L’Idylle éternelle/Souvenirs en fleur

La bibliothèque libre.
Paul Ollendorff, éditeur (p. 163-170).


SOUVENIRS EN FLEUR


I


Ô printemps morts, avrils défunts
Pleins de baisers et de parfums,
Rendez-moi vos délicatesses,
Oh ! revenez, et fleurissez
Mon âme morne et ses tristesses,
Souvenirs des amours passés !


II


 
Elle était pâle, elle était frêle
Comm un lis qui va s’entr’ouvrir,
Et l’on croyait sentir en elle
Quelque chose qui va fleurir.

Elle était gracile et petite
Et son souvenir délicat
Se parfume de clématite,
De verveine et de seringat.

Et je la retrouverai toute,
Avec d’inutiles sanglots,
En cueillant au bord de la route
Un lilas blanc à peine éclos.


III


La mignonne enfant que j’adore
M’envoie un œillet et je sais
Que des souvenirs de baisers
M’attendent là, tièdes encore.

Dans l’humidite de la fleur
Il reste un doux parfum de lèvres ;
J’y retrouve, ô charmantes fièvres,
Sa délicieuse pâleur.
 
J’y colle ma bouche enflammée
Comme sur son sein blanc et nu.
Cher petit œillet, que n’es tu
Le sein blanc de ma bien aimée !


IV


Plus sentimental qu’un Clitandre,
Je crois au langage des fleurs
Et, subtil, je sais bien entendre
Leurs chers aveux ensorceleurs.

La rose est amoureuse et tendre
Et la rosée y met des pleurs ;
C’est sans doute de trop attendre
Que les grands lys ont ces pâleurs.

 
De douces choses sont écrites
Dans les feuilles des marguerites
Et les pétales des lilas ;
 
Et ces délicats interprètes
Ne sont jamais trompeurs, ni las
De guérir nos peines secrètes.


V


 
Par un doux temps de rêveries
Où nos âmes étaient fleuries,
Je m’étais mis, pour mieux te voir.
À l’autre bout de la terrasse ;
Tu me regardais de la place
À travers la clarté du soir.

Pour ne pas troubler les fauvettes
Mes lèvres s’agitaient muettes,
Mais, lisant sur mes lèvres, rien
Ne t’échappait de tous leurs signes.
« Je te hais ! » firent ces malignes.
Tu répondis : « Je le sais bien. »


VI


Le plus ancien de les bouquets,
Fleurs sous de longs baisers décloses,
Etaient-ce des œillets, des roses,
Je ne sais plus, ou des muguets ?

Mais, ô délicate tendresse,
Ces trois brins, je le sais cncor,
Étaient liés par un fil d’or
Arraché de ta blonde tresse.
 
Et ce fil d’or, ce léger fil
Pour charmer à jamais mon âme
M’apportait ton parfum de femme
Plus que celui des fleurs subtil.