L’Internationale, documents et souvenirs/Tome II/III,11

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L’INTERNATIONALE - Tome II
Troisième partie
Chapitre XI
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XI


La Conférence de Londres (17-23 septembre 1871).


On lit dans le Mémoire de la Fédération jurassienne (p. 202) :


La Conférence de Londres siégea du [dimanche] 17 au [samedi] 23 septembre 1871. Elle était formée de vingt-trois membres, qui se décomposaient ainsi : six délégués belges [dont l’un était en même temps membre du Conseil général], deux délégués suisses, un délégué espagnol, treize membres du Conseil général nommés par ce Conseil, et un inconnu sans mandat.

Les six délégués belges étaient De Paepe et Verrycken, délégués du Conseil fédéral belge ; Fluse, délégué de la Fédération de la vallée de la Vesdre ; Steens, délégué de la Fédération du Centre ; Coenen, délégué de la Section d’Anvers ; et Herman, membre du Conseil général, délégué de la Section de Liège.

Les deux délégués suisses étaient MM. Outine et H. Perret. Le premier, membre de cette Section russe de Genève qui paraissait être si fort avant dans la confidence de Marx, avait reçu des pleins-pouvoirs, sans aucune instruction, de la Section allemande de Genève. Le second, H. Perret, n’était pas délégué par les Sections genevoises ; il avait cependant un mandat signé par le Comité fédéral de Genève, et voici comment. L’assemblée générale des Sections de Genève avait nommé pour délégué à Londres Grosselin, par 150 voix environ contre 28 seulement qu’avait obtenues H. Perret ; en même temps temps l’assemblée avait alloué à Grosselin une somme de trois cents francs pour frais de voyage. À la veille du départ. Grosselin déclara que cette somme était insuffisante et qu’il lui fallait quatre cent cinquante francs ; n’ayant pu obtenir cette augmentation, il refusa le mandat. C’est alors qu’on ne sait qui remit, on ne sait quand ni comment, le droit de représenter la Fédération genevoise à H. Perret, qui voulut bien se contenter des trois cents francs votés[1]. On peut juger de quelle façon les aspirations du prolétariat suisse se trouvaient représentées par ces deux messieurs, qui allaient être appelés à donner à la Conférence des renseignements véridiques sur le conflit de la Fédération romande.

L’Espagnol était Anselmo Lorenzo, membre du Comité fédéral espagnol. C’était le seul délégué qui eût un mandat impératif, et il apportait à la Conférence un travail sérieux, élaboré par une réunion de délégués des Sections espagnoles. Ce travail, dont le contenu aurait pu gêner les décisions prises d’avance par Marx et ses amis, fut escamoté sous prétexte de le traduire. On profita de la « connaissance insuffisante » que le délégué avait des langues autres que l’espagnol ; on s’arrangea pour dire que son projet viendrait comme amendement à celui du Conseil général (!), et il n’en a plus été question que dans le paragraphe 3 de l’article XIII des prétendues résolutions de la Conférence[2], paragraphe dans lequel on mettait insolemment au panier, avec accompagnement d’eau bénite de cour, les vœux clairement énoncés de toute une Fédération[3].

Quant aux treize délégués membres du Conseil général et nommés par lui, il y en avait sept qui siégeaient à titre de secrétaires correspondants des différents pays non représentés à la Conférence : c’étaient Engels pour l’Italie, Marx pour l’Allemagne, Eccarius pour l’Amérique, Hales pour l’Angleterre, Rochat pour la Hollande, Cohn pour le Danemark, et Zabicki pour la Pologne. Outre ces sept-là, le Conseil général avait désigné six autres de ses membres pour le représenter, lui ; et parmi ces six les trois premiers étaient censés représenter en même temps la France[4] : c’étaient Serraillier, Vaillant, Bastelica, Mottershead, Fränkel et Jung.

Ces treize membres du Conseil général, qui n’avaient aucun mandat, formaient à eux treize la majorité de la Conférence, composée de vingt-trois membres.

L’inconnu sans mandat était un citoyen de Bordeaux, présenté seulement en séance. Il avait pour tout titre une lettre particulière où il était fait mention des progrès de l’Internationale à Bordeaux ; la coterie Marx comptait sur lui, il fut admis à siéger. On a su depuis qu’il avait été très confus du rôle qu’on avait voulu lui faire jouer ; et, faute de mieux, il cessa d’assister aux séances.

Il est juste d’ajouter à cette liste les filles de Karl Marx, qui furent admises à siéger à la dernière séance de cette Conférence secrète. La chronique ne dit pas si la Conférence leur donna voix délibérative ; elle aurait pu le faire sans déroger, car ces demoiselles avaient autant de titres à représenter le prolétariat international que le plus grand nombre des soi-disant délégués.


Ce qui se passa dans la Conférence a été raconté, en partie, par un témoin perspicace, Paul Robin, qui en sa qualité de membre du Conseil général assista à un certain nombre de séances. Je reproduis les principaux passages de son Mémoire Justificatif relatifs à ce sujet, passages dont quelques-uns ont été insérés, soit textuellement, soit un peu abrégés et atténués, dans le Mémoire de la Fédération jurassienne :


Je n’ai pas à parler de la préparation de la Conférence. Des raisons de distance et de famille m’empêchèrent alors d’assister assidûment aux séances du Conseil général... J’assistai seulement à la dernière, dans laquelle Marx eut le talent de nous faire peur des mouchards français (il avait déjà des indices sur Gustave Durand[5]), et nous fit voter à l’unanimité de n’admettre aucun délégué des réfugiés français à Londres... Nous verrons comment on y suppléa[6].

Enfin vint le jour de la Conférence ; on fait mystère du lieu[7] et de l’heure des séances, sous prétexte de police, mais en réalité par peur du contrôle des internationaux eux-mêmes. Il n’y a pas, en effet, dans la liste des personnes qui en font partie, un seul nom qui ne soit parfaitement compromis aux yeux de la bourgeoisie...

Un bien petit incident marqua le commencement de la première séance ; mais, hélas ! nous avons des choses si mesquines à signaler que celle-ci n’est pas indigne de leur compagnie, d’autant qu’elle peint bien le respect religieux que savent maintenir le grand pontife et ses cardinaux. On attendait depuis une heure et demie l’ouverture de la séance qui (c'était un dimanche anglais) n'avait pu être fixée qu'à cinq heures. Tout le monde était présent. Marx, très affairé, courait de l'un à l'autre de ses lieutenants et parfois disparaissait de la salle. Il paraît que c'est dans un de ces moments que, traduisant l'impatience générale, j'osai proposer de nommer Jung président et de commencer. On fut étonné de tant d'audace ; quelqu'un ajouta « provisoirement », et sauf Eccarius dont la religion ne fut pas ébranlée et qui vota contre, pour tous l'impatience l'emporta et Jung fut élu. Il ne voulut pas se permettre de s'asseoir au siège du président. Mais le bruit avait fait revenir Marx et son premier ministre [Engels] ; celui-ci reproposa de nommer un président, reproposa Jung, et, bien que j'eusse fait observer que la chose était déjà votée, l'assemblée revota, Eccarius compris, Jung prit place, et la séance commença.

Les premières séances de la Conférence se passent en vains bavardages, en insolences de M. Outine, en bredouillements d'Engels sous prétexte de traduction. On ne résout rien ; on nomme des commissions dont Marx et ses lieutenants sont les meneurs, le reste étant composé de personnages muets qui paraissent à peine. Marx lit un projet qu'il a fait avec Engels et que le Conseil général a approuvé avec sa docilité habituelle. Il est facile de voir que ce long factum et les commentaires qui l'accompagnent n'ont qu'un but unique, la démolition des ennemis particuliers de Marx, les citoyens Bakounine, Guillaume et Cie. Cependant si sûr que le maître puisse être de la composition de la Conférence, il se méfie de quelques étrangers naïfs qui pourraient faire des observations gênantes, proposer quelque amendement non suffisamment venimeux. Pour parer à cet inconvénient, la coterie Marx fait décider que la Conférence n’aura à voter aucune résolution positive : elle en votera seulement le sens, laissant au Conseil général le soin de la rédaction ultérieure. Grâce à ce truc habile, ces messieurs auront le droit de publier tout ce qu'ils voudront sous le nom de Résolutions de la Conférence. C'est tout simplement un faux avec circonstances aggravantes.


En ce qui concerne le différend entre les deux Fédérations de la Suisse romande, voici ce que raconte Robin :


C'est l'agent Outine qui expose la question suisse, en vomissant un monceau d'injures, en lançant une foule d'épithètes malsonnantes, qu'il ne cessera pas de mériter pour les avoir prodiguées à d'honnêtes gens. Quand il s'agit de nommer la commission pour étudier cette question, ce monsieur propose avec aplomb en première ligne le compère Marx. J'ose faire remarquer que la Commission devrait être composée d'hommes tout à fait impartiaux. Outine s'indigne, Marx joue la petite comédie de circonstance ; De Paepe, par naïveté véritable ou feinte, vient à la rescousse en racontant une anecdote où le mot de « marxien » est prononcé ; la claque s'en mêle, et Marx est forcé d'accepter[8]. On lui adjoint le respectueux Eccarius, un silencieux Irlandais [Mottershead] qu’il a récemment présenté dans l'Internationale et au Conseil, un Français et un Belge qui peuvent passer pour indépendants.

La Commission impartiale choisit pour lieu de réunion le salon de Marx. Convoqué là, comme témoin, à huit heures du soir, je m'y rends avec la plus grande répugnance, mais exactement. Les demoiselles Marx, qui ont assisté [plus tard] à la dernière séance de la Conférence secrète, étaient présentes à cette réunion au moins aussi secrète. Ayant deux heures de chemin à faire pour revenir chez moi, je déclarai d'avance que je partirais à dix heures. On distribua des rafraîchissements pour renforcer l'impartialité, et l'on commença à neuf heures et demie. Un président est nommé pour la forme ; le compère Engels fera le procès-verbal, quoique non membre de la commission. Notre hôte, juge impartial, expose la question en faisant un réquisitoire dont on aura l'idée en lisant le commencement des Prétendues scissions[9]. Seulement ici il n'y a point encore de grosse insulte ; c'est mielleux comme paroles de gens d'église.

En résumé, d'après le témoin-accusateur-juge Marx, le différend suisse avait pour cause première les attaques publiées par les affiliés de l'Alliance dans les journaux le Progrès et l’Égalité contre le Conseil général, le désaveu des articles de ce dernier journal par les internationaux de Genève, et la révocation (sic) du Comité de rédaction par le Comité fédéral romand.

Je pris la parole comme si j'eusse cru que, grâce aux autres juges impartiaux (!), quelques explications loyales pourraient amener à un apaisement ; je racontai le vrai motif pour lequel le Comité de rédaction s'était retiré... Je remis une protestation des Sections des Montagnes contre tout jugement[10] (on avait cru prudent là-bas de faire remettre cette protestation par quelqu'un entre les mains de qui elle ne s’égarerait pas) ; j'ajoutai que pour mon compte je ne partageais qu'à moitié l'avis de mes amis, que je croyais à la Conférence le droit, le devoir et le pouvoir de tout concilier en reconnaissant et en traitant les deux Fédérations d'une manière égale, en les invitant à s'abstenir désormais de toute hostilité publique ; mais que la Conférence n'avait aucun droit de se prononcer entre les parties, l'une d'elles n'ayant pas été convoquée.

Perret fait l'étonné et demande à Jung si c'est vrai.

Jung, au lieu de répondre, recommence sa vieille histoire de la lettre à Guillaume laissée sans réponse et la tire en longueur[11].

Mon temps me pressait ; j'insiste pour avoir une réponse catégorique, et, non sans peine, je finis par obtenir un aveu.

Je me lève alors ; on veut me retenir, je refuse, déclarant que j'avais dit tout ce que j'avais à dire,

M. Outine s'écrie qu'il me déclare qu'il me met directement en cause. À quoi je lui réponds, en me retirant, que je lui renvoie son accusation avec le plus profond mépris.

On conçoit qu'il eût été peu digne de continuer à jouer un rôle quelconque dans cette comédie, de paraître à n'importe quel titre devant ce soi-disant tribunal où les formes les plus vulgaires dont la justice bourgeoise elle-même ne se départ jamais étaient outrageusement violées.

Aussi je remis à un ami, avec mission de la lire à la Conférence si j'étais appelé quand la fameuse commission présenterait son rapport, la note suivante :


Appelé comme témoin à propos du différend suisse dans la commission chargée de l'examiner, je m'y suis rendu avec l'espoir de contribuer à un apaisement. Mis directement en cause, je déclare formellement que je n'accepte pas le rôle d'accusé, et je m'abstiens d'assister aux séances de la Conférence où sera discutée la question suisse.

19 septembre 1871.

P. Robin.


Je parlerai tout à l'heure de la résolution qu'on fit prendre à la Conférence sur le différend suisse, ainsi que des autres résolutions publiées en son nom par le Conseil général. Avant d'y arriver, je veux achever de montrer dans toute leur beauté les agissements de la coterie marxiste : on va voir comment, en punition de l'opposition honnête et courageuse faite par Robin aux vilaines intrigues dont il avait dû, malgré son optimisme du début, constater la réalité, elle s'y prit pour l'expulser de ce Conseil général où Marx lui-même l'avait fait entrer un an auparavant.

Sept jours après la rédaction de la note reproduite ci-dessus, la lettre suivante, revêtue du timbre du Conseil général, était adressée à Robin :


Londres, 26 septembre 1871.

Citoyen, Votre lettre ayant été considérée par la Conférence comme injurieuse pour elle, la Conférence a décidé par un vote spécial, le 22 septembre, que vous seriez invité à retirer cette lettre, et qu'en cas de refus de votre part le Conseil général est appelé à statuer.

Le président de la séance : A. Serrallier.

Pour attestation, le secrétaire : Ch. Rochat.


Voici comment Robin raconte ce qui se passa à la suite de l'envoi de cette lettre :


Le soir, dans la séance du Conseil général, pour bien constater la préméditation d'épuration, j'offris verbalement la rectification que je reproduisis après la séance dans la lettre ci-dessous. Marx seul eut la parole, pour faire un récit animé de l'insulte que j'avais faite chez lui au compère Outine ; il ajouta qu'agir ainsi, c'était considérer la Conférence comme une farce (sic). Il faut en effet que j’aie été bien tenace pour conserver si longtemps quelque doute à ce sujet. Puis la docile assemblée remit l'affaire à un autre jour.

Voici ma lettre :


Au citoyen Serraillier.

En réponse à votre lettre de ce jour, j'offre au Conseil général d'ajouter, dans celle du 19, quelques mots qui montreront que la Conférence l'a mal interprétée. Après : en cause, j'ajoute : par un témoin dans la commission. Je refuse d'ailleurs absolument de retirer ma lettre. P. Robin.


En vérité telle avait été ma pensée en écrivant la lettre du 19 ; mais maintenant j'enveloppais dans un égal mépris le sieur Outine et ses compères Marx, Engels, Jung, Serraillier, et toute la série de leurs dupes. Il importait de le témoigner nettement à Marx, qui m'avait flatté au début, espérant sans doute me joindre à la clique de ses agents. Je lui écrivis :


5 octobre 1871.

Citoyen Marx, Je vous ai eu de très grandes obligations personnelles[12], qui me pesèrent peu tant que je crus que rien ne pourrait altérer la respectueuse amitié que j'avais pour vous. Aujourd'hui, ne pouvant subordonner ma conscience à ma reconnaissance, je crois, en ayant le regret de devoir rompre avec vous, vous devoir cette déclaration : Je suis convaincu que, cédant à des haines personnelles, vous avez porté ou appuyé des accusations injustes contre des membres de l'Internationale, objets de ces haines, ou dont le crime était de ne pas les partager. Je vous salue.

P. Robin.


Quand on s'occupa de moi après plusieurs semaines, ce fut pour me déclarer démissionnaire. J'en fus informé par un ami qui l’apprit indirectement. Le mardi suivant, j'allai au Conseil. Le président Engels m’annonça la décision prise à mon égard. Je répondis qu'il était faux que j'eusse donné ma démission, et que je ne me retirerais pas. Alors on discuta une heure et demie pour arriver à décider que l'on ne recommencerait pas à discuter la question de ma démission. Ce fut l'occasion de nombreux bredouillements de M. Engels, et d'aboiements du Serraillier. Ce monsieur eut l'aplomb de menacer l'assemblée de sa démission, si elle revenait sur son vote. Ces pauvres gens déclarèrent donc que leur vote aurait force de loi. À quoi je répondis que la démission était un acte volontaire, et que je ne me retirerais que chassé : il faut que le Conseil ait le courage de ses actes. Nouveaux discours de la part de gens qui ont déjà clos deux fois la discussion. Engels explique ma pensée et propose de mettre aux voix mon expulsion. L'aimable Longuet est peiné du manque d'égards que je sollicite. Mon ami intime et commensal Fränkel[13], que mon expression de « courage » a excité, veut que le Conseil se montre et me chasse. Jung, d'une voix de clergyman, dit que, n'ayant pas parlé jusque-là, il croit devoir faire observer que le Conseil n'a pas à discuter cette question, mais simplement à exécuter le vote de la Conférence. Le jésuite en impose : revoir en effet la lettre claire, quoique en français assez barbare, des sieurs Serraillier et Rochat. Serraillier annonce qu'il ne dira plus rien, parce que, s'il parlait, il aurait à dire des choses qui — des choses que... !

Les deux lettres suivantes (traductions littérales), qui n'ont pas besoin de commentaires, terminent l'histoire de mon expulsion du Conseil général :


Au secrétaire général du Conseil général de l'A. I. des T.

C'est une coutume qui me paraît fort sage que tout tribunal envoie à ceux qu'il juge un extrait détaillé de leur jugement. Je suis étonné de n'avoir reçu aucune notification officielle de mon expulsion du Conseil général de l'A. I. des T., mais je pense que ce n'est qu'un oubli que vous serez assez bon pour réparer sans délai.

24 octobre 1871.

Votre serviteur, P. Robin.

International Working Men's Association.

26 octobre 1871.

Cher Monsieur, Comme ce n'est pas une coutume anglaise que d'envoyer des transcriptions des procès-verbaux comme vous désiriez que je le fisse, j'ai consulté le Conseil sur ce sujet, et il a été décidé que je ne devais pas satisfaire à votre requête. Je regrette donc de n'avoir pas d'autre alternative que de refuser votre requête. Je suis, Monsieur, votre obéissant serviteur.

John Hales.


Il a été parlé plus haut du délégué espagnol, Anselmo Lorenzo. Il est utile de faire connaître dans quelles conditions ce délégué, « le seul qui eût un mandat impératif », avait été envoyé à la Conférence de Londres.

Les persécutions dont l’Internationale avait été l'objet en Espagne au printemps et dans l'été de 1871 avaient engagé les membres du Conseil fédéral espagnol à prendre une mesure de prudence : les trois plus actifs d'entre eux, Morago. F. Mora, et Lorenzo[14], quittèrent Madrid (c'était deux jours avant la Fête-Dieu) et se transportèrent à Lisbonne, d'où ils publièrent, à la date du 6 août, une protestation adressée au ministre de l'intérieur. Les circonstances ne permettant pas la réunion d'un Congrès public tel qu'avait été celui de Barcelone en 1870, les Sections espagnoles décidèrent de remplacer leur Congrès de 1871 par une Conférence de délégués. qui se réunit secrètement à Valencia du 9 au 17 septembre 1871 : F. Mora et Lorenzo vinrent de Lisbonne pour y représenter le Conseil fédéral[15]. La Conférence élut un nouveau Conseil, de neuf membres, formé de trois membres de l'ancien Conseil, F. Mora, Anselmo Lorenzo et Angel Mora, et de six membres nouveaux : Paulino Iglesias[16], typographe, José Mesa, typographe[17], Hipolito Pauly, typographe, Victor Pagès, cordonnier, Inocente Calleja, orfèvre, et Valentin Sáenz, employé de commerce. L'esprit qui animait les représentants des Sections espagnoles réunis à Valencia est indiqué par la déclaration suivante, votée à l'unanimité :


Considérant que dans son véritable sens le mot République, en latin res publica, veut dire chose publique, chose appartenant à la collectivité, c'est-à-dire propriété collective ;

Que Démocratie est dérivé de democratia, qui signifie le libre exercice des droits individuels, lequel ne peut exister que dans l'anarchie, c'est-à-dire l'abolition des États politiques et juridiques, remplacés par des États ouvriers dont les fonctions seront purement économiques ;

Que les droits de l'homme étant impactables (impactables), imprescriptibles et inaliénables, il s'en déduit que la fédération doit être purement économique ;

La Conférence des délégués de la région espagnole de l'Association internationale des travailleurs, réunie à Valencia, déclare :

Que la véritable République démocratique fédérale est la propriété collective, l’anarchie, et la fédération économique, c’est-à-dire la libre fédération universelle des libres associations ouvrières agricoles et industrielles, formule qu'elle accepte dans toutes ses parties.


La Conférence de Valencia s'occupa aussi de compléter l'organisation de la Fédération espagnole par quelques dispositions statutaires qui lui parurent utiles ; s'inspirant des résolutions administratives du Congrès de Bâle, — que les délégués espagnols Sentiñon et Farga-Pellicer avaient votées, et contre lesquelles nul n'avait protesté encore, — elle crut devoir augmenter les pouvoirs du Conseil fédéral, et lui donna entre autres le droit d'admettre ou de refuser les Sections nouvelles qui demanderaient à entrer dans la Fédération, et de prononcer sur les règlements des Sections et des Fédérations locales.

La Conférence espagnole décida d'envoyer un délégué à la Conférence de Londres, et choisit Lorenzo, qui, pressé par le temps, dut partir dès le 14 septembre, sans attendre la fin des travaux de ses collègues ; il passa par Paris, et le 16, vers minuit, il arrivait à Londres, chez Karl Marx, qui le reçut à bras ouverts. Voici comment Lorenzo a conté la réception qui lui fut faite :


Au bout d'un certain temps la voiture s’arrêta devant une maison. le cocher appela, et à cet appel se présenta un vieillard (un anciano) qui, encadré dans l'ouverture de la porte, recevant de face la lumière d'un réverbère, semblait la figure vénérable d'un patriaiche due à l’inspiration de quelque éminent artiste (parecia la figura venerable de un patriarca producida por la inspiración de eminente artista). Je m'avançai avec timidité et respect, m'annonçant comme délégué de la Fédération régionale espagnole de l'Internationale, et cet homme me serra entre ses bras, me baisa au front, m'adressa des paroles affectueuses en espagnol, et me fit entrer dans sa maison. C'était Karl Marx[18].


Rempli de vénération pour l'illustre « patriarche », Lorenzo était disposé à tout admirer, à tout croire, persuadé qu'il allait se trouver au milieu d'hommes animés des plus généreux sentiments et méritant toute sa confiance. Ce qu'il vit et entendit fut pour lui une cruelle désillusion. Je reproduis quelques passages de son récit, en supprimant à regret la partie anecdotique, fort intéressante, que j'engage mes lecteurs à chercher eux-mêmes dans l'original espagnol. Le témoignage de Lorenzo complétera celui que nous a laissé Robin :


Marx m'accompagna au local du Conseil[19] [le dimanche 17 septembre]. À la porte, avec quelques autres membres, je trouvai Bastelica, le Français qui avait présidé la première séance du Congrès de Barcelone : il me reçut avec les plus grandes démonstrations d'estime et de joie et me présenta à ses collègues, dont quelques-uns portaient un nom déjà connu dans l'histoire de l'Internationale ; je mentionnerai entre autres Eccarius, Jung, John Hales, Serraillier, Vaillant, réfugié de la Commune de Paris, etc. Marx me présenta à Engels, qui depuis ce moment se chargea de me donner l'hospitalité durant mon séjour à Londres. Dans la salle des séances je vis les délégués belges, et parmi eux César De Paepe, quelques Français, le Suisse Henri Perret et le Russe Outine, figure sinistre et antipathique (figura siniestra y antipática), qui, dans la Conférence, ne semblait avoir d'autre mission que d'attiser la haine et d'envenimer les passions, restant complètement étranger au grand idéal qui nous agitait, nous les représentants des travailleurs internationaux.

De la semaine employée dans cette Conférence, je garde un triste souvenir. L'effet produit sur mon esprit fut désastreux : j'espérais voir de grands penseurs, d'héroïques défenseurs des travailleurs, d'enthousiastes propagandistes des idées nouvelles, précurseurs de cette société transformée par la Révolution, dans laquelle on pratiquera la justice et on jouira du bonheur ; et à la place je trouvais de profondes rancunes et de terribles inimitiés entre ceux qui auraient dû être unis par une seule volonté pour atteindre un même but.

... Je puis affirmer que toute la substance de la Conférence se réduisit à affirmer la prédominance d’un homme qui se trouvait présent, Karl Marx, à l’encontre de celle qu'était supposé vouloir exercer un autre homme, Michel Bakounine, absent.

Pour mettre à exécution ce projet, on avait réuni un dossier d'accusations contre Bakounine et l'Alliance de la démocratie socialiste, appuyées sur des documents, des citations et des faits de la vérité et de l'authenticité desquels personne ne pouvait s'assurer, soutenues en outre par le témoignage de tel délégué présent, comme le Russe Outine, par exemple, et qui pis est, par le silence couard de tel membre présent de l'Alliance, ou même, ce qui est bien pis encore, par quelques timides excuses[20] ; mais si tout cela, quoique répugnant par soi-même, se fit dans les séances de la Conférence avec une certaine apparence de régularité, au sein des commissions la haine se manifesta dans toute sa cruelle impudence. J’assistai un soir, dans la maison de Marx, à la réunion d’une commission chargée de faire un rapport sur l'Alliance, et je vis cet homme descendre du piédestal sur lequel l'avaient placé mon admiration et mon respect, et s'abaisser au niveau le plus vulgaire ; quelques-uns de ses partisans s'abaissèrent ensuite bien davantage encore, en pratiquant l’adulation comme s'ils eussent été de vils courtisans devant leur maître.

La seule chose qui eut un caractère authentiquement ouvrier et purement émancipateur, ce fut moi qui eus l’éminent honneur de la présenter à cette Conférence : c'était le Mémoire sur l'organisation, élaboré par la Conférence de Valencia... Travail perdu : le Conseil général et la majorité des délégués ne se souciaient pas de cela : ce qui les préoccupait surtout, c'était la question du commandement. Il n'était pas question de constituer une force révolutionnaire et de lui donner une organisation, en adoptant une ligne de conduite qui allât strictement à son but, mais de mettre une grande réunion d'hommes au service d'un chef. Je me vis seul dans mes sentiments et dans mes pensées ; je jugeai, peut-être par un mouvement d'orgueil, que j'étais le seul international présent, et je me sentis incapable de rien faire d'utile ; et lorsque j'exprimai, en quelques paroles, ma désillusion et mon déplaisir, on m'écouta comme on écoute tomber la pluie, et je ne produisis aucune impression quelconque...

Je m'en retournai en Espagne pénétré de cette idée, que notre idéal était plus distant que je ne l'avais cru, et que beaucoup de ses propagandistes étaient ses ennemis[21].


Les Résolutions des délégués de la Conférence de l’Association internationale des travailleurs réunie à Londres du 17 au 13 septembre 1871, résolutions rédigées non par ces délégués eux-mêmes, mais par une commission du Conseil général, qui les rédigea une fois la Conférence terminée, parurent en une brochure de 8 pages qui porte la signature de tous les membres de ce Conseil et la date du 17 septembre 1871.

Examinons celles de ces résolutions (dont le nombre total est de dix-sept) qui ont rapport à l'une ou l'autre des questions traitées dans ces pages :


II.— Dénomination des Conseils nationaux ou régionaux, des branches,
sections, groupes locaux et de leurs comités respectifs.


... 3. — Il sera désormais défendu aux branches, sections et groupes de se désigner par des noms de secte, comme, par exemple les noms de branches positivistes, mutualistes (sic), collectivistes, communistes[22], etc., ou de former des groupes séparatistes, sous le nom de « sections de propagande », etc.. se donnant des missions spéciales en dehors du but commun poursuivi par tous les groupes de l’Internationale.


Par cette résolution, on avait évidemment visé la Section de propagande de la Chaux de-Fonds et la Section de propagande et d'action révolutionnaire socialiste de Genève, tout nouvellement constituée (le 6 septembre : voir p. 218). Outre que l'interdiction, pour un groupe, de prendre le nom de Section de propagande, était une atteinte flagrante au principe d'autonomie clairement énoncé dans l'article 10 des Statuts généraux adoptés au Congrès de Genève (1866), qui dit : « Quoique unies par un lien fraternel de solidarité et de coopération, les sociétés ouvrières n'en continueront pas moins d'exister sur les bases qui leur sont propres », il y avait dans la rédaction de la résolution des mots perfides. On y parlait de groupes séparatistes se donnant des missions spéciales en dehors du but de l'Internationale ; or, nos Sections de propagande n'avaient pas la moindre tendance « séparatiste » ; cette épithète était un non-sens ; et, si les Sections de propagande se donnaient une mission spéciale, c'était en dedans et non en dehors du but commun de l'Internationale.


IX. — L'action politique de la classe ouvrière.


Vu les considérants des statuts originaux[23] où il est dit : « L'émancipation économique des travailleurs est le grand but auquel tout mouvement politique doit être subordonné comme moyen » ;

Vu l’Adresse inaugurale de l'Association internationale des travailleurs (1864), qui dit : « Les seigneurs de la terre et les seigneurs du capital se serviront toujours de leurs privilèges politiques pour défendre et perpétuer leurs privilèges économiques. Bien loin de pousser à l'émancipation du travail, ils continueront à y opposer le plus d'obstacles possible... La conquête du pouvoir politique est donc devenue le premier devoir de la classe ouvrière » ;

Vu la résolution du Congrès de Lausanne (1867) à cet effet : « L'émancipation sociale des travailleurs est inséparable de leur émancipation politique » ;

Vu la déclaration du Conseil général sur le prétendu complot des internationaux français à la veille du plébiscite (1870), où il est dit : « D'après la teneur de nos statuts, certainement toutes nos Sections, en Angleterre, sur le continent et en Amérique, ont la mission spéciale, non seulement de servir de centres à l'organisation militante de la classe ouvrière, mais aussi de soutenir, dans leurs pays respectifs, tout mouvement politique tendant à l'accomplissement de notre but final : l'émancipation économique de la classe ouvrière » ;

Attendu que des traductions infidèles des statuts originaux ont donné lieu à des interprétations fausses qui ont été nuisibles au développement et à l'action de l'Association internationale des travailleurs[24] ;

En présence d'une réaction sans frein qui étouffe violemment tout effort d'émancipation de la part des travailleurs, et prétend maintenir par la force brutale la distinction des classes, et la domination politique des classes possédantes qui en résulte ;

Considérant en outre :

Que contre ce pouvoir collectif des classes possédantes le prolétariat ne peut agir comme classe qu'en se constituant lui-même en parti politique distinct, opposé à tous les anciens partis formés par les classes possédantes ;

Que cette constitution du prolétariat en parti politique est indispensable pour assurer le triomphe de la révolution sociale et de son but suprême : l'abolition des classes ;

Que la coalition des forces ouvrières déjà obtenue par les luttes économiques doit aussi servir de levier aux masses de cette classe dans sa lutte contre le pouvoir politique de ses exploiteurs ;

La Conférence rappelle aux membres de l'Internationale :

Que dans l'état militant de la classe ouvrière, son mouvement économique et son action politique sont indissolublement unis.


C'était la première fois qu'on voyait invoquer, à l'appui de la thèse de la nécessité de la conquête préalable du pouvoir politique, l'autorité de l’Address de 1864. Jusqu'à ce moment, ce document, qui n'avait jamais reçu la sanction d'un Congrès général, avait été regardé comme exprimant simplemenl l’opinion personnelle de celui qui l'avait rédigé et des membres du Conseil général qui l'avaient approuvé, et c'était là ce que Tolain avait expliqué devant le tribunal correctionnel en 1868 (voir t. Ier, pages 64-65).

Le Congrès de Lausanne, en 1867, avait bien, en effet, déclaré que « l'émancipation sociale des travailleurs est inséparable de leur émancipation politique » ; bien plus, il avait ajouté que « l’établissement des libertés politiques est une mesure première d’une indispensable nécessité ». Mais les promoteurs de cette résolution, ç’avaient été Perron, Monchal, et moi-même ; nous nous trouvions encore, à ce moment-là, engagés dans la politique de la démocratie sociale, disposée à pratiquer une alliance avec l’un ou l’autre des partis politiques bourgeois en vue d’obtenir des réformes par la voie législative. Depuis, nous avions reconnu notre erreur ; et en 1869, au lendemain du Congrès de Bâle, quand Moritz Hess avait écrit dans le Réveil que « les collectivistes de l’Internationale pensent que la révolution politique et la démocratie radicale doivent précéder la révolution et la démocratie sociale », nous avions protesté, et le Progrès avait répondu : « M. Hess laisse voir le fond de sa pensée : il voudrait, comme tous les radicaux, exploiter le socialisme au profit de la politique bourgeoise… Ce sont les hommes qui prêchent ces choses-là qui cherchent à détourner l’Internationale de son véritable but ; pour nous,… nous persisterons à refuser de nous associer à tout mouvement politique qui n’aurait pas pour but immédiat et direct l’émancipation complète des travailleurs. »

La déclaration du Conseil général publiée à l’occasion du plébiscite, en 1870, ne pouvait pas plus avoir, pour l’Internationale, de caractère obligatoire que n’en avait l’Address de 1864.

Quant aux « traductions infidèles des statuts originaux », je vais revenir une dernière fois sur cette question, en reproduisant un passage du Mémoire Justificatif de Robin. Ce passage contient plusieurs erreurs ; et comme je n’ai fait que le paraphraser lorsque j’ai écrit, en 1872 ou 1873 le contenu des pages 200-210 du Mémoire de la Fédération Jurassienne, j’ai répété alors, à la suite de Robin, les erreurs qu’il avait commises.

Voici ce qu’a dit Robin au sujet de la résolution IX de la Conférence, et spécialement de son premier et de son cinquième alinéas :


Il y a dans l’Internationale, je le rappelle, deux opinions : les uns veulent que les ouvriers cherchent à conquérir le pouvoir politique en s’insinuant un à un, faute de mieux, dans les assemblées parlementaires actuelles ; les autres repoussent ce moyen et veulent l’organisation politique du prolétariat en dehors de l’État actuel et contre lui. Les premiers ont eu la rouerie d’appeler leur manière de faire : « s’occuper de politique » ; et les autres ont laissé appeler la leur : « ne pas s’occuper de politique ». Ces expressions vagues pour représenter des idées nettes ont admirablement servi les inventeurs de ces expressions, Marx et Cie. Elles leur ont permis de mettre dans un même sac les coopérateurs réactionnaires, plus tard traîtres, Tolain, Murat, Héligon, et les révolutionnaires an-archistes dont les idées furent si bien exprimées par l’ex-Section de l’Alliance.

Dans la Conférence, on embrouilla avec art et de mille manières cette histoire si simple. Voici des exemples de la méthode suivie. Dans de longs développements, on prouve aux dupes que c’est parce qu’on a omis dans la traduction de l’anglais en français du paragraphe III des Considérants les trois mots as a means, qu’il s’est trouvé dans l’Internationale des gens qui n’ont pas voulu faire de la politique. Si donc à ce paragraphe ou avait ajouté : comme moyen, on aurait pu exclure ces individus de l’Internationale ! !

Or ces mots ont été ajoutés pour la première fois dans la seconde édition [française] des statuts publiée à Paris vers mars 1870 ; j’avais été chargé de relire avant la réimpression ces statuts, et, sans plus amples recherches, j’avais, sur une simple observation de Lafargue, fait cette correction et quelques autres d’après le texte anglais. J’atteste que seuls ceux à qui je les ai signalées se sont aperçus de ces modifications... Je prétends que l'introduction des derniers mots de ce paragraphe n'a qu'une minime importance :... mais, en me plaçant au point de vue de ceux qui ont soutenu le contraire, je suis obligé, après vérification, de les accuser d'un nouveau faux, dont j’ai été le complice inconscient en ajoutant ces mots à l'édition parisienne de 1870. Les auteurs des Statuts officiels[25] (Appendice, p. 11 de l'édition anglaise[26]) s'appuient sur une note p. 27 de la brochure Congrès ouvrier de l'Association internationale, Genève, 1866[27]. Cette note a été insérée sans malice par le rédacteur, ou par l'habileté de quelque agent marxien. Ces messieurs s'en autorisent pour altérer en les traduisant en anglais les considérants (p. 13) adoptés en français dans la séance du mercredi[28]. Et dans l'Appendice précité, on reproduit l'assertion depuis longtemps répandue et crue longtemps par le grand nombre, moi compris, que le texte anglais est le texte original[29], authentique, et que le français est une traduction[30] dont l'imperfection est due, entre autres choses, à « la connaissance insuffisante de la langue anglaise ». Et (Appendice, p. 12) on indique que le texte a été rétabli conformément aux Provisional Rules.

N'oublions pas d'ajouter en passant, chose aussi très ignorée et infiniment plus grave, que c'est par le même procédé que MM. Marx et Cie se sont donné le droit de s'adjoindre des membres complémentaires[31].

... Donc, pendant six ans, suivant le Conseil général, l'Internationale a vécu avec des statuts falsifiés, et il n'en a rien dit. Quelle coupable négligence ce serait, si ce n'était une odieuse intrigue longuement ourdie. D'honnêtes gens eussent immédiatement signalé la chose dans une circulaire aux Sections : on en eût parlé au Congrès de Lausanne, et en une heure tout aurait été rétabli. Mais non, ces messieurs ont préféré d'attendre une Conférence secrète, où, à côté de grotesques représentants de leur propre personne, se trouvent de malheureux délégués pris au dépourvu en face de questions dont ils n’ont eu d’avance aucune idée.


Ce texte de Robin, que j’ai tenu à reproduire ici, et que j’avais sous les yeux en 1872 ou 1873 en écrivant, permet de comprendre comment j’ai été amené à écrire dans le Mémoire de la Fédération Jurassienne (pages 206-207), à la suite de mon guide : « Loin qu’on ait supprimé dans une traduction française des mots qui existaient dans un texte original et officiel anglais, c’est le contraire qui a eu lieu ; c’est le Conseil général qui a ajouté en 1867 au texte officiel, adopté en français par le Congrès de Genève en 1866, des mots que ce Congrès n’avait pas adoptés ». Je croyais, moi aussi, qu’on n’avait voté à Genève que sur un texte français, et que celui-là seul, par conséquent, était le texte authentique et officiel. Et empruntant à Robin l’accusation de faux qu’il élève contre ceux qu’il pensait « avoir altéré en les traduisant en anglais les considérants adoptés en français », j’avais dit encore : « Et M. Marx a l’impudeur de parler d’erreur de traduction, d’une connaissance insuffisante de la langue anglaise de la part des traducteurs français ; tandis que c’est lui qui est le faussaire, et qui falsifie sciemment des statuts adoptés par un Congrès ! »

Non, Marx n’a pas, en 1867, traduit en anglais les considérants adoptés en français, il ne les a pas altérés en les traduisant : c’est là une erreur. Il y avait un texte anglais des considérants sur lequel le Congrès de Genève a voté aussi bien que sur les textes français et allemand : c’est ce texte anglais, authentique au même titre que le texte français, et identique à celui des Provisional Rules de 1864, que Marx a reproduit dans l’édition de 1867 ; et il n’est nullement la traduction anglaise d’un texte officiel français.

Mais il est exact de dire que l’opération inverse a bien réellement été faite par Marx. Il existait, dès le 5 septembre 1866, un texte français définitif, authentique, adopté par le Congrès de Genève ; et en 1867, Marx, remarquant qu’il y avait des divergences entre ce texte français et le texte anglais, a cru qu’il pouvait se permettre de modifier le texte français pour le rendre conforme au texte anglais. Il a donc, dans l’édition publiée en 1867 par le Congrès général, altéré le texte français des considérants, bien que ce texte français eût été adopté par le Congrès de Genève ; et c’est en toute tranquillité de conscience qu’il a procédé à cette altération, qui, dans sa pensée, était simplement une correction destinée à rendre le texte français plus exact. Il n’a certainement pas su, dans tous les détails, de quelle façon les choses s’étaient passées au Congrès de Genève ; il n’a jamais eu l’idée de ce fait si simple, que le texte français était authentique au même titre que le texte anglais, qu’il n’était pas permis au Conseil général d’y toucher, et que seul un Congrès général pouvait défaire ce que le Congrès de Genève avait fait.

La marche à suivre eût donc été celle qu’indique Robin dans sa conclusion. Puisque le Conseil général avait constaté qu’il y avait des différences entre les textes, au lieu de s’attribuer le pouvoir de faire lui-même une correction qu’il estimait nécessaire, et de la faire sans en souffler mot à personne, il eût dû charger ses délégués d’en parler au Congrès de Lausanne, et « en une heure tout eût été rétabli ». Ce qui fut fait en 1870 à Paris sur une simple observation de Lafargue, aurait certainement été fait à Lausanne en 1867 par un vote unanime des délégués.


Plus loin j’ai écrit (p. 208 du Mémoire) : « Un autre faux, bien plus grave encore, ce fut l’adjonction, dans l’édition anglaise de 1867, de l’alinéa[32] « autorisant le Conseil général à s’adjoindre lui-même de nouveaux « membres ». Cette disposition n'existe pas dans le texte officiel français des statuts, adopté au Congrès de Genève ; on l'y chercherait en vain. C'est le Conseil général qui s'est après coup, décerné à lui-même ce droit exorbitant, et qui l'a consacré par un faux. » J'avais complètement oublié, en écrivant ces lignes, le vote du Congrès de Lausanne dans sa séance du 6 septembre 1867, et j'avais suivi avec confiance Robin disant : « C'est par le même procédé que, chose infiniment plus grave, MM. Marx et Cie se sont donné le droit de s'adjoindre des membres complémentaires ».

Il faut donc effacer du Mémoire de la Fédération Jurassienne, comme renfermant des erreurs matérielles et des accusations imméritées, le contenu des pages 205-210. Nous n'avions pas entre les mains, à l'époque où le Mémoire fut écrit, les éléments nécessaires pour nous former un jugement critique complètement exact sur la question en litige. Nous savions seulement, de science certaine, que le texte français du préambule et des articles des Statuts généraux avait été voté au Congrès de Genève dans les termes que nous avions l'habitude de reproduire, et que par conséquent le Conseil général n'avait pas le droit de se servir de l'argument de la « traduction infidèle », et d'opposer à ce texte français, prétendu « défectueux sous bien des rapports », un texte anglais qui aurait été le seul authentique. En outre, nous avions suffisamment montré, en acceptant et en employant nous-mêmes, sans élever la moindre objection, en 1870 et en 1871, pour le troisième alinéa des considérants, la version du Conseil général et celle de l'édition parisienne de 1870, que nous n'attachions aucune importance à l'absence ou à la présence des mots « comme moyen » ou « comme un simple moyen », parce que nous ne nous doutions pas alors de la signification spéciale que Marx et ses fidèles attribuaient à ces mots ; et par conséquent il était à la fois souverainement injuste et souverainement ridicule de prétendre que nous avions, de propos délibéré, supprimé ces mots du texte original, afin de justifier par là ce que Marx appelle « la doctrine de l'abstention absolue en matière politique ».

Je me suis efforcé, au chapitre II de la Première Partie (tome Ier), d'élucider ce qui concerne la rédaction, l'adoption et la publication des Statuts généraux, en plaçant sous les yeux du lecteur tout ce que mes recherches ont pu me faire découvrir à ce sujet ; j'ai indiqué, ensuite, au fur et à mesure, les phases successives de la question ; et je crois qu'il ne peut plus subsister, à cette heure, aucune obscurité sur un sujet qui a suscité jadis tant de polémiques passionnées.


X. — Résolution générale relative aux pays où l'organisation régulière
de l'Internationale est entravée par les gouvernements.


Dans les pays où l’organisation régulière de l'Association internationale des travailleurs est momentanément devenue impraticable, par suite de l’intervention gouvernementale, l'Association et ses groupes locaux pourront se constituer sous diverses dénominations, mais toute constitution de Section internationale sous forme de société secrète est formellement interdite.


Cette résolution était sans doute uniquement destinée à donner le change aux gouvernements persécuteurs, car elle n'a pas empêché le Conseil général de chercher à organiser en France, en 1871 et 1872, des Sections de l'Internationale sous la forme de sociétés secrètes, et d’admettre au Congrès de la Haye, outre cinq de ses propres membres n'ayant d'autres titres que des mandats émanant de semblables groupes, six représentants plus ou moins authentiques de ces Sections clandestines, dont cinq cachés sous des noms d'emprunt.

D'autre part, le Conseil fédéral espagnol, en 1872, « pour pourvoir au cas où le gouvernement dissoudrait l'Internationale, proposa de former des groupes secrets de Défenseurs de l’Internationale » : il se mettait donc en contradiction avec la résolution X de la Conférence de Londres. Néanmoins le pamphlet L'Alliance de la démocratie socialiste (p. 33) l'approuve, parce que, « cette organisation manquant, l'existence de l'Internationale en Espagne eût été compromise, si le gouvernement avait exécuté ses menaces », et surtout parce que cette organisation secrète devait être un moyen « de se débarrasser de l'Alliance ». Les militants de l'Internationale à Séville avaient proposé au contraire (25 octobre 1871), se conformant par là, sans s'en douter, à la résolution de la Conférence, « de donner à l'Internationale une forme extérieure qui pourrait être admise par le gouvernement » ; et Marx, inconséquent, taxa cette proposition de « couardise» (p. 34 du pamphlet).


XII. — Résolution relative à l’Angleterre.


La Conférence invite le Conseil général à aviser les branches anglaises de Londres de former un Comité fédéral pour Londres, lequel, après s'être mis en rapport avec les branches provinciales et les sociétés de résistance affiliées, et après avoir reçu leur adhésion, sera reconnu par le Conseil général comme Conseil fédéral anglais.


La Conférence approuvait donc, en 1871, cette constitution d'un Conseil régional ou fédéral anglais qu'en 1870 la « Communication privée » du Conseil général avait repoussée par des arguments si péremptoires (t. Ier, pages 264-266).


XIII. — Votes particuliers de la Conférence.


1. — La Conférence approuve l’adjonction des réfugiés de la Commune de Paris que le Conseil général a admis dans son sein.

2. — La Conférence déclare que les ouvriers allemands ont rempli leur devoir pendant la guerre franco-allemande[33].

3. — La Conférence remercie fraternellement les membres de la Fédération espagnole pour leur travail sur l'organisation de l'Internationale, qui prouve une fois de plus leur dévouement à l'œuvre commune[34].

4. — Le Conseil général fera immédiatement la déclaration formelle que l'Association internationale est absolument étrangère à la soi-disant conspiration[35] Netchaïef, lequel a frauduleusement usurpé et exploité le nom de l’Internationale.


XIV. — Instruction au citoyen Outine.


Le citoyen Outine est invité à publier dans le journal l’Égalité (Genève) un résumé du procès Netchaïef d'après les journaux russes et d'en communiquer le manuscrit, avant publication, au Conseil général[36].


XV. — Convocation du prochain Congrès.


La Conférence laisse à l'appréciation du Conseil général le soin de fixer, selon les événements, la date et le siège du prochain Congrès ou de la Conférence qui le remplacerait.


Ce fut là, à nos yeux, la plus dangereuse des résolutions de la Conférence. Les autres offraient moins de péril : il suffisait de ne pas les reconnaître et de les faire annuler formellement par le prochain Congrès. Mais la résolution XV nous menaçait précisément de la suppression de ce Congrès ; elle autorisait le Conseil général à remplacer indéfiniment les Congrès généraux par des Conférences à huis-clos, qui seraient, comme celle de Londres, toujours composées d'une majorité d'hommes à sa dévotion. Devant cette tentative pour perpétuer le despotisme du Conseil général, nos Sections sentirent la nécessité d'une protestation immédiate.


XVI. — Alliance de la démocratie socialiste.


Considérant :

Que l'Alliance de la démocratie socialiste s'est déclarée dissoute (lettre au Conseil général datée de Genève, 10 août 1871, signée par le citoyen Joukovsky, secrétaire de l'Alliance) ;

Que dans sa séance du 18 septembre la Conférence a décidé[37] que toutes les organisations existantes de l'Association internationale des travailleurs seront, conformément à la lettre et à l'esprit des Statuts généraux, désormais obligées à s'appeler et à se constituer simplement et exclusivement comme branches, sections, etc., de l'Association internationale des travailleurs avec les noms de leurs localités respectives attachés ; qu'il sera donc défendu aux branches et sociétés existantes de continuer à se désigner par des noms de secte, c'est-à-dire comme groupes mutualistes (sic), positivistes, collectivistes, communistes, etc. ;

Qu'il ne sera plus permis à aucune branche ou société déjà admise de continuer à former un groupe séparatiste sous la désignation de « Section de propagande », « Alliance de la démocratie socialiste», etc., se donnant des missions spéciales en dehors du but commun poursuivi par la masse du prolétariat militant réuni dans l'Association internationale des travailleurs ;

Qu'à l'avenir le Conseil général de l'Association internationale des travailleurs devra interpréter et appliquer dans ce sens la résolution administrative du Congrès de Bâle n° V : « Le Conseil général a le droit d'admettre ou de refuser l'affiliation de toute nouvelle société ou groupe, sauf l'appel au prochain Congrès » ;

La Conférence déclare vidé l'incident de l'Alliance de la démocratie socialiste.


« Nous ne nous attendions guère, après cette déclaration que l'incident était vidé, à voir faire tant de tapage au Congrès de la Haye à propos de la même question[38]. »


XVII. — Différend entre les deux Fédérations de la Suisse romande[39]


Quant à ce différend :

1. — La Conférence doit, de prime abord, considérer les fins de non-recevoir mises en avant par le Comité fédéral des Sections des Montagnes qui n'appartiennent pas à la Fédération romande[40] (voir la lettre du 4 septembre adressée à la Conférence par le Comité fédéral de ces Sections).

Première fin de non-recevoir :

« Le Congrès général, — dit-on, — convoqué régulièrement, peut seul être compétent pour juger une affaire aussi grave que celle de la scission dans la Fédération romande. »

Considérant :

Que lorsque des démêlés s'élèveront entre les sociétés ou branches d'un groupe national, ou entre des groupes de différentes nationalités, le Conseil général aura le droit de décider sur le différend, sauf appel au Congrès prochain, qui décidera définitivement (voir n° VII des résolutions du Congrès de Bâle) ;

Que d'après la résolution VI du Congrès de Bâle, le Conseil général a également le droit de suspendre jusqu'au prochain Congrès une Section de l'Internationale ;

Que ces droits du Conseil général ont été reconnus, quoique seulement en théorie, par le Comité fédéral des branches dissidentes des Montagnes : parce que le citoyen R.[41], à différentes reprises, a sollicité le Conseil général, au nom de ce Comité, de prendre une résolution définitive sur cette question (voir les procès-verbaux du Conseil général) ;

Que les droits de la Conférence, s'ils ne sont pas égaux à ceux d'un Congrès général, sont, en tous cas, supérieurs à ceux du Conseil général ;

Qu'en effet, ce n'est pas le Comité fédéral de la Fédération romande[42], mais bien le Comité fédéral des branches dissidentes des Montagnes, qui, par l'intermédiaire du citoyen R., a demandé la convocation d'une Conférence pour juger définitivement ce différend (voir le procès-verbal du Conseil général du 25 juillet 1871[43]) ;

Par ces raisons :

Quant à la première fin de non-recevoir, la Conférence passe outre.

Deuxième fin de non-recevoir :

« Il serait » — dit-on — « contraire à l'équité la plus élémentaire que de se prononcer contre une Fédération à laquelle on n'a pas procuré les moyens de défense... Nous apprenons aujourd'hui, indirectement, qu'une Conférence extraordinaire est convoquée à Londres pour le 17 septembre... Il était du devoir du Conseil général d'en aviser tous les groupes régionaux ; nous ignorons pourquoi il a gardé le silence à notre égard. »

Considérant :

Que le Conseil général avait instruit tous ses secrétaires de donner avis de la convocation d'une Conférence aux Sections des pays respectifs qu'ils représentent ;

Que le citoyen Jung, secrétaire correspondant pour la Suisse, n'a pas avisé le Comité des branches jurassiennes pour les raisons suivantes

En violation flagrante de la décision du Conseil général du 28 juin 1870[44], ce Comité, comme il le fait encore dans sa dernière lettre adressée à la Conférence, continue à se désigner comme Comité de la Fédération romande.

Ce Comité avait le droit de faire appel de la décision du Conseil général à un Congrès futur, mais il n'avait pas le droit de traiter la décision du Conseil général comme non avenue.

Par conséquent, il n'existait pas légalement vis-à-vis du Conseil général, et le citoyen Jung n'avait pas le droit de le reconnaître en l'invitant directement à envoyer des délégués à la Conférence[45].

Le citoyen Jung n'a pas reçu de la part de ce Comité des réponses à des questions faites au nom du Conseil général[46] ; depuis l'admission du citoyen R. au Conseil général, les demandes du Comité susdit ont toujours été communiquées au Conseil général par l'intermédiaire du citoyen R., et jamais par le secrétaire correspondant pour la Suisse[47].

Considérant encore :

Qu'au nom du Comité susdit, le citoyen R. avait demandé de référer le différend d'abord au Conseil général, et puis, sur le refus du Conseil général, à une Conférence[48] ; que le Conseil général et son secrétaire correspondant pour la Suisse étaient donc bien fondés à supposer que le citoyen R. informerait ses correspondants de la convocation d'une Conférence, demandée par eux-mêmes ;

Que la commission d'enquête nommée par la Conférence pour étudier le différend suisse a entendu le citoyen R. comme témoin ; que tous les documents communiqués au Conseil général par les deux parties ont été soumis à cette commission d'enquête ; qu'il est impossible d'admettre que le Comité susdit ait seulement été informé le 4 septembre de la convocation de la Conférence, attendu que déjà au courant au mois d'août il avait offert au citoyen M.[49] de l'envoyer comme délégué à la Conférence ;

Par ces raisons :

Quant à la seconde fin de non-recevoir, la Conférence passe outre.

Troisième fin de non-recevoir :

« Une décision » — dit-on — « annulant les droits de notre Fédération aurait les plus funestes résultats quant à l'existence de l'Internationale dans notre contrée. »

Considérant : Que personne n'a demandé d'annuler les droits de la Fédération susdite.

La Conférence passe outre.

2. — La Conférence approuve la décision du Conseil général du 28 juin 1870.

Considérant en même temps les poursuites auxquelles se trouve en butte l'Internationale, la Conférence fait appel à l'esprit de solidarité et d'union, qui plus que jamais doit animer les travailleurs.

Elle conseille aux braves ouvriers des Sections des Montagnes de se rallier aux Sections de la Fédération romande. Dans le cas où cette union ne pourrait se faire, elle décrète (sic)[50] que la Fédération des Sections des Montagnes se nommera : Fédération jurassienne.

Elle donne avis que désormais le Conseil général sera tenu à dénoncer et à désavouer tous les journaux, se disant organes de l'Internationale, qui, en suivant l'exemple donné par le Progrès et la Solidarité, discuteraient dans leurs colonnes, devant le public bourgeois, des questions à traiter exclusivement dans le sein des comités locaux, des Comités fédéraux et du Conseil général, ou dans les séances privées et administratives des Congrès, soit fédéraux, soit généraux.


Voici la réponse que le Mémoire de la Fédération jurassienne (p. 216) a faite à ce long factum, — duquel Marx a dû dire aussi, comme il l'a dit, dans sa Confidentielle Mittheilung, de la résolution du Conseil général du 22 décembre 1868 : ganz « richterlich » gehalten, aber in seinen Erwägungsgründen voller Ironie :


Nous ne nous arrêterons pas à réfuter l'argumentation de ce long décret. Il ne s'agit pas, pour nous, de subtiliser pour déterminer si le Conseil général avait oui ou non agi en vertu des résolutions de Bâle, ou pour fixer exactement en quoi les attributions d'une Conférence diffèrent de celles d'un Congrès général. Il s'agit d'affirmer hautement le principe de l'autonomie des fédérations, et de protester contre tout acte émanant soit d'un Conseil général, soit d'une Conférence, soit d'un Congrès, qui porterait atteinte à cette autonomie, parce qu'un acte pareil est, à nos yeux, destructif des bases mêmes de l'Association internationale. Il nous est donc absolument indifférent d'avoir les textes juridiques pour nous ou contre nous, puisque notre protestation se fonde sur le droit naturel ; et que c'est au nom du droit naturel et inaliénable que possède tout groupe d'hommes de s'organiser de la manière qui lui convient, que nous avons levé les premiers, après la Conférence de Londres, la bannière de l'insurrection contre le parti autoritaire.

Mais il y a, dans cet arrêt rendu contre nous, des faussetés matérielles que nous ne pouvons pas laisser passer sans les indiquer.

On y prétend que «le citoyen R., à différentes reprises, a sollicité le Conseil général, au nom de ce Comité (notre Comité fédéral), de prendre une résolution définitive sur cette question ». — C'est faux.

On y prétend que « c'est le Comité fédéral des branches dissidentes des Montagnes qui, par l'intermédiaire du citoyen R., a demandé la convocation d'une Conférence pour juger définitivement ce différend ». — C'est faux.

On y prétend que « depuis l'admission du citoyen R. au Conseil général, les demandes du Comité susdit ont toujours été communiquées au Conseil général par l'intermédiaire du citoyen R., et jamais par le secrétaire correspondant pour la Suisse ». — C'est faux.

On y prétend que, « au nom du Comité susdit, le citoyen R. avait demandé de référer le différend d'abord au Conseil général, et puis, sur le refus du Conseil général, à une Conférence ». — C'est faux.

Jamais le citoyen R. n'a reçu aucun mandat quelconque du Comité fédéral de la Fédération romande des Montagnes. Nous l'affirmons de la façon la plus catégorique.

Donc jamais le citoyen R. n'a pu faire aucune démarche quelconque auprès du Conseil général au nom de ce Comité.

Jamais le citoyen R. n'a eu à communiquer aucune demande de ce Comité au Conseil général.

Deux lettres seulement ont été écrites par le Comité des Montagnes au Conseil général : la première en avril 1870, la seconde en août 1871. Ces lettres ont été toutes deux adressées au citoyen H. Jung, secrétaire correspondant pour la Suisse[51].

On voit que le mensonge ne coûte rien à la coterie Marx.

Plus loin, il est dit, dans un autre considérant, qu' « il est impossible d'admettre que le Comité susdit ait seulement été informé le 4 septembre de la convocation de la Conférence, attendu que, déjà au courant du mois d'août, il avait offert au citoyen M. de l'envoyer comme délégué à la Conférence ».

Il est certain que ce n'est pas le 4 septembre seulement que notre Comité fédéral a appris, indirectement, la convocation de la Conférence, et qu'en effet nous en avions été informés déjà au mois d'août. Personne n'a jamais prétendu le contraire, et il était inutile de se donner l'air de nous en faire la démonstration. Le mot aujourd'hui, dans la lettre de notre Comité fédéral, ne signifie pas nécessairement ce jour même : il faut comprendre bien mal le français pour l'entendre dans ce sens.

L'accusation portée contre le Progrès et la Solidarité est absolument mensongère en ce qui concerne le premier de ces deux journaux. Nous avons déjà dit que, pendant tout le cours de sa publication, le Progrès n'a parlé que trois fois du Conseil général, et chaque fois d'une manière amicale... Ajoutons que le Progrès ayant déjà cessé de paraître avant le Congrès de la Chaux-de-Fonds d'avril 1870, c'est-à-dire avant la scission de la Fédération romande[52], il serait ridicule de notre part de réfuter sérieusement les gens qui prétendraient que le Progrès a discuté cette question devant le public bourgeois.

Quant à la Solidarité, il est évident qu'elle devait discuter cette question-là ; elle ne pouvait s'en abstenir, les choses en étaient arrivées à un point où la publicité était devenue indispensable. D'ailleurs, comment ose-ton faire un crime à la Solidarité d'une polémique dont l'Égalité lui avait donné l'exemple ? Nous avons reproduit plus haut les principaux articles des deux journaux après la scission : on a pu juger suffisamment quel est celui des deux dont l'attitude a été la plus convenable, et qui a cherché sincèrement la conciliation ; et nous sommes certains que les lecteurs impartiaux renverront à l'Égalité de 1870 le blâme que le Conseil général a voulu infliger au Progrès et à la Solidarité.

La conclusion des interminables considérants de ce jugement dérisoire, c'est un arrêt formulé ainsi :

« La Conférence décrète que la Fédération des Montagnes se nommera Fédération jurassienne. »

Ici nous nous abstenons de tout commentaire. Les meneurs de la Conférence se croyaient si sûrs du triomphe de leur despotisme, qu'ils ne prenaient plus la peine de masquer leur insolence ; elle éclatait jusque dans la rédaction de leurs ukases. L'autonomie des fédérations était audacieusement souffletée.

Les internationaux des Montagnes jurassiennes allaient relever le gant.


Outre les dix-sept résolutions imprimées, il y en avait d'autres qui ne furent pas publiées, et au sujet desquelles on lit la note suivante à la fin de la brochure Résolutions des délégués de la Conférence :


Note. — Les résolutions de la Conférence qui ne sont pas destinées à la publicité seront communiquées aux Conseils fédéraux des divers pays par les secrétaires correspondants du Conseil général.


Ces résolutions-là nous sont, naturellement, demeurées inconnues.



  1. Cette historiette a été tirée du Mémoire justificatif de Robin, qui l’avait extraite d’une lettre à lui écrite par Joukovsky le 13 septembre. Dans le Mémoire de la Fédération jurassienne, on a imprimé que Grosselin avait eu 200 voix ; j’ai rectifié cette erreur d’après le texte de la lettre de Joukovsky, où il est parlé de « 200 votants, avec 150 voix pour Grosselin, 28 pour Perret ».
  2. On trouvera ce paragraphe plus loin (p. 208).
  3. Cet alinéa est également tiré du Mémoire de Robin.
  4. Après la Commune, le Conseil général, qui avait déjà admis dans son sein Robin, en octobre 1870, à titre de réfugié français, s’adjoignit un certain nombre de notabilités de la proscription communaliste : E. Vaillant, Ch. Longuet, Constant Martin, André Bastelica, Wroblewski, Léo Fränkel. Il se fit décerner à ce sujet par la Conférence un vote d’approbation.
  5. Cet espion, qui fut démasqué peu après, avait réussi à se faufiler dans une Section fondée à Londres par des réfugiés de la Commune sous le nom de Section française de 1871.
  6. On l’a vu plus haut, dans l’extrait du Mémoire de la Fédération jurassienne. Vaillant et Bastelica, membres nouvellement entrés au Conseil général, furent désignés par ce Conseil pour représenter le prolétariat français, en compagnie de Serraillier, secrétaire correspondant pour la France.
  7. Les séances de la Conférence eurent lieu dans une auberge à l’enseigne des Blue Posts, près de Tottenham Court Road.
  8. De Paepe a toujours témoigné à Marx beaucoup de déférence. Sur la façon dont Marx et Engels, en retour, jugeaient De Paepe, voir une note vers la fin du chap. VI de la Quatrième Partie.
  9. Les prétendues scissions dans l'Internationale, circulaire privée du Conseil général, 5 mars 1872. Il en sera parlé au chap. V de la Quatrième Partie.
  10. C'est la lettre signée Schwitzguébel, du 4 septembre : voir ci-dessus p. 188.
  11. Voir ci-dessus pages 17-18, 40 et 176.
  12. Lorsque Robin était arrivé à Londres avec sa famille, sans ressources, en octobre 1870, Marx lui avait avancé une somme de trois livres st. et demie (87 fr. 50) que Robin, ayant trouvé du travail, put lui rendre au bout de deux mois.
  13. Robin avait connu Fränkel à Paris, et l'avait ensuite accueilli fraternellement lorsque celui-ci, dans l'été de 1871, quitta Genève, où il s'était réfugié d'abord, pour Londres. Mais l'influence de Marx eut bien vite brouillé Fränkel avec son ancien ami.
  14. À la suite d'une sauvage agression des nationalistes de Madrid contre une manifestation organisée, le 2 mai 1871, par les socialistes espagnols et français, Borrel s'était complètement retiré du mouvement. Angel Mora, frère de Francisco Mora, resta à Madrid pour pouvoir, en continuant à y travailler de son métier de charpentier, aider pécuniairement son frère, secrétaire du Conseil fédéral.
  15. Morago avait donné sa démission de membre du Conseil fédéral à la suite de circonstances dont il sera parlé au chapitre III de la quatrième Partie.
  16. C'est celui qui, ayant changé de prénom, s'appelle aujourd'hui « Pablo » Iglesias.
  17. Ce José Mesa, qui prenait la qualité de « typographe » comme membre du Conseil fédéral, était en réalité journaliste ; il était attaché comme chroniqueur, aux appointements mensuels de cinquante duros (250 fr.). à la rédaction d'un journal de modes de Madrid, la moda elegante ; c'est comme « journaliste » qu'il avait été admis dans la Section des métiers divers (Sección Varia) de la Fédération madrilène, dont il était membre ; s'il eût été typographe, il aurait fait partie de la Section des typographes (Sección de tipógrafos de la Federación madrileña), à laquelle appartenaient Lorenzo, Iglesias et Pauty.
  18. Anselmo Lorenzo, El Proletariado militante p. 314.
  19. Lorenzo veut dire « au local de la Conférence ». La Conférence, on l'a vu, se réunit à l'auberge des Blue Posts, près de Tottenham Court Road. Les séances du Conseil général avaient lieu à High Holborn, n° 256.
  20. Lorenzo fait allusion à Bastelica.
  21. Anselmo Lorenzo, Ibid., pages 317-322.
  22. Cette « défense » n’a nullement empêché le Kommunistischer Arbeiterhildungsverein de Londres, société adhérente à l'Internationale et dont faisaient partie Eccarius, Marx, Engels, Lessner, etc.. de continuer à se donner l'épithète de communiste. Deux poids et deux mesures.
  23. On remarquera l'emploi de ce mot originaux, calculé pour faire croire que les statuts publiés en français après le Congrès de Genève en 1866 n'avaient pas la valeur d'un texte authentique, et que celui-ci devait être cherché dans l'édition anglaise des statuts (provisoires, ne pas l'oublier) publiée en 1864.
  24. Comme corollaire de cet « Attendu », la Conférence, par une résolution spéciale qui ne figure pas au nombre des dix-sept résolutions contenues dans la brochure, chargea le Conseil général « de publier, en anglais, en français, en allemand, une nouvelle édition authentique, et revisée, des statuts et règlements généraux ». Cette publication, datée du 24 octobre 1871, et intitulée « Édition officielle, revisée par le Conseil général », contient un Appendice où on déclare (dans l'édition française) que le texte français publié dans l'édition de Genève en 1866 « était défectueux sous bien des rapports », parce que « l'édition française (1864) des statuts provisoires de Londres avait été adoptée à Genève, comme une traduction fidèle », tandis qu'au contraire, « faute d'une connaissance suffisante de l'anglais, plusieurs paragraphes des statuts avaient été mal traduits », et qu'en outre « le Comité de Paris, d'où émane cette traduction, avait introduit des changements importants dans les considérants ». D'ailleurs, ajoutait le rédacteur de l'Appendice, une note de la p. 27 de la brochure imprimée à Genève avertissait que « le texte officiel et obligatoire des statuts et règlements serait publié par le Conseil général de Londres dans son compte-rendu du Congrès », compte-rendu le Conseil ne publia pas. En conséquence, le Conseil général déclare qu'il a fait au texte français, dans cette « Édition officielle révisée », les changements « nécessaires pour le rendre conforme à l’original anglais, et qui ont été prescrits par une résolution de la Conférence ».
  25. C'est à dire de l’Édition officielle dont la publication fut prescrite par la Conférence de Londres.
  26. Robin cite d'après l'édition anglaise. Je ne possède plus que l'édition française.
  27. Voilà la première erreur commise par Robin. Il a cru que le texte français était le seul texte qu'eût adopté le Congrès de Genève ; il ne savait pas que si les délégués français avaient volé sur un texte français, les délégués anglais, eux, avaient voté sur un texte anglais, et les délégués allemands sur un texte allemand, et que le premier de ces trois textes différait des deux autres. En conséquence, il a cru que le texte anglais était une traduction, et une traduction volontairement altérée, du texte français qu'il regardait comme seul authentique.
  28. Au sujet de cette note, voir t. Ier, p. 24.
  29. Il est bien certain que le texte anglais des statuts est le texte original, dans ce sens que c'est celui qui fut rédigé par Marx. Mais il n'eut jamais, de 1864 à 1866, que l'autorité d'un texte provisoire. Au Congrès de Genève, ce texte provisoire fut remanié et complété, et, à partir du 3 septembre 1866, il y eut un texte définitif, en trois langues ; mais malheureusement les trois versions, toutes les trois également authentiques et adoptées par le Congrès de Genève, ne concordaient pas exactement entre elles.
  30. Oui, le français, pour ce qui concerne les considérants, qui furent adoptés à Genève sans modification, est une traduction : c'est bien vrai, et Robin s’est trompé. Mais il faut ajouter qu’à partir de son adoption par le Congrès, cette version française, qui s’écartait en plusieurs points du texte anglais, se trouva avoir reçu une autorité égale à celle que le Congrès avait donné à celui-ci.
  31. Autre erreur de Robin. On a vu (t. Ier, p. 38 que le Congrès de Lausanne (1867) avait accordé ce droit au Conseil général ; et ce n'est qu'après ce Congrès que le Conseil publia l'édition des statuts où il avait ajoute cette disposition à l’article 3. Il est vrai que le Congrès de Lausanne n'avait donné cette faculté au Conseil général que pour l'année courante, et que celui-ci la transforma en une disposition statutaire.
  32. Ce n’est pas un « alinéa » ; ce sont ces sept mots intercalés dans une phrase : with power to add to their members. Je n’avais pas vu de mes yeux cette édition anglaise, dont l’existence m’avait été signalée par Robin. Quant à l’édition française de 1867, je ne l’ai connue qu’en 1905 : voir tome Ier, p. 57.
  33. Je m'abstiens de tout commentaire sur cette étonnante déclaration. Qu'on remarque bien que ce n'est pas l'attitude du Comité de Brunswick-Woffenbütten que la Conférence approuve, mais celle des « ouvriers allemands » en général, dont des centaines de mille avaient marché sous les drapeaux de leurs souverains contre le peuple de France.
  34. C'est cet alinéa que Robin appelle bien justement, un « paragraphe dans lequel on mettait insolemment au panier, avec accompagnement d'eau bénite de cour, les vœux clairement énoncés de toute une Fédération ».
  35. Ces mots : « la soi-disant conspiration » sont une traduction maladroite et incorrecte de l'expression allemande ou anglaise « die sogenannte Verschwörung », « the so-called conspiration ».
  36. Ceci était l'invitation, adressée à Outine, de profiter du procès qui venait d'avoir lieu à Saint Pétersbourg pour continuer à diffamer Bakounine. Si on veut juger de l'esprit dans lequel Outine devait « résumer le procès Netchaïef », il faut lire dans le pamphlet L'Alliance de la démocratie socialiste (1873) le chapitre VIII, « L'Alliance en Russie ».
  37. Résolution II.
  38. Mémoire de la Fédération jurassienne, p. 213.
  39. La brochure Résolutions des délégués de la Conférence ne donne le texte de cette résolution XVII qu'en abrégé, et avertit que la résolution sera imprimée in-extenso dans l'Égalité de Genève. C'est le texte complet, tel qu'il se trouve dans l'Égalité du 26 octobre 1871, que je donne ici.
  40. Ainsi la Conférence osait prétendre que nos Sections « n'appartenaient pas à la Fédération romande » ; elle nous excluait, par ce seul trait de plume, d'une Fédération dont nous avions été les premiers fondateurs et dont nous avions tenu, jusqu'à ce moment, à conserver le nom.
  41. C'est Robin que la résolution désigne par cette initiale.
  42. C'est au Comité fédéral de Genève que la résolution donne ce titre.
  43. La mention de cette date du 25 juillet constitue une manœuvre jésuitique, dont on va voir la signification. C'est le 16 mars 1871 que Robin — à notre insu d'ailleurs et de sa propre initiative (voir p. 173) — avait proposé au Conseil général la réunion d'une Conférence destinée à remplacer le Congrès de 1870 (et non le Congrès de 1871), et qui pourrait s'occuper, non de juger, mais d'apaiser le différend de l'Internationale parisienne, ainsi que celui des deux fractions de la Fédération romande. Cette proposition fut rejetée. Le 23 juillet, Marx et Engels formulèrent, et firent adopter au Conseil général, la proposition de convoquer une Conférence qui remplacerait le Congrès de 1871 ; c'est ce même jour que Robin posa au Conseil la question relative à l'authenticité des lettres d'Eccarius et de Jung. En invoquant le témoignage du procès-verbal du 25 juillet, on cherche à créer une équivoque, à faire croire que la proposition de Robin était celle de Marx et d'Engels et s'appliquait à la Conférence convoquée pour le mois de septembre 1871 ; et on ajoute faussement qu'elle émanait de notre Comité fédéral.
  44. Voir ci-dessus (p. 55).
  45. Il résulte de cette théorie que si un délégué des Sections du Jura et du Comité fédéral de Saint-Imier s'était rendu à Londres, la Conférence aurait refusé de l'admettre à siéger.
  46. C'est toujours la vieille histoire de la lettre adressée par Jung, en avril 1870, non à notre Comité fédéral, mais à moi (voir ci-dessus, p. 18). Le Comité fédéral jugea qu'il n'avait pas à répondre à une lettre qui ne lui était pas adressée, et qui avait le caractère d'une simple correspondance privée. Il avait écrit au Conseil général une lettre officielle, à la date du 7 avril, lettre dont la réception a été reconnue par Marx, et il attendait une réponse à cette lettre : la réponse ne vint jamais.
  47. C'est là une assertion complètement inexacte.
  48. Sur ce point, outre les explications déjà données antérieurement et qui démontrent l'inexactitude de cette assertion, on verra plus bas la réponse faite par le Mémoire de la Fédération jurassienne.
  49. Cette initiale désigne Malon. Voir ci-dessus p. 188.
  50. La brochure Résolutions des délégués de la Conférence a remplacé le verbe décrète, qu'on lit dans le texte donné par l’Égalité, et qui décelait trop crûment l'esprit dont nos adversaires étaient animés, par le verbe décide.
  51. Une lettre de notre comité fédéral a été transmise par l'intermédiaire de Robin, celle du 4 septembre 1871 ; mais cette lettre était adressée à la Conférence, non au Conseil général.
  52. Son dernier numéro est du 2 avril 1870.