L’Encyclopédie/1re édition/PYRAMIDE
PYRAMIDE, s. f. terme de Géométrie ; c’est un solide terminé en pointe, & qui a pour base un triangle, ou en général un polygone quelconque ; ou, ce qui revient au même, c’est un corps dont la base est une figure rectiligne, & les côtés des triangles plans, dont les sommets aboutissent au même point. Voyez Solide.
Euclide définit la pyramide, un solide composé de plusieurs triangles qui ont un même plan pour base, & un sommet commun.
Wolfla définit un solide borné par autant de triangles ADC, DCB & ADB, aboutissans au même point D, que la base ABC a de côtés. Pl. géométrique, fig. 78.
Une pyramide est appellée triangulaire, quarrée, pentagonale, &c. suivant que sa base est un triangle, un quarré, &c. Une pyramide, dont la base est un cercle, s’appelle cone. Voyez Cone.
Propriétés de la pyramide. 1°. Toutes les pyramides & les cones, qui ont même base & même hauteur, sont égaux.
2°. Une pyramide triangulaire est le tiers d’un prisme, qui a même base & même hauteur qu’elle. Voyez Prisme.
3°. D’où il suit que puisqu’on peut diviser une pyramide polygone en pyramide triangulaire, chaque pyramide sera le tiers d’un prisme de même base & de même hauteur.
4°. Si l’on coupe une pyramide par un plan abc, parallele à sa base ABC, la figure abc formée par cette section sera semblable à la base ABC.
5°. Les pyramides, les cones, &c. sont en raison composée de leurs bases & de leurs hauteurs ; d’où il suit que si leurs bases sont égales, elles sont proportionnelles à leurs hauteurs ; & que si leurs hauteurs sont égales, elles seront en raison de leurs bases.
6°. Les pyramides semblables, les cones semblables sont en raison triplée de leurs côtés homologues.
7°. Les pyramides égales sont en raison réciproque de leurs bases & de leur hauteur, c’est-à-dire, que la hauteur de l’une est à celle de l’autre, comme la base de celle-ci est à la hauteur de celle-là.
8°. Une sphere est egale à une pyramide. dont la base est égale à la surface de la sphere, & la hauteur à son rayon.
Mesurer la surface & la solidité d’une pyramide. Il ne s’agit que de trouver la solidité d’un prisme qui a même base & même hauteur que la pyramide donnée. Voyez Prisme. Et divisant cette solidité par trois, on aura la solidité de la pyramide. Ainsi, supposons que la solidité du prisme soit 67010328, celle de la pyramide sera 22336776.
On trouve la surface d’une pyramide en trouvant celle de la base ABC, & celles des triangles ACD, CBD, BDA, qui forment ses côtés. Voyez Triangle. La somme de ces surfaces donnera celle de la pyramide.
La surface externe d’une pyramide droite, qui a pour base un polygone régulier, est égale à la hauteur d’un des triangles qui la composent, multipliée par la circonférence entiere de sa base.
Représenter une pyramide sur un plan. Représentez la base, par exemple, le triangle ABC (si l’on veut une pyramide triangulaire) sans exprimer le côté AB, que l’on suppose n’être point visible. 2°. Construisez sur AC & CB les triangles ADC & CBD, ensorte qu’ils se rencontrent en quelque point déterminé, par exemple en D ; menez les lignes AD, CD, BD, & vous aurez la représentation de la pyramide triangulaire ADBC.
Construire une pyramide avec du carton. Supposons, par exemple, que l’on veuille une pyramide triangulaire. 1°. Décrivez, avec le rayon AB, un arc BE, fig. 79. & appliquez dessus trois cordes égales BC, CD & DE ; 2°. construisez sur CD un triangle isoscele DFC, & menez les lignes AD & AC. Découpez ce carton suivant le contour de la figure, en pliant le carton suivant les lignes AC, AD, ensorte que AB & AE se joignent, & vous aurez une pyramide.
Pyramide tronquée, voyez Tronqué. Chambers. (E)
Pyramide, (Hydr.) est dans une fontaine une tige commune à plusieurs coupes de marbre, de pierre ou de plomb, qui vont en diminuant, & se terminent par un bouillon qui tombe sur la coupe du sommet, d’où il se répand sur les inférieures en formant des nappes jusques dans le bassin d’en-bas. (K)
Pyramide, instrument de Chirurgie ; piece essentielle du trépan couronné. Voyez Trépan. (Y)
Pyramide de Porsenna, (Ant. rom.) ancien monument, en Italie, dans l’Etrurie, près de la ville de Clusium. Porsenna, roi d’Etrurie, fut, selon Varron, enterré hors de la ville de Clusium. On lui dressa un monument de pierre quarré. Chaque côté étoit de trois cens piés, & la hauteur de cinquante. Au-dessous de la base il y avoit un labyrinthe, dont on ne pouvoit sortir. Au haut on voyoit cinq pyramides, quatre sur les angles & une au milieu : elles avoient 75 piés par en-bas, 150 de hauteur, & finissoient en pointe. Sur le sommet étoit un cercle de bronze, auquel on avoit attaché une chaîne, qui portoit des sonnetes qu’on entendoit au moindre vent ; ce qui ressembloit au bruit que faisoient les chaudrons de la forêt de Dodone. Enfin, Varron ajoute que sur chacune de ces plaques de bronze il y avoit quatre pyramides qui portoient un second plan, sur lequel étoient cinq autres pyramides, dont il ne donne point la hauteur. (D. J.)
Pyramide, (Archit.) on nomme ainsi tout monument qui a une large base quarrée, & qui aboutit en pointe ; telle est la pyramide de Cestius, & les pyramides d’Egypte dont on parlera dans les articles suivans. Les pyramides qui sont fort étroites par le bas, se nomment aiguilles ou obélisques. Voyez Obélisques. (D. J.)
Pyramide de Cestius, (Antiq. rom.) Cette pyramide qu’on voit à Rome, est un monument singulier par son antiquité & par ses peintures. On érigea ce monument pour servir de mausolée à C. Cestius, l’un des sept officiers qu’on nommoit épulons ou traiteurs des dieux.
Elle est quarrée, & finit en pointe aiguë. Sa hauteur est de six vingt piés, & sa plus grande largeur de quatre-vingt-quatorze. La masse du monument est de brique, mais il est tout revêtu de marbre blanc. On entre dans ce mausolée par un passage bas & étroit, qui en traverse l’épaisseur jusqu’au milieu : là on trouve une petite chambre voûtée, longue de dix-neuf piés, large de treize, & haute de quatorze. Cette chambre est enduite d’un stuc blanc & poli, sur lequel on voit encore quelques figures de femmes, plusieurs vases, & d’autres ornemens. Une de ces figures tient un vase dans lequel les uns mettent de l’eau lustrale : d’autres du vin ; une autre figure a de grandes flutes.
On est partagé sur le sujet de ces peintures ; les uns veulent que ce soit des préparatifs de funérailles, & d’autres que ce soit un banquet : ce qui semble favoriser ce dernier sentiment, c’est que les figures sont habillées de diverses couleurs : ce qui ne s’accorde pas avec les cérémonies des funérailles qu’on pratiquoit sous Auguste, tems auquel on conjecture que Cestius vivoit : au reste, ces peintures sont en détrempe, & il y a des endroits qui ont encore beaucoup d’éclat : ce fut Alexandre VII. qui répara cette pyramide en 1673. (D. J.)
Pyramides d’Egypte, (Antiq. d’Archit. égypt.) regum pecuniæ otiosa ac stulta ostentatio, selon la définition de Pline.
En effet, quoique ce soit un ouvrage prodigieux d’architecture, c’est le plus inutile que les hommes ayent jamais exécuté ; cependant comme ce monument est le plus célebre de l’antiquité, que tous les historiens en ont parlé avec admiration, qu’il subsiste encore de nos jours, du moins en partie, & que nos voyageurs modernes, Thevenot, le Brun, Gréaves, le pere Vansleb, Gemelly & autres ont été exprès sur les lieux pour le décrire & le mesurer, il convient d’entrer ici dans des détails un peu étendus sur ces fameuses pyramides.
Les anciens tombent tous d’accord qu’elles ont été bâties, pour servir de tombeaux à ceux qui les ont élevées : Diodore de Sicile & Strabon le disent clairement : les Arabes le confirment, & le tombeau qu’on voit encore aujourd’hui dans la plus grande pyramide, met la chose hors de doute.
Si l’on cherche la raison qui porta les rois d’Egypte à entreprendre ces grands bâtimens, Aristote insinue que c’étoit un effet de leur tyrannie : Pline pense qu’ils les ont élevées en partie par ostentation, & en partie pour tenir leurs sujets occupés, & leur ôter les occasions de penser à quelque révolte. Mais, quoique ces raisons puissent y être entrées pour quelque chose, on croit trouver la principale dans la théologie même des Egyptiens. Servius, en expliquant cet endroit de Virgile,
animamque sepulcro
Condidimus.
assure que les Egyptiens croyoient que l’ame demeuroit
attachée au corps, tant qu’il restoit en son entier ;
ces peuples, dit ce savant commentateur, embaument
leurs corps, afin que l’ame ne s’en sépare
pas sitôt, pour passer dans un autre corps. C’est pour
conserver les corps incorruptibles, qu’ils avoient
inventé ces précieuses compositions dont ils les embaumoient,
& qu’ils leur ont bâti de superbes monumens
plus magnifiques que tous leurs palais. Ce fut
par cette même raison, que les rois de Thebes en
éleverent de pareils qui ont bravé tant de siecles ; &
Diodore de Sicile nous apprend qu’il paroissoit par
les commentaires sacrés des Egyptiens, qu’on comptoit
quarante-sept de ces superbes tombeaux, mais
qu’il n’en restoit plus que dix-sept du tems de Ptolomée Lagus. Ces tombeaux que vit Strabon, proche
de Syene dans la haute Egypte, avoient été bâtis
pour la même fin.
Long-tems après le regne des premiers rois de Thèbes, ceux de Memphis s’étant trouvés les maîtres, & ayant la même croyance sur la résidence des ames auprès des corps, éleverent ces superbes pyramides, qui sont encore aujourd’hui l’admiration de l’univers. Les Egyptiens de moindre condition, au lieu de pyramides, faisoient creuser pour leurs tombeaux, de ces caves qu’on découvre tous les jours, & dans lesquelles on trouve des momies.
Si l’on cherche la raison de la figure qu’on donna aux pyramides, on trouvera sans peine qu’elles furent bâties de la sorte, parce que de toutes les figures qu’on peut donner aux édifices, celle-là est la plus durable, le haut ne chargeant point le bas, & la pluie qui ruine ordinairement les autres bâtimens, ne pouvant nuire à des pyramides, parce qu’elle ne s’y arrête pas. Peut-être aussi qu’ils ont voulu par-là représenter quelques-uns de leurs dieux ; car alors les Egyptiens représentoient leurs divinités par des colomnes & par des obélisques. Ainsi nous voyons dans Clément Alexandrin, que Callirhoé, prêtresse de Junon, mit au haut de la figure de sa déesse, des couronnes & des guirlandes ; car dans ce tems-là les statues des dieux avoient la figure de colomnes ou d’obélisques. Pausanias dit que dans la ville de Corinthe, Jupiter Melichius étoit représenté par une pyramide, & Diane par une colomne.
Les autres nations ont quelquefois imité ces ouvrages des Egyptiens, & ont dressé des pyramides pour leurs sépulcres. Sur ce passage de Virgile,
Fuit ingens monte sub alto
Regis Dercenni terreno ex aggere bustum
Antiqui Laurentis opacâque ilice tectum.
Servius remarque qu’anciennement les personnes de condition se faisoient enterrer sous des montagnes, & qu’ils ordonnoient qu’on dressât sur leurs sépulcres des colomnes & des pyramides.
Le lieu où sont les pyramides, dit le P. Vansleb, qui fit le voyage d’Egypte en 1672, est un cimetiere, & sans doute un cimetiere de Memphis ; car tous les historiens arabes nous apprennent que cette ville étoit bâtie dans l’endroit où sont les pyramides, & vis-à-vis le vieux Caire.
Toutes ces pyramides ont une ouverture qui donne passage dans une allée basse fort longue, & qui conduit à une chambre, où les anciens Egyptiens mettoient les corps de ceux pour lesquels les pyramides étoient faites. Si l’on ne voit pas ces ouvertures dans toutes les pyramides, cela vient de ce qu’elles sont bouchées par le sable que le vent y a apporté Sur quelques-unes on trouve des caracteres hiéroglyphiques assez bien conservés.
Toutes les pyramides étoient posées avec beaucoup de régularité. Chacune des trois grandes, qui subsistent encore, sont placées à la tête d’autres plus petites, que l’on ne peut néanmoins connoître que difficilement, parce qu’elles sont couvertes de sable ; toutes sont construites sur un rocher uni, caché sous du sable blanc ; & il y a quelque apparence que les pierres dont on les a bâties, ont été tirées sur le lieu même ; aucune de ces pyramides n’est égale, ni parfaitement quarrée. Toutes ont deux côtés plus longs que les deux autres.
Dans toutes les pyramides, il y a des puits profonds, quarrés & taillés dans le roc. Il y a aussi de ces puits dans les grottes qui sont au voisinage des pyramides ; ces grottes sont creusées au côté d’une roche en assez mauvais ordre, & sans symmétrie par-dehors, mais fort égales & bien proportionnées par-dedans. Le puits est le lieu où les Egyptiens mettoient les corps de ceux pour qui la grotte avoit été faite. Les murailles de quelques-unes ont des figures hiéroglyphiques, taillées aussi dans le roc, les unes plus grandes, les autres plus petites. Les trois principales pyramides connues des voyageurs sont à environ neuf milles du Caire.
La plus belle de toutes est située sur le haut d’une roche, dans le désert de sable d’Afrique, à un quart de lieue de distance, vers l’ouest des plaines d’Egypte. Cette roche s’éleve environ cent piés au-dessus du niveau de ces plaines, mais avec une rampe aisée, & facile à monter : elle contribue en quelque chose à la beauté & à la majesté de l’ouvrage ; & sa dureté fait un fondement proportionné à la masse de ce grand édifice.
Pour pouvoir visiter cette pyramide en-dedans, il faut ôter le sable qui en bouche l’entrée ; car le vent y en pousse continuellement avec violence une si grande quantité, qu’on ne voit ordinairement que le haut de cette ouverture ; il faut même, avant que de venir à cette porte, monter sur une petite colline, qui est vis-à-vis, tout auprès de la pyramide, & qui sans doute s’y est élevée du sable que le vent y a poussé, & qui ne pouvant être porté plus loin à cause de la pyramide qui l’arrêtoit, s’y est entassé de la sorte. Il faut aussi monter seize marches, avant que d’arriver à l’entrée de l’ouverture qui est du côté du nord.
On prétend qu’autrefois on la fermoit après y avoir porté le corps mort, & que pour cet effet, il y avoit une pierre taillée si juste, que lorsqu’on l’y avoit remise, on ne la pouvoit discerner d’avec les autres pierres, mais qu’un bacha la fit emporter, afin qu’on n’eût plus le moyen de fermer la pyramide. Quoi qu’il en soit, cette entrée est quarrée, & elle a la même hauteur & la même largeur depuis le commencement jusqu’à la fin. La hauteur est d’environ trois piés & demi, & la largeur quelque chose de moins. La pierre qui est au-dessus en travers, a près de douze piés de longueur, & dix-huit piés de largeur. Le long de ce chemin, on trouve une grande chambre longue de dix-huit piés, & large de douze ; sa voûte est en dos-d’âne.
Quand on est venu jusqu’au bout de ce premier chemin, on rencontre une autre allée pareille, qui va un peu en montant ; elle est de la même largeur, mais si peu élevée, principalement dans l’endroit où ces deux chemins aboutissent, qu’il faut se coucher sur le ventre, & s’y glisser en avançant les deux mains, dans l’une desquelles on tient une chandelle allumée, pour s’éclairer dans cette obscurité. Les personnes qui ont de l’embonpoint, ne doivent pas se hasarder à y passer, puisque les plus maigres y parviennent avec assez de peine.
Quelques voyageurs racontent que ce passage a plus de cent piés de longueur, & que les pierres qui le couvrent, & qui font une espece de voute, ont vingt-cinq à trente paumes. Mais la fatigue que l’on essuie, & la poussiere qui étouffe presque, ne permettent guere d’observer ces dimensions.
Au commencement de ce chemin qui va en montant, on rencontre à main droite un grand trou, où l’on peut aller quelque tems en se courbant ; à la fin on éprouve de la résistance : ce qui fait croire que ce n’a jamais été un passage, mais que cette ouverture s’est faite par la longueur du tems. Après qu’on s’est glissé par ce passage étroit, on arrive à une espace où l’on peut se reposer, & l’on trouve deux autres chemins, dont l’un descend, & l’autre monte à l’entrée du premier ; il y a un puits, qui à ce qu’on dit, conduit dans une grotte à la distance de 67 piés, après quoi on trouve un chemin creusé dans le roc, plein de sable & d’ordures. Lorsqu’on est revenu de ce premier chemin qui est à main droite, on entre à gauche dans un second qui a 27 toises de long. Il y a des trous à chaque pas pour y mettre les piés.
Les curieux qui vont visiter les pyramides, doivent être obligés à ceux qui ont fait ces trous : sans cela il seroit impossible de monter au haut, & il faut encore être allerte pour en venir à bout, à l’aide du banc de pierre qu’on tient ferme d’une main, pendant que l’autre est occupée à tenir la chandelle. Outre cela il faut faire de fort grands pas, parce que les trous sont éloignés de six paumes l’un de l’autre. Cette montée, qu’on ne peut regarder sans admiration, peut passer pour ce qu’il y a de plus considérable dans les pyramides. Les pierres qui en font les murailles, sont unies comme une glace de miroir, & si bien jointes les unes aux autres, qu’on diroit que ce n’est qu’une seule pierre. Il en est de même du fond où l’on marche, & la voute est superbe.
Ce chemin, qui conduit à la chambre des sépulcres, persuade que ce n’est point là qu’étoit la véritable entrée de la pyramide : il faut que celle qui conduisoit à cette chambre soit plus aisée & plus large ; car si les pyramides étoient les tombeaux des anciens rois, il faut qu’on ait ménagé une route plus commode pour y porter les cadavres ; & comment les faire passer par un chemin où l’on ne peut marcher qu’en grimpant ? Si nous en croyons Strabon, on entroit dans la grande pyramide en levant la pierre qui est sur le sommet. A quarante stades de Memphis, dit-il, il y a une roche sur laquelle ont été bâties les pyramides & les monumens des anciens rois… L’une de ces pyramides est un peu plus grande que les autres ; sur son sommet il y a une pierre qui pouvant être aisément ôtée, découvre une entrée qui mene par une descente à yis jusqu’au tombeau : ainsi on pourroit avoir élevé cette tombe par le moyen de quelque machine, sur le haut de la pyramide, avant que les pierres qui la couvrent y fussent posées, & l’avoir fait descendre ensuite dans la chambre.
Au bout de la montée on entre dans cette chambre ; on y voit un sépulcre vuide taillé d’une seule pierre qui, lorsqu’on frappe dessus, rend un son comme une cloche. La largeur de ce sépulcre est de trois piés & un pouce ; la hauteur de trois piés & quatre pouces, & la longueur de sept piés & deux pouces. La pierre dont il est fait a plus de cinq pouces d’épaisseur ; elle est extraordinairement dure, bien polie, & ressemble à du porphyre. Les murailles de la chambre sont aussi incrustées de cette pierre.
Le sépulcre est tout nud, sans couverture, sans balustrade, soit qu’il ait été rompu, ou qu’il n’ait jamais été couvert. Le roi qui a fait bâtir cette pyramide, n’y a jamais été enterré. D’anciens auteurs disent que le fondateur de cette pyramide étoit Chemmis. Diodore de Sicile, en parlant de ce prince & de Cephren, qui a fait construire une des autres pyramides, dit que quoique ces deux rois ayent fait élever ces deux superbes monumens pour en faire leur sépulcre, il est vrai néanmoins qu’aucun d’eux n’y a été enterré.
Pour visiter la pyramyde en-dehors, on monte en reprenant de tems en tems haleine. Environ à la moitié de la hauteur, à un des coins du côté du nord, qui est l’endroit où l’on peut monter avec moins de peine, on trouve une petite chambre quarrée où il n’y a rien à voir, & qui ne sert qu’à se reposer, ce qui n’est pas inutile. Quand on est parvenu au haut, on se trouve sur une plate-forme, d’où l’on a une agréable vûe sur le Caire & sur toute la campagne des environs, sur d’autres pyramides qu’on découvre, & sur la mer, que l’on a à main gauche.
La plate-forme qui, à la regarder d’en bas, semble finir en pointe, est de dix ou douze grosses pierres, & elle a à chaque côté qui est quarré seize à dix-sept piés. Quelques-unes de ces pierres sont un peu rompues ; & la principale de toutes, sur laquelle étoit la plûpart des noms de ceux qui avoient pris la peine de monter au haut de cette pyramide, a été jettée en bas par quelques voyageurs.
On ne peut descendre autrement que par le dehors ; quand on a bâti la pyramide on a tellement disposé les pierres les unes sur les autres, qu’après en avoir fait un rang avant que d’en poser un second, on a laissé un espace à se pouvoir tenir dessus, ou du moins suffisant pour asseoir les piés fermes. Le Brun dit avoir compté deux cens dix rangs de pierre, les unes hautes de quatre paumes, les autres de cinq, & quelques-unes de six. Quant à la largeur, quelques-unes ont deux paumes, d’autres trois ; d’où il est aisé de comprendre qu’il doit être difficile de les monter.
Il est néanmoins encore plus mal-aisé de descendre, car quand on regarde du haut en bas, les cheveux dressent à la tête. C’est pourquoi le plus sûr est de descendre à reculons, & de ne regarder qu’à bien poser les piés à mesure que l’on descend. D’ailleurs de toutes les pierres dont la grande pyramide est faite, il n’y en a presque point qui soient entieres ; elles sont toutes rongées par le tems, ou écornées par quelqu’autre accident : de sorte que quoiqu’on puisse monter de tous côtés jusqu’à la plate-forme, on ne trouve pourtant pas la même facilité à descendre.
En mesurant cette pyramide d’un coin à l’autre par le devant, le P. Vansleb a trouvé qu’elle avoit trois cens pas ; & ensuite ayant mesuré la même face avec une corde, il a trouvé cent vingt-huit brasses, qui font sept cens quatre piés. L’entrée n’est pas au milieu : le côté du soleil couchant est plus large d’environ soixante piés. La hauteur de la pyramide, en la mesurant par-devant avec une corde, est, selon la même voyageur, de cent douze brasses, chacune de cinq piés & demi, ce qui revient à six cens seize piés. On ne peut pas néanmoins dire de combien elle est plus large que haute, parce que le sable empêche qu’on ne puisse mesurer le pié. Le côté de cette pyramide qui regarde le nord, est plus gâté que les autres, parce qu’il est beaucoup plus battu du vent du nord, qui est humide en Egypte.
La seconde pyramide ne peut être vûe que par-dehors, parce qu’on n’y peut entrer, étant entierement fermée. On ne peut pas non plus monter au haut, parce qu’elle n’a point de degrés comme celle qui vient d’être décrite. De loin, elle paroît plus haute que la premiere, parce qu’elle est bâtie dans un endroit plus élevé ; mais quand on est auprès, on se détrompe. M. Thevenot donne à chaque face six cens trente-un piés. Elle paroît si pointue, qu’on diroit qu’un seul homme ne sauroit se tenir sur son sommet. Le côté du nord est aussi gâté par l’humidité.
La troisieme est petite, & de peu d’importance. On croit qu’elle a été autrefois revêtue de pierres, & semblables à celles du tombeau qui est dans la premiere pyramide. Ce qui donne lieu de le penser, c’est qu’on trouve aux environs une grande quantité de semblables pierres.
Pline parlant de ces pyramides, dit que celle qui est ouverte fut faite par 370000 ouvriers dans l’espace de 20 ans.
Au devant de chacune de ces pyramides on voit encore des vestiges de bâtimens quarrés qui semblent avoir été autant de temples ; & à la fin du prétendu temple de la seconde pyramide, il y a un trou par lequel quelques-uns croient qu’on descendoit du temple pour entrer dans l’idole, qui est éloignée de quelques pas de ce trou. Les Arabes appellent cette idole Abul-houl, c’est-à-dire pere Colomne. Pline la nomme Sphinx, & dit qu’elle servit de tombeau au roi Amasis. Il n’y a pas de difficulté à croire que ce Sphinx ait pu être un tombeau, parce que, premierement, il est dans un lieu qui étoit anciennement un cimetiere, & auprès des pyramides & des grottes, qui n’étoient autre chose que des tombeaux.
En second lieu, on le juge aussi de sa forme. Ce Sphinx a par-derriere une cave sous terre, d’une largeur proportionnée à la hauteur de la tête, & qui n’a pu servir qu’à y mettre le corps de quelque personne morte. C’est un buste taillé sur le lieu même dans le vif du roc, dont il n’a jamais été séparé, quoiqu’il semble être de cinq pierres ajustées les unes sur les autres ; mais quand on y regarde attentivement, on trouve que ces especes de jointures ne sont que des veines du roc. Ce buste représente une tête de femme, avec son cou & son sein, d’une prodigieuse taille ; car il a 26 piés de haut, & 16 piés depuis son oreille jusqu’à son menton.
Fisher a donné la figure des trois pyramides dont on vient de parler. De leur sommet on découvre une partie de l’Egypte, le desert sablonneux du pays de Baren, & ceux de la Thébaïde de l’autre côté.
La pyramide égyptienne nommée Rhodope, est dans le champ des momies, à 17 milles du Caire : c’est la plus considérable de celles qui sont dans ce champ, le tems ayant presque entierement détruit les autres, qui ne sont plus que des monceaux de sable, & n’ont que la figure de ce qu’elles étoient autrefois. Ce n’est point-là la Rhodope de Pline, qu’il décrit comme petite, car celle-ci est une des plus grandes qui soient en Egypte. Si elle avoit été achevée, elle ne céderoit point en beauté aux trois principales pyramides ; en montant au haut, on compte 148 degrés de grandes pierres, & tels que sont ceux de la grande pyramide.
La plate-forme qui est au sommet n’est pas unie, les pierres y étant posées sans aucun ordre : d’où il est aisé de juger qu’elle n’a point été achevée ; elle paroît beaucoup plus ancienne que les autres, car les pierres sont presque toutes mangées, & s’en vont pour ainsi dire en poudre ; elle a de chaque côté 643 piés. Son entrée est au quart de sa hauteur, & tournée vers le nord ; elle est à 316 piés de l’extrémité orientale, & par conséquent à 327 piés de l’extrémité occidentale. Il n’y a qu’une seule allée, qui a trois piés & demi de largeur, & quatre piés de hauteur ; elle va en descendant l’espace de 267 piés, & aboutit à une salle dont la voûte est faite en dos d’âne. Sa longueur est de 27 piés & demi, & sa largeur de onze piés.
Au coin de la salle il y a une autre allée parallele à l’horison, de trois piés de largeur, d’égale hauteur, & de 9 piés & demi de longueur ; elle conduit à une chambre qui a 21 piés de longueur, 11 de largeur, & dont la voûte, qui est faite en dos d’âne, est extrèmement haute. Cette chambre a du côté d’occident, où s’étend sa longueur, une fenêtre quarrée de 24 piés : par cette fenêtre ou entre dans une allée assez large à hauteur d’homme, & qui a 13 piés deux pouces de longueur. Au bout de cette allée est une grande salle dont la voute est aussi faite en dos d’âne. Sa longueur est de 26 piés 8 pouces, & sa largeur de 24 piés un pouce. Le fond ou pavé est de roche vive, qui avance de tous côtés inégalement, & laisse seulement un peu d’espace uni dans le milieu, qui est entouré de tous côtés d’un rocher, & beaucoup plus bas que ne sont l’entrée de la salle & le bas de la muraille.
Il faut parler maintenant des différentes mesures qui ont été données des pyramides en piés & en stades.
Hérodote fait la largeur de la plus grande pyramide d’Egypte dans sa base, de 800 piés, & par conséquent d’un stade & un tiers ; & comme 60 est à 51, ainsi 800 est à 680 piés de Paris pour la largeur de la pyramide à sa base. En raison de 9 stades par mille, dont chacun a 510 piés, cette base auroit un stade & un tiers, comme par la dimension d’Hérodote. M. Chazelles a mesuré la base de cette pyramide par un cordeau, & l’a trouvée de 690 piés par un terrein inégal élevé par le milieu ; d’où il dit qu’il faut ôter quelque chose pour avoir la base juste. Si on ôte 10 piés, on aura la largeur de la base de 680 piés de Paris.
Gemelli, qui a fait le tour du monde, rapporte les mesures de cette pyramide, où il fut l’an 1693, comme il les eut du P. Fulgence de Tours, capucin mathématicien, qui trouva la largeur de cette pyramide de chaque côté de 682 piés de Paris, ce qui s’accorde à la mesure que nous venons de trouver, en raison de 9 stades pour mille. Les mesures qu’il en donne s’accordent avec celles que M. Jeaugeon a eu de M. de Norittel, ambassadeur du roi à la Porte, & qu’il a communiquées à l’académie. Cependant l’illustre Graves, mathématicien anglois, dans sa pyramidographie, a trouvé la base de cette grande pyramide mesurée par les triangles, de 683 piés anglois, qui sont au pié de Paris comme 15 à 16. A cette proportion ayant supposé la largeur de la pyramide de 680 piés de Paris, il faudroit qu’elle fût de 723 piés d’Angleterre ; d’où l’on peut voir les différences qu’il y a entre les mesures de la même grandeur prises par diverses personnes, & réduites au même pié.
Strabon même, dont on a comparé les mesures prises en France avec les nôtres, qui fut en Egypte avec Elius Gallus, vers l’époque de J. C. fait la largeur de cette pyramide d’un stade. Il fait donc le stade plus grand d’un tiers qu’Hérodote & que les géographes dont il a tiré les dimensions des côtes méridionales de la France.
Diodore de Sicile, qui fut en Egypte 60 ans avant l’époque de J. C. dit que la plus grande pyramide avoit chaque côté dans sa partie inférieure de sept arpens ; six arpens font un stade, suivant Hérodote : donc chaque côté de la base de la pyramide étoit d’un stade & un sixieme. On a donc trois différentes dimensions de la pyramide en stades, une d’un stade juste, une d’un stade & un sixieme, & une d’un stade & demi. La mesure des stades étoit donc aussi différente & aussi équivoque parmi les anciens, que la mesure des milles & des lieues parmi les modernes.
Pline donne 883 piés à la longueur de chaque côté de la base de la plus grande pyramide. Ce ne sont pas de ces piés de la mesure itinéraire que M. Cassini a trouvée par plusieurs comparaisons être au pié de Paris comme 11 à 12 ; car à cette proportion la base qui a été trouvée de 780 piés de Paris, devoit être de 702 piés de la mesure itinéraire ancienne, au lieu de 883 que Pline lui donne. Il y a donc une différence de 181 piés, qui fait plus de la quatrieme partie de 702 ; cette mesure est donc au pié itinéraire ancien comme 12 à 15, & un peu plus, & n’excede que d’un quinzieme le palme romain moderne, qui est au pié romain comme 12 à 16. Il y a donc apparence que le pié de Pline fut un pié d’architecte de mesure différente du pié & du palme romain.
Il y a encore une différence plus considérable dans la mesure de la place quarrée qui reste au sommet de cette pyramide. Pline fait sa largeur de 25 piés ; Gemelli la rapporte de 16 piés & deux tiers. A proportion des mesures de la base, comme 682, mesure de Gemelli, est à 883, mesure de Pline, ainsi 16 piés & deux tiers sont à 21 piés & , au lieu de 25 que Pline donne. Il y a une différence de trois piés & un tiers ; on pourroit l’attribuer à la démolition de la croûte de marbre dont cette pyramide devoit être revêtue du tems de Pline comme les autres pyramides, dont une reste encore présentement revêtue à la pointe, le reste ayant été démoli. L’épaisseur de cette croûte auroit été d’un pié & deux tiers de la mesure de Pline.
S’il est si difficile d’accorder ensemble les mesures de la même base qui subsiste toujours sans variation sensible, & que l’on peut mesurer exactement sans difficulté, on peut juger combien il est difficile de s’assurer des distances des villes qui n’ont pas été mesurées actuellement, mais ont été déterminées par l’estime grossiere du tems que l’on met ordinairement à aller de l’une à l’autre. Il faut néanmoins avoir les distances d’un lieu à deux autres dont la situation soit connue, pour déterminer à leur égard la position du troisieme par des triangles. Les erreurs inévitables se multiplient suivant la multitude des lieux, & il n’y reste de meilleure maniere de les corriger, que par les observations des astres faites dans les lieux fort éloignés les uns des autres. C’est le résultat que M. Cassini tire de tout ce détail dans les mémoires de l’acad. des Sciences, année 1702. (Le Chevalier de Jaucourt.)
Pyramide d’amortissement, (Archit.) petite pyramide qui termine quelque corps d’architecture, comme il y en a ; par exemple, à l’église de S. Nicolas du Chardonnet à Paris, & au portail de sainte Marie del Orto à Rome. Il y a de ces pyramides qui servent d’enfaîtement, on les voit ainsi employées sur l’église des Invalides. (D. J.)
Pyramide, terme de Ferblantier, c’est une piece de fer-blanc, d’environ un pié & demi plus large par le bas que par le haut, qui finit en pointe. Les limonnadiers, les pâtissiers, les confiseurs, &c. s’en servent pour mettre tout-autour les glaces, les confitures, les biscuits, &c.
Pyramide, s. f. terme de Gantier ; c’est un morceau de bois tourné en pommette, gros comme le bras, & haut d’un pié, dont on se sert pour élargir les gants à l’aide des bâtons à gant.
Pyramide, s. f. terme de Plombier ; morceau de plomb formé en pyramide qu’on met sur les pavillons des maisons. (D. J.)
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