L’Origine de nos Idees du Sublime et du Beau/PIII XIV
Pichon et Depierreux, (p. 204-205).
Une autre propriété qu’on remarque toujours dans les beaux corps, c’est l’uni ou le poli [1] ; qualité si essentielle à la beauté, que je ne sache pas qu’il existe aucune belle chose qui n’en soit douée. Dans les arbres et dans les fleurs, les feuilles unies et polies sont belles ; les pentes unies dans les jardins, et dans les paysages, le cristal uni et poli des ruisseaux : ne met-on pas au rang des beautés animales, le plumage uni et poli des oiseaux, les fourrures unies et douces des quadrupèdes ? Les femmes, ces êtres formés de beautés, en ont-elles une plus séduisante que la finesse, et, pour ainsi dire, le poli de la peau ? Enfin, les ouvrages d’ornement même ne sont beaux qu’autant qu’ils présentent des surfaces unies et polies. C’est à cette qualité que la beauté doit une très-grande partie de son pouvoir, disons même la plus considérable ; en effet, prenez un bel objet quelconque, donnez-lui une surface inégale et rude ; aussitôt il cesse de plaire, quelque parfait qu’il puisse être à d’autres égards : au lieu que, le dépouillant de ses autres qualités constituantes, si vous lui laissez celle du poli, il plaira plus par celle-ci que par presque toutes les autres sans elle. Cela me semble si évident, que je suis extrêmement surpris qu’aucun de ceux qui ont traité ce sujet, n’ait compris l’uni et le poli dans l’énumération de qualités qui concourent à former la beauté : car toute surface raboteuse, tout angle saillant est dans le plus haut degré contraire à cette idée.
- ↑ Part.IV, seet. 21.