L’Encyclopédie/1re édition/SOURD
SOURD, adj. celui qui ne jouit pas de la faculté d’entendre les bruits, les sons. Voyez l’article Surdité.
Sourd, (Critique sacrée.) celui qui est privé de l’ouïe ; l’Evangile rapporte les guérisons miraculeuses que J. C. opéra sur des sourds, Marc vij. 37. mais sourd est aussi pris dans l’Ecriture métaphoriquement pour un sourd spirituel, Isaïe, xxix. 18. & pour celui qui n’est pas présent. Non maledices surdo. Levit. xix. 14. Vous ne calomnierez point celui qui est absent. (D. J.)
Sourd, adj. en terme d’Arithmétique, signifie un nombre qui ne peut être exprimé, ou bien un nombre qui n’a point de mesure commune avec l’unité. Voyez Nombre.
C’est ce qu’on appelle autrement nombre irrationel ou incommensurable. Voyez Irrationnel & Incommensurable.
Quand il s’agit d’extraire la racine proposée d’un nombre ou d’une quantité quelconque, si cette quantité n’est pas une puissance parfaite de la racine que l’on demande, c’est-à-dire, si l’on demande une racine quarrée, & que la quantité proposée ne soit pas un vrai quarré ; si c’est une racine cube, & que la quantité ne soit pas un vrai cube, &c. alors il est impossible d’assigner en nombres entiers ou en fractions, la racine exacte de ce nombre proposé. Voyez Racine, Quarré, &c.
Quand cela arrive, les mathématiciens ont coutume de marquer la racine demandée de ces nombres ou quantités, en les faisant précéder du signe radical : ainsi signifie la racine quarrée de 2 : & ou signifie la racine cubique de 16. Ces racines sont appellées proprement des racines sourdes, à cause qu’il est impossible de les exprimer en nombres exactement, car l’on ne sauroit assigner de nombre entier ou fractionnaire, lequel multiplié par lui-même produise 2 ; ou bien un nombre, lequel multiplié cubiquement puisse jamais produire 16.
Il y a aussi un autre moyen fort en usage aujourd’hui d’exprimer les racines, sans se servir des signes radicaux : on a recours aux exposans. Ainsi, comme , &c. signifient le quarré, le cube, & la cinquieme puissance de x ; de même aussi signifient la racine quarrée, cube, &c. de x.
La raison en est assez évidente ; car puisque est un moyen proportionel géométrique entre 1 & x, pareillement est un moyen proportionel arithmétique entre 0 & 1 ; c’est pourquoi, comme 2 est l’exposant du quarré de x, sera l’exposant de sa racine quarrée, &c. Voyez Exposant.
Observez aussi que pour la commodité & pour abréger, on donne souvent aux nombres rationels la forme des membres sourds. Ainsi, , &c. signifient , &c.
Mais quoique ces racines sourdes, quand elles le sont véritablement, soient inexprimables en nombres, elles sont néanmoins susceptibles des opérations arithmétiques, telles que l’addition, la soustraction, la multiplication, &c. Un algébriste ne doit pas ignorer avec quelle facilité on peut les soumettre à ces opérations.
Les quantités sourdes sont simples ou composées.
Les simples sont exprimées par un seul terme, comme .
Les composées sont formées par l’addition ou la soustraction des simples irrationels : comme , ou ; cette derniere signifie la racine cubique de ce nombre, qui est le résultat de l’addition de 7 à la racine quarrée de 2.
Reduire les quantités rationelles à la forme de racines sourdes quelconques proposées. Elevez la quantité rationelle au degré marqué par l’exposant de la puissance de l’irrationelle ou sourde, & ensuite mettez au-devant le signe radical de la quantité sourde proposée. Ainsi, pour reduire à la forme de , quarrez ; & le faisant précéder du signe radical, ou aura de cette maniere , qui est la forme de la quantité sourde demandée.
De même s’il falloit donner à 3 la forme de ; il faudroit élever 3 à sa quatrieme puissance, & mettant au-devant le signe radical, on auroit ou , qui a la même forme que .
Et par ce moyen, une simple fraction sourde, dont le signe radical n’affecte que l’un de ses termes, peut être changée en un autre, dont le numérateur & le dénominateur soient affectés du signe radical. Ainsi, se reduit à & revient à , où le signe radical affecte le numérateur & le dénominateur.
Reduire les irrationels simples, qui ont des signes radicaux différens, & que l’on appelle irrationels hétérogenes, à d’autres qui peuvent avoir un signe radical commun, ou qui sont homogenes. Multipliez les exposans l’un par l’autre, & élevez mutuellement la puissance de l’un au degré de l’exposant de l’autre : ainsi pour reduire & à un signe radical commun ; multipliez l’exposant 2 du radical par l’exposant 4 du radical , & élevez en même tems la puissance aa du radical au quatrieme degré, & vous aurez : pareillement multipliant l’exposant 4 du radical par l’exposant 2 du radical , vous éleverez la puissance bb du radical au second degré, ce qui donnera ; ainsi & se trouvent transformés en & qui ont un signe radical commun.
Pour reduire les irrationels aux plus petits termes possibles, divisez la quantité sourde par quelqu’une des puissances des nombres naturels 1, 2, 3, 4, &c. de même degré que l’exposant du radical, pourvu que cela puisse se faire sans aucun reste, en employant toujours la plus haute puissance possible : mettez ensuite la racine de cette puissance au-devant du quotient ou de l’irrationel ainsi divisé, vous aurez une nouvelle quantité sourde, de même valeur que la premiere ; mais en termes plus simples. Ainsi , en divisant par , & faisant précéder la racine , sera reduite à celle-ci ; & s’abaissera à . de même s’abaisse à .
Cette réduction est d’un grand usage partout où l’on peut la faire : mais si on ne peut pas trouver, pour un diviseur, des quarrés, des cubes, des quarrés quarrés, cherchez tous les diviseurs de la puissance de l’irrationelle proposée, & voyez ensuite si quelqu’un d’eux est un quarré, un cube, &c. ou une puissance telle que le signe radical l’indique : si l’on en peut trouver quelqu’un, que l’on s’en serve de la même maniere que ci-dessus, pour dégager en partie du signe radical la quantité irrationelle : si l’on propose, par exemple, la quantité ; parmi ses diviseurs on trouvera 4, 9, 16, 36 & 144 ; par lesquels divisant 288, on a les quotiens 72, 32, 18, 8, & 2 ; c’est pourquoi au lieu de , on peut mettre , ou , ou , ou , ou enfin ; & l’on peut faire la même chose en algebre ; mais pour connoître le calcul entier des irrationels, voyez l’algebre de Kersey & un grand nombre d’autres ouvrages sur le même sujet. Chambers. (E)
Sourd, on donne ce nom dans différentes provinces de France à la salamandre terrestre. Voyez Salamandre.
Sourd, couteau, terme de Corroyeur ; un couteau sourd, est une espece de plane qui n’est pas extrémement tranchant, qui leur sert à préparer leurs cuirs. (D. J.)
Sourd, (Joaillerie.) les Joailliers disent qu’une pierre est sourde, qu’elle a quelque chose de sourd, quand elle n’a pas tout le brillant & tout l’éclat que les pierres d’une semblable espece doivent avoir pour qu’elles soient parfaites. Les pailles & les glaces, qui sont de grands défauts dans les pierres précieuses, & un certain œil sombre, obscur & brouillé que d’autres ont quelquefois, sont proprement le sourd de la joaillerie. (D. J.)