L’Impôt Progressif en France/6

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Librairie Guillaumin & Cie (p. 14-15).

CHAPITRE IV

Que plusieurs de nos impôts ne sont pas « supportés » par ceux qui les paient




La question de l’impôt sur le revenu est plus importante qu’on ne le croit, si elle doit s’appliquer, comme nous le pensons, à des revenus qui, aujourd’hui ne paient rien du tout, ou, plutôt, ne supportent rien, en réalité.

Il faut distinguer, en tout impôt, ce double phénomène : l’incidence et la répercussion, dont Proudhon a établi la réalité sans en tirer toutes les conséquences. L’impôt actuel sur la chose a pour effet de le faire supporter par celui qui travaille et non par celui qui a le revenu de la chose. Exemple, l’impôt foncier. Depuis cent ans, toutes les propriétés : champs, maisons, prés, vignes, ont changé de mains, une fois, cinq fois, dix fois, et, chaque fois, le prix de la terre, de la maison, a été fixé déduction faite du capital afférent à l’impôt. Un domaine rapporte cinq mille francs ; il paie mille francs d’impôts. L’acquéreur déduit naturellement ces mille francs du chiffre de cinq mille francs et paie un prix fixé sur quatre mille. Il conserve donc par devers lui le capital représentant l’impôt qu’il a à payer ; il ne supporte donc pas cet impôt, et il touche un revenu de quatre mille francs, net, qui ne paie rien à l’État. On peut affirmer qu’il existe actuellement en France plus de cent milliards de valeurs dont les propriétaires paient bien l’impôt, mais sans le supporter ; c’est le détenteur primitif de la valeur, en cette matière d’impôts, comme en toute autre, qui a supporte une fois pour toutes, et pour le compte de tous ses successeurs, le poids de l’impôt. L’impôt sur le revenu a précisément pour but de faire cesser cette injuste répartition. Et tant que l’impôt n’atteindra pas, par une nouvelle méthode, le revenu net entre les mains de celui qui en jouit, le fisc sera toujours obligé, en fait, de s’adresser à d’autres qu’aux détenteurs réels de la richesse, qu’aux véritables contribuables.

C’est ce que ne veulent pas admettre nos millionnaires, pour une bonne raison, c’est qu’ils ne veulent pas payer.