L’Encyclopédie/1re édition/MUSETTE

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MUSETTE, s. f. instrument de musique, à vent & à anches, composé de plusieurs parties. La partie ABC, Pl. VI de Lutherie, fig. 1, 2, 3, 4, 5, 6, & 7, s’appelle le corps ou plus ordinairement la peau. C’est une espece de poche de peau de mouton, de la forme à-peu-près d’une vessie, laquelle a un gouleau dans lequel s’ajustent les chalumeaux DE, de. Cette poche est encore percée de deux trous FG. Au premier de ces trous s’ajuste le bourdon FH, Voyez Bourdon de musette. Le second G reçoit le bord verd IG qui a une soupape g à l’extrémité de la boîte (qui est la virolle d’ivoire Gg) qui entre dans le corps de la musette. A l’autre extrémité du porte-vent est une portion de tuyau d’ivoire I que l’on fait entrer dans le trou K du soufflet, afin que l’air contenu dans le soufflet puisse passer lorsqu’on le comprime dans le corps de l’instrument, où il est arrêté par la soupape g qui le laisse entrer, mais non pas ressortir. Le soufflet a une piece de bois ceintrée KL, laquelle est collée sur le dessous du soufflet. Elle sert à faire poser fermement le soufflet sur la hanche droite de celui qui joue de cet instrument. Les deux courroies OO, PD servent de ceinture, & par conséquent à attacher le soufflet sur le côté. Au-dessus du soufflet sont deux autres courroies QR, RI, desquels on ceint le bras droit. L’anneau dormant S sert à accrocher le crochet T de la seconde courroie qui se trouve ainsi plutôt ceinte au-tour du bras, que s’il falloit à chaque fois faire usage de la boucle R. Le côté des têtieres M du soufflet doit regarder le coude du bras droit, & le côté N qui est la pointe des éclisses, doit être tourné vers le poignet.

Au reste, la peau ou le corps de cet instrument n’est arrondi, comme on voit dans la figure, que lorsqu’il est rempli de vent ; on l’habille toujours, & pareillement le porte-vent, d’une espece de robe que l’on nomme couverture ; on couvre de même le soufflet, & ce qui en dépend. Le velours ou le damas sont ce qui convient le mieux pour faire ces couvertures ; parce que ces étoffes sont moins glissantes que les autres étoffes de soie, d’or ou d’argent, & par conséquent que la musette en est bien plus ferme sous le bras & la ceinture autour du corps. On peut enrichir cette couverture, autant que l’on veut, soit de galons ou point d’Espagne, ou de broderie, &c. car la parure convient fort à cet instrument. On peut mettre aussi une espece de chemise entre la peau & la couverture, ce qui entretient la propreté de celle-ci.

Il reste à parler des chalumeaux, du bourdon & des anches. Les chalumeaux sont des tuyaux d’ivoire DE, de, voyez les fig. Pl. de Lutherie, perforés d’un trou cylindrique dans toute leur longueur, & percés de plusieurs trous comme les flûtes, qui communiquent à celui qui regne dans toute la longueur du chalumeau. L’extrémité inférieure appellée la patte, est ornée de différentes moulures, ce qui est assez indifférent. On ménage en tournant le chalumeau par-dehors des éminences dont on forme les tenons SSSS, que l’on fend en deux SS avec un entailloir droit ou courbe, qui sont de petites écoines représentées en CD, voyez les fig. C’est entre deux de ces tenons qu’on ajuste les clés d’argent ou de cuivre qui ferment les trous des feintes ou demi-tons, lesquelles sont au nombre de sept au grand chalumeau, & au nombre de six au petit. Les clés sont retenues dans leur place par une goupille qui les traverse & les deux tenons entre lesquels elles sont placées. Le petit chalumeau qui n’a environ qu’un pouce de longueur, a une patte GE ge, sur le collet Gg de laquelle sont montées les six clés, trois de chaque côté, qui ouvrent & ferment tous les trous. Voyez les figures.

Les chalumeaux entrent par leurs parties supérieures ee dans les boîtes DB, db qui leur distribuent le vent. Les deux boîtes DB, db communiquent l’une à l’autre par le canal e qui se trouve dans les grosseurs BB, pour que le vent qui vient par C puisse se distribuer aux deux anches ff qui sont entées à la partie supérieure ee des chalumeaux. Ces parties ee des chalumeaux, & qu’on appelle tenons, & qui entrent dans les boîtes, sont garnies de filasse pour bien étancher le vent. Les anches fe sont composées de deux petites lames de roseau liées l’une contre l’autre sur une petite verge de fer cylindrique, ensorte qu’elles font un petit tuyau par le côté de la ligature, lequel aboutit au tuyau du chalumeau ; & de l’autre côté f elles sont applaties, comme on peut voir dans les figures. L’anche du grand chalumeau est vue en face ou sur le plat, & celle du petit sur le côté ou le profil. Voyez l’explication de la formation du son dans les tuyaux à anches, à l’article Trompette, jeu d’orgue. La partie C entre, comme les tenons e, dans la boîte DB, dans une autre boîte, au-tour de laquelle la peau de la musette est liée avec un gros fil ciré. Cette ligature entre dans une gravure qui entoure cette seconde boîte, ensorte que le vent dont on remplit la peau, ne peut trouver à s’échapper que par l’ouverture de cette boîte. Il y en a trois attachées ainsi au corps de la musette : une pour les chalumeaux, laquelle est attachée à l’extrémité du gouleau BD, voyez les fig. une autre F pour recevoir le bourdon, & une troisieme Gg, voyez les fig. qui est aussi attachée au porte-vent, & par le moyen de laquelle il communique au corps de la musette. Cette derniere boîte a une soupape g qui laisse passer le vent du soufflet par le porte-vent IG dans le corps de l’instrument, & ne l’en laisse point ressortir.

Le bourdon dont il reste maintenant à expliquer la construction, est un cylindre d’ivoire, de 5 ou 6 pouces de long sur environ 1 pouce ou 15 lignes de diametre, percé de plusieurs trous dans toute sa longueur lesquels sont paralleles à son axe, ensorte que le bourdon ne differe de plusieurs tuyaux mis à côté les uns des autres, qu’en ce qu’ils tiennent tous ensemble & sont percés dans la même piece ; comme la longueur de 5 ou 6 pouces du bourdon n’est pas suffisante pour faire rendre aux anches un son assez grave, on fait communiquer un tuyau avec un autre du côté D qu’on appelle le dôme du bourdon, & on bouche les trous du tuyau

que l’on fait communiquer, ensorte que deux ou trois ne font qu’un seul tuyau, qui est recourbé en cette maniere,
& autant de fois qu’il est nécessaire pour lui faire rendre le son desiré. La circonférence des bourdons est occupée par plusieurs rainures qui sont paralleles à l’axe du bourdon, lesquelles on appelle coulisses ; ces coulisses sont plus larges dans le fond qu’à la partie extérieure, & cela afin de pouvoir retenir les layettes qui sont de petits verroux d’ivoire ab, qui ont une tête AB par laquelle on les peut pousser & tirer de côté & d’autre pour accorder. Les layettes ont leur palette en queue d’arronde, dont les biseaux se logent sous les parties dd qu’on appelle guides, & qu’on a épargnées lorsqu’on a creusé les coulisses. On creuse les coulisses avec les coulissoirs, qui sont de petites équoines représentées dans nos Planc. on en a de droites & de gauches, c’est-à-dire dont les onglets sont tournés à droite ou à gauche pour travailler les différens côtés des coulisses : on fait ensuite communiquer les tuyaux par leur extrémité opposée à celle où est l’anche avec une coulisse, en laissant une fente eebd dans le milieu de la coulisse, laquelle pénetre dans le tuyau qui correspond derriere ; les layettes régissent le son de ces tuyaux en fermant ou en ouvrant plus ou moins l’ouverture par où il sort ; on peut rapporter leur fonction à celle du tourniquet avec lequel on accorde les pédales de flûte des orgues. Voyez Tourniquet.

Les bourdons n’ont pour l’ordinaire que cinq layettes & quatre anches ; de ces cinq layettes il y en a deux qui forment les basses d’ut & de sol, une des trois autres forme un sol qui est la quinte de la basse d’ut, & l’octave de celle de sol, on l’appelle taille par un ancien usage ; une autre forme ut qui est à l’octave du premier : on peut aussi l’accorder en re, on la nomme haute-contre ; la troisieme forme un sol, qui est à l’octave du premier & à la douzieme de la basse d’ut, on la nomme dessus, ou le petit sol.

Les basses sont pour l’ordinaire contiguës à un espace un peu large où il n’y a point de coulisses ; on remarquera que cet espace doit toujours être tourné en-dedans du côté du corps, ensorte que lorsque l’on pose la main droite sur le bourdon pour l’accorder, les layettes des basses se trouvent directement sous le pouce.

Accord en c sol ut & en g re sol. Pour accorder en c sol ut, il faut tenir fermés avec les doigts de la main gauche les quatre premiers trous du grand chalumeau pour former l’ut, la peau de la musette doit être remplie de vent que l’on entretient le plus égal qu’il est possible, on ouvre ensuite la layette de la basse d’ut, laquelle est ordinairement dans la premiere coulisse, on la tire vers le dôme D ou H, voyez les fig. jusqu’à ce que cette basse sonne la double octave au-dessous de l’ut du grand chalumeau, on la tient cependant un peu plus basse, parce que cet ut n’est juste que lorsqu’il n’y a que le cinquieme ton de débouché, c’est pourquoi pour juger plus sûrement de l’accord, on rebouche le sixieme & le septieme tons. Après avoir accordé juste la basse d’ut, on accorde sa quinte sol à l’octave en-dessous du sol d’en-bas du grand chalumeau, & on vérifie l’accord ; après ces deux basses on accorde la layette d’ut à l’octave au-dessous de l’ut du grand chalumeau, & la layette du second sol à l’octave du premier & à l’unisson du sol d’en-bas du grand chalumeau ; ces quatre tons ut, sol, ut, sol, forment l’accord en c sol ut, lequel a une douzieme d’étendue. Pour accorder en g re sol on ouvre d’abord la layette de la basse que l’on accorde à la double octave en-dessous du sol, tout en bas du grand chalumeau, on ouvre & on accorde ensuite son octaye par le moyen de la layette appellée taille qui doit sonner l’octave au-dessous du sol d’en-bas du grand chalumeau & l’octave au-dessus de la basse ; on ouvre ensuite la layette qui se nomme haute-contre, on la tire jusqu’à ce qu’on découvre une seconde ouverture ou lumiere qui est dessous & qui sert à former le re qui est la quinte de l’octave de la basse sol, on l’accorde à l’octave au-dessous du re d’en-bas du grand chalumeau, observant à chaque fois de vérifier l’accord ; enfin on ouvre le sol qui a déjà servi pour accorder en c sol ut que l’on appelle dessus, on l’accorde à l’unisson du sol d’en-bas du grand chalumeau. Ces quatre sons sol, sol, re, sol, forment l’accord que l’on appelle de g re sol. On observera que cet accord-ci ne differe de celui de c sol ut que dans la basse & la haute-contre, ces deux tons sont les seuls sur lesquels on accorde aujourd’hui les musettes, autrefois on les accordoit sur tous les tons de la gamme, ce qui exigeoit des bourdons qui eussent plus de layettes & plus d’anches que ceux qui sont à-présent en usage.

La musette qui a une treizieme d’étendue sonne l’unisson du dessus de haut-bois, mais elle ne commence qu’au fa qui précede immédiatement la clé de g re sol, au-lieu que le haut-bois descend jusqu’à l’ut de la clé de c sol ut, & elle monte comme lui jusqu’en d la re double octave. Voyez la table du rapport de l’étendue des instrumens, Pl. de Lutherie.

Pour jouer de cet instrument il faut en premier lieu attacher le soufflet sur le côté droit au moyen de la ceinture qui tient audit soufflet de laquelle on se ceint le corps, on prendra ensuite le brasselet qui tient au-dessus du soufflet duquel on s’entourera le bras droit, & dont on agraffera l’agraffe T à l’anneau dormant S ; on prendra ensuite la musette par le haut, autrement dit les boîtes des chalumeaux de la main droite, on la portera sous le bras gauche avec lequel on l’embrassera ; on ajustera ensuite avec la main gauche le bout du porte-vent dans le trou du soufflet ; on bouchera ensuite avec les doigts de la main gauche les quatre premiers trous du grand chalumeau, savoir le trou marqué 1 avec le pouce, & les trous 2, 3, 4, avec les doigts suivans, qui sont l’index, le doigt du milieu, & le doigt annulaire ; à l’égard du petit doigt de cette main il restera un peu élevé & arrondi, ensorte qu’il n’appuie point sur les clés du petit chalumeau non plus que les autres doigts de la même main.

La main gauche étant ainsi posée, on pourra commencer à donner le vent, ce qui se fait en ouvrant & en fermant le soufflet avec le bras droit, on soufflera jusqu’à ce que la peau soit pleine & ronde ; on l’enfoncera sous le bras gauche à mesure qu’elle s’emplit, en la poussant avec la main droite le plus avant que l’on pourra ; lorsqu’elle sera remplie, on ralentira le mouvement du soufflet, & on appesantira le bras gauche sur le corps de la musette, ensorte qu’il fasse comme un contre-poids, & qu’il entretienne le vent égal, pour cet effet on observera de baisser le soufflet un peu vîte, & de lâcher un peu le bras gauche, de rester un peu, & de le relever doucement ; pendant ces deux tems on doit appuyer de nouveau le bras gauche, ensorte que les deux bras doivent appuyer alternativement : on prendra garde aussi de ne point forcer le vent, ce qui étouffe les anches & les empêche de parler.

On bouchera ensuite les autres trous avec la main droite, on placera le pouce de cette main entre les deux clés de mi b, & de si b auxquelles on prendra garde de toucher, puis on bouchera avec le doigt index le cinquieme trou, ensuite le sixieme avec le doigt du milieu, le septieme avec le doigt annulaire ; à l’égard du huitieme, il se bouche rarement, c’est pourquoi on laissera le petit doigt en l’air jusqu’à ce qu’il y ait occasion de s’en servir, on aura attention de le tenir parallele aux autres, & en général tous les doigts ni trop alongés, ni trop arrondis, ni de travers, les mains seront en devant de la région hypogastrique, & les chalumeaux debout ou perpendiculaires à l’horison.

Les sept trous étant bouchés forment le sol grave de cet instrument, lequel est à l’unisson du sol de la clé de g ré sol des clavecins ; pour faire articuler cette note sol on bouchera le huitieme trou avec le petit doigt de la main droite, & on le relevera subitement : cette opération qui est ce qu’on appelle donner un coup de doigt, fera articuler la note sol, on la repete de cette maniere quand il est nécessaire, ainsi des autres.

Lorsque le huitieme trou est bouché, le son qui en résulte est le fa, qui est à l’octave de celui de la clé f ut fa des clavecins.

On fera ensuite le la en débouchant le septieme trou, on fera ensuite le si en débouchant le sixieme trou ; mais il faut avant reboucher le septieme, car on ne doit jamais déboucher aucun trou que tous les autres ne soient bouchés, excepté le huitieme, c’est ce qui opere l’articulation ; on rebouchera ensuite le sixieme trou, & on ouvrira le cinquieme pour faire l’ut, que l’on rebouchera avant d’ouvrir le quatrieme qui forme le .

On rebouchera le quarieme trou pour faire le mi en ouvrant le troisieme.

Ensuite on rebouchera le troisieme trou & on débouchera le second pour faire le fa, qui est l’octave de la plus basse note de cet instrument ; on rebouchera ensuite le second trou & on ouvrira le premier en levant le pouce de la main gauche pour faire le sol qui est à l’octave de la clé de g ré sol des clavecins. Il y a plus haut que le premier trou une petite clé qui sert à former le la, ce la est à l’unisson de celui du petit chalumeau qui se forme en débouchant la clé 1 avec le pouce de la main droite que l’on glisse par-dessous le grand chalumeau avec la patte Ge, après avoir fait passer le petit doigt de la main droite par-dessous le grand à l’endroit marqué x dans les fig. où l’on voit quels tons forment les clés du grand & du petit chalumeau écrits à côté de chaque clé. On se sert du pouce de la main droite pour toucher les trois clés 1, 3, 5 du petit chalumeau, & du petit doigt de la main gauche pour toucher les trois autres clés 4, 2, 6 du même chalumeau. Toutes les clés du grand chalumeau, lesquelles forment des demi-tons, se touchent avec le pouce de la main droite qui reste levé en finissant.

Le demi-ton fa ♯ se forme en ne bouchant qu’un des deux trous marqués 8 dans la figure. Le sol ♯ se forme aussi de même dans les musettes qui ont le septieme trou double, ou par le moyen d’une clé. La petite clé du la se touche avec le pouce de la main gauche sans déboucher cependant le premier trou ; Voyez ces figures & la tablature qui suit.

A l’égard des cadences, elles sont très-faciles à former. Il faut d’abord articuler la note d’où elle est empruntée, laquelle est toujours un ton ou un demi-ton au dessus, ce qui se fait en débouchant le trou de cette note, tous les autres étant fermés ; on débouche ensuite le trou de la note que l’on veut trembler, & on bat avec le doigt, autant que sa valeur l’exige, sur la note qui sert de port de voix ou de préparation à la cadence, laquelle doit rester fermée en finissant.

Ainsi pour cadencer le il faut d’abord déboucher le troisieme trou pour faire le mi qui sert de port de voix, ensuite le quatrieme, & battre sur le troisieme qui doit rester fermé en finissant, ainsi des autres, soit que le port de voix soit un ton naturel, on un dièse, ou un béinol. A l’égard des autres agrémens, on les fait sur la musette en exécutant les unes après les autres les notes qui les composent. Voyez l’explic. de ces agrémens à leur article particulier. (D)

Musette, s. f. (Musique.) est aussi une sorte d’air convenable à l’instrument de ce nom, dont la mesure est à deux ou à trois tems. Le caractere naïf & doux, & le mouvement presque toujours lent, avec une basse pour l’ordinaire en tenue ou point d’orgue, telle que la peut faire une musette, & qu’on appelle pour cela basse de musette. Sur ces airs on forme des danses d’un caractere convenable, & qui portent aussi le même nom de musettes.