L’Heptaméron des nouvelles/Nouvelle 12

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Texte établi par Claude Gruget, Vincent Sertenas (p. 44v-48r).
L’incontinence d’vn Duc, & ſon impudence pour paruenir à ſon intention auec la iuſte punition de ſon mauuais vouloir.


NOVVELLE DOVZIESME.



Depuis quelque temps en ça, en la ville de Florẽce y auoit vn Duc lequel auoit eſpousé ma dame Marguerite fille baſtarde de l’Empereur Charles le quint. Et pour ce qu’elle eſtoit encores ſi ieune, qu’il ne luy eſtoit licite de coucher auec elle, attendant ſon aage plus meur, la traicta fort doucement. Car pour l’eſpargner fut amoureux de quelques autres dames de la ville que la nuict il alloit veoir, tandis que ſa femme dormoit. Entre autres il le fut d’vne fort belle, ſage, & honneſte dame, laquelle eſtoit ſœur d’vn gentil-homme que le Duc aimoit comme luy meſme, & auquel il donnoit tant d’autorité en ſa maiſon, que ſa parolle eſtoit obeye & crainte cõme celle du Duc, & n’y auoit ſecret en ſon cueur qu’il ne luy declaraſt, en ſorte qu’on le pouuoit nommer le ſecond luy meſme. Et voyant le Duc ſa ſœur eſtre tãt femme de bien, qu’il n’auoit moyẽ de luy declarer l’amour qu’il luy portoit, apres auoir cherché toutes occaſions à luy poſsibles, vint à ce gentil-homme qu’il aimoit tant, & luy diſt : S’il y auoit choſe en ce monde, mon ami, que ie ne vouluſſe faire pour vous, ie craindrois vous declarer ma fantaſie, & encores plus vous prier m’y eſtre aidãt. Mais ie vous porte tant d’amour, que ſi i’auois femme, mere, ou fille, qui peuſt ſeruir à ſauluer voſtre vie, ie les y employrois pluſtoſt, que de vous laiſſer mourir en tourment, & i’eſtime que l’amour que me portez, eſt reciprocque à la mienne. Et que ſi móy qui ſuis voſtre maiſtre vous porte telle affection, que pour le moins ne me la ſçauriez porter moindre. Parquoy ie vous declareray vn ſecret, dont le taire me met en tel eſtat que vous voyez, duquel ie n’eſpere amandement que par la mort, ou par le ſeruice qu’en ceſt endroit me pouuez faire. Le gentil-homme oyant les raiſons de ſon maiſtre, & voyant ſon viſage non feint tout baigné de larmes, en eut ſi grande compaſsion qu’il luy diſt : Monſieur, ie ſuis voſtre creature, tout le bien & l’honneur que i’ay vient de vous, vous pouuez parler à moy comme à voſtre amy, eſtant ſeur que ce qui ſera en ma puiſſance, eſt en voz mains. A l’heure le Duc commença à luy declarer l’amour qu’il portoit à ſa fœur, qui eſtoit ſi grande & ſi forte, que ſi par ſon moyen n’en auoit la iouyſſance, il ne voioit pas qu’il peuſt viure longuement. Car il ſçauoit bien qu’enuers elle, prieres, ne preſens ne ſeruoient de rien. Parquoy le pria que s’il aimoit ſa vie, autant que luy la ſienne, il trouuaſt moyen de receuoir le bien que ſans luy il n’eſperoit iamais auoir. Le frere qui aimoit ſa ſœur & l’honneur de ſa maiſon plus que le plaiſir du Duc, luy voulut faire quelque remõſtrance, le ſuppliant en tous autres endroicts l’employer, hors mis en vne choſe ſi cruelle à luy, que de pourchaſſer le deshonneur de ſon ſang. Et que ſon cueur & ſon honneur ne ſe pouuoient accommoder à luy faire ce ſeruice. Le Duc enflambé d’vn courroux importable, meit le doigt entre ſes dens ſe mordant l’ongle, & luy reſpondit par vne grande fureur : Or bien puiſque ie ne trouue en vous nulle amitié, ie ſçay que i’ay affaire. Le gentil-homme cognoiſſant la cruauté de ſon maiſtre, eut crainte, & luy diſt : Monſieur puis qu’il vous plaiſt ie parleray à elle, & vous diray la reſponce. Le Duc luy reſpondit en ſe departãt de luy. Si vous aimez ma vie, auſsi feray-ie la voſtre. Le gentilhomme entendit bien que ceſte parolle vouloit dire, & fut vn iour ou deux ſans veoir le Duc, pẽfant à ce qu’il auoit à faire. D’vn coſté luy venoit au deuant l’obligation qu’il debuoit à ſon maiſtre, les biens & honneurs qu’il auoit receuz de luy : de l’autre coſté l’honneur de ſa maiſon, l’honneſteté, & chaſteté de ſa ſœur, qu’il ſçauoit bien que iamais ne ſe conſentiroit à telle meſchanceté, ſi par tromperie elle n’eſtoit prinſe, ou par force : choſe qu’il trouuoit fort eſtrange, veu que luy & les ſiens en ſeroient diffamez. Parquoy print concluſion ſur ce different, qu’il amoit mieulx mourir, que de faire vn ſi meſchant tour à ſa ſœur, l’vne des plus femmes de bien qui fuſt en toute l’Italie. Mais que plutſot deuoit deliurer ſa patrie de tel tyrant, que par force vouloir mettre vne telle tache en ſa maiſon. Car il ſe tenoit aſſeuré que ſans faire mourir le Duc, la vie de luy & des ſiens n’eſtoit pas aſſeurée. Parquoy ſans en parler à ſa ſœur, delibera de ſauuer ſa vie, & venger ſa honte par vn meſme moyen. Et au bout de deux iours s’en vint au Duc, & luy diſt, comme il auoit tant bien praticqué ſa ſœur non ſans grande peine, qu’à la fin elle s’eſtoit cõſentie à ſa volonté, pourueu qu’il luy pleuſt tenir la choſe ſi ſecrette, que nul que ſon frere n’en euſt cognoiſſance. Le Duc qui deſiroit ceſte nouuelle, le creut facilement, & en embraſſant le meſſager, luy promiſt tout ce qu’il luy ſçauroit demander, le priant de bientoſt executer ſon entrepriſe, & prindrent le iour enſemble. Si le Duc fut aiſe, il ne le fault point demander. Et quand il veit approcher la nuict tant deſirée, ou il eſperoit auoir la victoire de celle qu’il auoit eſtimée inuincible, ſe retira de bõne heure auec ce gentil-hõme tout ſeul, & n’oublia pas de s’accouſtrer de coiffe, & de chemiſe perfumée, le mieux qu’il luy fut poſsible. Et quand chacun fut retiré, s’en alla auec le gentil-homme au logis de ſa dame, ou il y arriua en vne chãbre fort bien en ordre. Le gentil-hõme le deſpouilla de ſa robbe de nuict, & le meit dedãs le lict, luy diſant : Monſieur, ie vous vois querir celle qui n’entrera pas en ceſte chambre ſans rougir : mais i’eſpere que auant le matin, elle ſera aſſeurée de vous. Il laiſſa le Duc, & s’en alla en ſa chambre, ou il ne trouua qu’vn ſeul homme de ſes gens, auquel il diſt : Aurois tu bien le cueur de me ſuyure en vn lieu, ou ie me veux venger du plus grand ennemy que i’aye en ce monde ? L’autre ignorant qu’il vouloit faire, luy diſt ouy monſieur, & fuſt ce contre le Duc meſme. A l’heure le gentil-homme le mena ſi ſoudain, qu’il n’eut loiſir de prendre autres armes, qu’vn poignard qu’il auoit. Et quand le Duc l’ouyt reuenir, penſant qu’il luy amenaſt celle qu’il aimoit tant, ouurit vn rideau & ſes yeux pour regarder & receuoir le bien qu’il auoit tant attendu : mais au lieu de veoir celle dont il eſperoit la conſeruation de ſa vie, va veoir la precipitation de ſa mort, qui eſtoit vne eſpée toute nuë, que le gentilhomme auoit tirée, de laquelle il frappa le Duc, qui eſtoit tout en chemiſe. Lequel deſnué d’armes & non de cueur, ſe meit en ſon ſeãt dedans le lict, & print le gentil-hõme à trauers le corps, en luy diſant : Eſt-ce cy la promeſſe que vous me tenez ? Et voyant qu’il n’auoit autres armes que les dents, & les ongles, mordit le gentil-homme au poulce, & à force de bras ſe deffendit tant, que tous deux tomberent en la ruelle du lict. Le gentil-hõme qui n’eſtoit trop aſſeuré, appella ſon ſeruiteur : lequel trouuant le Duc & ſon maiſtre ſi liez enſemble, qu’il ne ſçauoit lequel choiſir, les tira tous deux par les pieds au milieu de la place, & auec ſon poignard s’eſſaya à coupper la gorge du Duc, lequel ſe defendit iuſques à ce que la perte de ſon ſang le rẽdit ſi foible qu’il n’en pouuoit plus. Alors le gentil homme & ſon ſeruiteur le mirent dedans ſon lict, ou à coups de poignards le paracheuerent de tuer. Puis tirant le rideau, s’en allerent & enfermerent le corps mort en ſa chambre. Et quand il ſe veit victorieux de ſon ennemy, par la mort duquel il penſoit mettre en liberté la choſe publicque, ſe penſa que ſon œuure ſeroit imparfaict, s’il n’en faiſoit autant à cinq ou ſix de ceux qui eſtoient des plus prochains du Duc. Et pour en venir à chef, diſt à ſon ſeruiteur, qu’il les allaſt querir l’vn apres l’autre, pour en faire cõme il auoit faict du Duc. Mais le ſeruiteur qui n’eſtoit hardy ny fort, diſt : Il me ſemble, mõſieur, que vous en auez aſſez faict pour ceſte heure, & que vous feriez mieux à penſer de ſauluer voſtre vie, que de la vouloir oſter à autres. Car ſi nous demeurions autãt à deffaire chacun d’eux, que nous auons faict à deffaire le Duc, le iour deſcouuriroit pluſtoſt noſtre entreprinſe, que ne l’aurions miſe à fin, encores que nous trouuiſsions noz ennemis ſans defence. Le gẽtil-homme, la mauuaiſe conſcience duquel le rendoit craintif, creut ſon ſeruiteur, & le menant ſeul auec luy, s’en alla à vn Eueſque, qui auoit charge de faire ouurir les portes de la ville, & commander aux poſtes. Ce gentil-homme luy diſt : i’ay eu ce ſoir des nouvelles que vn mien frere eſt à l’article de la mort, ie viens de demander congé au Duc, lequel le m’a donné : parquoy ie vous prie cõmander aux poſtes me bailler deux bons cheuaux, & au portier de la ville d’ouurir les portes. L’Eueſque qui n’eſtimoit moins ſa priere, que le commandement du Duc ſon maiſtre, luy bailla incontinant vn bulletin, par la vertu duquel la porte luy fut ouuerte, & les cheuaux baillez ainſi qu’il demanda. Et en lieu d’aller veoir ſon frere, s’en alla à Veniſe, ou il ſe feit guerir des morſures que le Duc luy auoit faictes, puis s’en alla en Turquie. Le matin les ſeruiteurs du Duc qui le voyoient ſi tard demeurer à reuenir, ſoupçonnerent bien qu’il eſtoit allé veoir quelque dame : Mais voyant qu’il demeuroit tant, commencerent à le chercher par tous coſtez. La pauure Ducheſſe, qui commençoit fort à l’aymer, ſçachant que lon ne le trouuoit point, ſut en grãde peine. Mais quand le gentil homme qu’il aimoit tant, ne fut veu non plus que luy, on alla à ſa maiſon le chercher. Et trouuans du ſang à la porte de ſa chambre, entrerent dedans, mais il n’y eut homme qui en ſceut dire nouuelles. Et ſuiuans les traces du ſang vindrent les pauures ſeruiteurs du Duc à la porte de la chambre ou il eſtoit, qu’il trouuerent fermée : Mais bien toſt eurent rompu l’huis. Et voyans la place toute plaine de ſang, tirerent le rideau du lict, & trouuerẽt le pauure corps endormy en ce lict du dormir ſans fin. Vous pouuez penſer quel dueil menerent ces pauures ſeruiteurs qui porterent le corps en ſon palais ou arriua l’Eueſque, qui leur compta comme le gentil-homme eſtoit party la nuict en diligence, ſoubs couleur d’aller veoir ſon frere. Parquoy fut cogneu clairement que c’eſtoit luy qui auoit faict le meurtre. Et fut ainſi prouué, que iamais ſa pauure ſœur n’en auoit ouy parler. Laquelle combien qu’elle fut eſtõnée du cas aduenu, ſi eſt-ce qu’elle en aima d’aduãtage ſon frere, lequel l’auoit deliurée d’vn ſi cruel prince, ennemi de ſa chaſteté, & n’ayant point craint de hazarder ſa propre vie. Et cõtinua de plus en plus ſa vie hõneſte en ſes vertuz, telle que combien qu’elle fuſt pauure, pource que leur maiſon fut confiſquée, ſi trouuerent ſa ſœur & elle des mariz auſsi honneſtes hommes & riches, qu’il y en euſt en Italie, & ont depuis veſcu en bonne & grande reputation.

Voyla, mes dames, qui vous doit bien faire craindre ce petit dieu qui prend ſon plaiſir à tourmenter autant les princes que les pauures, & les forts que les foibles, & qui les rend aueugles iuſques lá, d’oublier Dieu & leur conſcience, & à la fin leur propre vie. Et doiuent bien craindre les princes, & ceux qui ſont en auctorité, de faire deſplaiſir à moindres qu’eux. Car il n’y a nul qui ne puiſſe nuire quand Dieu ſe veult venger du pecheur, ne ſi grand qui ſceuſt mal faire à celuy qui eſt en ſa garde. Ceſte hiſtoire fut bien eſcoutée de toute la cõpaignie, mais elle y engẽdra diuerſes opinions. Car les vns ſouſtenoient, que le gentilhomme auoir faict ſon deuoir de ſauuer ſa vie & l’honneur de ſa fœur, enſemble d’auoir deliuré ſa patrie d’vn tel tyrã. Les autres diſoiẽt que non, mais que c’eſtoit vne trop grãde ingratitude de mettre à mort celuy qui luy auoit faict tãt de bien & d’honneur. Les dames diſoient qu’il eſtoit bon frere & vertueux citoyen. Les hommes au contraire, qu’il eſtoit traiſtre & mauuais ſeruiteur : & faiſoit fort bon ouyr alleguer les raiſons des deux coſtez, mais les dames ſelon leur couſtume parloient autant par paſsion que par raiſon, diſans que le Duc eſtoit digne de mort, & que bien heureux eſtoit celuy qui auoit faict le la coup. Parquoy voyant Dagoucin le grand debat qu’il auoit eſmeu, diſt : Pour Dieu, mes dames, ne prenez point de querelle d’vne choſe deſia paſsée : mais gardez que voz beautez ne facent point faire de plus cruels meurtres, que celuy que i’ay cõpté. Parlamente diſt : La belle dame ſans mercy nous a aprins à dire, que ſi gratieuſe maladie, ne mect gueres de gens à mort. Pleuſt à Dieu, diſt Dagoucin, ma dame, que toutes celles qui ſont en ceſte compaignie ſceuſſent combien ceſte opinion eſt faulſe. Ie croy qu’elles ne voudroient point auoir le nom d’eſtre ſans mercy, ne reſſembler à ceſte incredule, qui laiſſa mourir vn bon ſeruiteur par faulte d’vne gratieuſe reſponſe. Vous voudriez donc diſt Parlamente, pour ſauuer la vie d’vn qui dict nous aimer, que nous miſsions noſtre honneur & conſcience en danger. Ce n’eſt pas ce que ie vous dy, diſt Dagoucin, car celuy qui aime parfaictement, craindroit plus bleſſer l’honneur de ſa dame, qu’elle meſme. Parquoy il me ſemble bien, qu’vne reſponſe honneſte & gratieuſe, telle que parfaicte & honneſte amitié requiert, n’y pourroit qu’accroiſtre l’honneur & amender la conſcience, car il n’eſt pas vray ſeruiteur qui cherche le contraire. Toutesfois, diſt Emarſuitte, c’eſt touſiours la fin de voz raiſons, qui commencent par honneur, & finent par le cõtraire. Et ſi tous ceux qui ſont icy en veullent dire la verité, ie les en croy à leur ſerment. Hircan iura quant à luy, qu’il n’auoit iamais aimé femme hors miſe la ſienne, à qui il ne deſiraſt faire offencer Dieu bien lourdement. Et autant en diſt Simontault, & adiouſta qu’il auoit ſouuent ſouhaitté toutes les femmes meſchantes, hors mis la ſienne. Guebron luy diſt : Vrayement vous meritez que la voſtre ſoit telle, que vous deſirez les autres : mais quant à moy ie puis bien iurer que i’ay tant aimé vne femme, que i’euſſe mieux aimé mourir, que pour moy elle euſt fait choſe dõt ie l’euſſe moins eſtimée. Car mon amour eſtoit tant fondé en ſes vertuz, que pour quelque bien que i’en euſſe ſceu auoir, ie n’y euſſe voulu veoir vne tache. Saffredẽt ſe print à rire, en luy diſant : Ie penſois Guebron, que l’amour de voſtre femme, & le bon ſens que vous auez, vous euſſent mis hors d’eſtre amoureux, mais ie voy bien que non, car vous vſez encores des termes dont nous auons accouſtumé de tromper les plus fines, & d’eſtre eſcoutez des plus ſages. Car qui eſt celle qui nous fermera ſes aureilles, quand nous commencerons à l’honneur & à la vertu ? Mais ſi nous leur monſtrions noſtre cueur tel qu’il eſt, il y en a beaucoup de bien venuz entre les dames, de qui elles ne tiendroiẽt compte. Nous couurons noſtre diable du plus bel Ange, que nous pouuons trouuer : Et ſoubs ceſte couuerture, auant que d’eſtre cogneuz receuons beaucoup de bonnes cheres. Et peult eſtre tirons les cueurs des dames ſi auant, que penſans aller droit à la vertu, quand elles cognoiſſent le vice, elles n’ont le moyen ny le loiſir de retirer leurs pieds. Vrayement diſt Guebron, ie vous penſois autre que vous ne dictes, & que la vertu vous feuſt plus plaiſante que le plaiſir. Comment ? diſt Saffredent, eſt il plus grande vertu que d’aimer cõme Dieu l’a cõmandé ? Il me ſemble que c’eſt beaucoup mieux fait d’aimer vne fẽme, cõme femme, que d’en idolatrer cõme pluſieurs autres. Et quãt à moy, ie tiẽs ceſte opiniõ ferme, qu’il vault mieux en vſer, que d’en abuſer. Les dames furent toutes du coſté de Guebron, & contraignirent Saffredent de ſe taire. Lequel diſt : Il m’eſt bien aisé de n’en plus parler, car i’en ay eſté ſi mal traicté, que ie n’y veux plus retourner. Voſtre malice, ce luy diſt Longarine, eſt cauſe de voſtre mauuais traictement : car qui eſt l’honneſte femme qui vous voudroit pour ſeruiteur, apres les propos que nous auez tenuz ? Celles qui ne m’ont point trouué faſcheux, diſt Saffredent, ne changeroient pas leur honeſteté à la voſtre : mais n’en parlons plus, à fin que ma colere ne face deſplaiſir ny à moy ny à autre. Regardons à qui Dagoucin donnera ſa voix : lequel diſt, ie la donne à Parlamente. Car ie penſe qu’elle doit ſçauoir plus que nul autre que c’eſt que d’honneſte & parfaicte amitié. Puis que ie ſuis choiſie, diſt Parlamente, pour dire vne hiſtoire, ie vous en diray vne aduenuë à vne dame, qui a eſté touſiours biẽ fort de mes amies, & de laquelle la penſée ne me fut iamais celée.