les plus habiles maîtres y ayant recours dans leurs montres à secondes concentriques, pour éviter la trop grande distance où l’aiguille des minutes se trouve de ses divisions, lorsque celle des secondes passe sur ces mêmes divisions.

La seule objection qu’on pourroit donc faire contre la construction que je propose, est que l’aiguille des secondes tournera alors dans un sens opposé à celui des autres aiguilles ; mais comme ces sortes de montres doivent appartenir pour l’ordinaire à des personnes un peu philosophes, pour lesquelles la droite ou la gauche sont indifférentes, ce défaut, si c’en est un, ne doit être d’aucune considération.

Montre, Chaînette de, (Art méchanique.) Description des chaînettes de montres & de pendules, & de leur fabrique. 1. Après avoir donné une idée des pieces qui composent une chaînette, & de leur assemblage, on décrira la maniere dont elle se fabrique, & les outils dont on se sert pour cela.

2. La chaînette est composée de trois sortes de pieces : savoir, les paillons, les coupilles, & les crochets. Voyez les Pl. du Chaînetier.

3. Les paillons sont comme les anneaux de la chaînette, ils sont tous parfaitement semblables puisqu’ils sont formés, pour ainsi dire, dans le même moule, comme on le verra bientôt. Un paillon est une petite lame d’acier dont la longueur ab (fig. 1.) est le double de sa largeur cd, & dont l’épaisseur en est environ la sixieme ou huitieme partie de sa largeur. Les deux faces latérales d’un paillon ont chacune la figure de deux cercles accouplés, qui sont chacun percés d’un trou rond dans leur centre ; c’est ce qui est représenté géométriquement en ab. On voit en ef le profil de ce paillon qui est encore représenté en perspective en AB.

4. Ces paillons, pour former la chaînette, sont liés les uns aux autres de la maniere suivante. Deux paillons ab, df (fig. 4.), en embrassent un troisieme eg, & sont liés tous trois ensemble par une cheville ou axe d’acier que les ouvriers nomment coupille, qui passe à la fois par les trois trous b, e, f, & de laquelle les deux extrémités étant rivées l’une sur la surface extérieure du paillon ab, & l’autre sur la semblable surface du paillon df, serrent ces trois paillons l’un contre l’autre immédiatement par leurs faces intérieures, & forment ainsi une espece de charniere que l’on voit représentée de côté ou de profil en bef (fig. 3.), & en perspective en b e f, fig. 5. La figure 4. ne les représente éloignés l’un de l’autre, que pour faire voir plus nettement leur disposition & celle de leur trou, prêts à recevoir leur coupille.

5. Le bout g du troisieme paillon eg (fig. 3. 4. & 5.) est embrassé par deux autres paillons hk, im, & ces trois paillons sont liés ensemble par une autre coupille semblable à la précédente, qui passe par les trois trous i, g, h (fig. 4.), & qui est rivée de même pour former une seconde charniere.

6. Ces deux paillons hk, im, embrassent un seul paillon lp auquel ils sont liés de la même maniere. En un mot, toute une chaînette n’est qu’une suite immédiate de paires de paillons, tels que ab, df & hk, im (fig. 3. 4. & 5.), liés l’un à l’autre par le moyen d’un seul paillon eg, dont une moitié e est embrassée par la paire qui précede, & l’autre moitié g par la paire qui suit. La figure 2, représente une vûe directe d’une des faces de la chaînette ou des paillons externes qui la composent.

7. Suivant la proportion indiquée ci dessus (dans l’article 3.) de chaque paillon, & suivant la maniere dont ils sont joints ensemble, il en résulte 1°. que l’épaisseur ad de la chaînette (fig. 3. & 5.) est composée de trois épaisseurs ou trois rangs de paillons a k, c p, d m, pressés l’un contre l’autre par les coupilles. 2°. Que les paillons qui sont dans un même rang, sont aussi pressés l’un contre l’autre par leurs extrémités. C’est ce que les ouvriers regardent comme une des principales qualités d’une bonne chaînette.

8. Chaque extrémité de la chaînette est terminée par un crochet cA, (fig. 3. 4. & 5.) qui est de même épaisseur qu’un paillon, & qui s’attache de la même maniere.

9. La proportion des paillons indiquée dans l’art. 3. n’est pas la même dans différentes chaînettes. Elle varie suivant quelques circonstances, & quelquefois suivant la volonté ou le pur caprice des ouvriers ; car quelquefois, pour abréger leur travail, ils font les paillons plus longs, afin qu’il en entre moins dans la longueur totale & prescrite de la chaînette, ce qui se fait au préjudice de sa bonté & de sa beauté.

10. L’épaisseur des paillons varie aussi à proportion de leur largeur, pour les approprier à la largeur des rainures spirales de la fusée de la montre. Car c’est la largeur de ces rainures qui détermine l’épaisseur de la chaînette, & par conséquent aussi celle des paillons. Or, comme ces rainures sont plus ou moins étroites, suivant que la montre est plus ou moins plate, il faut en conséquence faire les paillons plus ou moins minces. Mais quelque variété que l’on pratique dans ces cas entre la largeur & l’épaisseur d’un paillon, celle qu’on a indiquée (article 3.) entre sa longueur & sa largeur, demeure constamment la même dans toutes sortes de grosseurs de chaînettes.

11. On fait quelquefois des chaînettes pour les pendules, qui ont quatre rangs de paillons ou même cinq rangs, disposés comme on le voit dans la fig. 6. qui en représente le côté ou profil ; on en pourroit faire qui auroient encore un plus grand nombre de rangs de paillons, mais les ouvriers estiment davantage celles qui n’en ont que trois.

Fabrique des chaînettes. 12. Les grosses & les petites chaînettes pour pendules ou pour montres, se fabriquent toutes de la même maniere & avec les mêmes sortes d’outils, qui sont cependant plus ou moins grands, suivant la grosseur de la chaînette qu’il s’agit de fabriquer. Les outils dont on se sert pour une même grosseur de chaînette, ne sont pas toujours de même grandeur ou proportion en toutes leurs parties : certaines dimensions sont fixes, mais la plûpart varient, parce qu’elles sont arbitraires. On les distinguera aisément les unes des autres dans la suite de ce mémoire.

13. Pour faire des paillons l’on prend des lames d’acier dont la longueur & la largeur est arbitraire : elles ont ordinairement environ un pouce de largeur pour les chaînettes de montre, & 6, 12 ou 15 pouces de longueur. Leur épaisseur est précisément égale à celle dont on veut que soient les paillons. Ces lames ont leurs deux faces polies ou du-moins bien unies : elles sont faites de la même matiere que les ressorts de montres, & par les mêmes ouvriers.

Premiere opération. Piquer les lames. 14. On a un parallelipipede rectangle de bois de buis B D, fig. 10. de 9 à 12 pouces de long, sur un pouce à un pouce & demi en quarré ; on l’attache à un étau ordinaire dans une direction horisontale. On pose la lame sur ce bois à piquer, & on la pique avec un poinçon A, dont le bout est terminé par deux pointes aiguës & arrondies b, p, d’égale longueur entr’elles, & dont l’intervalle bp est égal à la distance des deux centres ou trous du paillon que l’on veut faire. On prend ce poinçon entre les doigts de la main gauche ; & tenant ce poinçon perpendiculairement sur la lame, à-peu-près comme on tient une plume à écrire sur le papier, on frappe un coup de maillet de fer aciéré sur la tête de ce poinçon, qui fait les deux trous a, c ; ensuite on pose la pointe b dans le trou c, & d’un second coup de maillet la pointe p fait le trou d ; puis mettant la pointe b dans le trou d, d’un autre coup de maillet la pointe p fait le trou f. On continue de même dirigeant ces trous en ligne à peu-près droite de a en t tout le long de la lame : de cette maniere on ne perce qu’un trou à chaque coup de maillet, excepté les deux premiers ; & le poinçon faisant, comme l’on voit, l’office d’un compas, tous les trous de ce rang sont à même distance les uns des autres. On vient ensuite commencer un second rang de trous mq de la même maniere, lequel est à-peu-près parallele au premier, observant à vue d’œil qu’il y ait entre ces deux rangs un espace égal au moins à la largeur du paillon que l’on veut faire : les ouvriers en laissent beaucoup plus. Après avoir piqué un second rang, on en pique un troisieme, un quatrieme, & autant que la largeur de la lame peut le permettre.

Seconde opération. Limer les bavures des trous. 15. L’on voit bien que ces pointes ont fait chaque trou de la forme à-peu-près d’un entonnoir, dont la pointe qui est derriere la lame est formée à peu-près comme un petit mamelon dont le bout est déchiré. Il s’agit d’emporter tous ces mamelons, & de rendre le derriere de la lame parfaitement plat. Pour cet effet on étend la lame sur le bois à piquer comme ci-devant, avec cette seule différence que la face de la lame qui étoit ci-devant supérieure est à-présent inférieure, & appliquée immédiatement contre le bois. En cet état on passe une lime douce & plate sur tous ces mamelons, qui les emporte totalement, & applanit parfaitement cette superficie de la lame, mais aussi elle rebouche, du-moins en partie, la plupart de ces trous, que l’on débouche ensuite de la maniere suivante.

Troisieme opération. Repiquer les lames. 16. On remet la lame sur le bois à piquer dans la premiere situation, c’est-à-dire que le derriere de la lame d’où on a enlevé les mamelons soit appliqué contre le bois ; puis tenant de la main gauche un poinçon qui n’a qu’une seule pointe, on fait entrer cette pointe successivement dans tous les trous par un très-petit coup de marteau pour chacun.

Quatrieme opération. Couper les paillons. 17. On a pour cet effet un parallelipipede rectangle d’acier trempé A B, fig. 7, d’environ un pouce à 15 lignes de longueur AB, trois à quatre lignes de largeur ab, & au plus d’une ligne & demi d’épaisseur ac. Cette piece, nommée par les ouvriers matrice, est percée d’un trou df qui traverse son épaisseur dans une direction perpendiculaire à sa face supérieure AB, mais dont l’ouverture inférieure est un peu plus grande que la supérieure df, qui a précisément la même longueur, largeur & figure que la longueur, largeur & figure de la face du paillon que l’on veut faire.

18. On a aussi un poinçon ou coupoir CD dont le bout C est formé à-peu près comme deux cylindres accouplés de telle forme, que ce bout de poinçon puisse entrer dans le trou df de la matrice, & en remplir très-exactement l’ouverture supérieure. Chaque cylindre du coupoir est percé dans son axe pour y fixer solidement deux pointes e, n, qui excedent chacune également la base de leur cylindre, & qui contre cette base ont tout au plus le même diametre que les trous des paillons que l’on veut faire. La fig. 8. représente en perspective le côté du coupoir.

19. La matrice AB étant soutenue solidement, on applique sur elle la face limée & plate de la lame, comme on le voit dans la fig. 9. ensorte que deux trous a, b, d’un même rang se trouvent, l’un a au centre x du cercle, fig. 7, & l’autre b, fig. 9, au centre r, fig. 7 ; puis abaissant le coupoir B, fig. 9, ensorte que les deux pointes e, n, enfilent les trous a, b, on donne un coup de maillet sur la tête du coupoir, qui le fait entrer dans le trou de la matrice & couper nettement le paillon, lequel tombe sur la matrice. On répete cette opération sur chaque couple de trous de chaque rang de la lame, de sorte qu’à chaque coup de maillet on coupe & chasse un paillon.

20. On comprend bien que pour le succès de cette opération, il ne s’agit pas seulement d’enfiler les deux trous de la lame par les deux pointes du coupoir, mais qu’il faut de plus que le bout du coupoir corresponde & soit dirigé bien perpendiculairement à l’ouverture de la matrice, sans quoi le coupoir n’y entreroit pas & ne couperoit pas le paillon.

21. Pour cet effet on a une espece de petite enclume, FG, fig. 11, d’environ deux pouces à deux pouces & demi de longueur FG, qui s’attache à l’étau par une languette HK. La superficie supérieure de cette enclume est entaillée dans sa largeur pour y larder avec force la matrice DE, & l’enclume est percée perpendiculairement & directement sous l’ouverture a de la matrice, d’un trou un peu plus grand que cette ouverture. L’enclume est encore percée perpendiculairement vers le milieu de sa surface supérieure en B, d’un trou quarré ou de toute autre figure que ronde : dans ce trou passe très justement, quoique librement, le bout d’un poinçon AB, qui porte un bras ef auquel est attaché fortement en g le coupoir bg qui traverse ce bras, & que l’on ajuste solidement dans la direction que l’on a dit être nécessaire article 20. En L est un talon qui comme le bras ef est d’une même piece avec le poinçon AB ; ce talon sert à retenir solidement la tête du coupoir qui s’appuie contre.

22. Ainsi l’ouvrier tenant des doigts de sa main gauche, non le coupoir, mais le poinçon AB auquel il est attaché, il le leve & baisse à sa volonté, sans que le bout B sorte entierement de son trou ; de sorte que le bout b du coupoir se trouve toujours dirigé parfaitement au trou a de la matrice, qui est ce que l’on demandoit.

23. L’ouvrier place un petit coffret ou petite boëte ouverte entre les mâchoires de l’étau sous le trou de la matrice, pour recevoir les paillons qui tombent.

Fabrique des crochets. 24. Pour faire les crochets on pique des lames semblables à celles dont on fait les paillons, & de la même épaisseur ; on les pique, dis-je, avec un poinçon A, fig. 12, dont les deux pointes hi ont entr’elles le même espace que la longueur d’un crochet, comme on voit dans la figure où l’on a exprimé la figure des crochets par des lignes ponctuées. L’on pique d’abord les deux trous an à la-fois & d’un seul coup de maillet ; ensuite mettant la pointe h dans le second trou n, la pointe i par un second coup fait un troisieme trou g, & ainsi du reste. On continue à piquer ; on lime les bavures, & on repique ces lames tout comme on l’a dit ci-devant des lames des paillons, articles 14, 15, 16.

25. On coupe aussi les crochets par un instrument (fig. 13.) semblable en toute chose à celui des paillons fig. 11, avec cette seule différence que le bout du coupoir A, fig. 13, & l’ouverture B de la matrice, au lieu d’avoir la figure du paillon comme ci-devant, ont celle d’un crochet, & que le bout du coupoir ne porte qu’une pointe a qui entre dans le bout de la lame qui doit être celui du crochet.

Cinquieme opération. Faire les coupilles. 26. Pour faire les coupilles on prend un nombre de fils d’acier AB, fig. 14, d’une longueur arbitraire d’environ cinq à six pouces, & d’un diametre un tant soit peu plus grand que celui des trous des paillons ; on fait une pointe à chaque bout du fil d’une longueur Ad ou fB, d’environ deux à quatre lignes. Pour cet effet on prend un bout G (fig. 15. n°. 1.) d’un de ces fils avec une tenaille ou pince GC dont les mâchoires se serrent par une vis EF, & dont la queue C entre en B dans un manche de bois AB : on attache un morceau de buis ou d’os K à L’étau ; & après y avoir fait une petite entaille en db pour y loger une partie du diametre du bout du fil, on tient de la main gauche le manche AB de la pince, & en le pirouettant sur son axe, on passe & repasse sur le bout du fil db une lime plate & douce que l’on tient de la main droite.

Sixieme opération. Coupiller les paillons. 27. Ayant préparé de cette maniere les deux bouts d’un assez grand nombre de fils, on s’en sert pour coupiller les paillons de la maniere suivante : on tient, fig. 15. n. 2. entre les bouts du pouce & de l’indice B & A de la main gauche, un paillon ou, si l’on veut, un crochet Ee ; ensuite avec une pointe CD, dont on prend le manche F de la main droite, on enfile deux paillons GH, dont il y en a un tas sur la table ou établi de l’ouvrier, observant en les enfilant que les faces plates de l’un & de l’autre d’où on a ôté les mamelons, soient intérieures & se regardent mutuellement. On les porte ainsi entre les deux doigts de la main gauche en g & h, ensorte qu’ils embrassent entr’eux le bout e du paillon ou crochet eE, & que les trois trous qui doivent être coupillés ensemble soient dans une même direction : alors serrant des doigts ces trois paillons dans cet état, on retire la pointe cd que l’on quitte pour prendre un des fils préparés ci-devant article 26, dont on passe une de ses pointes par les trois trous, la faisant entrer par l’ouverture m, l’on pousse cette pointe aussi avant que l’on peut avec les doigts ; mais comme les doigts seuls ne peuvent pas la faire avancer assez fortement, on prend de la main gauche ce fil, auquel tiennent pour lors ces trois paillons, & on l’attache à l’étau de la maniere que la fig. 16 le représente, laissant un espace entre les mâchoires de l’étau & les paillons. On applique ensuite sur ces paillons une espece de pince ou brucelle AB, fig. 17, de maniere que la pointe D du fil passe entre ses deux jambes A B, A C ; puis tenant cette brucelle de la main gauche par sa tête A, on donne un petit coup de marteau sur cette brucelle, qui fait entrer le fil aussi avant qu’il est possible dans les trous des paillons.

28. On ôte la brucelle, on détache le fil de l’étau ; & tenant ce fil A B, fig. 18, de la main gauche, on prend de la droite de petite tenailles à mâchoires tranchantes, dont on coupe le fil de part & d’autre des paillons contre leurs faces extérieures. Ici il faut observer que comme ces faces extérieures ont été rendues concaves autour de chaque trou en perçant ces trous (Voyez l’article 15 au commencement), delà il arrive qu’en appliquant le tranchant des mâchoires A, fig. 19, contre les bords an de cette concavité, on coupe la coupille en b à l’alignement de ces bords an : de sorte que les extrémités b, b de cette coupille excedent le fond de cette concavité, qui sera remplie tout-à-l’heure par la tête que l’on formera de cet excédent.

29. Pour former ces deux têtes, on tient les paillons de la main gauche, fig. 20, on les applique à plat sur une des mâchoires de l’étau, de maniere que la coupille soit dans une situation perpendiculaire à l’horison, & s’appuie par un bout sur cette mâchoire & frappant à petits coups sur l’autre bout a de la coupille ; on lui fait prendre peu-à-peu la forme d’une tête plate par-dessus, laquelle remplit ladite concavité du paillon. On retourne ensuite ces paillons le dessus dessous, pour en faire autant de l’autre côté à l’autre bout de la coupille.

30. On vient de joindre & de river les deux paillons gh, (fig. 15) au paillon ou crochet Ec. Maintenant les deux paillons g, h, entre le pouce & l’indice de la main gauche, fig. 21, on prend avec la pointe CD un seul paillon k, que l’on porte aux bouts des doigts & que l’on fait entrer entre les deux paillons g, h, ensorte que les trois trous par où doit passer la coupille soit dans une même direction, puis pressant des doigts ces trois paillons g, h, k, on ôte la pointe CD. On prend un des fils d’acier, dont on enfonce la pointe dans ces trous par l’ouverture m ; & du reste, on enfonce davantage cette pointe avec les brucelles, on la coupe & on la rive tout comme on la dit ci-dessus, art. 27. 28. 29.

Septieme opération, égayer la chaînette. 31. La lime à égayer A B, fig. 22, est une lame d’acier d’environ 4 à 5 pouces de longueur, 6 lignes de largeur, & une ligne & demie à 2 lignes d’épaisseur. Sa coupe transversale DN fait voir que les bords ou épaisseur de la lime sont arrondis, & ils le sont dans toute la longueur de la lime. Cette lime est improprement nommée ainsi, car elle n’est pas taillée. On attache cette lime à l’étau dans la situation où elle est ici représentée, & après avoir mis un peu d’huile d’olive le long de la chaînette, on la met à califourchon sur cette lime. On prend deux lames de fer EF, EF, nommées poignées, ayant chacune environ 3 ou 4 pouces de longueur, 6 à 9 lignes de largeur & une épaisseur telle que l’on puisse accrocher le crochet des bouts de la chaînette à l’un des deux petits trous qui sont aux extrémités des poignées. Ayant donc accroché ces poignées l’une à un bout de la chaîne & l’autre à l’autre, on prend une poignée de chaque main & les tirant alternativement, on fait passer & repasser la chaînette sur le bord de la lime environ une douzaine de fois de chaque côté de la chaînette où elle reçoit un assez grand frottement. Tandis que l’on fait courir ainsi la chaînette sur la lime, elle fait d’abord un angle d’environ 50 à 60 degrés dont le sommet est sur la lime, & peu-à-peu en rapprochant les mains l’une de l’autre, l’angle diminue jusqu’à environ 30 à 40 degrés, ce qui augmente le frottement. Par cette opération, on égaye en effet, ou plutôt on commence à égayer & à adoucir le mouvement de toutes les charnieres formées par les paillons & les coupilles.

Huitieme opération, limer la chaînette. 32. On attache à l’étau le bâton à limer ; c’est un cylindre de bois de buis A B, fig. 23, d’environ un pouce & demi de diametre, & d’une longueur excédant celle de la chaînette. A un bout B du bâton est planté un petit crochet, où l’on accroche un bout de la chaînette, laquelle on tient tendue sur le bois cylindrique en appuyant un doigt de la main gauche sur l’autre bout A de la chaînette ; puis de la droite, on passe une lime douce ordinaire CD sur toute sa longueur, promenant cette lime parallelement à elle-même de A en B & de B en A, jusqu’à ce que toutes les têtes des coupilles ne fassent qu’un seul & même plan bien uni avec les faces des paillons. On fait cette opération sur chacune des deux faces de la chaînette.

33. Après avoir ainsi limé les deux faces de la chaînette, on lime très-légerement ses deux côtés, & pour cela on se sert d’une petite lime cylindrique A B, fig. 24, terminée à l’un de ses bouts par un bouton. Cette lime qui est taillée très-finement tout-autour, a environ une ligne & demie à deux lignes de diametre. On l’attache par le bout B à l’étau, & on fait courir la chaînette sur cette lime de la même maniere qu’on la fait courir ci-devant sur la lime à égayer, art. 31, mais très-légerement, & seulement une ou deux fois de chaque côté de la chaînette.

34. En limant ainsi la chaînette sur ses faces & sur ses côtés, on a formé des bavures qu’il faut ôter ; on a aussi un peu déformé les paillons qu’il faudra reformer. Les bavures sont sur le sommet des angles plans formés par les faces & les côtés de la chaînette. Or, pour les abattre, on remet la chaînette sur la lime à égayer dont on a parlé ci-dessus, art. 31, la posant dans une coche g, fig. 25, semblable à celle C, & pratiquée sur le bord de la lime ; & tandis qu’une personne fait courir la chaînette dans cette coche, une seconde personne tient une lime plate extrèmement douce AB qu’il appuie par un point b d’un de ses angles plans sur le bord de la lime à égayer, & par un point a d’une de ses faces sur un des angles plans de la chaînette très légerement. La coche dans laquelle court la chaînette, l’empêche de fuir l’impression de la lime AB. Cette impression doit être fort légere, & la chaînette ne doit courir qu’une ou deux fois pour chacun de ses quatre angles ; après avoir fait cette opération sur l’un de ces quatre angles, on sent bien de quelle façon il faut tourner la chaînette pour la faire sur les autres.

35. Pour réformer les paillons, on attache à l’étau la lime à reformer D F, fig. 26, qui est à-peu-près de la même longueur, largeur & épaisseur que la lime à égayer, art. 31 ; mais dont la différence est telle que la lime à égayer est par-tout de même épaisseur, ayant seulement ses bords arrondis, comme la représente sa coupe transversale ab, au lieu que la lime à reformer diminue d’épaisseur depuis le milieu de sa largeur jusque à ses bords qui sont presque tranchans, comme les représente sa coupe transversale df. De plus, la lime à reformer est taillée comme une lime très-douce, au lieu que l’autre ne l’est pas du tout. On fait courir la chaîne quatre, cinq ou six fois légerement de chaque côté sur le tranchant de cette lime. On le sert indifféremment de cette lime ou du tranchant A B, fig. 27, d’un burin ordinaire.

Neuvieme opération, tremper la chaînette. 36. Maintenant la chaînette est faite, il ne s’agit plus que de la tremper, la revenir & la polir. Pour la tremper, on la roule en spirale autour d’un chalumeau, comme on le voit fig. 28. On la fait glisser ainsi roulée jusqu’au petit bout A du chalumeau, pour l’en sortir & la mettre en cet état dans un creux pratiqué dans un gros charbon noir de sapin ; ensuite avec le chalumeau on souffle la flamme d’une chandelle dans ce creux qui fait rougir la chaînette, jusqu’au degré que les ouvriers appellent couleur de cerise ; alors on la jette dans un vase contenant une assez grande quantité d’huile d’olive, pour qu’elle surnage sur la chaînette : on retire ensuite cette chaînette toujours enveloppée sur elle-même, on la suspend en cet état dans la flamme de la chandelle qui alume l’huile dont elle est couverte, & c’est ce que-les ouvriers appellent revenir la chaînette ; l’ayant laissé brûler un moment, on la rejette dans l’huile. Cette opération est délicate, car selon que la chaînette sera trop ou trop peu revenue, elle sera trop molle ou trop dure pour l’usage.

Dixieme opération, polir la chaînette. 37. On sort la chaînette de l’huile ; & sans l’essuyer, on l’étend sur le bois à limer, art. 32. & fig. 23 ; & au lieu de passer une lime sur les deux faces, comme l’on a fait dans cet article, on y passe dans le même sens avec de l’huile une pierre à éguiser du levant, qui sont de ces pierres douces, dures & transparentes, dont tous les Graveurs se servent pour éguiser leurs burins.

38. On attache ensuite à l’étau, fig. 29, un morceau de bois AB, que l’on taille à-peu-près de la forme d’un burin, & sur le tranchant duquel l’on étend un mélange d’huile d’olive & de poudre de la susdite pierre broyée très-fine, on met un peu d’huile pure le long de la chaînette, & on la fait courir sur le lieu de ce tranchant que l’on a couvert de cette composition, on la fait courir, dis-je, par ses deux côtés.

39. On la fait encore courir par ses deux côtés sur un autre semblable bois, ou sur un lieu différent du même bois avec de la potée d’étain mêlée d’huile d’olive pour achever de la polir.

40. Enfin on la fait encore courir sur un lieu propre & net de ce bois avec de l’huile pure, & c’est-là la derniere opération.

41. Le bois dont il s’agit ici doit être doux & d’un certain degré de dureté ; on prend pour cela celui qu’on nomme vulgairement bois quarré, parce qu’il a sur son écorce quatre fils ou éminences dirigées longitudinalement, & qu’il porte un fruit rouge en forme de bonnet de prêtre. C’est celui dont les Horlogers font des pointes pour nettoyer les trous des pivots, & duquel certains dessinateurs font leur fusin.

Addition à l’article xj. Les crochets qui terminent la chaînette se font souvent l’un & l’autre de la même forme qu’ils sont représentés dans les fig. 2, 4, 5 & 12 ; mais souvent aussi on donne à celui qui s’accroche au barrillet de la montre la figure qu’il a, fig. 30, où AB exprime une portion de la coupe circulaire du barrillet, le crochet b entre par un trou dans le barrillet, & il a un talon ou éperon an qui s’appuie immédiatement contre la surface extérieure & circulaire de ce barillet. Dans la fig. 31, D G exprime une portion de la circonférence de la fusée dans le massif de laquelle on fait un creux, & dans le milieu de ce creux on y fixe un petit cylindre a que le bout du crochet embrasse. Pl. & art. de M. de Genève.

Montre de seize piés, (Jeu d’orgue.) ainsi nommé de ce qu’il est exposé à la vûe de ceux qui regardent l’orgue, est un jeu d’étain, dont le plus grand tuyau, qui sonne l’ut à l’octave au-dessous du plus bas ut des clavessins, a 16 piés de longueur. Voyez la table du rapport & de l’étendue des jeux de l’orgue, & les fig. 31. n°. 123. Pi d’orgue, & l’article Orgue, où la facture est expliquée.

Il y a deux sortes de tuyaux de montre : les uns ont la bouche ovale ; les autres sont en pointe : les premiers se mettent aux tourelles, ou avant-corps du buffet d’orgue ; les autres dans les plates faces. Ainsi qu’il est observé dans la Pl. I. de l’orgue. On observe aussi de les placer avec symmétrie les plus gros au milieu & d’autres de grosseurs égales, à côté : les piés de ces derniers doivent être de longueur égale, afin que leurs bouches se trouvent à la même hauteur. Comme les tuyaux de montre ne sont point placés sur le sommier, on est obligé de leur porter le vent du sommier par un tuyau de plomb, qui prend d’un bout à l’endroit du sommier où le tuyau devroit être placé, & de l’autre va au pié du tuyau. Voyez la Planche I. On pratique la même chose pour tous les tuyaux qui, par leur volume, occuperoient trop de place sur le sommier.

Montre, (Maréchallerie.) la montre est un endroit choisi par un ou plusieurs marchands pour y faire voir aux acheteurs les chevaux qu’ils ont à vendre. La montre est aussi une façon particuliere que les marchands ont d’essayer les chevaux, laquelle n’est bonne qu’à éblouir les yeux des spectateurs.

Montre, termes de rivieres, voyez Témoin.