L’Encyclopédie/1re édition/RETICENCE

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RETICENCE, s. f. (Belles-Lettres.) figure de rhétorique, par laquelle l’orateur s’interrompt lui-même au milieu de son discours, & ne poursuivant point le propos qu’il a commencé, passe à d’autres choses ; de sorte néanmoins que ce qu’il a dit fasse suffisamment entendre ce qu’il vouloit dire, & que l’auditeur le supplée aisément. Dans l’Athalie de Racine, cette princesse parle ainsi à Joad, lorsqu’il l’a attirée dans le temple, sous prétexte de lui livrer Eliacin & des trésors :

En l’appui de ton Dieu tu t’étois reposé ;
De ton espoir frivole es-tu désabusé ?
Il laisse en mon pouvoir & son temple & ta vie ;
Je devrois sur l’autel où ta main sacrifie ;
Je… mais du prix qu’on m’offre il faut me contenter ;
Ce que tu m’as promis songe à l’exécuter.

Ces interruptions brusques peignent assez bien le langage entrecoupé de la colere : la reticence est quelquefois plus expressive que ne le seroit le discours même ; mais on ne doit l’employer que dans des occasions importantes : on nomme encore cette figure aposiopese. Voyez Aposiopese.

D’autres appellent aussi reticence, une figure par laquelle on fait mention d’une chose indirectement, en même tems que l’on assure qu’on s’abstiendra d’en parler. Par exemple : « sans parler de la noblesse de ses ancêtres ni de la grandeur de son courage, je me bornerai à vous entretenir de la pureté de ses mœurs ». Mais cette notion n’est pas exacte, & ce tour oratoire s’appelle proprement prétérition ou prétermission. Voyez Prétérition & Prétermission.