L’Encyclopédie/1re édition/PIMENT

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PIMENT, s. m. (Botan.) On appelle aussi cette plante botrys vulgaire ; mais elle est connue des Botanistes sous le nom de chenopodium ambrosioides, folio sinuato, I. R. H. Rai. histor. 196.

Sa racine est petite, blanche, perpendiculaire, garnie de peu de fibres. Sa tige est haute de 9 à 12 pouces, cylindrique, ferme, droite, velue, divisée depuis le bas en plusieurs petits rameaux chargés de feuilles alternes. Ses feuilles sont découpées profondément des deux côtés, comme celles du chêne, traversées de grandes veines rouges lorsqu’elles commencent à paroître, ensuite pâles. Ses fleurs sont petites, gluantes, portées en grand nombre au haut des tiges & des rameaux, disposées en un long bouquet & comme en épi.

De l’aisselle de chaque petite feuille s’élevent de petits rameaux chargés de petites fleurs & de graines ; ces petits rameaux en se divisant se partagent toujours en deux, & chaque angle est garni d’une petite fleur sans pédicule. A la naissance des petits rameaux les fleurs sont sans pétales, composées de plusieurs étamines qui s’élevent d’un calice verd, découpé en plusieurs quartiers. Il succede à chaque fleur une graine semblable à celle de la moutarde, mais beaucoup plus petite, & renfermée dans une capsule qui étoit le calice de la fleur.

Toute cette plante est aromatique & d’une odeur forte, mais qui n’est pas désagréable, d’une saveur un peu âcre, aromatique, & enduite d’un mucilage résineux qui tache les mains quand on la cueille. Elle vient d’elle-même dans les pays chauds, en Languedoc, en Provence le long des ruisseaux & des fontaines, dans les lieux arides & sablonneux ; elle croît aisément dans nos jardins, & elle est toute d’usage. Les Médecins la recommandent beaucoup dans les fluxions de sérosités qui se jettent sur le poumon, dans la toux catarreuse, l’asthme humide, & l’orthopnée qui vient de la même cause. (D. J.)

Piment, (Botan.) plante du genre que les Botanistes appellent capsicum : celle-ci en est une espece, autrement nommée poivre d’Inde, poivre du Brésil, poivre de Guinée. Voyez sa description sous le mot Poivre de Guinée, Botan.

Piment de la Jamaïque, (Hist. nat. des drog. exot.) c’est l’arbre qui donne le poivre de la Jamaïque ; ou on entend aussi par piment les poivres même de cet arbre. Voyez Poivre de la Jamaïque.

Piment royal, gale, genre de plante dont les piés qui fleurissent ne grainent pas, & dont les piés qui grainent ne fleurissent point ; ceux qui fleurissent portent des chatons composés de petites feuilles disposées sur un pivot, creusées ordinairement en bassin, & coupées à quatre pointes ; parmi ces feuilles naissent les étamines chargées chacune d’un sommet. Les fruits naissent sur des piés différens de ceux-ci, & ces fruits sont des grappes chargées de semences. Tournefort, mém. de l’acad. royale des Scienc. anné. 1706. Voyez Plante.

Piment, (Botan.) voyez Corail de jardin.

Piment, (Diete & Mat. med.) poivre d’Inde ou de Guinée, corail de jardin.

Cette plante croît naturellement en Guinée & dans le Brésil. On la cultive en abondance dans les pays chauds, comme en Espagne, en Portugal, & dans les provinces méridionales du royaume. Les fruits ou gousses de cette plante ont une saveur âcre & brûlante, sur-tout dans leur état de maturité, c’est-à-dire lorsqu’elles sont devenues rouges. On rapporte cependant que les Indiens les mangent dans ce dernier état sans aucune préparation ; ce qui est peu vraissemblable, du moins si ces fruits ont dans ces climats la même âcreté que dans le nôtre : car on ne sauroit mâcher un instant un morceau de notre piment, même avant la maturité, sans se mettre la bouche en feu : nulle habitude ne paroît capable de faire un aliment innocent d’une matiere aussi active. Les habitans des pays de l’Europe où on cultive le piment, en cueillent les gousses lorsqu’elles sont encore vertes, & qu’elles n’ont pas acquis tout leur accroissement. Dans cet état elles sont encore très-âcres, & fort ameres, mais d’autant moins qu’elles sont moins avancées. Les moins âcres ne sont point encore mangeables sans préparation, & peut-être même sont-elles naturellement dangereuses ; car le piment est de la classe des morelles, dont la plupart des especes sont venéneuses (voyez Morelle), & dont le correctif est l’acide, comme nous l’avons aussi observé à cet article.

Quoi qu’il en soit, on prépare les gousses vertes de piment pour l’usage de la table, en les faisant macerer pendant un mois au moins dans de fort vinaigre, après les avoir ouvertes par une ou plusieurs incisions profondes.

On les mange communément en salade avec l’huile & le sel, après en avoir séparé par une forte expression, le plus de vinaigre qu’il est possible. On a coutume d’y ajouter du persil & de l’ail hachés : c’est-là un mets fort appétissant, point mal-sain, & fort usité dans les provinces méridionales du royaume, mais seulement parmi les paysans, les gens du peuple, & les sujets les plus vigoureux & les plus exercés de tout état, tels que les chasseurs, &c. Le piment est très-peu alimenteux ; il ne sert, comme on parle vulgairement, qu’à faire manger le pain. Il convient très fort aux personnes dont nous venons de parler, aux gens forts & vigoureux, & sur-tout dans les climats chauds, & pendant les plus grandes chaleurs, comme résistant efficacement au relâchement, à l’affaissement, à la lassitude que le grand chaud procure (voyez Climat, Med.) ; les sujets délicats ne sauroient s’en accommoder, le piment les mettroit en feu ; il irriteroit d’une maniere dangereuse les estomacs sensibles.

On ne se sert point du piment à titre de remede ; on pourroit cependant en espérer de très-bons effets contre les digestions languissantes, l’état de l’estomac vraiment relâché, perdu : il paroît très-capable de réveiller puissamment le jeu de cet organe. (b)

Piment, s. m. (Hist. des mod.) sorte de liqueur dont on faisoit autrefois usage en France, ainsi que du clairet & de l’hypocras. Les statuts de Clugni nous apprennent ce que c’étoit que le piment. Statutum est ut ab omnis mellis, ac specierum (épices) cum vino confectione, quod vulgari nomine pigmentum vocatur, fratres abstineant. C’étoit donc un breuvage composé de vin, de miel & d’épices. Dans les festins de la chevalerie, les écuyers servoient les épices, les dragées, le clairet, l’hypocras, le vin cuit, le piment, & les autres boissons qui terminoient toujours les festins, & que l’on prenoit encore en se mettant au lit ; ce que l’on appelloit le vin du coucher. (D. J.)