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L’Ombre des jours/Les Ombres

La bibliothèque libre.
Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 19-21).


LES OMBRES


Quand ayant beaucoup travaillé
J’aurai, le cœur de pleurs mouillé,
Cessé de vivre,
J’irai voir le pays où sont
Tous les bons faiseurs de chansons
Avec leur livre.


Chère ombre de François Villon
Qui comme un grillon au sillon
Te fis entendre.
Que n’ai-je pu presser tes mains
Quand on voulait sur les chemins
Te faire pendre.

Verlaine qui vas titubant,
Chantant et semblable au dieu Pan
Aux pieds de laine,
Es-tu toujours simple et divin,
Ivre de ferveur et de vin,
Bon saint Verlaine ?

Et vous dont le destin fut tel
Qu’il n’en est pas de plus cruel,
Pauvre Henri Heine,
Ni de plus beau chez les humains.
Mettez votre front dans mes mains,
Pensons à peine.


Moi, par la vie et ses douleurs,
J’ai goûté l’ardeur et les pleurs
Plus qu’on ne l’ose…
Laissez que, lasse, près de vous,
Ô mes dieux si sages et fous,
Je me repose…