L’Exercice du pouvoir/Partie III/15 novembre 1936

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Gallimard (p. 149-160).

Le 15 novembre, après avoir inauguré à Chaudun une stèle à la mémoire de Louis Jaurès, Léon Blum se rendit à Soissons, au banquet offert à Georges Monnet. Il souligna l’œuvre parlementaire accomplie par le Ministre de l’Agriculture et il évoqua ensuite la pensée de Jean Jaurès sur les problèmes de la paix et de la défense nationale :

Mes chers amis,

Je répéterai cet après-midi ce que je disais à Chaudun ce matin : je trouve vraiment ici trop d’émotions à la fois.

J’étais venu pour présider cette fête, destinée à rassembler ici ceux qui ont travaillé à la troisième élection de Georges Monnet, député de Soissons, — et non pas pour m’entendre parler.

Je me souviens — quelques-uns d’entre vous ne l’ont sans doute pas oublié — que j’étais venu ici, à Soissons, il y a huit ans, après sa première élection ; peut-être même, en quelque mesure, l’ai-je incité, l’ai-je décidé à se présenter ici. Il y a bien du chemin parcouru depuis ce temps, dans cette ville, et dans votre Fédération, et dans la France entière !

Il n’était pas depuis quelques semaines à la Chambre que tout le monde l’avait déjà remarqué, et je suis sûr que, dès sa première réunion ici, tout le monde s’était dit en le voyant : « comme il est jeune », « comme il est charmant ». Et puis, tout de suite, très vite en tout cas, on avait senti tout ce qu’il y avait d’énergie et de ténacité derrière cette voix calme, tranquille, mesurée, musicale. Tout le monde avait senti ce qu’il y avait de courage et d’audace derrière ce regard limpide et presque ingénu.

Moi aussi, je crois que je l’avais compris dès que je l’avais connu. Depuis lors, les années ont passé. Nous avons vécu très près l’un de l’autre, et, mon Dieu ! nous avons failli mourir ensemble boulevard Saint-Germain, un matin de février, et aucun de vous n’ignore que, pour ma part, si je suis sorti vivant de l’aventure, c’est grâce au courage indomptable de Georges et de Germaine Monnet.

Et aujourd’hui, nous voilà ici, l’un à côté de l’autre, comme il y a huit ans, représentant tous les deux, près de vous, le Gouvernement de Front Populaire, ayant près de nous, à nos côtés, nos collègues, nos amis Liautey et Aubaud, dont vous avez entendu, tout à l’heure, les paroles si profondément affectueuses. Ils vous disaient la bien simple vérité, quand ils vous affirmaient que jamais dans un Gouvernement de mémoire de parlementaire, on n’a trouvé plus de confiance, plus de loyauté, plus d’affection que celles qui nous unissent indissolublement.

Tout à l’heure, vous avez entendu les paroles amicales du secrétaire de la section Communiste de Soissons et vous m’ayez vu échanger avec lui une poignée de main fraternelle. Ce qui se passe ici, c’est le symbole de ce qui se passe dans le pays tout entier. Et, dans ce mouvement du Front Populaire, le rôle de votre élu, de notre ami Monnet, n’a pas cessé de grandir.

Cette affaire de l’Office du blé, il faut avoir vu cela. Quand nous avons décidé de déposer le projet de loi devant le Parlement, on nous a dit : « Vous aurez difficilement une majorité à la Chambre. Jamais, on ne fera passer le texte au Sénat. Admettez que vous le fassiez passer, en fin de compte quelles possibilités d’appliquer un texte comme celui-ci, à une époque aussi tardive, au moment où la moisson est terminée ! »

Pas un instant Monnet n’a fléchi. Pas un instant on n’a pu voir se détendre en lui cette espèce de volonté tranquille, inflexible, inébranlable, qui est toujours calme et souriante, qui a surmonté l’un après l’autre tous les obstacles.

La loi a été votée à la Chambre. La loi a été votée au Sénat. La loi a été appliquée.

Une des plus grandes réformes que la République ait accomplies portera accolée le nom de Georges Monnet.

Eh bien, mes chers amis, c’est, cela surtout que je voulais lui dire aujourd’hui, avec une affection de grand frère, de frère aîné, — car moi, je suis beaucoup plus vieux que lui — avec une affection que la vie n’a fait que resserrer. Je le connais bien, maintenant. Ce qu’il y a au fond de lui, c’est une absolue sincérité, et c’est cette sincérité totale qui le rend à la fois si simple, si tranquille et si courageux. Il ne doute pas ; il n’hésite pas, parce que, lorsque la conviction s’est formée en lui, elle est complète. C’est cela qui lui donne dans la vie cette allure où l’on sent à la fois tant de tranquillité et tant d’intrépidité.

Maintenant, vous voyant réunis, je vais vous parler d’autre chose, et ce que je veux vous dire m’est inspiré par l’autre partie de cette journée. Cet après-midi, entre camarades, entre amis et militants du Front populaire, nous avons célébré joyeusement un événement qui, pour nous tous, était agréable. Ce matin, à quelques kilomètres d’ici, — un certain nombre d’entre vous étaient sans doute là-bas — nous avons accompli une autre cérémonie. À Chaudun, avec nos camarades socialistes et la municipalité, nous avons inauguré cette stèle qui commémore le souvenir de Louis Jaurès, tombé tout près de là, en juin 1918, et que surmonte le buste de son père, de Jean Jaurès. Vous ne vous étonnerez donc pas qu’à la joie de cet après-midi se mêlent, pour moi, le souvenir et les pensées qui m’ont accompagné à la cérémonie de ce matin.

Je pense à Jaurès et, en ce moment, dans cette salle que notre ami Jean Carlu a décorée avec un art si simple et si exquis, j’ai devant moi, sous les yeux, une grande banderole où je lis : « Le socialisme c’est la paix. » Vous savez tous cela. Aucun de vous n’en doute. Oui, le socialisme est nécessaire à la paix et la paix est nécessaire au socialisme.

Nous avons vu, en Europe, depuis la fin de la guerre, les dangers de guerre s’accroître partout où le socialisme reculait. Nous savons que dans un monde où le socialisme aurait universellement installé sa loi d’égalité et de justice, non seulement la guerre ne serait plus possible, mais qu’elle ne serait même plus concevable. Et, d’autre part, nous ayons reconnu par expérience que toute guerre comporte pour une organisation internationale, quelle qu’elle soit, — même pour l’Église catholique, — une épreuve à laquelle elle n’est jamais bien sûre de résister. Chacun de nous le sait, chacun de nous en est convaincu. Mais c’est un des travers, une des faiblesses des hommes de s’imaginer que ce qu’ils pensent aujourd’hui, tout le monde l’a toujours pensé.

Quand la pensée de Jaurès a commencé à se répandre, tout le monde ne la partageait pas. Il subsistait dans les rangs du mouvement prolétarien une idée qui n’en est peut-être pas complètement disparue : l’idée que la guerre possède une vertu révolutionnaire, l’idée que c’est à l’abri des grands cataclysmes nationaux produits par la guerre que le socialisme révolutionnaire trouverait sa meilleure chance de s’installer en Europe et dans le monde. Cette pensée a des origines très lointaines, car elle nous vient de la Révolution de 1789. Rappelez-vous les grandes formules historiques ; rappelez-vous la déclaration des Droits de l’Homme, portée en Europe à la pointe des baïonnettes ; rappelez-vous la Marseillaise ; rappelez-vous les vers de Bérenger…

Cette libération universelle par la guerre, cet éveil des peuples par la guerre, pendant un siècle, dans l’Europe entière, la pensée révolutionnaire l’a envisagée.

On citait souvent la parole du poète polonais Mickiewicz : « Et la grande guerre pour la libération des peuples, donnez-la-nous ».

L’Europe a pensé cela longtemps, et si elle pense aujourd’hui autre chose, c’est peut-être à Jaurès qu’elle le doit.

Quand Jaurès, battu à Carmaux après les événements de 1898, commença à travailler à son Histoire de la Révolution, il découvrit dans des archives et dans les procès-verbaux de la Législative, les traces d’une grande lutte entre les Girondins et Robespierre.

L’idée de la guerre, de la guerre systématique, attendue pour la libération de l’Europe, pour la chute des tyrannies — c’était le mot d’alors, aujourd’hui nous en avons un autre, — ce sont les Girondins qui la défendaient à la tribune de la Législative. Et c’est Robespierre, — qui n’était pas membre de la Législative parce qu’il avait été de la Constituante et que les Constituants n’avaient pas été rééligibles, — c’est Robespierre qui leur disait ce que Jaurès n’a cessé de répéter : « Non, non, pas de guerre ! On sait comment une guerre commence, on ne sait jamais comment une guerre finit. On ne sait jamais, dans une guerre, qui on délivre et qui on opprime. » Et derrière les volontaires de 1792, il semblait déjà montrer la garde de Napoléon et les grandes conquêtes impériales.

Je me rappelle une conversation que j’avais un jour avec Jaurès. Je lui disais « Mais, Jaurès, n’y a-t-il pas cependant des moments où la guerre est nécessaire ? » Je lui citais des exemples historiques, qui m’avaient toujours obsédé l’esprit. Je lui rappelais cette période, de février à juin 1848, qui a été vraiment un des moments héroïques de l’Europe troublée. À cette époque, la République française venait d’être proclamée à Paris. La révolution, comme une traînée de poudre, avait gagné l’Europe. Le roi de Prusse avait dû quitter Berlin. Le jeune empereur d’Autriche, François-Joseph, avait dû s’enfuir à son tour. Les Piémontais avaient déclaré la guerre aux Milanais. Rome avait chassé son Pape. Les Hongrois s’étaient révoltés contre la domination autrichienne. Partout, la révolution grandissait.

Je disais à Jaurès : « Dans un tel moment, est-ce que ce n’est pas Lamartine qui a eu tort, qui a trahi la République et la Révolution, en proclamant la politique de non-intervention ? Les ouvriers, qui, quelques semaines plus tard, devaient tomber à Paris, sur les barricades de juin, est-ce qu’il n’aurait pas mieux valu qu’ils aillent au secours de l’Italie, de l’Allemagne, au lieu de laisser le tsar Nicolas, le puissant tsar, envoyer les armées rétablir l’empereur d’Autriche à Vienne, le roi de Prusse à Berlin, pour que, ensuite, les armées autrichiennes viennent à leur tour rétablir le Pape sur le trône de Saint-Pierre ? »

Mais Jaurès répondait : « Non ! Non ! cela n’aurait pas mieux valu. Chaque fois qu’on peut éviter la guerre, il faut éviter la guerre. La guerre, c’est le mal ! La guerre ne peut rien engendrer de noble et de bon ! Ce n’est pas d’elle que le genre humain peut attendre le bien ! Ce n’est pas la guerre qui est révolutionnaire, c’est la paix qui est révolutionnaire ! »

Chez Jaurès, la marque propre du génie était de concilier des vues, des pensées, des systèmes, qu’une première vue, qu’une vue trop superficielle, et trop rapide, pouvait faire apparaître comme contradictoires. Il faut que vous compreniez bien comment, chez Jaurès, cette sorte de contraction devant la guerre pouvait cependant, logiquement, harmonieusement se concilier avec la pensée de la défense de la patrie, de la défense du sol national.

Là-dessus aussi, nous sommes tous d’accord aujourd’hui Il n’y a plus aucune divergence, aucune discordance à ce sujet. Celles mêmes qui pouvaient apparaître entre certains de nos amis prolétariens et nous, il y a un an, se sont effacées. Et nous reconnaissons que, pour le prolétariat, le devoir de défense nationale peut coïncider avec son devoir de classe et avec son devoir de solidarité internationale.

Au moment où la pensée de Jaurès a commencé à pénétrer les masses populaires, il n’en était pas universellement ainsi. C’est de cette époque que date, au contraire, la pensée — qui elle non plus n’est pas complètement éteinte aujourd’hui — que le devoir du prolétariat, en cas de conflit international, peut être de se refuser à la défense du sol pour se réserver en vue de conjonctures révolutionnaires.

Mais vous vous rappelez comment dans l’Armée Nouvelle, Jaurès interprétait, avec une clairvoyance entière la formule célèbre du Manifeste Communiste. Vous vous rappelez la phrase de Jaurès : « Oui, les prolétaires n’ont pas à défendre une patrie quand ils n’en ont pas. Mais ils ont à s’en créer une, et ils ont le devoir de la défendre à mesure qu’ils la créent. Le prolétariat se crée à lui-même une patrie, à mesure qu’il arrache à la société dans laquelle il vit, plus de justice, plus de liberté, plus de bien-être. Et il participe alors au devoir commun. De même qu’il revendique, au nom de la classe ouvrière, la direction de la vie publique et de la vie économique, de même il revendique la direction de la patrie ; de même, il doit revendiquer aussi l’initiative et la direction pour l’organisation de la défense de la patrie. »

Ce sont ces idées que vous retrouvez partout chez Jaurès et qui sont étroitement liées, en dépit des apparences, à cette condamnation absolue et irrévocable de la guerre. Guerre jamais, sauf quand la guerre est imposée. Guerre jamais, sauf quand il s’agit de défendre le sol national. Guerre jamais, sauf quand il s’agit de défendre ce qui équivaut au sol national, c’est-à-dire l’existence et l’intégrité d’autres sols, dont l’existence et l’intégrité sont liées étroitement au nôtre.

Camarades, je sais que ces pensées vous sont familières. Je veux pourtant rappeler devant vous, rassemblant en quelques instants tant et tant d’années de souvenirs, comment, dans l’esprit de Jaurès, s’était peu à peu organisé ce système de pensées qui vous est devenu familier.

Proclamer la défense du sol, cela oblige à distinguer entre la défense et l’agression, et Jaurès savait, mieux que personne, que ce n’était pas une tâche facile.

Après avoir terminé ses études sur la Révolution française, il s’était plongé dans la recherche des origines de la guerre franco-allemande de 1870, et il avait été, comme tous ceux d’ailleurs qui étudient de près cette période, frappé du fait que l’agresseur apparent, ou même l’agresseur officiel, peut n’être pas toujours l’agresseur dans la réalité de l’histoire, que la pensée de l’agression peut avoir été partagée même par la puissance qui est attaquée. Et tous ceux qui ont vécu auprès de lui savent quelle délivrance ce fut pour lui quand il saisit l’idée qui devait servir de distinction définitive entre la guerre de conquête, la guerre d’agression et la défense du sol national envahi.

Vous savez que cette idée fut celle de l’arbitrage, que c’est de cette idée que sont empreints ses derniers discours, et aussi de cette idée que sont empreintes des résolutions célèbres de l’Internationale.

C’est le fait d’accepter ou de ne pas accepter l’arbitrage, le fait de s’incliner devant la sentence arbitrale ou d’y résister, qui deviendra, pour Jaurès, le moyen de distinguer entre l’agresseur et l’attaqué.

Dans le pays attaqué, le devoir de la classe ouvrière est éclatant. Elle doit défendre le sol envahi. Pour le prolétariat du pays agresseur, le devoir n’est pas moins clair : c’est le devoir révolutionnaire d’abattre par tous les moyens le gouvernement.

Toutes ces idées ont été affirmées et exprimées dans les trois ou quatre années qui ont précédé la guerre de 1914.

Qu’est-ce que nous y avons ajouté depuis ? Seulement ceci : pour la prévention de la guerre, nous avons ajouté l’organisation internationale des États à l’organisation internationale des travailleurs. La Société des Nations n’est pas autre chose. L’article 16 du Covenant n’est pas autre chose qu’une adhésion gouvernementale à des clauses de cette résolution de Stuttgart, qui, quelques années auparavant, avait fait traiter Jaurès de traître à son pays.

Nous avons ajouté cela, et peut-être quelque chose de plus, nous sommes arrivés à la certitude, tristement confirmée par les événements de l’an dernier, qu’aucune organisation internationale, qu’aucune sanction internationale ne restera sûre d’elle-même, sûre de sa propre application, tant que les nations poursuivront leur armement intensif.

Nous avons ajouté cette idée que l’arbitrage doit être accompagné du désarmement, que tant que le régime de la course aux armements durera, un État puissamment armé, sûr de sa force, ramassé sur lui-même, sûr du succès de ses décisions et de ses moyens, pourra toujours, en quelques heures peut-être, placer le monde et placer la juridiction arbitrale devant le fait accompli, qu’il pourra se saisir de sa proie et défier ensuite toutes les justices et toutes les sentences. Tandis que dans une Europe désarmée, on ne courrait plus de risque de voir une puissance se soustraire aux juges ou se soustraire aux jugements.

Voilà ce que nous avons pu, en quinze ans, ajouter à l’œuvre de Jaurès.

Je sais que des idées comme celles-ci, exprimées par un chef de Gouvernement, à l’heure où je parle, peuvent sembler paradoxales : lancer, rappeler le mot de désarmement, quand toute l’Europe bruisse du fracas des armes et des fabrications, quand, partout, des crédits militaires nouveaux s’ajoutent aux crédits de la veille, quand, nous-mêmes, cédant franchement à une nécessité dont nous ne pouvons disconvenir, nous ajoutons lourdement aux charges militaires du pays ?

Oui pourtant ! Il faut parler à cette heure du désarmement, il faut en parler surtout à cette heure ! Plus l’Europe arme, plus nous armons nous-mêmes, plus nous avons le devoir de ne pas laisser l’espoir du désarmement s’éteindre.

Savez-vous où je trouve le témoignage le plus évident de sa force et de sa présence ? C’est dans ce fait que les chefs d’autres États, même ceux qui non seulement arment comme les autres, mais qui ont essayé de ranimer dans leur peuple la vieille idée de la guerre inévitable, même ceux qui ont voulu dire : « la guerre est nécessaire, la guerre est belle, la guerre est une école de vertu », même ceux-là ne peuvent pas, devant leur peuple, ou devant le monde, prononcer un discours où l’offre du désarmement ne soit pas formulée. Je n’ai pas à chercher dans quelle mesure ils sont ou non sincères. Je prends les paroles telles qu’elles sont, comme je prends les hommes tels qu’ils sont. Mais ils sont obligés de parler de désarmement, et ils en parlent parce qu’ils sentent bien qu’il y a une sorte d’exigence de la conscience universelle, à laquelle aucun État ne saurait, sans danger, se soustraire.

Citoyens, je vous ai peut-être tenu un langage bien grave pour un jour de fête. Je m’en excuse auprès de vous. J’avais mieux commencé. Ces pensées conviennent peut-être mal au sentiment qui vous anime tous, à ce sentiment de joie que vos visages, vos yeux faisaient voir tout à l’heure.

Que voulez-vous, c’est une rançon. On ne vient pas à une fête comme celle-ci sans s’exposer aux discours, et le mien subit naturellement l’influence de la fête d’abord, mais ensuite aussi l’influence du dehors, l’influence du moment et des circonstances.

La conclusion que je voudrais que vous reteniez dans votre souvenir n’est pourtant pas une pensée de découragement ou de tristesse.

Je suis convaincu que, par la volonté des peuples, la paix sera préservée. Je suis convaincu qu’un régime comme celui qui est aujourd’hui imposé à toute l’Europe aura son terme, aura son temps. Je suis convaincu que l’œuvre que nous allons commencer dans quelques semaines à Genève aboutira au succès. Il est nécessaire de se prononcer entre le désarmement et la guerre. L’Europe et le monde devront tout de même bien choisir, et alors, ce jour-là, la vie de Jaurès aura trouvé sa véritable récompense.

J’inaugurais, aux côtés d’Émile Vandervelde, le monument élevé à Jaurès par les mineurs de Carmaux. Et je n’ai jamais oublié la phrase par laquelle Vandervelde avait achevé son discours : « Chaque fois que, dans le monde, la guerre recule, chaque fois que la paix marque une victoire, chaque fois que la paix marque un progrès, Jaurès ressuscite. »