L’Honorable L.A. Dessaules et le système judiciaire des États-pontificaux/03

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III.

L’honorable L. A. Dessaules, rédacteur du « Pays. »


Savant Monsieur,


Vous ne produisez point de réponse : je procède donc ex parte.

Mon frère et vos autres amis feront bien de cesser de courir chez les miens pour qu’on m’induise à me taire. Ces pas et démarches, ce petit manège, ne seront pas plus fructueux qu’en 1853, lors du débat au sujet du Suisse de Saint-Constant, parce que la fraternité et l’amitié ne font pas que le mensonge soit la vérité. Dites-leur bien qu’ils s’y prennent, au reste, comme des dadais. Venir dire chez mes amis que je ne suis point de force à lutter avec vous ! la belle voie persuasive, je vous en prie ; les Américains du Nord ne disent-ils pas aussi que le Canadien Toutan de Beauregard n’est point de force à lutter contre l’Écossais McClellan, ce véritable foudre de guerre en imagination ? Et Wellington ! il n’était pas non plus de force à se battre contre Napoléon, quoiqu’il l’ait battu aux Quatre-Bras, à Waterloo et tout le long de la route de la Belgique à Paris, où les grognards de l’empire capitulèrent devant lui pour aller se tapir derrière la Loire, comme le barbon capitulera devant moi. Ab actu ad posse valet consecutio.

Quand mon frère m’a consulté, je l’ai conseillé de mon mieux ; je ne veux pas, lui, qu’il me donne des conseils que je n’ai point demandés.

Votre épithète de jouvenceau n’a pas le sens commun, appliquée à la personne qui écrit dans la Minerve ; mais le cadeau qu’on vous a fait de celle de barbon est plein de sel. Barbon veut dire vieillard colère. Et, en effet, la figure et ceux des écrits du vieux Voltaire qui ne sont pas restés, et votre figure et vos écrits sont semblables comme des gouttes d’eau.

Vous m’avez jeté l’insulte en ma qualité de professeur en droit ; il reste à savoir si vous aurez le verdict, des cent trente élèves que j’ai formés, et dont grand nombre vont à votre taille au moins. Il est vrai qu’ils n’ont pas encore établi une compagnie des chaux du Canada ; mais c’est tant mieux, car je suis vraiment prévenu contre les spéculateurs et les nations spéculatrices. J’aime mieux le gouvernement papal qui a racheté les assignats des rebelles[1] et qui paiera sa dette, que l’Angleterre, voire même la municipalité de Montréal, qui ne paieront jamais la leur. Je leur inflige pour toujours le mot du droit romain reus, débiteur, parce que quand les états, les cités disparaîtront devant le souffle du Seigneur, elles n’auront point encore payé.

On dit aussi que Bonaparte lui-même laisse tomber son empire dans des crises financières. Pour remède à cela, M. Fould publiera bientôt un rapport élaboré, et M. Dessaules en fera un très bien fait aussi, où l’on verra qu’on ne pouvait mieux administrer qu’il n’a fait la compagnie des chaux. Ce n’est pas faute à vous non plus si le Canada n’a pas été annexé à la grande république constellée, d’étoiles fixes autrefois, d’étoiles filantes aujourd’hui ; mais vous pourrez toujours dire : la fortune, après tout, n’est qu’un des dieux du paganisme.

Un pays dont les habitans paient aussi peu de taxes que les États Pontificaux ne vaut pas beaucoup la peine que vous en disiez du bien, vous qui avez été maire en Canada : cependant, dès l’an 1719, le cardinal Delecca, Ansaldus, Casaregis[2], portaient dans la Rote romaine, dont vous faites si bon marché, sur certaines occurrences des sociétés commerciales, des sentences que le sénateur et jurisconsulte Troplong veut bien regarder comme des oracles aujourd’hui ; et le Herald de cette ville a été obligé d’avouer qu’aucun économiste anglais n’aurait mieux que Pie IX décidé les cas variés qui peuvent se rencontrer dans la matière de l’Usure. Comment donc ! les lumières ne convergent pas toutes dans les cerveaux démocratiques ?… Eh bien ! non ; je me surprends même à penser que le fait des Plon-plon, des Dumas, des About, des Havin, des Gavazzi, des Gaillardet, des Guéronnière et des Chiniquy n’est vraiment que d’aboyer à la lune.

Vous me trouvez singulier parce que je ne pense pas comme vous sur le pouvoir temporel du Pape, — peut-être aussi sur l’histoire naturelle de l’homme. Je vous réponds que ce n’est pas celui qui pense comme les autres qui se singularise, mais bien celui qui s’éloigne du sentiment général. Je pense, moi, comme les Solar de la Marguerite, les Montalembert, les Villemain, les Lamartine, les Cousin, les Poujoulat, les Falloux, les Laurentie, les Guizot, les Normanby, les Kellet, les Broglie, les Nettement, les Thiers, les Veuillot, les Dupanloup, les Lacordaire, les Wiseman, les Hughes et les Cahill, sans compter la généralité du monde catholique, comme il est prouvé par les démonstrations de toutes les villes et paroisses, et par le succès solide du denier de St. Pierre ; tandis que le succès de l’emprunt italien ne se fondait que sur des promesses fallacieuses. En contemplant une cérémonie religieuse, le ministre d’Espagne s’exclamait naguères : « Que peuvent les hommes contre ce saint qui bénit les foules agenouillées ? Qu’Emmanuel le chasse, l’Europe un jour le ramènera en triomphe ; qu’Emmanuel l’enferme, les baisers des fidèles useront les murs de sa prison ; il est la lumière du monde, et quel que soit l’aide que le prince des ténèbres accorde à la révolution, le Pape resplendira toujours sur les âmes du haut de ce candélabre éternel qu’on appelle Rome. »

La doctrine qui vous est attribuée par la Renommée, que l’homme est un singe perfectionné, n’est point non plus appuyée sur le témoignage des hommes !

Vous trouvez le gouvernement papal reprochable, entre autres choses, parce que la justice y est secrète, et vous posez pour cela en axiome que la justice secrète est mauvaise. Vous faites là un sophisme de l’espèce petitio principii. Il ne faut jamais mettre en principe ce qui est en question. Il y a un grand débat entre le secret et la publicité de la justice ; Jérémie Bentham veut celle-ci sans mélange, Boucher d’Argis tient à la justice secrète. Le mieux serait peut-être une combinaison, et Rossi en est ; mais on ne peut blâmer les gouvernemens qui n’ont pas encore adopté la publicité, surtout quand il s’agit de la publicité dans tous les cas. S’il s’agissait de certains tribunaux de l’histoire, je dirais de la justice secrète : de non apparentabus et de non existentibus cadem est ratio ; mais autres temps, autres dangers ; il ne s’agit point d’une question historique, il s’agit d’une question rationnelle, et les avantages de la justice secrète vont ressortir tout-à-l’heure de la solution d’une question incidente.

Vous dites que l’incriminé du droit criminel anglais est censé innocent jusqu’à condamnation ; voyons-le bien. Est-ce quand le sergent de police lui met la main sur l’épaule qu’il est présumé innocent ? Non, car le mandat ou warrant revêt l’office de pouvoirs excessifs. Est-ce quand les juges à paix l’interrogent[3] et l’envoient en prison ? Non, car ils ne doivent le faire que sur fortes précomptions. Est-ce quand l’officier de la Couronne formule l’indictamentum ? Non encore. Est-ce quand les douze jurés ont trouvé billa vera ? Encore moins. C’est peut-être quand il plaide non-coupable ? Oui ; mais tout cela est un peu long. S’il est convaincu devant le petit jury, on n’a pas à regretter tous ces retards ; mais s’il est acquitté, il n’a pas moins subi une forte partie de la peine du crime, et vous le rendez flétri à la société. Il y a bien quelque temps que le sieur Collins est écroué ; si, à la fin, il n’a été coupable que de galanterie, lui rendrez-vous cependant tout son honneur, réparerez-vous tous les maux qu’il a soufferts ? Assurément, s’il est présumé innocent, je ne vois pas à quoi cela lui sert, et voilà qui fait ressortir l’avantage comparatif de la justice secrète.

« Admettre la publicité, dit Boucher d’Argis, ce serait livrer au mépris un homme qui pourrait être faussement accusé. »

Il n’a été répondu à cette objection ni par Bentham, ni par autre.

« On risque d’affaiblir le respect pour les décisions judiciaires, reprend Boucher d’Argis, en les soumettant à l’opinion publique, tribunal incompétent à tous égards par son ignorance, ses préjugés et ses caprices. Donnez-nous un public éclairé, disent les juges, et nous ne craignons point ses regards. »

Le cas récent de Jesse Patterson confirme pleinement cette objection. À quoi bon, en effet, le procès fait pardevant le jury, puisqu’il a été non avenu ? La qualité de ratum ne convient qu’au procès qui a été fait dans les gazettes ; l’autre ne mérite que l’épithète irritum. Vous dites qu’il y a beaucoup de tribunaux à Rome ; il y en a beaucoup aussi en Canada, et en voici poindre un nouveau ! Inclinez-vous si vous voulez ; moi, je ne puis que le conspuer.

Ce qui précède doit vous apprendre que les siècles passés étaient en état de penser aussi fortement que celui-ci.

Autres bonnes raisons en faveur du secret. — L’avidité du public dans les procès de viol, d’inceste, d’insultes lascives, prouve que les détails honteux, les révélations scandaleuses excitent plus de curiosité que de répugnance, — qu’à part ce coupable intérêt, le public n’en a aucun à voir déchirer le voile qui couvre des désordres dont la notoriété fait le plus grand mal. Une femme bien née aimera mieux souffrir que de divulguer ses peines à toute une ville, à tout un pays ; la publicité est donc envers elle un déni indirect de justice. L’Angleterre a trois grandes écoles d’immoralité : ses élections, son théâtre et sa justice. En Canada même, il n’y a un public au palais que dans les procès obscènes. Je conviens, du reste, que la justice publique est la seule qui soit au niveau moral d’un peuple chez qui un mari joué demande des dommages et intérêts !

Vous n’avez pas avancé que Rome fût la terre des faux sermons ; je vous devance en disant que l’Angleterre est la terre classique du parjure. Jérémie Bentham dit qu’un Anglais jure vingt-quatre fois le jour. Il mentionne les sermons de douane, les sermens universitaires et académiques, le serment d’allégeance. On voit des membres du parlement jurer qu’ils sont qualifiés sans l’être en effet. Blackstone nous parle du misericordious perjury, au moyen duquel un jury fait acquitter un coupable. À l’occasion du débat entre MM.  Nelson et Papineau, nous avons vu autant d’affidavits d’un côté que de l’autre, et cependant la vérité n’a pu être des deux côtés à la fois !

Et ce procès par jury, qu’en dirons-nous ? — Voici ce qu’en disait, en 1789, Garat aîné :

« Je suis maintenant M. Duport dans les développements particuliers des motifs qui, selon lui, pour une meilleure administration de la justice, nécessitent l’institution de ses jurés.

« Tout jugement, dit M. Duport, se forme de deux opérations de l’esprit : d’abord, de la détermination du fait litigieux ; et ensuite, de l’application de la loi à ce fait, préalablement déterminé.

« Bientôt M. Duport lui-même le formera de trois opérations de l’esprit. Cependant, comme il m’est facile de concevoir que deux propositions, liées entre elles par des rapports intimes, peuvent aisément se réduire à une seule, je conviendrai ici avec M. Duport qu’un jugement peut aussi se former des deux opérations de l’esprit qu’il retrace.

« Mais pourquoi ne pas charger dans cet ordre successif les mêmes hommes de loi des deux opérations, lorsque, sous peine de les livrer à l’arbitraire de l’esprit, c’est aux principes positifs de la loi qu’il appartient de les régler l’une et l’autre ? Pourquoi, dans les jugemens des tribunaux, vouloir séparer ces deux opérations de l’esprit et les confier à deux hommes différens, lorsque, dans ces discussions privées des sociétés dont se forme le jugement suprême et presque toujours infaillible de l’opinion publique, l’esprit de l’homme se sent invinciblement entraîné à les réunir ? N’est-ce pas contrarier trop ouvertement la méthode de délibérer et de juger que la nature impose à l’esprit humain ?

« Quand j’ai déterminé un fait, ne l’ai-je pas déjà jugé ? et dans ma parole comme dans ma pensée, l’approbation ou le blâme de ce fait ne succèdent-ils pas, au moment même, à sa détermination ?

M. Duport compare ailleurs un jugement à un syllogisme. J’ai reconnu dans Beccaria la justesse de la comparaison ; je ne la contesterai pas à M. Duport.

« Mais coupa-t-on jamais un syllogisme en deux pour en faire déterminer les prémisses par des ignorans en logique, et tirer ensuite la conséquence par de bons logiciens ? Veuillez, je vous en conjure, vous charger seul de toute sa composition ; j’en aurai bien moins à craindre de ne pas le trouver exact dans toutes ses parties ; et vous verrez vous-même que quand vous en aurez d’abord déterminé la majeure, et ensuite la mineure, la conséquence aussitôt viendra d’elle-même se placer dans votre pensée et dans votre parole sans que vous puissiez la repousser ni de l’une ni de l’autre.

« Mais une erreur trop étrange qui échappe à M. Duport dans cette comparaison d’un jugement à un syllogisme, et par laquelle il prépare lui-même l’écroulement de tout son système des jurés, sans qu’on puisse concevoir aucun échafaudage qui le retienne, la voici : la majeure est le fait, la mineure est la loi, le jugement la conséquence.

« Et moi, de par un oncle professeur de philosophie, assez estimé dans sa province, qui, jadis, dans un beau latin moderne, me dicta les leçons de la logique du Port-Royal, j’ose hardiment répondre à M. Duport qu’un syllogisme, pour être bon, doit, premièrement, dans la majeure retracer une vérité générale avouée de tout le monde, et par conséquent la loi dans le syllogisme jugement ; car il n’y a de vérité vraiment avouée que la loi. Secondement, dans la mineure, déterminer le rapport particulier du sujet contentieux à la vérité générale, et par conséquent, dans le jugement syllogisme, le rapport de ce sujet, ou du fait contentieux à la loi, car il n’y a là d’autre vérité que celle que la loi détermine. Troisièmement, dans la conséquence, déclarer ce que la loi ordonne du sujet contentieux ; car là encore, ainsi que dans la majeure et dans la mineure, la loi seule est la vérité qui règle tout.

« Ainsi la loi influe sur toutes les parties du syllogisme jugement. C’est à sa lumière vive et pure qu’il appartient seule d’en éclairer toutes les parties, pour les conduire toutes vers la justice.

Comment pouvez-vous douc vouloir mêler dans la composition d’un tel syllogisme, des ignares et des non-lettrés en loi, c’est-à-dire vos jurés et vos jurys ? »

L’Angleterre, convenez-en, en est aujourd’hui avec son jury où on était la France quand elle n’avait guères d’autre moyen de preuve que l’enquête par tourbe. C’est pourquoi Carat s’exclamait : « Abrogerons-nous, pour adapter notre droit civil au jury anglais, ces lois qui, depuis l’immortel L’Hôpital, soumettent les faits en toutes matières importantes à la preuve par acte, et qui excluent la preuve testimoniale ?… Mais nos ancêtres avaient le procès par jurés !… Oui, lorsqu’ils n’avaient point de lois, et alors même, avec le choix de préférer à leur gré celui de l’épreuve du feu et de l’eau bouillante, et celui des combats en champ clos[4], envisagés l’un et l’autre comme un équivalent de celui des jurés. J’espère ici qu’au moins le nom du Chancelier de L’Hôpital en imposera à M. Duport. »

Laissez-moi encore vous édifier avec mes tableaux. C’est la cour d’équité anglaise qui est une belle caricature de l’auguste tribunal du Préteur Romain !… Écoutez Jérémie Bentham :

« Dans le cas où le possesseur de la preuve réelle est partie au procès, une espèce de remède lui est offert par une autre loi que la loi commune, une loi qu’aucune autre nation n’a le malheur de connaître, une loi qui porte le nom le plus spécieux et le plus trompeur, la loi d’équité.

« Si un plaideur est assez malheureux pour écouter la voix de la sirène, si un procureur est assez perfide pour lui en donner le conseil, il s’ouvre les portes de ce labyrinthe ; le voilà engagé dans les détours de cette région où les vexations arrivent de toutes parts avec leurs bottes de sept lieues, et où la justice se traîne à pas de tortue. Le demandeur file son bill contre le défendeur pour une découverte, — telle est la langue de cette contrée. Après un certain nombre de mois ou d’années, il apprend ce qu’il aurait pu apprendre dans un jour, dans un moment, si l’on avait suivi les premières règles du bon sens, il apprend que le défendeur n’a rien à découvrir ; le document dont il est en cherche n’existe point, ou s’il existe, il existe ailleurs, sur la terre ou dans la lune ; c’est à lui à le deviner. »

« Si, de son côté, le défendeur a besoin d’un document qui se trouve dans les mains du demandeur, croyez-vous qu’étant aux prises avec lui dans la même cour, il ait la faculté de l’obtenir par une sommation directe ?… Rien moins que cela ; il lui faut filer un contre-bill, recommencer un procès à part, doubler la dépense, engendrer une cause d’un autre, et lui donner une extension démesurée. Ce serpent prodigieux, aussi gros qu’un câble, ce boa qui avale tout à la fois un cerf, dont on voit la corne sortir par sa gueule, et qui reste immobile dans sa digestion, le cou enflé et distendu, est un assez juste emblème d’un procès commencé devant un tribunal ordinaire, qui est engouffré dans un autre procès devant la cour d’équité. »

Ne parlez donc plus, après cela, de la lenteur de la justice romaine !

Vous prétendez voir dans la procédure romaine quelque chose qui ressemble à l’incarcération préventive. Je trouve, moi, l’incarcération préventive même en Angleterre. En 1845, sur la foi du titre bien décevant d’un statut anglais, lord Brougham, associé étranger, venait dire, au sein de l’académie des sciences morales et politiques de Paris, que l’incarcération préventive était abolie en Angleterre. Quand il eut fini de parler, M. Troplong l’amena à dire que l’incarcération préventive n’était point abolie en Angleterre !

Vous dites que le droit français nouveau est hors de cause, parce qu’on s’occupe toujours de le réformer, tandis qu’à Rome on ne veut pas entendre parler de réformes. Citez-moi donc les réformes organiques qui ont été faites en France depuis douze ans, terme fatal que vous indiquez à la Papauté. Vous insinuez que Bonaparte est un prince amateur de réformes ; il n’est rien moins que cela. Il ne faut, pour s’en convaincre, que se rappeler ce qui a été fait après que le Siècle eut perdu son procès contre le redoutable évêque d’Orléans, les poursuites contre le pamphlet d’Aumale, la saisie de l’ouvrage inédit de M. de Broglie, et la violence qu’il a voulu faire à l’ouverture des tribunaux d’Orléans, en prétendant, contrairement à la loi, empêcher l’évêque d’être prié. Le clergé a, au contraire, assisté, mais les corps qui n’appartiennent point au barreau se sont alors abstenus par ordre du gouvernement.

« Nous nous sommes fait, dit le député David du Gers, une grande idée de la perfection de notre code civil ; mais sa rédaction pressée a laissé nécessairement beaucoup de taches. Ceux qui les relisent encore sont étonnés aujourd’hui des exposés et des discussions superficielles qui l’ont précédé. La compilation se faisait à une époque de transition opportune et après d’instructives expériences. Mais les innovations de détails que le code renferme ont presque toutes été malheureuses. Il ne faut ni exulter l’œuvre, ni la déprécier ; ce qui nous ôte d’ailleurs le droit de blâmer, c’est que nous sommes demeurés quarante ans sans y rien changer ou ajouter.

« Notre code s’est fait à une époque où la philosophie du droit n’avait pas fait les progrès qu’ont vus ces derniers temps, On ne lisait guères Cujas au xviiième siècle : on en eut encore moins le temps au commencement de celui-ci, et l’école historique n’a pas eu de peine à démontrer la futilité ou l’erreur de nos connaissances juridiques. »

Au demeurant, la cour romaine fait aussi bien de mûrir ses projets de lois comme faisaient L’Hôpital, Daguesseau, Pussort et Talon, et de s’en tenir à la maxime du droit romain : male facere et non facere, idem est, car on ne parvient pas toujours avec la célérité à contenter tout le monde. — Prenons le Canada pour exemple. M. le procureur-général Cartier vous refuse-t-il des lois ? Ne vous a-t-il pas donné, en trois clins d’yeux, deux codes de procédure et un code hypothécaire ? Cela vous a-t-il empêché de japper comme un carlin ?… Vous dites qu’ils sont mal digérés. Du Canada à la France, je veux bien admettre du plus ou du moins ; mais enfin la Revue de Législation et de Jurisprudence de Wollowski n’est pas aussi enthousiaste que vous des nouvelles lois françaises. « Un vice de nos législations, dit-elle, c’est d’être trop détaillistes. Si toute législation moderne est, nécessairement impuissante et vicieuse, démentie qu’elle est par des faits postérieurs, c’est surtout aux lois trop spéciales et sans principes que ce défaut est attribuable. Elles prévoient trop en voulant trop prévoir ; elles ne posent pas, elles évitent de poser les principes, contentes de tout plier à des dispositions impératives. Quand il faut dépouiller le principe inédit d’une disposition spéciale pour décider les cas non prévus, on sort presque toujours incertain de cette recherche, de cette fouille difficile. Comment croire que les lacunes ne se multiplieront pas, si aucun principe générateur n’est mis au jour ? Le principe caché crée une première confusion ; les faits que la loi n’a point prévus la complètent. » Le comte de Volney a aussi dit : « Les auteurs des lois en ayant tantôt méconnu et tantôt dissimulé le but ; et leurs ministres, au lieu de contenir la cupidité d’autrui, s’étant livrés à la leur propre, toutes ces causes ont jeté dans les sociétés le trouble et le désordre ; et le vice des lois, et l’injustice des gouvernemens, dérivés de la cupidité et de l’ignorance, sont devenus les mobiles des malheurs des peuples. »

Vous dites que le cardinal Altieri ne peut pas se contrôler lui-même. Moi, je dis que le cardinal Altieri peut se contrôler lui-même, si lord John Russell veut seulement prêter à la cour de Rome un bout quelconque de chiffon constitutionnel ! En Angleterre, l’ignorance de droit n’excuse pas plus qu’ailleurs, et cependant les lois sont en vigueur sans promulgation ; le légiste anglais Wood ne nous dit-il pas que c’est parce que c’est le peuple lui-même qui fait la loi, et qu’ainsi il n’a pas besoin de se faire connaître sa loi ? Ainsi ce sont les Canadiens qui s’imposent une loi coercitive d’éducation ! Il est bien vrai qu’on a vu des paroisses s’insurger contre cette loi, mais il faut croire apparemment qu’elles s’insurgeaient des pieds et des mains, mais que les cerveaux consentaient, puisque ainsi le veut la constitution anglaise ! Quand un citoyen est poursuivi pour cotisations municipales, c’est lui-même qui se poursuit, puisque la poursuite est intentée par le maire, les échevins et les citoyens. À la veille des élections, on voit des centaines de citoyens qui ne veulent, qui ne peuvent pas payer, s’intenter ainsi des poursuites à eux-mêmes pour être contraints de payer ! Dieu ! que c’est beau, que c’est beau cette constitution anglaise ! Vous fait-elle un peu mentir le bon sens et le droit romain quand ils disent : ubi non potest cadere veritas, ibi non cadit fictio.

Encore une fois, vous ne voulez point que le cardinal Altieri puisse se contrôler lui-même, et vous prétendez, vous, cumuler les qualités de demandeur et de défendeur ! car vous dites, dans votre feuille de jeudi, que vous ne serez pas si sot que de communiquer d’avance à la Minerve les moyens de défense que vous aurez devant les tribunaux. Eh ! vous n’aurez point à vous défendre, puisque vous poursuivez : vous êtes actor. Et souvenez-vous que, selon le droit romain et le droit pontifical au moins, melior est conditio rei quam actoris.

Le bon sens et le droit romain disent : nemo in propria causa judicat. Les municipalités jugent pourtant dans leur propre cause. Vous me direz : les citoyens doivent être contents des sentences, puisqu’ils se jugent eux-mêmes. Et comment se fait-il alors que les gens de Québec soient toujours aux prises avec leur municipalités ? J’y perds mon latin.

Vous avez cité des passages du Courrier du Canada et du Canadien, en nous disant que, si vous aviez vous-même reproduit du tels extraits, ou vous aurait traité de voltairien. (vous avez donc bien honte de M. de Voltaire !) Ce n’est point là pour moi ce qui ressort de plus saillant de cette circonstance : j’en conclus que la rédaction de ces feuilles n’avait point, comme vous, de parti pris de ne donner qu’un côté de la question. Vous venez de reproduire la lettre du ministre Rouland à l’évêque de Nîmes ; mais vos lecteurs n’ont pas vu celle de ce prélat.

Et, moi-même, je me suis servi, dès ma première lettre, des expressions abus réels ou prétendus, innocent ou coupable, parce que dans ma philosophie éclectique je ne suis point fanatique comme vous l’êtes, vous, dans votre philosophie cynique.

Vous avez voulu vous rectifier au sujet de Mgr Liverani, et on vous a dit que vous alliez de pire en do ; vous êtes donc, en effet, bien à portée de tout connaître de votre ruelle Sainte-Thérèse !

Ne vous êtes-vous point présumé aussi de vous attaquer à la réputation du cardinal Antonelli, ce fléau des diplomates bonapartistes, qui, selon vous, ne songe qu’à amasser pour lui et les siens ?… Je vais vous démontrer que ce n’était nullement à vous qu’il seyait de vous attaquer à si forte partie.

Quand M. Viger était premier ministre, que M. B. Papineau était chef de département, que l’honorable Louis-Joseph Papineau, qui a eu l’infortune d’attirer sur les chaumes de son pays le plus grand des malheurs, l’union des Canadas[5], était soldé, tandis que ses adhérens avaient été pendus ; que M. A. Papineau était nommé protonotaire, et qu’on essayait enfin d’improviser au collège McGill une chaire de botanique pour M. Papineau, médecin, tout cela de par la politique, pourriez-vous m’indiquer une feuille du temps où vous auriez publié un protêt quelconque contre les oligarques ?

Quant au cardinal Antonelli, je pense bien qu’il n’a peint, à l’anglaise, femme et enfans, et que dans la grave occurrence de la ruine de la Papauté, s’il ne doit pas succomber sous un deuxième assassinat, il saura faire un plus noble usage des fonds dont vous parlez que vous ne feriez du produit de la vente de vos chaux, si vous n’étiez point déjà en déconfiture.

Vous avez été maire de votre ville natale. Comme tel, vous êtes accusateur, il est vrai, devant le tribunal de votre souveraine, mais vous êtes accusé devant le tribunal bien autrement influent et redoutable de l’opinion publique.

Je suis bien aise d’avoir fait votre rencontre, et que vous ayez répondu à une lettre ferme mais polie par des sarcasmes de mauvais aloi. En 1853, un commissaire d’écoles était devenu le bijou de nos ultra-démocrates, parce qu’il s’était fait suisse ; je combattis pour la bonne cause, et non-seulement je reçus des félicitations de plusieurs parties du pays, et de feu l’honorable D. B. Viger en particulier ; mais quand je me présentai au lever du Nonce Apostolique, le cardinal Cajetan Bedini aujourd’hui, je fus accablé de complimens par un prélat éminent entre ceux qui fesaient cour à Son Excellence. Il n’est sans doute pas malaisé d’opter entre de pareilles approbations et celles d’hommes pour qui les Garibaldi, les Gavazzi sont des oracles. Burinez, si vous l’osez, leur apothéose sur le socle, mais laissez-nous en paix. Je me tairai aussi, moi, mais quand j’aurai tout dit !

Je suis plus que jamais déterminé à résister aux obsessions de démocrates fanatisés, dont j’irai dérouler le portrait parmi les peintures de Paul de Kock, qui, dans ce petit tableau de Paris qu’il a si singulièrement intitulé Chipolata, met en scène un personnage qui « n’aime que la république, vante les vertus de ce bon monsieur de Robespierre, assure que la France était parfaitement heureuse sous la terreur, ne parle que de liberté, ne demande que des libertés, et s’emporte, se met en fureur, voudrait écraser tous ceux qui ne sont pas de son avis, toujours par suite de son ardent amour de la liberté, — sentiment qui, chez la plupart de nos plus fougueux réformateurs, peut se traduire par ces mots : Je veux que le monde ait la liberté de faire tout ce que je voudrai ! »

Sans doute, nos romans modernes sont des mauvais livres, mais ils renferment cependant un grand enseignement : il n’en est pas un où on ne voie combien les peuples qui se disent les plus avancés sont intolérablement mal gouvernés. Et l’on parle cependant de réformer les autres ! Que les Napoléon III, les Palmerston, les John Russel commencent donc par faire répondre quelque chose de sensé aux sarcasmes des Cobbett et des Cormenin, des Trollope et des Martinet (dans Platon-Polichinelle), des Souvestre et des Paul de Kock !

Il ne redoute pas la discussion ce gouvernement de France, qui fait insulter les Bourbons par Plon-Plon, et qui ne veut pas que les Bourbons répondent !…[6] il ne redoute pas la critique, ce gouvernement qui saisit un écrit inédit sur le gouvernement en France !

Et savez-vous ce que pense de la constitution anglaise la Revue de Wollowski ?

« Aucune constitution ne fait une aussi grande part à la propriété que la constitution anglaise. Elle est parfaite si la concentration du sol dans un petit nombre de mains, et son immutabilité, sont des faits naturels ou indifférens. Mais si la fin de la société n’est pas là, — s’il y a dans l’état quelqu’autre intérêt que celui des propriétaires, — si le citoyen a des droits par cela même qu’il est homme, la constitution anglaise est une chimère ! »

Le droit de propriété est sacré, mais celui de vivre l’est encore plus, disaient les évêques d’Irlande à Sir Robert Peel.

Eh ! pourquoi donc, vous dont les Irlandais supportent le parti politique, n’avez-vous pas demandé dans votre journal qu’on rendît aux enfans d’Erin leurs lois bréhonnes, et qu’ils ne fussent plus assujettis à payer la dîme à l’église anglicane, leur persécutrice ?

A-t-elle été audible à votre oreille la voix du général Foy, qui clamait[7] dans la tribune française :

« Voyez-la (Albion) soutenir, avec une chaleur égale, les causes justes et celles qui ne le sont pas. Dirigeant aujourd’hui la ligue des rois contre les peuples, elle sera demain auxiliaire des peuples contre les rois. Là, elle accélérera le développement de l’esprit humain ; ailleurs, elle armera la colère aveugle du sauvage contre le travail de l’homme civilisé. Le même trésor paiera l’assassinat de Paul Ier, et versera des secours sur les incendiés de Moscou. La même torche embrasera les flottes déprédatrices d’Alger et les édifices sacrés de Washington ! »

Ah ! oui, Albion souffle tant de maux sur le continent, que je ne puis me défendre de lire sans douleur cette jointure qu’Émile Souvestre fait de sa ruine :

« Jusqu’alors, dit-il, une aristocratie chaudement vêtue de laine fine, nourrie de rosbif et de xérès, et également instruite dans la science du gouvernement et du boxing, avait tenu sous ses pieds la foule atrophiée par l’air des machines, les pommes de terre et le gin. Elle avait laissé les dernières lueurs d’en-haut s’éteindre dans les âmes. Quand on l’avait avertie que celles-là aussi étaient filles de Dieu, qu’il fallait leur faire place au soleil des hommes, et non les rejeter au rang des brutes, elle avait dit : À quoi bon ? la brute travaille avec plus de patience ! Mais un jour cette patience s’était lassée, la douleur avait tenu lieu de courage, la brute s’était changée en bête féroce, et se jetant contre les maîtres, les avait égorgés. Cette première violence accomplie, la colère des misérables avait passé sur l’Angleterre comme une trombe. Que pouvaient-ils conserver, eux qui n’avaient jamais rien possédé ? la propriété était leur ennemie. Pendant des siècles ils lui avaient obéi. Hommes, ils avaient été les esclaves des choses ; les choses furent brisées, anéanties. Tout périt dans cette première furie de destruction. Palais cimentés avec leurs sueurs, manufactures où ils languissaient prisonniers, machines dont les mains d’acier leur avaient arraché bouchée à bouchée le pain de famille, vaisseaux où les embarquait la violence et où les retenait la peur, ports, villes, arsenaux, monumens d’une gloire toujours payée avec leurs larmes. Oh ! que de cris de joie sur ces monceaux de débris et de cendre. Ces richesses, cette puissance, cette gloire, comme dans l’antique Carthage, c’étaient autant d’anneaux de leur chaîne brisés par la vengeance. Avaient-ils donc un drapeau, eux qui n’avaient point de droits ?… Étaient-ils un peuple, eux qui n’étaient pas des hommes ? »

« Tout le monde sait, dit aussi Donoso Cortès, comment le parlementarisme meurt. Il meurt quand un homme se présente qui a tout ce qui manque au parlementarisme, — qui sait affirmer et nier, qui affirme et nie constamment la même chose[8] ; il meurt quand la multitude, à l’heure marquée par la providence, demande, avec des rugissemens, sa part au festin parlementaire. »

Et quand tout sera fini, si j’en crois le protestant Macaulay, la Papauté subsistera encore !

Je me réjouis également de la détraque de la grande république constellée ; cela venge l’insulte nationale faite à Mgr Bedini, ambassadeur, et les sympathies trop marquées pour les cyniques Garibaldiens d’Italie.

Je suis, Monsieur,
Votre très humble serviteur.
Bibaud

On ne peut que rire de M. de la Guéronniére, qui suggère d’établir dans les États Romains une administration légale et régulière, comme s’il s’agissait d’une horde sauvage de Cafres, ou d’une tribu des Bédouins. » — Civilta Catholica.




« Où a-t-on vu les tyrans qui ont été le fléau des peuples, qui ont regardé leurs sujets comme un troupeau d’esclaves ? Est-ce à Rome, ou ailleurs ? Dans quel autre état y a-t-il eu plus de douceur dans les lois, plus de droiture dans l’administration de la justice, plus de privilèges accordés aux sciences, plus de protection assurée aux arts ? » — Le Piémontais Solar de la Marguerite.




« La justice criminelle n’est pas administrée dans les États Pontificaux autrement que chez les peuples les plus cultivés et les plus libres de l’Europe. Elle est administrée comme la justice civile, avec cette différence que les tribunaux de la Rote et de la Signature sont remplacés par la Sacrée Consulte. La procédure est un composé de procès écrit et des témoignages oraux qui sont répétés devant les tribunaux, et la législation criminelle consiste principalement dans un règlement et un code sur les délits et les peines. Ce règlement, bien loin de pécher par l’excès de la sévérité, est accusé d’une trop grande indulgence, soit qu’on l’étudie en lui-même, soit qu’on le considère relativement à l’inculpé, parce qu’il demande trop de conditions pour qu’il puisse être prononcé une sentence de condamnation. » — Victoires de l’Église pendant les dix premières années de Pie IX.




« Le tribunal de la Rote est la meilleure et la plus respectée des antiques institutions de Rome ; de légers changemens la rendraient le premier tribunal de l’Europe. La procédure de ce tribunal est excellente, et peut servir de modèle partout où on ne veut pas réduire l’administration de la justice simplement à l’art de finir les procès. » — Léopold Galeotti.




« On a souvent cité les imperfections du système judiciaire romain. Je l’ai étudié de près, et n’ai pu parvenir à y découvrir le moindre sujet de plainte. Le plus grand nombre des affaires civiles importantes sont jugées par le tribunal de la Rote. Or, en dépit de la licence habituelle de la critique italienne, personne n’a osé exprimer le moindre doute sur la science profonde et la haute intégrité de ce tribunal. En définitive, la justice civile est bien administrée. Je ne connais pas un seul jugement dont la stricte équité ne soit de nature à être reconnue par le meilleur tribunal de l’Europe.

« La justice criminelle est administrée d’une manière également inattaquable. J’ai suivi quelques procès dans tous leurs détails. J’ai été forcé de reconnaître que toutes les précautions nécessaires pour la vérification des faits, toutes les garanties pour la libre défense de l’accusé, y compris la publication des débats, y ont été observées. » — M. de Rayneval.




« Les ennemis du pouvoir temporel font semblant de croire, et ils disent bien haut, qu’il n’y a pas dans les États Romains une législation appropriée aux besoins du siècle, et ils proposent d’y introduire un code calqué sur le Code Napoléon. Ceux qui savent que ce Code Napoléon, dans tout ce qu’il renferme de vraie et sage jurisprudence, n’est en substance que le droit romain, devront trouver cette demande pour le moins ridicule.

D’un autre côté, ceux qui connaissent que ce Code Napoléon, en concentrant dans les mains du gouvernement tous les pouvoirs domestiques, civils et religieux, blesse les droits les plus légitimes de la famille, de la municipalité et de l’Église, ne peuvent que repousser une telle exigence comme absolument contraire aux intérêts de toute société chrétienne. Ainsi, d’après ce Code Napoléon, un père n’aurait pas la liberté de faire donner à ses enfans telle éducation qu’il lui plaira. Une municipalité se trouve si rigoureusement sous la main du gouvernement, qu’elle n’a pas le droit de se choisir un maire. Un évêque est tellement gêné dans ses fonctions, qu’il ne peut bâtir une église sans y être autorisé par un ministre d’état. Telle est la liberté dont on jouit en France sous le Code Napoléon, que l’on voudrait imposer aux États Pontificaux comme un chef-d’œuvre de législation. » — Mgr  de Montréal.




« On peut juger à quel degré sont aveugles ou niais ces hommes d’état étrangers qui pensent que tout dans les États Romains serait restauré et affermi, si on y introduisait le code français. D’abord, les dispositions de ce code, qu’on voudrait faire partager à tout le monde, n’existent-elles pas en France depuis 1789 ? Eh bien ! qu’y ont-elles restauré ou affermi ? Ont-elles, par hasard, empêché ce grand pays de voir quatre ou cinq dynasties s’établir l’une sur les ruines de l’autre ? de subir une douzaine de révolutions et de coups d’état, et de craindre toujours que celui de 1851 ne soit pas le dernier ?… Comment donc ce code serait-il propre à produire Rome les prodiges qu’il est impuissant à produire en France ? » — Le Père Ventura.




« Lorsque Ferdinand IV fut replacé sur le trône de Naples, en 1815, il maintint les institutions françaises et le Code Napoléon, qui n’a jamais cessé d’être en vigueur dans les états napolitains. Il supprima la marque et l’exposition longtemps avant qu’elles eussent disparu de notre code pénal ; les formes de la justice sont donc les mêmes à Naples qu’à Paris ; les audiences des cours et des tribunaux y sont publiques, et les accusés n’ont jamais à subir de peines corporelles, non plus que les condamnés.

« L’institution du jury n’a pas été introduite dans le royaume des Deux-Siciles. La justice est rendue par des juges qui peuvent être changés de résidence, mais qui sont inamovibles dans leurs fonctions.

« La confiscation n’existe point dans les lois napolitaines ; il n’en a jamais été prononcé aucune.

« Le nombre des condamnations politiques a été considérable après les événemens de 1848, mais le nombre des grâces a été dans la proportion des deux-dixièmes. Le due de Serra-di-Falco, qui présidait le sénat sicilien, et qui fut le chef de la députation envoyée pour offrir la couronne au duc de Gênes, est aujourd’hui à Naples en pleine liberté.

« Il n’y a pas eu, à la suite des événemens de 1848 et 1849, une seule exécution à mort.

« En 1849, c’est-à-dire l’année même où se jugeait à Naples le procès de l’Unita Italiana, qui ne fut pas suivi d’une seule exécution capitale, il y eut à Céphalonie, dans les Îles Ioniennes, où l’Angleterre n’exerce que la souveraineté du protectorat, un mouvement tenté par quelques partisans de l’indépendance nationale. Un mois après, l’Europe apprenait que cent quatre-vingt insurgés avaient été battus de verges sur la place publique, et que vingt-et-un avaient été mis à mort. De plus, le village où l’insurrection avait pris naissance fut démoli de fond en comble, et ses habitant reçurent l’ordre d’en transporter les matériaux à la distance de trois milles pour y établir leurs demeures. » — Le baron Juchereau d’Harvey.




« Les sujets du Pape, malgré ce qui leur manque en perfection sociale, (et quels sont ceux à qui il ne manque rien ?) ne sont pas les Nègres de la Catholicité, comme le disait un journal avec une insultante audace ; ils ont la vie à bon marché, une existence municipale qui quoique amoindrie par le fait même de la révolution française, ferait envie à d’autres nations : une instruction primaire de toutes parts répandue ; ils ne paient que de légers impôts, et n’ont jamais été pressurés. Le sujet du Pape, on ne devrait pas l’ignorer, a bien réellement une patrie qu’il aime et qu’il a raison d’aimer, car la misère ne l’oblige jamais de s’expatrier. Ce sont les siècles catholiques qui lui ont fait cette patrie. Il vit a l’ombre de Rome, à l’ombre de dix-huit siècles de gloire. » — Poujoulat.




« Un des griefs allégués contre le gouvernement pontifical serait la mauvaise administration des deniers publics. À la vérité, l’on n’a point encore adopté à Rome, le système des nouveaux économistes, qui prétendent que plus un gouvernement est endetté, et plus les finances sont florissantes ; et que les sujets sont d’autant plus heureux qu’ils paient plus d’impôts.

« Au contraire, l’on y est persuadé que les institutions financières y sont d’autant meilleures, que l’on parvient à avoir, au bout d’une année, un excédent de recettes, sans avoir augmenté d’un centime ni les impôts ni la dette publique. Là, on applaudit à l’habileté de l’homme honnête qui se trouve à la tête des finances, quand il obtient ce résultat.

« Or, ce résultat s’obtient presque toujours, parce que, d’abord, dans la Consulte d’État, élue par le peuple afin que les intérêts de tous y soient représentés, les comptes sont très exactement rendus ; parce qu’ensuite ou connaît les moyens à prendre pour découvrir les fraudes ; et, enfin, parce que le chiffre des sommes dépensées pour les frais de perception et d’administration ne s’élevant pas au-dessus de 1400, il demeure évident que ces frais sont minimes. Pour en donner la preuve, nous citerons la Civilta Cattolica (numéro du 5 mars 1859) :

« Une autre preuve que l’administration financière est non-seulement régulière, mais prospère, est l’accroissement continu, pendant les huit dernières années, des produits de la douane. Nous disons les huit dernières années ; il faut en excepter l’année 1857, où les causes, connues de tout le monde, qui amenèrent un résultat semblable dans toute l’Europe, produisirent une légère diminution. En 1858, l’augmentation a reparu, et il est déjà constaté que le mois de janvier 1859 donne près de cinquante mille écus romains de plus que le mois de janvier de l’année précédente. On conçoit après cela qu’on se contente des méthodes en usage pour le recouvrement de l’impôt, et qu’on ne sente pas vivement la nécessité d’emprunter les méthodes nouvelles. Nous ne savons pas si jamais chose pareille s’est vue aux parlemens de Turin, de Madrid ou de Bruxelles. »

« Nous ajoutons, pour mieux faire connaître l’économie du gouvernement pontifical, que la liste civile ne se monte qu’à un million six cent mille écus romains.

« Nous croyons encore devoir faire observer que les officiers publics laïques reçoivent en appointemens la somme de 1,499,748 écus romains, tandis que les officiers ecclésiastiques ne reçoivent que 124,255 écus. En résumé, les ecclésiastiques ont à peine une charge sur 53, et ils ne touchent guères qu’un écu romain sur 114. »[9]Mgr Bourget.




« Le royaume des Deux-Siciles est celui de tous les états de l’Europe où les finances sont administrées avec le plus d’économie. Son budget n’est que de 140 millions pour une population de 9,200,000 habitans ; c’est-à-dire qu’avec une population double de celle des états sardes, il égale à peine le budget de ce dernier royaume, qui atteint le chiffre de 142 millions. La moyenne de l’impôt, qui est en France de 54 francs par tête, ne dépasse jamais 15 francs. » — Le baron Juchereau d’Harvey.




« Une nomination qui a produit une certaine sensation dans le public, a été celle du cardinal Altieri à la présidence de la consulte des finances, en remplacement du cardinal Savelli. Ce cardinal, Corse de naissance, cédant à on ne sait quelle fâcheuse influence, s’est mis à critiquer, devant le Saint-Père, en présence des membres de la consulte, qui le désapprouvaient, les opérations de plusieurs ministres, entre autres du ministre des finances, Mgr Ferrari. Le Saint-Père lui répondit, avec bonté, que ses observations ne reposaient sur aucunes raisons sérieuses, et que dans des temps aussi bouleversés et aussi difficiles que ceux dans lesquels nous vivons, il n’était guères possible de marcher toujours régulièrement, puisque les événemens imprévus venaient déranger les plans les mieux combinés. Le lendemain, le Souverain-Pontife, accédant à la demande que le cardinal lui en avait faite plusieurs fois, le déchargea, par une lettre des plus gracieuses, de ses fonctions de président de la consulte.

« Les journaux révolutionnaires n’ont eu garde de laisser passer cette démission sans se livrer à une foule de commentaires on ne peut plus désavantageux au gouvernement de Rome. Ils ont prétendu que le désordre financier était à son comble, et que les recettes et les dépenses n’étaient soumises à aucun contrôle. Les faits protestent de la manière la plus énergique contre de telles assertions. Ainsi, il est une règle infaillible pour juger des finances d’un État ; c’est de considérer le taux auquel il contracte ses emprunts. On sait que les intérêts sont timides et prudents, et que les capitalistes n’avancent point leur argent à la légère.

« Durant l’année qui touche a sa fin, presque tous les États d’Europe, grands comme petits, ont été obligés de recourir à l’emprunt pour faire face aux dépenses extraordinaires occasionnées par les événemens qui se sont accomplis. Or, partout, même en France, l’emprunt a fait baisser la rente, et le taux a été fixé au-dessous du cours de la Bourse. À Rome, au contraire, non-seulement la rente n’a pas éprouvé de mouvement de recul, mais encore l’aliénation des consolidés s’est faite à un taux supérieur au cours de la Bourse. Ainsi, tandis que les cours flottaient entre 83 et 84, deux maisons de banque ont pris les consolidés à 89. N’est-ce pas là la preuve la plus péremptoire de la bonne administration des finances romaines, et de la pleine et entière confiance que les capitalistes ont dans la solvabilité du gouvernement ? » — Correspondance Canadienne de Rome.




« Où a-t-on exigé moins de tributs qu’à Rome ? Où a-t-on plus largement ouvert l’entrée aux fonctions publiques sans distinction de riches et de pauvres, de nobles et d’hommes du peuple ? Il fallait en vérité qu’il surgît un auteur anonyme (La Guéronnière) pour rappeler les papes à la sagesse dans le gouvernement. » — Le comte Solar de la Marguerite.

« despotisme papal. — J’ai lu, la semaine dernière, dans divers journaux, que les États Pontificaux sont les plus mal gouvernés de l’Europe. J’ai lu souvent cette accusation. Je ne suis pas bien au fait de la nature précise et de l’étendue de ce despotisme. Les rédacteurs qui nous offrent généreusement leurs lumières, ne descendent pas aux particularités vulgaires. Cependant, un honnête homme devrait avoir la permission de faire quelques questions.

« En quoi consiste ce despotisme papal ? Est-ce dans l’occupation des charges publiques par le clergé ? Depuis bon nombre d’années, le nombre d’ecclésiastiques qui ont tenu des charges a été proportionnellement plus petit que dans quelques États de cette Union, et leurs salaires ont été en proportion moins élevés que ceux des employés séculiers.

« Est-ce dans les dépenses du gouvernement ?… C’est un des gouvernemens les plus économiques de l’Europe. Le salaire des premiers officiers de l’état n’excède pas 3000 piastres par année, et le coût total de la liste civile n’excède pas 600,000 piastres.

« Le peuple romain est-il accablé de taxes ?… Les taxes à Rome sont de beaucoup moins élevées qu’en Angleterre, en France et aux États-Unis.

« Le peuple romain est-il privé des bienfaits de l’éducation ?… Les États Pontificaux, avec une population de moins de trois millions d’hommes, possèdent sept universités, et la ville de Rome possède plus d’écoles publiques libres que New-York, en proportion de sa population, et, ce qui est encore mieux, une plus grande proportion d’enfans les fréquente.

« On n’a peut-être pas soin des pauvres et des malheureux ?… Il y a plus d’hôpitaux libres pour les malades, les pauvres, les vieillards, les malheureux de toute classe, à Rome, en proportion de la population, et ils sont mieux tenus qu’en aucune autre cité du monde. On ne demande pas à Rome à un homme quelle est son origine ou sa croyance.

« La mauvaise administration a peut-être réduit le peuple au paupérisme ?… La Hollande, la France et d’autres pays civilisés ont de trois à dix fois plus de paupérisme, en raison de leur population. Le gouvernement est une monarchie élective. Il a une constitution libérale, peu de taxes, peu de paupérisme, une administration économique, une éducation libre à bon marché pour toutes les classes, et de nombreuses institutions de charité pour l’indigence et la misère. J’ose affirmer que la seule ville de New-York paie plus de taxes, est plus pillée par des fonctionnaires malhonnêtes, supporte plus de pauvres, compte plus d’enfans ignorant, tolère plus de vicieux et d’ivrognes, de canaille, et enregistre plus de crimes tous les ans, que les États de l’Église, qui comptent trois millions d’hommes. » — Bayard Taylor, philosophe protestant américain.




« Je pourrais, comme on l’a fait non sans justice, contester la mesure des vices du gouvernement papal.

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« Quant au fond même des réformes à apporter dans le gouvernement romain, je n’ai garde d’examiner avec détail lesquelles sont nécessaires et possibles ; pour avoir, sur de telles questions, un avis sérieux, il faut voir les choses de plus près. » — Guizot.




« M. de la Guéronnière prétend que le gouvernement pontifical ne donne pas la liberté de discussion, parce qu’il est gouverné par l’autorité catholique et par le droit canon.

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« Il est vrai que dans ce gouvernement, on ne met pas en délibéré si on permettra l’usure, qui ruine les peuples, si on établira des dépôts de mendicité pour cacher la plaie hideuse du paupérisme, si on donnera des patentes aux filles de mauvaise vie, si on établira des tribunaux de divorce pour dissoudre des six cents mariages par an. Il est également vrai que là, la loi n’est pas athée, comme on osait le proclamer en France, dans la chambre des députés, en 1830. Mais on admet, tout au contraire, comme règles invariables, toutes les lois divines et les vérités révélées de Dieu, et on les applique pour le bonheur du genre humain.

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« Il y a à Rome des commissions qui sont comme des chambres de représentans, chargées d’examiner soigneusement les lois municipales et administratives, de régler les impôts et autres points qui intéressent le bien des sujets. Dans ces assemblées, l’on ne manque pas d’aviser aux meilleurs moyens de rendre les populations vraiment heureuses. L’on y écoute les plaintes des intéressés ; et si elles sont fondées, on ne manque pas d’y faire justice.

« À la vérité, ces consulteurs ne sont pas nommés par le peuple ; mais à la place, ils sont choisis avec soin et tirés des diverses municipalités qui se trouvent formées par quelque collège électoral. Ainsi choisis, ils n’en sont que mieux qualifiés pour procurer le bien public, parce qu’ils sont indépendans de la faveur populaire.

« D’ailleurs, lorsque l’on fait une sérieuse attention à tout ce qui se passe dans les élections, à la vénalité qui y est à l’ordre du jour, aux excès qui s’y commettent, aux intempérances qui les souillent, aux faux sermens qui s’y prêtent, aux médisances ou calomnies qui s’y disent, personne n’envie pour les populations romaines, qui d’ailleurs n’y sont guères préparées, ce genre de gouvernement. Aussi, il ne manque pas de bons publicistes qui ne sont plus du tout engoués du système d’élection pour toutes espèces de choses, parce qu’une triste expérience leur a appris que ces élections déchaînent partout les plus violentes passions. » — Mgr Bourget.




« Le clergé anglican, dit l’évêque Blomfield, doit avant tout se vouer à l’œuvre des missions. Le peuple a besoin d’être instruit des fondemens du christianisme ; mais auparavant, il faut lui apprendre l’existence de ce christianisme. Les obstacles que rencontreront les pasteurs seront plus grands sous certains rapports que ceux d’un missionnaire envoyé chez les peuples sauvages. »

« Nos populeuses cités, disait le docteur Pusey, — nos ports nos mines, nos fabriques, sont plongés dans une immense désolation ; sauf la suspension de la peine, ce sont les types de l’enfer. »

« L’ignorance des classes pauvres de la métropole, disait le cardinal Wiseman, c’est la honteuse et brutale ignorance du vice et de la dépravation. »

M. Henry Mayhen écrivait en 1859 : « En dépit de nos écoles, des chapelains, des prisons et du système raffiné qui y règne, en dépit de l’innombrable armée de police, notre population criminelle se multiplie comme les champignons dans une atmosphère fétide. »

Le même écrivain prouve, par des chiffres officiels, que, de 1821 à 1853, les délits ont augmenté de 20%, et dans les dix dernières années, de 80%.

« En 1856, 73,362 personnes ont été arrêtées à Londres, pour crime ; 22,929 femmes figurent sur cette liste. En 1849, 143,000 vagabonds ont été admis dans les maisons de travail.

« Nous ne parlerons pas, dit le Rambler de Londres, des meurtres atroces de maris et de femmes, de frères et de sœurs, commis la plupart par convoitise, c’est-à-dire pour obtenir le subside que certaines associations accordent aux survivans, quand il meurt quelques membres de la famille ; meurtres qui ont mérité à deux de nos comtés une triste célébrité : le surnom d’empoisonneurs. »

« Un officier public de Leeds déclare qu’il est convaincu que, dans son district, il ne se commet pas moins de trois cents infanticides par an.

« Le Morning Chronicle donnait, il y a peu de temps, la liste de vingt-deux procès exclusivement pour infanticide, reconnaissant que cette nomenclature ne formait que la moitié du nombre des délits de ce genre commis en 27 jours, et constatant la sympathie qui entoura l’acquittement d’une de ces mères dénaturées de la part des filles du pays.

à son tour, le Lancet dit : « Dans aucune capitale du continent nous avons vu le vice et la débauche dominer la société d’une manière aussi dégoûtante que dans notre métropole. Waterloo Road, le Quadrant, Hay Market, pour ne pas parler des théâtres, offrirent dans ces derniers tems, des scènes inconnues même dans les villes étrangères les plus dissolues ; outre 80,000 femmes vivant de la débauche, il nous en arrive des cargaisons de tous les points du continent, Londres étant considéré comme le plus beau marché. Enfin il y a à Londres plus de cinq mille mauvais lieux. »

« Et quant à Rome, laissons parler un Anglais, M. Maguire :

« En 1854, le nombre des prisonniers de l’État de l’Église, c’est-à-dire de ceux qui attendent leur sentences, ou se trouvaient sous la poursuite, ou subissaient leur peine, montait à 12,140. L’année suivante, il y eut moins de délits, en décembre 1855, le nombre des prisonniers était de 11,656. En 1856, la diminution fut plus sensible : 10,855 prisonniers. Maintenant, j’ai des raisons de croire que la diminution des délits a progressé en 1857, de sorte que, par le fait il ne doit guères se trouver plus de 9000 prisonniers ; que l’on n’oublie pas que le Pape ne possède ni Cayenne, ni Botany Bay, pour exporter les plus grands criminels ; il faut aussi remarquer que l’on punit à Rome ce qui passe inaperçu à Londres, la prostitution. » — Margotti.




« Tout dans les États de l’Église est laissé à l’abandon et sans culture. Aucune tentative n’est faite pour mettre en valeur les nombreuses ressources de ce sol fertile. La malédiction de l’immobilité est jetée sur le développement tant moral que physique du pays » dit le Times du 27 juin 1857.

« Tout autour de Rome et dans tous les sens où peut s’étendre la bénédiction du Pape, le pays plat qui forme une étendue immense, est à la fois inculte, désert et malsain. Mais à mesure que l’on s’éloigne de Rome, loin des yeux du Pape, la culture grandit, et sur le versant de l’Atlantique, elle n’a plus guères de progrès à faire » écrit E. About.

« Deux mots, un pour l’Anglais ; un pour M. About.

« Où l’homme meurt-il de faim, est-ce à Rome, ou à Londres ? D’où l’homme émigre-t-il en masse pour éviter la famine, la misère et la mort, est-ce à Rome ou dans les États de S. M. B. ?

« La campagne de Rome est malsaine. C’est vrai, et ce n’est pas nouveau. Pline en parle dans ses ouvrages. Elle est aussi déserte, parce qu’elle est malsaine ; mais elle n’est pas inculte.

« Quelques chiffres sur la quantité des terres cultivées, sur leurs rendemens, permettraient de juger de la valeur précise de toutes les clabauderies anglaise protestantes, rationalistes des ennemis de l’Église.

« Sur 4,169,900 hectares dont se compose le territoire de l’Église, 84,334 seulement sont stériles (nous avons encore en France plus de dix millions improductifs) ; 13,340 sont occupés par les routes, fleuves, canaux et étangs ; 4,072,320 sont en culture. On récolte annuellement 5,189,118 hectolitres de blé, 1 hectolitre 66 centilitres par habitant (la production en Belgique est de 4,307,835 hectolitres, un peu moins d’un hectolitre par habitant) ; 2,500,000 hectolitres de riz, une immense quantité de légumes ; la vigne emploie 828,532 hectares, rapportant annuellement 9,741,354 hectolitres de vin. Aussi, dans ce malheureux pays, le peuple boit-il du vin. Disons, pour prouver son obscurantisme, que, malgré l’abondance du vin et son bas prix, l’ouvrier ne s’enivre pas. Ici nous reconnaissons l’immense supériorité de Londres sur Rome.

« 96,101 hectares, plantés d’environ 10,400 oliviers, produisant 204,000 hectolitres d’huile. L’État Romain nourrit 4,257,468 têtes de bétail, 136 têtes pour cent habitans (on comptait en 1843 2,787,318 têtes de bétail en Belgique, soit 64 pour cent habitans) ; ces troupeaux versent annuellement sur les marchés romains 54,324,786 kilogrammes de viande, 33 kilogramme environ par tête (en Belgique chaque habitant ne consomme en moyenne que neuf kilogrammes). Le gibier et la volaille fournissent annuellement au marché de Rome 1,238,053 kilogrammes de viande ; la marée, 1,250,910 kilogrammes de poisson. En somme, le pain, d’excellente qualité et en abondance, le vin, boisson du peuple, la viande nourriture de tout le monde. Vie à bas prix, telle est la condition matérielle du peuple Romain. Nous voudrions pouvoir en dire autant des six millions d’Irlandais et des cinq millions d’ouvriers anglais sujet de S. M. B.

« Il est vrai que le peuple Romain ne possède pas une tribune dont la mission est d’incendier l’Europe, une presse sans frein s’arrogeant le droit de tout insulter, de tout salir, de tout dénaturer. Il est vrai qu’il ignore l’income-tax, le work-house et mille autres petites découvertes, signes infaillible de progrès.

« Il existe à Rome 39 fabriques, (occupant 3000 ouvriers) où l’on tisse la laine ; elle versent annuellement dans le commerce une valeur de près de cinq millions de francs de laine travaillée ; on y fabrique ces magnifiques tapisseries dessinées d’après l’antique et qui furent si admirées à l’exposition de Paris. L’industrie de la soie est prospère dans les établissements et produit un million de livres par an. La seule ville de Rome renferme 47 fabriques de tissus de soie. Le tabac et la confection des cigares occupent beaucoup de bras. Il y a 31 tanneries. En 1854, il a été vendu pour plus d’un million d’objets d’art. La typographie, la gravure, le travail sur bronze, la taille des camées, la confection des mosaïques sont sans rivaux dans le monde. Il y a une fonderie de caractères de toutes les langues écrites de l’univers. » — Xavier de Fontaine.




« Ce noble lord (Normanby) commence par reprocher à lord John Russell sa partialité pour les révolutionnaires italiens, qui l’induit lui-même en erreur, et qui surtout a été cause qu’il a donné au gouvernement des renseignemens incorrects sur l’Italie centrale, et il lui en fournit la preuve, en lui rappelant qu’il avait refusé d’entendre là-dessus un Toscan digne de foi et bien informé de ce qui se passe en Italie, qu’il lui avait tout exprès adressé. Après avoir cité le témoignage d’un correspondant du Times, qui avouait que le gouvernement révolutionnaire fesait publier des nouvelles tellement fausses, que l’on croyait rêver en les lisant, il ajoute : « Voilà donc ce que nous devons penser des informations puisées à cette source suspecte ; et voilà pourtant le rêve auquel lord John Russell tient si bien, qu’il ne permet pas même qu’on le réveille.

« Il regarde comme absurde le projet de démembrement des États Romains présenté par la Sardaigne et approuvé par l’Angleterre dans le dernier congrès. Il fait voir qu’un Congrès, pas plus qu’un souverain particulier, n’a le droit d’imposer ses libertés à un autre souverain qui n’en voudrait pas, qu’une majorité quelconque n’autorise pas un congrès européen à fouler aux pieds les droits des vieilles dynasties et les traités solennellement garantis ; que toute doctrine contraire une fois adoptée, elle deviendrait bientôt d’une application universelle, et, quels qu’en seraient les résultats, elle porterait tout d’abord un rude coup à la puissance de l’Angleterre ; qu’un premier chef populaire venu, ne peut impunément et sans la sanction de l’Europe usurper le pouvoir suprême dans un petit État en se faisant appuyer par les armes, par l’argent et par l’intrigue de l’étranger ; qu’il ne saurait être permis, n’importe à quel moment, de faire appel à une majorité populaire, arbitrairement choisie, pour transférer l’allégeance d’un État normalement établi à un prétendant étranger ; qu’il va sans dire que, s’il est permis de le faire cette année, il ne le sera pas moins de le faire l’année prochaine ; que la probité est la meilleure politique, et que l’Angleterre ferait bien de traiter les autres comme elle voudrait être traitée elle-même. Il supplie ses compatriotes de considérer que le meilleur moyen de repousser toutes les tentatives des ennemis de l’État est de s’en tenir hardiment, scrupuleusement aux traités ; c’est de n’admettre aucune altération grave dans les limites des états Européens ; de ne tolérer aucune absorption d’un état faible par un voisin ambitieux. De pareils actes doivent être abandonnés à des démagogues en démence. » — Mgr Bourget.




« C’est l’Angleterre, non plus hélas, cette glorieuse Angleterre, libérale et conservatrice, que nous avons vantée, aimée, admirée ;[10] mais une Angleterre dégénérée, méconnaissable au moins passagèrement, infidèle à ses vrais intérêts, à son bon sens, à son équité naturelle, à ses meilleures traditions, à ses plus pures gloires ; une Angleterre où l’intolérance est poussée si loin, que le premier ministre déclare hautement qu’un catholique sincère est incapable de remplir les fonctions de simple archiviste ; une Angleterre qui, à Suez, sacrifie à son égoïsme mercantile les intérêts du genre humain ; qui, en Syrie, sacrifie à sa jalousie contre la France, l’humanité, la pitié, la justice ; qui, en Italie, sacrifie à la recrudescence de son vieux fanatisme protestant le droit des gens et tout ce qu’elle a elle-même garanti ; qui applaudit et qui provoque chez nous à toutes les oppressions que ses lois interdisent chez elle ; qui fomente et encourage contre le Pape, les actes et les idées qu’elle a noyés dans le sang des Irlandais, des Canadiens, des Indiens et des Ioniens ; qui, dès qu’il s’agit de nuire à l’Église, a de l’argent pour tous les aventuriers, de la connivence pour toutes les invasions, de la sympathie pour tous les crimes ; un Palmerston pour mener, en s’en moquant, le deuil du droit européen comme de l’antique honneur britannique ; et je le constate avec le plus douloureux mécompte, un Gladstone pour insulter à la pudeur filiale de tous les catholiques, en qualifiant leur Pontife et leur père de mendiant sanguinaire. » — Le Comte de Montalembert.




« Hélas, qui le sait mieux que nous, Français ? Voilà 70 ans que nous poursuivons dans notre patrie l’édifice de notre liberté, et jamais nous n’avons pu obtenir du temps la consécration de nos efforts. Quand nous croyons avoir bâti, un vent se lève sur notre ouvrage et nous fait des ruines qui étonnent tous les témoins de nos tragiques mécomptes. » — Lacordaire.




« Attaqués dans notre honneur, à la face de la France, il nous est impossible de ne pas répondre.

« Nous avons prêté serment au gouvernement impérial sans arrière pensée. Mais est-ce que le serment d’un député aurait pour effet de le forcer à approuver toutes les mesures, bonnes ou mauvaises, du gouvernement ?

« Dans ce cas, à quoi servirait le Corps Législatif ?

« Le député n’est pas un fonctionnaire. Ce n’est pas une fonction qu’il exerce, c’est une mission qu’il remplit, la plus haute et la plus libre.

« Son serment est chose sacrée ; mais c’est précisément là ce qui l’oblige à n’écouter que la voix de sa conscience dans l’appréciation des actes du gouvernement.

« Ce n’est pas à nous à décider si, en frappant trois députés d’un blâme public, M. le ministre de l’intérieur n’a pas atteint la chambre entière. Nos honorables collègues sont juges de la dignité de notre corps. Nous nous bornons à protester contre l’accusation dont nous sommes l’objet, d’un côté parce qu’elle est injuste ; de l’autre, parceque nous ne reconnaissons pas à M. le ministre de l’intérieur le droit de nous l’adresser.

« Nous apprécions comme nous devons l’insinuation du rapport qui tendrait à nous faire donner notre démission. Il serait trop commode de se débarrasser des députés opposés à telle ou telle mesure, en les sommant de s’adresser de nouveau à leurs électeurs. » — Vicomte Anatole Lemercier, L. de Culverville, E. Keller.




« Il n’y a plus que les aveugles ou les complices qui puissent, devant la politique française, nier les avantages de la liberté. » — Montalembert.



  1. Les assignats sont le talisman de toute révolution ; ses moyens sont des prédications comme celles de Gavazzi, renforcées par l’assassinat, ou le regret de n’avoir pu le commettre, manifesté par des décrets du genre de celui de Garibaldi en faveur d’Agésilas Milano.
  2. Casaregis est, selon Troplong, l’oracle du droit commercial, — celui de tous les jurisconsultes qui a le mieux concilié les principes du droit civil et les besoins du crédit, — l’auteur qui a résumé avec plus de précision, de justesse et de haute raison, les notions consacrées par la science des interprètes et la jurisprudence des tribunaux.
  3. Quand vous dites qu’à Rome on cherche, dans l’interrogatoire, à faire que le témoin s’inculpe lui-même, je crois que vous calomniez.
  4. Je suis bien aise de vous rappeler que c’est de ce temps que viennent les cartels.
  5. M. Papineau a été involontairement la cause que le Bas-Canada a payé la dette du Haut-Canada ; je ne doute point que nos ultra-démocrates ne l’estiment, de cela seul, un grand économiste.
  6. « Cette attaque injurieuse, qu’un pouvoir si fort et qui vous inspire tant de confiance, a endossée, propagée, affichée sur tous les murs, ma réponse peut-elle la suivre et se produire en se conformant aux lois sur le sol même de la patrie ? J’en veux faire l’expérience ; si elle tourne contre mes vœux, et si, au mépris des plus simples notions de la justice et de l’honneur, vous étouffez ma voix en France, dans une cause si légitime, elle aura du moins quelque écho en Europe, et ira en tout pays au cœur des honnêtes gens. » — Le duc d’Aumale.
  7. Ce mot ne convient pas à M. Dessaulles. M. Thiers dit pourtant clamer victoire !
  8. M. H. E. Chevalier, ex-rédacteur du Pays, qui est aujourd’hui retourné en France, me disait un jour qu’il ne pouvait suffire à saisir les nombreux soubresauts ou programme politique de ce journal.
  9. Les choses étant ainsi, Napoléon iii, mal informé, n’en demandait pas moins la sécularisation des charges publiques !
  10. Personne plus que nous n’a loué l’Angleterre ; mais c’était également l’Angleterre gouvernée par les torys, et non par whighs sans honneur et sans principes.