L’Ombre des jours/L’étreinte
L’ÉTREINTE
Ô Rhodon, nos deux cœurs en nous sont épanchés,
Comme si nous avions goûté leur eau vivace
Ainsi que nous mordions les fruits des branches basses,
Appuyés à l’arbre pêcher.
Tous tes jeux jusqu’ici, les rires et les danses,
Et les brusques chagrins, l’espoir et ses détours,
Appelaient ma venue et préparaient l’amour,
Mais les embrassements ont bien d’autres stridences.
Sur le chemin par où mes yeux t’ont vu venir,
Un jour je te suivrai, les paupières baissées,
Afin de retenir dans l’ombre des pensées
Toute la force du plaisir.
La suivante saison ne sera plus si belle,
Viens, laisse ta maison, tes sœurs, tes jeux épars.
Vois, il n’y a que toi, que moi, que nos regards
Qui comme des ramiers dans la forêt s’appellent.
Je tremble, tout s’efface, il n’y a plus que nous ;
Le ciel est chancelant, l’espace se resserre,
Il n’y a plus que toi et que moi sur la terre
Et l’étroit hiver rapproche nos genoux.
Autour de mon corps las que ton image habite
J’ai porté tout le jour ton ardent souvenir
Roulé comme un ruban d’angoisse et de désir
Qui m’enserre et me précipite…
Ah ! quel effroi divin en mon audace hésite !
Mon cœur est comme un bois où les dieux vont venir ! …